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#1 13-02-2014 15:51

Yyr
Lieu : Reims
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Inédit: lettre à Rigby (1965)

Maître Silmo nous apprend, au détour d'une autre, la mise aux enchères d'une courte lettre inédite ...

rigby

... Une courte lettre savoureuse / ou salée, c'est selon ;)

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#2 13-02-2014 17:41

Silmo
Inscription : 2002
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Savoureuse / salée => pléonasme, mon cher Yyr  lol

Je suis circonspect, voire dubitatif, sur ce document... Est-il authentique?  J'y mettrai pas ma main au feu (sacré)
Comme indiqué dans un autre fuseau, c'est pas le contenu qui m'interpelle (ça pourrait être du Tolkien), c'est plutôt la forme.
En tout cas, aucun acheteur ne s'y est risqué alors que la cote de Tolkien est plutôt haute comme en témoigne la spéculation sur la Lettre n°187.

Silmo

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#3 13-02-2014 18:32

Yyr
Lieu : Reims
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Mmm ... C'est une bonne question en effet.
Mais ne s'agit-il pas tout simplement d'un scan, d'où pas de trace ?

PS : Ah ! j'ai gagné mon pari secret (sur le pléonasme ;)). De toute façon, c'est sémantiquement et doublement ambivalent : le sel comme le sucre connotent l'un et l'autre tantôt le bon tantôt le moins bon ... De quoi nous mettre toujours d'accord toi et moi d'ailleurs ;)

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#4 13-02-2014 21:15

Hyarion
Inscription : 2004
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Yyr a écrit :

... Une courte lettre savoureuse / ou salée, c'est selon wink

... selon l'intérêt que l'on porte à la conduite sur autoroute, oui... ;-)

Je partage les doutes de Silmo sur ce document... bien que, sur le fond, son contenu soit, parait-il, décrit dans The J.R.R. Tolkien Companion and Guide: Chronology, selon Tolkien Gateway. Si quelqu'un pouvait confirmer...

Amicalement,

Hyarion.

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#5 13-02-2014 21:39

Yyr
Lieu : Reims
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Vérification concordante :

6 december 1965
[...] Tolkien replies to a letter from G.S. Rigby. There is a lot of theology included in The Lord of the Rings.

The J.R.R. Tolkien Companion and Guide: Chronology, p.648

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#6 13-02-2014 22:01

Hyarion
Inscription : 2004
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Merci pour la confirmation.

S'agissant du fait que la lettre n'ai pas trouvé preneur via Sotheby's, on peut supposer que le lot a pu être considéré comme étant a priori moins intéressant à l'achat qu'une lettre autographe sensiblement plus longue, telle que celle d'avril 1956 à H. Cotton Minchin correspondant à l'extrait de brouillon référencé dans les Letters sous le numéro 187.

Amicalement,

Hyarion.

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#7 14-02-2014 07:24

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

C'est rassurant.
Bravo d'avoir déniché ça. smile

Silmo

Sans doute je suis trop méfiant sad  mais hélas, il y a tellement de faux sur le marché des lettres et autographes, y compris dans les plus prestigieuses maisons de vente...
Je vais essayer de récupérer le catalogue de vente au bureau (plus pour la lettre 187)  je l'ai loupé en juin dernier, grrr.

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#8 16-02-2014 16:28

Yyr
Lieu : Reims
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Ce petit mot de Tolkien m'inspire sur deux points.

Le premier est de pouvoir la placer, à la fois en parallèle et en contrepoint de la fameuse lettre à Robert Murray :

Le Seigneur des Anneaux est bien entendu une œuvre fondamentalement religieuse et catholique ; de manière inconsciente dans un premier temps, puis de manière consciente lorsque je l'ai retravaillée. [...] Car l'élément religieux est absorbé dans l'histoire et dans le symbolisme.
Lettres (n°142), p.246 (1953)

Douze ans plus tard, la même chose est dite différemment :

Le Seigneur des Anneaux inclut, en effet, pas mal de théologie (ce fut pour moi une surprise de réaliser à quel point, lorsque l'ouvrage fut analysé il y a quelques temps dans un périodique de théologie), bien que celle-ci soit peut-être rendue plus agréable [aux papilles] par son enrobage de sucre.
Lettre à Mr. Rigby (1965)

C'est après coup que l'on (y compris Tolkien) réalise la dimension théologique de l'œuvre. Même en 1953 apparemment, il n'envisageait pas « à quel point » c'était vrai, et le « retravail », le caractère volontaire et conscient nécessaire, calculé de cet aspect, qu'il évoquait, paraît ainsi bien maigre. À la lecture de ce mot, j'ai songé à ce passage, encore six ans plus tard :
[...] Soudain, il m'a dit : « Vous ne vous imaginez évidemment pas, n'est-ce-pas, avoir écrit ce livre tout seul ? » Du pur Gandalf ! [...] « Non, je ne m'imagine plus cela. »
Letters (n°328), p.577 (1971)

Et en lien, j'ai songé à l'art, et à l'art tolkiénien en particulier, tellement à l'envers de ce que les analyses carnassières pourront en faire. Ce n'est pas : Tolkien était croyant donc le SdA est chrétien. C'est je dirais le contraire. Et cela m'est soufflé par une lecture du moment :
Or il est fondamental de savoir si l'on part de l'origine ou de la fin. Dans un cas vous êtes placés sous un destin de mécanismes et de causalités. À partir de cette cause première, tout se déroule implacablement. Dans l'autre vous savez que vous allez vers un accomplissement, vers une nouvelle création dont les premiers éléments sont déjà donnnés dans l'actualité [...].
Jacques Ellul, Théologie et Technique, Labor et Fides, 2014, p.160-161.

Sont ainsi reposés la place de Dieu, et le sens et la finalité qui en découlent, dans la Création et dans la sous-création. Et avec cette place, la part qui nous échappe fatalement : il ne s'agit pas d'une production mécanique que l'on pourrait analyser, scientifiquement maîtriser, mais d'une œuvre, un récit vivant qui nous met en relation avec un sens et une finalité qui  nous pré-existe / nous attend.

Le second point est l'aspect savoureux que j'évoquais en ouvrant le fuseau. On retrouve à nouveau l'image du goût pour parler de notre attitude à l'égard du Transcendant en général et de cette dimension théologique de son œuvre en particulier (cf. la comparaison avec le lembas de la lettre n°328, p. 578). En parlant de l'enrobage de sucre qui rendrait peut-être cette dimension plus acceptable, l'ironie de Tolkien n'amène-t-il pas chacun (le croyant comme le non croyant, et le lecteur ... comme l'auteur lui-même je crois) à se poser la question de ce qui donne le vrai goût ? *

Jérôme

* « L'Évangile c'est du sel, et vous en avez fait du sucre » (Paul Claudel, cf. Mt 5, 13) — attention, Silmo, il n'est pas permis de se servir de la Parole pour se justifier ;)

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#9 16-02-2014 17:21

sosryko
Inscription : 2002
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Ce qui est intriguant, dans cette lettre, ce n'est pas tant ce que Tolkien dit sur la sub-creation* (aucune surprise à ce niveau là, sinon une confirmation des lettres 142 et 328 que tu rappelles), mais la mention d'un "périodique de théologie" qui aurait produit une analyse du SdA "il y a quelques temps". Quel peut bien être le périodique de théologie, paru avant 1965, que Tolkien aurait lu et dont il aurait pour l'essentiel approuvé les analyses ??

* à propos de sub-creation et non de creation, cf. p. 146-147 d'une lecture du moment ;-)

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#10 16-02-2014 19:27

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Effectivement, rien de nouveau sous la soleil s'agissant du caractère théologique de l’œuvre.

Je suis bien plus étonné que Tolkien estime que cet aspect passe mieux "sous un enrobage de sucre"... ! Qu'entend-il par là ? Le style épique du roman? l'aventure? C'est très surprenant.

Silmo

et sans aucune justification big_smile

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#11 16-02-2014 22:09

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
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Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

L'enrobage de sucre, je soupçonne que c'est l'aventure, le roman lui-même, qui ne prétend pas atteindre le même niveau de vérité que l'Évangile. C'est très intéressant, car cela rejoint en fait le prologue du grand cycle en prose de la Vulgate arthurienne, qui dit peut ou prou la même chose et se veut aussi être un chemin de traverse qui amène à la Parole divine.

Finalement, ne peut-on pas fait l'hypothèse que Tolkien incriminait le cycle arthurien pour son incorporation de la dimension chrétienne (Lettre n° 131) parce qu'il nourrissait en fait un dessein similaire et estimait simplement que le résultat obtenu n'était pas de la qualité que requérait le thème, voir même pouvait contribuer à dénaturer le message chrétien ? Cela rejoindrait alors les reproches de jeunesse que Tolkien adressa à l'œuvre de Wagner, qu'il accusa (avant de la connaître vraiment) de déformer les thèmes des mythes scandinaves. Dans les deux cas, on peut noter que ce rejet affiché est en contradiction avec l'attitude réelle de Tolkien : dans le premier cas, Tolkien a bien fait une incursion sur les terres d'Arthur et a même tenté de lier l'histoire de la Table Ronde avec son propre Légendaire ; dans l'autre, il est revenu sur son opinion de Wagner, au point que Priscilla affirma bien plus tard que les deux compositeurs préférés de son père étaient Sibelius et Wagner (voir Tolkien and Wagner: Mythmakers, de Renée Vink).

Elendil

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#12 16-02-2014 23:02

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 955

Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

D'accord avec toi Elendil.

Commentaire complémentaire :
Concernant l'expression de "l'enrobage de sucre", il s'agit d'un cliché de la critique littéraire anglo-saxone, qu'on trouve aussi en théologie, à l’époque de Tolkien ou très récemment.
Ainsi, un théologien anglais, Thomas walter Manson, évoque en 1955 « the sugar-coating on the theological pill » à propos des « illustrative examples drawn from ordinary life » destinés à populariser « certain conclusions concerning the existence and nature of God and similar matters » (The Teaching of Jesus, p. 73)
Aujourd’hui, on parlerait de « story-telling »…
Mais il faut faire remonter cet artifice du discours rendu savoureux pour les papilles (palatable) au moins aux humanistes :

« Poetry was a branch of moral philosophy […] because its language was like a sugar-coating that made moral lessons palatable. […] a small but influential series of writers made more grandiose claims for poetic theology: Dante in the thirteenth, Petrarch and Boccaccio in the fourteenth, andFicino and Pico della Mirandola in the fifteenth century all claimed in one way of another that poetry was theology. »
(Constance M. Furey, Erasmus, Contarini, and the Religious Republic of Letters, 2006, p. 102.)

Sachant qu’au-delà de l’artifice, il pouvait y avoir, comme l’avait souhaité le rédacteur de Beowulf lu par Tolkien, le désir esthétique premier d’unir l’ancien et le nouveau, le mythe et le mythe vrai – Tolkien prenant la suite d’une longue lignée de rédacteurs qu’on pourrait faire remonter au moins jusqu’à la basse antiquité, avec la Paraphrase de Nonnus dePanope :

« It is important therefore that the Paraphrase should be approached […] as an original composition located within a fifth-century AD context. […] in retelling the story of the Gospel [of St John] Nonnus has inevitably changed it and made it his own. […], the epic form of Nonnus’ poem is more than just a sugar-coating, designed to win over ‘pagans’ to the charm of the Gospel; it represents a profound and sophisticated meditation on the relationship between Classical culture and biblical culture. »
(Robert Shorrock, The Myth of Paganism : Nonnus, Dionysus and the World Late Antiquity, 2013 (2011), Bloomsbury, p. 54.)

S.

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#13 19-02-2014 21:07

vincent
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Messages : 1 426

Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

>sous un enrobage de sucre
il faudrait voir jusqu'où remonter ; mais cette formule rappelle par exemple lucrèce & le "miel" utilisé pour faire passer la pensée d'épicure dans de rerum natura
amicalement
vincent

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#14 19-02-2014 22:14

Silmo
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Messages : 4 019

Re : Inédit: lettre à Rigby (1965)

Merci Vincent de nous citer Lucrèce. :-)

Si l'artifice est du même ordre (faire passer un message sous un enrobage sucré : d'un côté grâce au roman épique, de l'autre grâce à la poésie), il est fort peu probable que Tolkien soit allé le pomper à la source épicurienne de Lucrèce trop opposée à sa propre pensée. Plus vraisemblablement est-il allé aux du côté des auteurs cités par Sosryko et ceux-ci étaient peut-être allés  auparavant (avec quelques autres dans l'intervalle) chercher l'inspiration du Jardin de Campanie...

S.

De Rerum Natura (vers 931-950) : "... je donne de grandes leçons, et tâche à dégager l'esprit des liens étroits de la superstition; c'est aussi que sur un sujet obscur je compose des vers lumineux, le parant tout entier des grâces de la Muse. Cette méthode même n'apparaît point comme absurde. Quand les médecins veulent donner aux enfants la répugnante absinthe, ils enduisent auparavant les bords de la coupe d'une couche de miel blond et sucré: de la sorte, cet âge imprévoyant, les lèvres seules séduites par la douceur, avale en même temps l'amère infusion et, dupe mais non victime, en recouvre au contraire force et santé. Aussi fais-je aujourd'hui, et comme notre doctrine semble trop amère à qui ne l'a point pratiquée, comme la foule s'en écarte avec horreur, j'ai voulu te l'exposer dans l'harmonieuse langue des Muses et, pour ainsi, dire, la parer du doux miel poétique: puissé-je tenir ainsi ton esprit sous le charme de mes vers, tandis que tu pénètres tous les secrets de la nature et les lois qui président à sa formation. "

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