Glǽmscrafu - The Wanderer

Oft him ánhaga áre gebídeð,

Souvent le solitaire s’attend à la faveur,

metudes miltse, þéah þe hé módcearig

la miséricorde du Tout-Puissant, quoique perclus d’angoisse,

geond laguláde longe sceolde

par le chemin de l’eau bien souvent il ait dû

hréran mid hondum hrímcealde sǽ

agiter de ses mains la mer glaciale,

wadan wræclástas. Wyrd bið ful arǽd!

prendre les voies de l’exil. Le destin est inexorable !

Swá cwæð eardstapa, earfeþa gemyndig,

Ainsi parla l’errant au souvenir de peines,

wraþra wælsleahta, winemǽga hryre:

de terribles massacres, de la chute de proches :

Oft ic sceolde ána úhtna gehwylce

Souvent j’ai dû, tout seul, à chaque aube du jour,

míne ceare cwiþan. Nis nú cwicra nán

exhaler mon chagrin. Il n’est plus maintenant

þe ic him módsefan mínne durre

personne des vivants à qui clairement j’ose

sweotule ásecgan. Ic tó sóþe wát

exprimer mon humeur. Je sais en vérité

þæt biþ in eorle indryhten þéaw,

que chez le brave c’est un très noble usage

þæt he his ferðlocan fæste binde,

que de tenir fermé le clos de son esprit,

healde his hordcofan, hycge swá hé wille.

de garder son trésor et penser à sa guise.

Ne mæg wérig mód wyrde wiðstondan,

L’âme lasse ne peut résister au destin

ne se hréo hyge helpe gefremman.

ni cette rude pensée lui venir en aide.

Forðon dómgeorne dréorigne oft

C’est pourquoi très souvent les ambitieux renferment

in hyra bréostcofan bindað fæste;

la mélancolie au creux de leur poitrine ;

swá ic módsefan mínne sceolde,

pareillement, à mon humeur,

oft earmcearig, éðle bidǽled,

moi, souvent misérable, privé de mon pays,

fréomǽgum feor feterum sǽlan,

loin de ma parenté, j’ai dû mettre des chaînes.

siþþan geára iú goldwine mínne

Car il y a des années que mon maître large en or,

hrusan heolstre biwráh, ond ic héan þonan

je l’ai enveloppé du manteau de la terre ;

wód wintercearig ofer waþema gebind,

puis, fol indigent accablé par l’hiver, j’ai passé la foule des vagues,

sóhte seledréorig sinces bryttan,

cherchant tristement la demeure d’un donneur de trésor,

hwǽr ic feor oþþe néah findan meahte

où, de près ou de loin, dans la salle à miessée,

þone þe in meoduhealle míne wisse,

je puisse trouver celui qui connut les miens,

oþþe mec fréondléasne fréfran wolde,

ou voudrait me consoler, moi le sans ami,

wenian mid wynnum. Wát se þe cunnað

me réconforter de plaisirs. Il sait, celui qui l’a connue,

hú slíþen bið sorg tó geféran

combien l’affliction est compagne cruelle

þám þe him lyt hafað léofra geholena:

à celui qui a peu de soutiens bienveillants :

warað hine wræclást, nales wunden gold,

l’attend la voie de l’exil, et point l’or torsadé,

ferðloca fréorig, nalæs foldan blǽd.

une enveloppe grelottante, point la richesse de la terre.

Gemon hé selesecgas ond sincþege,

Il se souvient des hommes de la salle et des trésors reçus,

hú hine on geoguðe his goldwine

comment dans sa jeunesse son maître large en or

wenede tó wiste. Wyn eal gedréas!

l’entraînait au banquet. Toute joie a péri !

Forþon wát se þe sceal his winedryhtnes

Il sait donc, celui qui doit se passer

léofes lárcwidum longe forþolian,

des préceptes de son cher seigneur et ami,

ðonne sorg ond slǽp somod ætgædre

que souvent lorsque ensemble affliction et sommeil

earmne ánhogan oft gebindað,

viennent à ligoter le pauvre solitaire,

þinceð him on móde þæt he his mondryhten

il s’imagine en esprit son seigneur,

clyppe ond cysse, ond on cnéo lecge

qu’il l’étreint et l’embrasse, et que sur son genou

honda ond héafod, swá hé hwílum ǽr

il pose mains et tête, comme parfois jadis,

in geárdagum giefstólas bréac.

du temps qu’il prospérait grâce au trône et ses dons.

Ðonne onwæcneð eft wineléas guma,

Puis quand l’homme sans ami se réveille,

gesihð him biforan fealwe wegas,

il voit des routes bistres s’étendre devant lui,

baþian brimfuglas, brǽdan feþra,

les oiseaux de mer se baigner puis étendre leurs plumes,

hréosan hrím ond snáw hagle gemenged.

neige et gelée s’abattre entremêlées de grêle.

Þonne béoð þý hefigran heortan benne,

Alors les blessures du cœur lui sont d’autant plus lourdes,

sáre æfter swǽsne. Sorg bið geniwad

douloureuses du maître. L’affliction est renouvelée

þonne mága gemynd mód geondhweorfeð;

quand le souvenir des proches lui traverse l’esprit ;

gréteð gliwstafum, georne geondscéawað

il salue avec joie et regarde ardemment

secga geseldan; swimmað oft on weg

ses camarades guerriers. Puis ils s’en vont flotter au loin !

fléotendra ferð no þǽr fela bringeð

L’esprit de ces vogueurs ne lui apporte guère

cúðra cwidegiedda. Cearo bið geniwad

de ballades connues. Le chagrin est renouvelé

þám þe sendan sceal swíþe geneahhe

pour lui qui doit fort fréquemment lancer

ofer waþema gebind wérigne sefan.

son esprit épuisé au-delà de la foule des vagues.

Forþon ic geþencan ne mæg geond þás woruld

Et donc, de par ce monde, je ne puis concevoir

for hwán módsefa mín ne gesweorce

pourquoi mon humeur ne s’assombrirait pas

þonne ic eorla líf eal geondþence,

lorsque je considère toute la vie des braves,

hú hí fǽrlice flet ofgéafon,

comment ils ont quitté tout soudain le plancher,

módge maguþegnas. Swá þes middangeard

ces courageux féaux. Ainsi ce monde nôtre

ealra dógra gehwám dréoseð ond fealleð.

chacun des jours s’écroule et tombe.

Forþon ne mæg weorþan wís wer, ǽr hé áge

L’homme ne peut donc être sage avant son lot d’hivers

wintra dǽl in woruldríce. Wita sceal geþyldig,

au royaume terrestre. Le sage doit être patient,

ne sceal nó tó hátheort ne tó hrædwyrde,

et ni trop coléreux, ni trop prompt en paroles,

ne tó wác wiga ne tó wanhýdig,

ni trop faible combattant, ni trop irréfléchi,

ne tó forht ne tó fægen, ne tó feohgífre

ni trop craintif ni trop allègre, ni trop avide d’argent,

ne nǽfre gielpes tó georn, ǽr hé géare cunne.

ni jamais trop vainglorieux, avant d’avoir bonne expérience.

Beorn sceal gebídan, þonne hé béot spriceð,

Un guerrier doit attendre avant de prononcer un vœu,

oþþæt collenferð cunne gearwe

jusqu’à savoir vraiment, l’esprit farouche,

hwider hreþra gehygd hweorfan wille.

vers où veut se tourner la pensée de son cœur.

Ongietan sceal gléaw hæle hú gǽstlíc bið,

Un héros sagace doit saisir quelle horreur adviendra

þonne ealre þisse worulde wela wéste stondeð,

quand sera désolée la richesse de cette terre,

swá nú missenlíce geond þisne middangeard

comme lors çà et là de par ce monde nôtre

winde biwáune weallas stondaþ,

se dressent des murs battus par le vent,

hríme bihrorene, hryðge þá ederas.

recouverts de gelée, ruines de ces demeures.

Wóriað þá wínsalo, waldend licgað

Les salles où coulent le vin s’écroulent, les chefs gisent

dréame bidrorene, duguþ eal gecrong,

dépouillés de gaîté, toute la troupe a chu

wlonc bí wealle. Sume wíg fornóm,

en gloire près du mur. La guerre en a anéanti certains,

ferede in forðwege, sumne fugel oþbær

emportés bien au loin ; un oiseau a traîné

ofer héanne holm, sumne se hára wulf

l’un d’eux en haute mer ; un autre, le loup gris

déaðe gedǽlde, sumne dréorighléor

lui a donné la mort ; un autre encore, un brave

in eorðscræfe eorl gehýdde.

à la mine affligée l’a caché dans une fosse.

Ýþde swá þisne eardgeard ælda scyppend

Ainsi, le Créateur des hommes a dévasté cette demeure,

oþþæt burgwara breahtma léase

jusqu’à ce que, privé du bruit des habitants,

eald enta geweorc ídlu stódon.

le vieil œuvre des géants se retrouve vide.

Se þonne þisne wealsteal wíse geþóhte

Alors, lui qui a réfléchi, sage, sur ces ruines,

ond þis deorce líf déope geondþenceð,

profondément songé sur cette sombre vie,

fród in ferðe, feor oft gemon

l’esprit mûri par l’expérience, se souvient bien souvent

wælsleahta worn, ond þás word ácwið:

de maints lointains massacres, et prononce ces paroles :

Hwǽr cwóm mearg?

Où est donc le coursier ?

Hwǽr cwóm mago?

Où est le jeune brave ?

Hwǽr cwóm máþþumgyfa?

Où est le donneur de trésor ?

Hwǽr cwóm symbla gesetu?

Où, les bancs des festins ?

Hwǽr sindon seledréamas?

Où, les joies de la salle ?

Éalá beorht bune! Éalá byrnwiga!

Hélas, la coupe étincelante ! Hélas, le guerrier en armure !

Éalá þéodnes þrym! Hú séo þrág gewát,

Hélas, la grand splendeur du prince ! Comme ce temps s’est évanoui,

genáp under nihthelm, swá héo nó wǽre.

occulté sous la nuit, comme s’il n’eût jamais été !

Stondeð nú on láste léofre duguþe

Ne reste maintenant de la troupe chérie

weal wundrum héah, wyrmlícum fáh.

qu’un mur de hauteur merveilleuse, figuré de dragons.

Eorlas fornóman asca þrýþe,

Les lances en bois de frêne, armes avides de carnage,

wǽpen wælgífru, wyrd séo mǽre,

ont anéanti les guerriers – un destin fameux –

ond þás stánhleoþu stormas cnyssað,

et les tempêtes battent les versants de pierre,

hríð hréosende hrusan bindeð,

la bourrasque battante enveloppe la terre

wintres wóma, þonne won cymeð,

en hurlement d’hiver ; puis lors, blafarde, arrive

nípeð nihtscúa, norþan onsendeð

et s’obscurcit l’ombre de la nuit, elle envoie du nord

hréo hæglfare hæleþum on andan.

une grêle sauvage haïssable aux héros.

Eall is earfoðlíc eorþan ríce,

Tout est rempli de peine au royaume terrestre,

onwendeð wyrda gesceaft weoruld under heofonum.

le décret des destins change le monde sous les cieux.

Hér bið feoh lǽne, hér bið fréond lǽne,

Y passe la richesse, y passent les amis,

hér bið mon lǽne, hér bið mæg lǽne,

y passe l’homme, y passent les parents,

eal þis eorþan gesteal ídel weorþeð!

tout ce fondement terrestre devient vanité !

Swá cwæð snottor on móde,

Ainsi parla l’avisé d’esprit,

gesæt him sundor æt rúne.

assis à part en secret.

Til biþ se þe his tréowe gehealdeþ,

Excellent qui garde sa foi.

ne sceal nǽfre his torn tó rycene

Jamais un brave ne doit trop vite

beorn of his bréostum ácýþan,

exposer la détresse de son cœur,

nemþe hé ǽr þá bóte cunne,

avant d’en savoir le remède :

eorl mid elne gefremman.

servir un brave en preux.

Wel bið þám þe him áre séceð,

Bon lui est de chercher faveur

frófre tó Fæder on heofonum,

et consolation près du Père aux cieux,

þǽr ús eal séo fæstnung stondeð.

qui est toute notre sûreté.