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Dans un fuseau lointain ...
P.S. : le temps me manque pour participer, mais j'avoue être assez désespéré par toutes ces critiques plus ou moins systématiques de la « Modernité » partagées ici à des degrés divers, a fortiori sous couvert de parler de la liberté, de la vie, du bien, de la création, de poésie ou d'émancipation... Si Tolkien, tout antimoderne qu'il ait été, ne doit renvoyer fondamentalement qu'à ce genre de visions du réel et des êtres humains, c'est triste.
En réponse,
Allons donc, Hyarion, tu sais fort bien que les discussions dont tu parles ne représentent qu'une partie de l'activité de JRRVF et ne sont certes pas majoritaires dans les études tolkieniennes, que ce soit en France ou à l'étranger. Sans doute même prennent-elles plus de place ici du fait même qu'Yyr est actuellement un des contributeurs les plus actifs, mais on ne peut pas le lui reprocher. Que ne nous distilles-tu pas les résultats préliminaires de tes propres recherches, qui portent sur des sujets bien différents ?
J'avoue, moi, avoir de la tristesse à lire ta propre critique. Comme si finalement il était désespérant qu'il soit seulement concevable de problématiser la Modernité, de questionner ses fondements ou les directions qu'a pris son développement... en somme comme s'il ne fallait pas seulement que le Progrès avec majuscule règne sur les corps (ce qui est indéniable dans nos pays, à l'exception possible des monastères et des pèlerins sur le chemin de Compostelle ;)), mais sur les âmes ? Il est indéniable que les progrès techniques ont permis une spectaculaire amélioration de la sécurité alimentaire pour le plus grand nombre, ainsi qu'une amélioration conséquente du niveau et de l'espérance de vie. Pour autant, ils n'ont pas eu que des conséquences heureuses, comme les deux derniers siècles le montrent amplement. On pourrait même dire qu'aujourd'hui les progrès techniques sont les meilleurs alliés des dictatures : la Chine tient plus fermement son peuple que l'URSS jadis les peuples de l'empire russe. Le questionnement me semble donc légitime, notamment sur les plans que tu évoques, dont la compréhension est aujourd'hui inextricablement liée à celle de la Modernité.
Après tout, concernant l'évolution de la société moderne, Tolkien était sans doute beaucoup plus pessimiste que nous tous. Pessimiste, mais pas désespéré... :)
E.
Arf, Elendil est tombé ! :)
Du coup, c'est le hors sujet garanti.
Il peut ne pas être poursuivi. S'il devait l'être, que ce soit ici.
Sens-toi d'ailleurs libre, Maître Hyarion, de profiter de ce fuseau pour nous partager & rassembler en un topic dédié toutes les causes relatives à ta désespérance ;).
[édit : j'ajoute à la suite ;) :]
Les quelques éléments reçus en réponse à mes derniers propos ici tendent, hélas, à me confirmer qu'il n'y a pas vraiment de dialogue possible, puisque l'on persiste à opposer à mon modeste point de vue une lecture univoque de l'œuvre, en convoquant l'auteur comme bon cela semble suivant les circonstances. Est-il même bien utile, à cette aune, d'envisager « la discussion d'une lecture agnostique de Tom Bombadil » si le but affiché dès le départ est d'affirmer qu'une grille de lecture chrétienne (sous couvert de parler de Faërie, ou de littérature) est, au fond, la seule possible ? Je l'ai déjà écrit plusieurs fois : étant curieux et ouvert d'esprit, apprenant tous les jours, je ne cherche pas à avoir raison. Mais si vouloir « aider à percevoir » une vérité spirituelle (semble-t-il inévitablement connotée) à travers le Conte d'Arda est, au fond, même si l'on s'en défend, la seule chose qui compte dans le cadre d'un débat contradictoire sur une œuvre littéraire, est-il encore utile de discuter, ou même de partager ? Voila notamment une des raisons (une parmi bien d'autres raisons diverses et personnelles) qui m'ont souvent découragé d'aller au bout de mon travail : si c'est pour passer sempiternellement pour un « mal-comprenant » aux yeux d'interlocuteurs divisant le monde entre « étoilés » et « carnassiers », à quoi bon ? Le ton que j'emploie reste amical, mais je crois que je ne peux plus cacher à quel point je suis las...
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Voici des débats auxquels je ne participe plus (pas le temps, pas l’énergie pas l'envie, pas les arguments, mieux à faire). Néanmoins, comme je suis un peu maniaque du rangement, je me dis que la section "Le Légendaire" devrait être réservée aux commentaires sur le Hobbit, le SdA, le Silm, les CLI et Cie, tandis que les prolongations, digressions, les éruditions, aussi riches soient-elles, devraient être alignées dans la rubrique 'hors du Légendaire" ou "Espace libre" ou "Autour de Tolkien". Ce n'est qu'une suggestion. de classement.
Et portez vous bien, tous.
Silmo
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J'avais déjà répondu à Elendil dans le fuseau en question (sans avoir vu ce fuseau-ci, créé quelques minutes plus tôt), et je ne voulais pas aller au-delà de ma réponse...
Histoire de ne pas y avoir passé du temps pour rien, je recopie donc ladite réponse ici, mais je laisse le texte en petits caractères, mon intention n'ayant jamais été de « m'étaler » dans l'Espace libre : merci de tes efforts pour la création de ce fuseau, Yyr, mais en matière de discussions à la buvette et autres « gros débats », je crois que j'ai assez donné (au point d'en être sans doute arrivé au même point que Silmo : « pas le temps, pas l'énergie... », etc.).
Que ne nous distilles-tu pas les résultats préliminaires de tes propres recherches, qui portent sur des sujets bien différents ?
J'ai déjà proposé dans mes articles publiés dans des revues de petits aperçus de mon travail, et il m'est déjà arrivé d'évoquer ici, en passant et succinctement, des éléments de ma réflexion, mais je ne cacherai pas que la façon dont on s'intéresse à Tolkien m'a parfois beaucoup découragé à mener à bien mes recherches concernant spécifiquement cet écrivain, tellement il m'est arrivé d'avoir l'impression de m'être « trompé d'adresse », durant toutes ces années... Au point où j'en suis, seul le livre enfin fini (bientôt j'espère, même si c'est très dur, car j'y ai sans doute passé trop de temps) aura un sens comme proposition.
Comme j'ai déjà pu l'écrire, ici ou ailleurs, j'ai moi-même un regard critique envers le « Progrès » et la « Modernité », ne serait-ce qu'en mettant des guillemets à ces termes. Le problème n'est pas là, car tout doit pouvoir être critiqué, fut-ce avec autant de discernement que possible... Le « progrès », à cet aune, n'a pas plus vocation à régner sur les âmes que les dogmes chrétiens, m'est avis, a fortiori si c'est pour que ledit « progrès » se mette, à travers la technique, au service d'une effroyable dictature totalitaire telle que celle gouvernant la Chine actuelle, pour ne prendre que cet exemple parmi les plus évidents d'une dangereuse fuite en avant « techno-moderniste ». Mais devant toutes ces critiques systématiques du monde moderne, semblant tourner sans cesse autour du même paradigme plus ou moins orienté (éventuellement sous couvert de poésie, de philosophie ou d'anthropologie), je suis effectivement désespéré : problématiser la « Modernité », oui, pourquoi pas, mais s'il faut systématiquement compter avec des principes tels que « le christianisme dit la vérité » ou « la modernité est une perversion », l'appréhension du réel ne me parait être que tristement univoque, et je ne vois pas d'issue. On peut bien sûr penser ce que l'on veut, et je ne reproche à personne de prendre le temps de s'exprimer et de partager (je n'ai jamais fait ce reproche à quiconque ici, et ce n'est pas maintenant que cela va commencer). J'aurai voulu apporter intellectuellement (modestement) autre chose, mais j'en suis in fine si réduit à jouer les contradicteurs, non pas même par plaisir, mais par nécessité, que quand je vois que tout ça nous fait revenir toujours au même point (une certaine idée de Dieu ou quelque normativité supposée naturelle), je n'arrive plus à suivre, tout simplement. Je ne blâme donc personne, mais c'est cette absence d'issue qui me parait triste et désespérante, qui plus est s'il s'agit, à la base, de parler de Tolkien.
Après tout, concernant l'évolution de la société moderne, Tolkien était sans doute beaucoup plus pessimiste que nous tous. Pessimiste, mais pas désespéré... :)
Certes, mais sans doute à l'inverse de Tolkien, ce qui me parait notamment désespérant, c'est de ne voir le monde et les êtres humains qu'à travers une vision systématisée de la vie (qu'elle se réclame d'un Dieu, d'une loi éternelle, ou d'une idéologie quelconque, y compris le rationalisme éventuellement le plus extrême). On peut toujours faire ainsi, concevoir ainsi les choses, n'être motivé essentiellement que par la foi ou par la raison, mais je n'y vois pas une source d'espoir ou d'espérance, ni même plus simplement d'optimisme. Il y a trop de différences, de particularités, de contradictions, de complexité dans la vie et dans le monde... et s'il y a des universaux, je ne vois guère d'intérêt à vouloir les définir à tout prix, sous prétexte de cohérence et de vision globale. Les systèmes de pensées (y compris religieuses) peuvent avoir leur utilité pour appréhender le réel, mais leurs visées totales, totalisantes (sinon totalitaires) rendent davantage compte des propres limites de ces systèmes que d'une identité globale du réel qui n'attendrait que telle ou telle grille de lecture pour être appréhendée comme un tout, présumé harmonieux ou « naturel ». S'il existe une vérité, elle peut être cherchée aussi bien à travers la variété des choses qu'à travers des systèmes généraux, mais je ne crois pas qu'il faille ne se fier qu'à un système ou à une vision du monde basée sur un système pour développer un espoir ou une espérance, car il y a trop d'incertitudes. Cependant, certains semblent avoir besoin d'une pensée systémique pour avancer. Soit. Mais tout le monde n'a pas vocation à fonctionner ainsi, et lorsque la tendance va à une vision univoquement reliée à une grille de lecture globale, même si celle-ci peut être comprise et admise jusqu'à un certain point, elle peut finir, à force de systématisme, à force de ramener tout toujours au même point, par aboutir à ce qui me paraitra être, tristement, une voie sans issue par rapport une vision éventuellement plus dispersée, mais pas forcément moins pertinente.
Mais bon, pas de quoi en faire un drame non plus, et encore une fois, je ne blâme personne. ^^
Quelques mots, en passant, sur l'opuscule d'Olivier Rey, puisqu'il a déjà été évoqué plus haut [dans l'autre fuseau] et que je l'ai lu le mois dernier. J'ai noté qu'après avoir, de mémoire, presque raillé les scientifiques (dans son ouvrage sur le transhumanisme) en écrivant qu'eux-mêmes n'étaient pas en mesure de définir précisément ce qu'est la vie (ce qui est plutôt vrai), il a enfin donné son avis sur la question dans ce nouveau texte :
La sortie de la religion [...] n'a pas aboli le religieux, elle a laissé derrière elle une grande quantité de religiosité errante en quête de points de fixation. La « vie » s'est proposée comme l'un de ces points. D'un côté, les définitions actuelles du mot ont quelque chose de rassurant : elles certifient qu'en exaltant la vie, on ne se laisse pas abuser par des chimères, on ne cède à aucun emportement mystique. D'un autre côté, le terme retient quelque chose de l'aura qui lui était attaché du temps où il désignait l'union de l'âme et du corps, et où on se rappelait la parole du Christ : « Je suis la vie. » Qu'est-ce que la vie ? Si on me le demande, je pourrai répondre que c'est l'« ensemble des phénomènes et des fonctions essentielles se manifestant de la naissance à la mort et caractérisant les êtres vivants » ; si on ne me le demande pas, j'ai tout loisir de me laisser aller aux belles harmoniques que le mot éveille en moi. Une telle combinaison, d'héritage religieux et de déni d'héritage, est vraiment une aubaine. Ainsi prospère l'idolâtrie de la « vie ».
Olivier Rey, L'Idolâtrie de la vie, Paris, Gallimard, 2020, p. 35-36.
Oui, sans doute est-il absurde d'idolâtrer la « vie »... mais pas plus que de croire absolument à la résurrection des morts du Credo chrétien. Et je dis cela, pour mémoire, sans être athée. Le monde dit moderne ne se limite pas à la raison, comme semblait le craindre Chesterton, mais il ne se limite pas non plus au discours (religieux) de l'être humain sur Dieu... Qui sait ? Nous sommes sans doute, en tout cas, toutes et tous, l'imbécile de quelqu'un, et chacun peut dès lors bien croire ce qu'il veut s'agissant de la vie et de la mort... La vérité n'étant pas prête d'être établie, elle doit en tout cas être cherchée (qu'elle soit in fine percevable globalement ou par fragments), mais c'est le travail de tous les âges d'un être humain, ce fameux cheminement vers la Conscience dont j'ai déjà parlé (un des rares cas où l'emploi d'une majuscule me parait vraiment avoir un sens). L'être humain est un être curieux et sociable, avec d'innombrables questions face au réel, avec de nombreux choix à faire à l'aune de tant d'incertitudes, face à l'infinie variété des choses appelant des visions multiples, même du point de vue d'un seul individu. La question ici n'est donc pas de rejeter un héritage, y compris religieux (ceux qui revendiquent un tel rejet ont tort), mais de savoir quoi en faire, entre matérialité et spiritualité, dans le temps qui nous est imparti, face à tout ce que nous ignorons...
Qu'est-ce que la vie ? Cette chose étrange qui pend entre l'amour et la mort, comme disait poétiquement Tanith Lee.
B.
Voila. Et maintenant, je retourne à mon travail d'écriture...
Peace and Love,
B.
P.S.: « Une passionnante discussion ... », n'exagérons rien... à moins que ce titre ne soit ironique ?
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[édit (Yyr) : déplacement ici de ce qui venait de là-bas]
Ca veut dire quoi, je suis lalala ??
https://pbs.twimg.com/media/ERujryPXUAE … name=small
ou
https://renaudfavier.files.wordpress.co … ix-las.jpg
Allez, on remonte sur son bouclier arverne même avec des porteurs pas toujours au même équilibre.
S
ps : mon tout premier message sur JRRVF fut une interrogation à propos de Bombadil jamais résolue depuis et c'est peut-être tant mieux qu'il reste, comme Baie d'Or, un mystère précieux au cœur de Tolkien. Souvenons=nous de la quête excessive du Mithril... ne pas creuser trop loin !
pps : ciel bouché cette année encore.
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La lalala est partagée.
On ne peut pas maintenir la dichotomie entre «étoilés» et «carnassiers», l'éloignant de sa signification première (l'opposition entre études internalistes et études externalistes) alors que Yyr a récemment passé des semaines, des jours et des heures à montrer les liens entre la métaphysique de Thomas d'Aquin et celle de Tolkien.
On ne peut pas regretter qu'on oppose une lecture à un point de vue alors qu'on annonce par ailleurs s'exprimer dans le cadre d'un débat contradictoire sur une oeuvre littéraire.
Pourquoi parler de lecture univoque alors que la multitude de ceux qui la prônent se réduit à deux personnes (Yyr et Sosryko) ?
Pourquoi écrire encore une fois que ces deux personnes veulent «affirmer qu'une grille de lecture chrétienne est, au fond, la seule possible» alors qu'elles ont écrit le contraire et que ce fuseau même [*], avec d'autres, en est la preuve ?
Ne nous plaignons pas d'une absence de dialogue alors l'on prend le temps de s'écrire, de composer, de se répondre l'un l'autre. L'animation renouvelée de JRRVF et les retrouvailles fût-elle de quelques-uns devraient être dignes de joie et non de lassitude.
Reste qu'il y a bien une divergence d'opinion et de lecture. Je la placerais au niveau de la manière de pratiquer une herméneutique du texte.
Nous oscillons tous entre exégèse (la recherche de ce qu'un auteur a voulu dire) et herméneutique (ce qu'on peut faire dire à un texte).
Pour moi (je ne parle pas pour Yyr, mais je ne pense pas que nous soyons très éloignés sur ce point), cette pratique de l'herméneutique ne peut correspondre à ce que l'on veut, car mon herméneutique se fonde sur mon exégèse.
Parce que d'une part Tolkien est chrétien et qu'il a écrit une oeuvre pétrie de sa foi catholique, parce que d'autre part Tolkien a été parfois clair sur ses intentions ou que nous disposons d'autres écrits comme les lettres sur ses opinions, certaines lectures me sont inimaginables (cf. la théorie “Tom Bombadil est le Roi-Sorcier” ou “Tom est Eru incognito”) et d'autres me paraissent improbables au regard d'autres possibilités (cf. Tom comme allégorie du lecteur ou “Tom est l'homme attendu par le Zarathoustra de Nietzsche”).
Bonne soirée à tous itou,
S.
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On en reviendra toujours à la Lettre 142 et c'est pas grave. "the religious element is absorbed into the story and the symbolism. However that is very clumsily put, and sounds more self-important than I feel. For as a matter of fact, I have consciously planned very little"
Ensuite, chacun sa lecture
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Bon, essayons donc de rester constructif, d'autant plus que je suis d'ailleurs toujours curieux d'avis concernant Tom Bombadil et ses éventuels voyages, soit dit en passant...
On ne peut pas maintenir la dichotomie entre «étoilés» et «carnassiers», l'éloignant de sa signification première (l'opposition entre études internalistes et études externalistes) alors que Yyr a récemment passées des semaines, des jours et des heures à montrer les liens entre la métaphysique de Thomas d'Aquin et celle de Tolkien.
Sans vouloir encore la critiquer (je l'ai suffisamment fait ailleurs par la passé sans avoir besoin ici d'en rajouter), n'y-t-il vraiment jamais eu seulement une signification « méthodologique » à cette dichotomie ? Se qualifier d'« étoilé » n'a-t-il jamais impliqué de facto une hiérarchisation des sensibilités au delà même de questions d'études ? C'est ainsi, en tout cas, que j'ai toujours eu tendance percevoir la chose, et pas seulement subjectivement, même si mes premières impressions remontent déjà au moins à plus de quinze ans... Les efforts récents de Yyr portant sur l'étude conjointe des pensées de Thomas d'Aquin et de Tolkien ne sont pas en cause ici : c'est une question de fond et d'état d'esprit qui ne date pas d'hier, et qui me parait avoir accompagnée trop de propos en ces lieux pour que l'on en fasse quelque-chose devenant soudain sans objet.
Du reste, nous faisons tous des efforts pour partager autant que possible à bon escient et en évoluant, y compris même votre serviteur même si autrui est toujours libre d'en douter. :-)
On ne peut pas regretter qu'on oppose une lecture à un point de vue alors qu'on annonce par ailleurs s'exprimer dans le cadre d'un débat contradictoire sur une oeuvre littéraire.
Il ne s'agit pas de regretter que les points de vue et les lectures soient différents et même divergents : « on » ne peut concevoir sans cela de débat contradictoire. Mais il ne peut y avoir de véritable débat lorsque les échanges ne vont que dans un seul sens, en l'occurrence ici dans celui attribué à l'auteur et supposé se confondre seulement avec celui de certains lecteurs supposés plus connectés (?) avec la pensée dudit auteur.
Pourquoi parler de lecture univoque alors que la multitude de ceux qui la prônent se réduit à deux personnes (Yyr et Sosryko) ?
Ce n'est évidemment pas une question de personnes, mais de hiérarchisation des points de vue. D'un côté, il y aurait des « comprenants », de l'autre des « mal-comprenants ». Nous pouvons (et devons) faire des efforts pour comprendre le point de vue d'autrui, mais sans donner des leçons (d'épistémologie, d'herméneutique, d'exégèse, voire de « faërisme ») pour autant. La capacité de compréhension d'un point de vue ne renvoie pas forcément à la capacité de compréhension tout court, sauf à considérer l'œuvre de Tolkien comme un paradis de doctes spécialistes et non comme un champ d'étude pour tous.
Pourquoi écrire encore une fois que ces deux personnes veulent «affirmer qu'une grille de lecture chrétienne est, au fond, la seule possible» alors qu'elles ont écrit le contraire et que ce fuseau même, avec d'autres, en est la preuve ?
Que l'« on » me comprenne bien. Évoquer la diversité du champ des possibles est une chose, et même la moindre des choses, mais en arriver in fine au possible systématiquement présenté comme le plus évident en est une autre. Ce n'est certes pas de la faute de « deux personnes » si Tolkien était un fervent catholique, concevait la fantasy à l'aune de sa foi chrétienne, vomissait la « modernité », etc., mais malgré tout le temps passé en développements érudits, compte-rendus de lecture, et digressions diverses, tous nos échanges en finissent toujours au même point... avec cette mer d'érudition qui finit par tout submerger, d'autant plus que la compétition intellectuelle n'est pas ma tasse de thé. En vérité, si je devais exprimer un regret, ce serait de n'être qu'à peu près le seul « contradicteur » en ces lieux (alors que ce n'est même pas un rôle que je recherche), et que le présent forum, qui me semble pourtant le mieux correspondre à l'idée que je me fais d'un lieu de discussion sans excès de contraintes, n'accueille pas davantage de contributions diversifiées (mais le problème est certes loin d'être nouveau). À cette aune, si je veux donc bien continuer à faire des efforts au service du partage, continuer à passer pour le « mal-comprenant » (sceptique, agnostique, etc.) de service est une perspective hautement lassante et inintéressante, a fortiori dans la perspective d'essayer de finir mon (modeste) travail.
Ne nous plaignons pas d'une absence de dialogue alors l'on prend le temps de s'écrire, de composer, de se répondre l'un l'autre.
Certes, la situation pourrait être bien pire. Il ne s'agit pas de se plaindre, mais de constater sinon une impossibilité, du moins une difficulté du dialogue qui me parait réelle, notamment dans la mesure où il n'y a apparemment pas de consensus sur certaines bases pour discuter. Je pense notamment au fait (pourtant objectif à ce qu'il me semble) que le christianisme fait partie des visions (pas toutes religieuses du reste) relevant d'une pensée reliant tout à un système central d'explication, de signification universelle, englobante, voire aussi intemporelle. Peut-être que le mot « système » est infamant aux yeux de Yyr, mais je ne le crois pas incorrect, ni même infamant d'ailleurs : il s'agit simplement d'essayer d'être factuel quant aux différentes façons par lesquelles les êtres humains expriment leurs pensées. À cette aune, dire comme l'a fait Yyr que « construire un monde fictif en se réclamant d'un système central n'est pas l'objectif ni le moyen de Tolkien » revient tout simplement à nier le paradigme monothéiste chrétien de l'auteur, ce qui n'est pourtant pas, à ce qu'il me semble, l'intention de Jérôme quand il écrit cela. Difficile de dialoguer dans ces conditions, sachant du reste que, de façon générale, se contenter de donner des leçons (d'épistémologie, de sémiotique, d'herméneutique, de théologie, et de tout ce que l'on voudra...) dès qu'il y a un problème, en prenant autrui « objectivement » pour un mal-comprenant, ne relève pas véritablement du dialogue, même si je ne fais là que partager mes modestes impressions (peut-être paranoïaques aux yeux de certains, mais bon, peu importe).
L'animation renouvelée de JRRVF et les retrouvailles fût-elle de quelques-uns devraient être dignes de joie et non de lassitude.
Éprouves-tu un plaisir particulier à parler comme une sorte de Vénérable du Sommet qui ne s'adresserait jamais directement aux personnes ? « On » y est certes un peu habitué depuis le temps (c'est assez régulier... ;-)...), mais tout-de-même, je m'interroge... ^^
Pour moi (je ne parle pas pour Yyr, mais je ne pense pas que nous soyons très éloignés sur ce point), cette pratique de l'herméneutique ne peut correspondre à ce que l'on veut, car mon herméneutique se fonde sur mon exégèse.
De mon point de vue, pratiquer la recherche et l'exégèse sans savoir, ni vouloir, à l'avance ce que l'on va trouver est un principe de base. Quand bien même « on » aurait certaines aspirations quant aux résultats de la recherche, il faudrait se contenter de ce que l'on trouve, sans chercher à faire à tout prix correspondre son idéal avec le réel. Il n'a jamais été question d'autre chose ici, du moins à ce qu'il me semble.
Parce que d'une part Tolkien est chrétien et qu'il a écrit une oeuvre pétrie de sa foi catholique, parce que d'autre part Tolkien a été parfois clair sur ses intentions ou que nous disposons d'autres écrits comme les lettres sur ses opinions, certaines lectures me sont inimaginables (cf. la théorie “Tom Bombadil est le Roi-Sorcier” ou “Tom est Eru incognito”) et d'autres me paraissent improbables au regard d'autres possibilités (cf. Tom comme allégorie du lecteur ou “Tom est l'homme attendu par le Zarathoustra de Nietzsche”).
Les caractères objectifs de Tom Bombadil, dont parle Yyr, ne sont peut-être pas faciles à saisir en dehors d'une connaissance approfondie de la pensée de ce catholique auteur qu'était Tolkien. Mais ce n'est pas une raison pour n'orienter l'herméneutique que vers un « fidélisme » supposément idéalement connecté à l'esprit et aux intentions de l'auteur. Tolkien avait sans doute sa petite idée sur ce qu'est Tom, et nous pouvons sans doute deviner le caractère inimaginable ou improbable de bien des lectures et interprétations. Je ne vois rien cependant, dans ce que l'auteur a laissé à la postérité, qui contredise franchement l'idée d'une possible identification du lecteur au personnage (sinon à la personne, apparemment intouchable aux yeux de certains ?) de Tom Bombadil (possible identification du reste compatible avec l'idée du miroir tendu au lecteur dont j'ai aussi parlé). Et je ne vois rien non plus qui contredise franchement l'idée que Tom soit, au fond, ce que vous voulez simplement à travers le mystère (à la fois interne et externe) qu'il représente. Libre à chacun de vouloir à tout prix trouver une solution à une énigme, y compris en se disant que c'est forcément ce que Tolkien voulait toujours lui-même : pour ma part, ne pas imposer une réponse définitive me parait être congru vis-à-vis d'une identité laissée volontairement indéfinie et avec l'intérêt qu'il me parait y avoir à préserver ainsi, au moins pour une part, l'enchantement du récit de la subcréation, ou de ce que vous aimez appeler le Conte d'Arda. Mais, encore une fois, je ne cherche pas à avoir raison.
Ensuite, chacun sa lecture :)
Naturellement. ^^
Bonne semaine à toutes et à tous.
Peace and love,
B.
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Et je ne vois rien non plus qui contredise franchement l'idée que Tom soit, au fond, ce que vous voulez simplement à travers le mystère (à la fois interne et externe) qu'il représente.
C'est parce que croire qu'une chose, autre que soi-même, soit « ce que l'on veut que ce soit » relève ou bien d'une épistémologie déficiente ou bien de la folie.
Ce qui ne manque pas de sel pour Tom, qui incarne « l'esprit qui aspire à la connaissance des autres choses, de leur histoire et de leur essence, qu’elles sont “autres” et totalement indépendantes de la pensée qui les examine » (Lettres, n°153 p. 274, souligné par l'auteur). Et il n'y a pas besoin de cette citation ou authentification de l'auteur pour l'affirmer : tout le SdA le démontre, si les mots ont un sens.
J'y viendrai dans le fuseau sur l'agnosticisme : il y a des limites imposées par la raison la plus élémentaire.
Pour tout le reste, je répondrai et j'essaierai d’apaiser, autant qu'il est possible, ta lassitude et ta désespérance ;). Mais pas de suite : les vacances ont commencé ; elles sont donc terminées pour Papa et Maman ;).
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Je te propose [Benjamin] :
- de ne pas resservir le couvert dans chaque fuseau à chaque fois que tu te sens las
- de poursuivre cette digression en une place dédiée
Ce qui te permettrait :
- de conserver le propre de chaque fuseau ;
- d'éviter l'effet disque rayé pour les autres ;
- d'essayer d'argumenter ta complainte ...Jérôme
et que celui qui n' a jamais pêché jette la première pierre... n'est-ce pas?
Cher Jérôme, sois moins condescendant (disque rayé et cie), please, please please
https://www.youtube.com/watch?v=VPENfmVi8pc
Cessons là. Je suis bien d'accord que les bons fuseaux doivent être au bon endroit, pour tous sans espace réservé.
- Les querelles dans l'Espace Libre,
- les idées dans le lieu qui convient...
- si ça concerne le Légendaire, bah dans le Légendaire !
- si on passe aux interprétations, croyances, digressions, blasphèmes.... ailleurs, c'est pourtant facile.
Ah que Tom rirait de pareilles billevesées.
S.
ps : et le flétan, c'est bon et bien cuisiné, digne de Jého....
PPS: Je suis plutôt déçu qu'on déplace et transforme mon message sans consultation - il était sans citations - avec "diète" imposée de quelques jours, bigre (de quelle autorité, cher Jérôme, rien n'était excessif, sinon avoir aussi tenté de mon côté d'apaiser dans l'autre sens - Benjamin n'a-t-il pas droit à un avocat)... une pierre jetée sans raison, cela me fait tellement penser au film "Agora" d'Alejandro Amenábar. Comprenne qui pourra.
PPSS : "Exégèse, herméneutique", c'est pas faux. et là, on rit si Perceval nous sauve un jour.
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Merci pour la référence, Elendil (je l'avais oublié, et elle a toute sa place dans ma bibliographie). Disons que cela fait toujours plaisir de voir, parfois, son intuition confirmée, a fortiori au milieu de discours consistant essentiellement à vous expliquer à quel point vous n'avez « pas compris » Tolkien...
The pleasure is mine.
Les quelques éléments reçus en réponse à mes derniers propos ici tendent, hélas, à me confirmer qu'il n'y a pas vraiment de dialogue possible, puisque l'on persiste à opposer à mon modeste point de vue une lecture univoque de l'œuvre, en convoquant l'auteur comme bon cela semble suivant les circonstances. Est-il même bien utile, à cette aune, d'envisager « la discussion d'une lecture agnostique de Tom Bombadil » si le but affiché dès le départ est d'affirmer qu'une grille de lecture chrétienne (sous couvert de parler de Faërie, ou de littérature) est, au fond, la seule possible ? Je l'ai déjà écrit plusieurs fois : étant curieux et ouvert d'esprit, apprenant tous les jours, je ne cherche pas à avoir raison. Mais si vouloir « aider à percevoir » une vérité spirituelle (semble-t-il inévitablement connotée) à travers le Conte d'Arda est, au fond, même si l'on s'en défend, la seule chose qui compte dans le cadre d'un débat contradictoire sur une œuvre littéraire, est-il encore utile de discuter, ou même de partager ?
Personnellement, je ne suis pas convaincu que Yyr convoque Tolkien comme bon lui semble, mais plutôt suivant une étude particulièrement serrée de son texte, étude certainement poursuivie parce qu'il lui semble lire chez Tolkien un certain nombre d'idées qui correspondent à ses réflexions sur la modernité, l'éthique et ce qu'il faudrait bien appeler l'écologie intégrale. Il ne semble pas non plus qu'il dise qu'il s'agit de la seule possible, ni de la seule chose qui compte, mais plutôt qu'il s'agit d'une lecture qu'il est difficile de nier et qu'on ne saurait entièrement évacuer sans risquer de perdure une partie de la richesse de l'oeuvre. Ce n'est pas exactement la même chose, me semble-t-il.
Je te propose :
- de ne pas resservir le couvert dans chaque fuseau à chaque fois que tu te sens las
- de poursuivre cette digression en une place dédiée
Quoiqu'on pense des arguments d'Hyarion ou de sa façon de les présenter, n'y avait-il pas manière plus sympathique de le rediriger vers le présent fuseau ?
Ce n'est évidemment pas une question de personnes, mais de hiérarchisation des points de vue. D'un côté, il y aurait des « comprenants », de l'autre des « mal-comprenants ». Nous pouvons (et devons) faire des efforts pour comprendre le point de vue d'autrui, mais sans donner des leçons (d'épistémologie, d'herméneutique, d'exégèse, voire de « faërisme ») pour autant. La capacité de compréhension d'un point de vue ne renvoie pas forcément à la capacité de compréhension tout court, sauf à considérer l'œuvre de Tolkien comme un paradis de doctes spécialistes et non comme un champ d'étude pour tous.
Donner des leçons de « faërisme », comme tu le dis, me semble être une mauvaise idée, en effet, parce que la Faërie n'est certainement pas un raisonnement philosophique. Inversement, il me semble que Sosryko est parfaitement en droit de préciser la façon dont il conçoit l'exégèse et herméneutique d'un texte, y compris pour affirmer qu'il ne lui semble pas envisageable de prôner valablement n'importe quelle lecture de n'importe quel texte, en tout cas, pas sans admettre que la lecture qu'on adopte est susceptible de différer largement de ce que l'auteur envisageait. J'aurais tendance à être d'un avis similaire à Sosryko sur ce point.
De mon point de vue, pratiquer la recherche et l'exégèse sans savoir, ni vouloir, à l'avance ce que l'on va trouver est un principe de base. Quand bien même « on » aurait certaines aspirations quant aux résultats de la recherche, il faudrait se contenter de ce que l'on trouve, sans chercher à faire à tout prix correspondre son idéal avec le réel. Il n'a jamais été question d'autre chose ici, du moins à ce qu'il me semble.
Réciproquement, je suis tout à fait d'accord avec ton affirmation, même si je pense qu'il en va de même pour Yyr. Au demeurant, cette absence de présupposé n'est pas non plus incompatible, m'est avis, avec une intuition de ce qu'on pourrait trouver, intuition qu'il convient alors de tester pour la prouver ou pour l'écarter, en restant aussi objectif que possible à son égard, ce qui n'est évidemment pas toujours simple.
Ce n'est certes pas de la faute de « deux personnes » si Tolkien était un fervent catholique, concevait la fantasy à l'aune de sa foi chrétienne, vomissait la « modernité », etc., mais malgré tout le temps passé en développements érudits, compte-rendus de lecture, et digressions diverses, tous nos échanges en finissent toujours au même point... avec cette mer d'érudition qui finit par tout submerger, d'autant plus que la compétition intellectuelle n'est pas ma tasse de thé. En vérité, si je devais exprimer un regret, ce serait de n'être qu'à peu près le seul « contradicteur » en ces lieux (alors que ce n'est même pas un rôle que je recherche), et que le présent forum, qui me semble pourtant le mieux correspondre à l'idée que je me fais d'un lieu de discussion sans excès de contraintes, n'accueille pas davantage de contributions diversifiées (mais le problème est certes loin d'être nouveau). À cette aune, si je veux donc bien continuer à faire des efforts au service du partage, continuer à passer pour le « mal-comprenant » (sceptique, agnostique, etc.) de service est une perspective hautement lassante et inintéressante, a fortiori dans la perspective d'essayer de finir mon (modeste) travail.
Ce n'est peut-être pas ta tasse de thé, mais j'avoue qu'observer la mer d'érudition en question est un spectacle que j'apprécie particulièrement. Après, à chacun de décider s'il veut y contribuer ou non. Pour ma part, le débat m'intéresse considérablement, mais j'estime qu'il me reste beaucoup à faire et à lire avant d'avoir grand-chose à y rajouter.
À cette aune, dire comme l'a fait Yyr que « construire un monde fictif en se réclamant d'un système central n'est pas l'objectif ni le moyen de Tolkien » revient tout simplement à nier le paradigme monothéiste chrétien de l'auteur, ce qui n'est pourtant pas, à ce qu'il me semble, l'intention de Jérôme quand il écrit cela.
Non, je pense que Yyr veut dire par là que Tolkien, quelle que soit son appréhension du monde et sa foi, n'est pas dogmatique dans ses écrits, en tout cas certainement pas dans sa fiction. Même s'il cherche un cadre qui soit théologiquement compatible avec sa foi (une tendance qui ira s'accentuant avec l'âge, je dirais), il n'en reste pas moins un auteur qui laisse son récit se développer de lui-même, comme en témoigne les très nombreuses esquisses de scénario des brouillons du SdA. Par ailleurs, Tolkien affirme à maintes reprises la nécessité de laisser des perspectives ouvertes en se gardant de fournir des explications pour tout. C'est même valable pour ses langues inventées, domaine dans lequel il a fait preuve de beaucoup plus d'esprit de système qu'en matière théologique. Bref, sur ce point comme sur bien d'autres, il s'oppose assez diamétralement à la manière d'écrire de Lewis, en dépit de leur proximité intellectuelle et spirituelle.
E.
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Cher Elendil
J'aime beaucoup ton dernier paragraphe "Tolkien, quelle que soit son appréhension du monde et sa foi, n'est pas dogmatique dans ses écrits, en tout cas certainement pas dans sa fiction. Même s'il cherche un cadre qui soit théologiquement compatible avec sa foi (une tendance qui ira s'accentuant avec l'âge, je dirais), il n'en reste pas moins un auteur qui laisse son récit se développer de lui-même, comme en témoigne les très nombreuses esquisses de scénario des brouillons du SdA."
Merci de cette belle phrase.
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@ Silmo : Admettons que j'ai eu la main lourde ; toi aussi il me semble d'une autre façon (je t'en reparlerai en privé).
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Bon, un peu plus à froid, je dois admettre que Silmo et Elendil ont raison d'attirer mon attention sur ma façon de faire.
Il faut dire que, en quelques posts à peine, assister (encore une fois) à mon procès d'intention ...
sous couvert de parler de
en convoquant l'auteur comme bon cela semble suivant les circonstances
il n'y a pas vraiment de dialogue possible
s'il faut systématiquement compter avec des principes tels que “le christianisme dit la vérité” ou “la modernité est une perversion”
si le but affiché dès le départ est d'affirmer que
si vouloir “aider à percevoir” une vérité spirituelle (semble-t-il inévitablement connotée) [...] est, au fond, même si l'on s'en défend, la seule chose qui compte
aux yeux d'interlocuteurs divisant le monde entre “étoilés” et « “carnassiers”
parler comme une sorte de Vénérable du Sommet
... peut faciliter le manque de tact (quand bien d'autres soucis vous accaparent par ailleurs).
C'est d'ailleurs très aimable à Elendil d'avoir éclairé d'un autre jour mes propos. Je valide, et je m'incline.
Mon cher Benjamin,
Je suis bien d'accord que ton côté Dr Jekyll « étant curieux et ouvert d'esprit », « ne cherche pas à avoir raison » et, du reste, je le maintiens, il sait être fort agréable et charmant.
À l'inverse, je pense que ton côté Mr Hyde fabrique un épouvantail de toute pièce, que son côté victimisant cherche désespérément des persécuteurs, et que son ascendance héraclitienne (« tout est mouvement » — comme chez les médecins de Molière : « le poumon, vous dis-je ! ») te fait voir des systèmes et des systématisations partout — et plus particulièrement en ce que tu ne connais pas, ainsi du Christianisme). Tout ce qui ne s'accorde pas à cette ascendance n'est pas nécessairement un système clos et fermé. Et, même si l'on admettait l'épouvantail, je ne vois nulle part comment ton côté Hyde peut affirmer qu'« une vision éventuellement plus dispersée » ne sera « pas forcément moins pertinente » (à moins de faire du mouvement le critère de la pertinence, mais c'est là, alors, que l'on revient au point de départ). Semblablement, ton côté Hyde est le seul à avoir perçu ma dichotomie entre étoilés et carnassiers comme une « hiérarchisation » entre « des “comprenants” [et] des “mal-comprenants” » (et, incidemment, si ça avait été le cas, il ne montre pas pourquoi ce serait faux : ne pas aimer n'est pas une démonstration).
sosryko a écrit :Pourquoi écrire encore une fois que ces deux personnes veulent « affirmer qu'une grille de lecture chrétienne est, au fond, la seule possible » alors qu'elles ont écrit le contraire et que ce fuseau même, avec d'autres, en est la preuve ?
Que l'« on » me comprenne bien. Évoquer la diversité du champ des possibles est une chose, et même la moindre des choses, mais en arriver in fine au possible systématiquement présenté comme le plus évident en est une autre. Ce n'est certes pas de la faute de « deux personnes » si Tolkien était un fervent catholique, concevait la fantasy à l'aune de sa foi chrétienne, vomissait la « modernité », etc., mais malgré tout le temps passé en développements érudits, compte-rendus de lecture, et digressions diverses, tous nos échanges en finissent toujours au même point... avec cette mer d'érudition qui finit par tout submerger, d'autant plus que la compétition intellectuelle n'est pas ma tasse de thé. En vérité, si je devais exprimer un regret, ce serait de n'être qu'à peu près le seul « contradicteur » en ces lieux (alors que ce n'est même pas un rôle que je recherche), et que le présent forum, qui me semble pourtant le mieux correspondre à l'idée que je me fais d'un lieu de discussion sans excès de contraintes, n'accueille pas davantage de contributions diversifiées (mais le problème est certes loin d'être nouveau). À cette aune, si je veux donc bien continuer à faire des efforts au service du partage, continuer à passer pour le « mal-comprenant » (sceptique, agnostique, etc.) de service est une perspective hautement lassante et inintéressante, a fortiori dans la perspective d'essayer de finir mon (modeste) travail.
Ici, comme ailleurs, il ne répond pas à la question posée.
NB : Pour le passage d'Olivier Rey, j'ai l'impression que tu te méprends, un peu comme ceux qui pensent que « le silence éternel de ces espaces infinis » effraie Pascal alors que ce dernier fait parler le libertin de son époque ; de même, ici, Olivier Rey ne donne pas son avis mais celui du « libertin » de notre époque.
Pour moi (je ne parle pas pour Yyr, mais je ne pense pas que nous soyons très éloignés sur ce point), cette pratique de l'herméneutique ne peut correspondre à ce que l'on veut, car mon herméneutique se fonde sur mon exégèse.
Parce que d'une part Tolkien est chrétien et qu'il a écrit une oeuvre pétrie de sa foi catholique, parce que d'autre part Tolkien a été parfois clair sur ses intentions ou que nous disposons d'autres écrits comme les lettres sur ses opinions, certaines lectures me sont inimaginables (cf. la théorie “Tom Bombadil est le Roi-Sorcier” ou “Tom est Eru incognito”) et d'autres me paraissent improbables au regard d'autres possibilités (cf. Tom comme allégorie du lecteur ou “Tom est l'homme attendu par le Zarathoustra de Nietzsche”).
Pour moi, c'est un peu différent : je pense que le texte ne se prête pas à toutes les lectures qui nous passent par la tête. Certes, ce que l'on sait des intentions et de l'auteur lui-même sont des guides sûrs d'après moi, mais l'histoire, le conte, demeure premier dans ma compréhension. Actuellement, j'aurais tendance à croire que, parmi de multiples compréhensions de Tolkien, l'herméneutique chrétienne est celle qui relie toutes les autres ...
On ne peut pas maintenir la dichotomie entre «étoilés» et «carnassiers», l'éloignant de sa signification première (l'opposition entre études internalistes et études externalistes) alors que Yyr a récemment passées des semaines, des jours et des heures à montrer les liens entre la métaphysique de Thomas d'Aquin et celle de Tolkien.
D'autant plus que, grâce au compagnonnage de ce forum, je pense avoir évolué, et je ne conçois plus une dichotomie si tranchée. Les faces interne et externe de l'œuvre me semblent être les deux faces d'une seule réalité ... je ne sais pas si je peux dire comme ce que l'âme est au corps ... je suis en (lente) réflexion ;). Je me retrouve bien aussi à l'école de Benilbo des fois.
Bonne nuit à tous.
[édit : un petit HS tolkienien dans cet espace libre]
On en reviendra toujours à la Lettre 142 et c'est pas grave. "the religious element is absorbed into the story and the symbolism. However that is very clumsily put, and sounds more self-important than I feel. For as a matter of fact, I have consciously planned very little"
Ensuite, chacun sa lecture :)
Absolument.
Pour ma part, une lecture complète ;)
Car l’élément religieux est absorbé dans l’histoire et dans le symbolisme. C’est toutefois une façon maladroite de dire les choses, et cela sonne plus prétentieux que ce que j’éprouve. Car de fait,
j’ai planifié très peu de choses de façon délibérée ;
et je devrais avant tout éprouver de la gratitude d’avoir été élevé (depuis l’âge de huit ans) dans une Foi qui m’a nourri et m’a entièrement appris le peu que je sais [...]
Avec un point-virgule qui marque la relation logique entre les deux propositions.
Hé ! Hé ! (comme on disait du temps de Szpako ;))
— Yyr, relevé du placage ;)
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hihihi, pas de mal-comprenants, cette histoire de placage est un private joke avec Yyr. Bonne nuit (demain, télétravail tardif).
s.
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Je suis plutôt déçu qu'on déplace et transforme mon message sans consultation - il était sans citations - avec "diète" imposée de quelques jours, bigre (de quelle autorité, cher Jérôme, rien n'était excessif, sinon avoir aussi tenté de mon côté d'apaiser dans l'autre sens - Benjamin n'a-t-il pas droit à un avocat)... une pierre jetée sans raison, cela me fait tellement penser au film "Agora" d'Alejandro Amenábar. Comprenne qui pourra.
Pour ma part, cher François, je crois que je comprends ta référence cinématographique (elle est tellement adéquate, particulièrement ces temps-ci...), et je te remercie pour ton intervention, que j'apprécie beaucoup, même si je ne peux que regretter que tu aies fait l'objet de dommages collatéraux. ^^'
Mon cher Jérôme,
Tu as été franc, je le serais aussi.
Je te remercie de me consacrer autant de temps, notamment vis-à-vis des obligations de ton quotidien, mais compte tenu du traitement dont je fais l'objet trop souvent, quand bien même j'en serais essentiellement responsable à tes yeux (et éventuellement aux yeux d'autres), je crois qu'il est temps que je vois ce que cela fait de ne plus fréquenter ces lieux, au moins pour un moment. En effet, même à froid, je constate que je n'en peux plus. Être traité tantôt comme un gamin (moi qui déteste le paternalisme, avec toi hélas, je suis souvent servi, ainsi qu'en témoigne notamment ce fuseau « bac à sable »), tantôt comme une sorte de naïf sans méthode et sans rigueur, tantôt comme un fou éventuellement sujet à quelque trouble de la personnalité multiple, tantôt comme un troll, tantôt comme un ignorant voyant des épouvantails partout, ou je-ne-sais quoi d'autre : même en s'efforçant de prendre les choses avec philosophie, nous avons tous nos limites, et je crois que les miennes sont simplement atteintes.
Ne le prends pas mal, mais la modération ne te réussit pas beaucoup, mon cher Jérôme, en tout cas pas ces temps-ci : il n'y a qu'à voir le présent résultat final, bancal, à cheval sur deux fuseaux, comme s'il était indispensable de faire du saucissonnage et de casser un fil de discussion qui n'avait pas vocation à s'éterniser... Entre nous, tu m'as habitué à mieux en matière de reprisage. Mais évidemment, dès qu'on a un pouvoir... Dr Jérôme et Mr Yyr ? ^^'
Évidemment, tout cela n'est pas très grave, mais bon, on aurait peut-être pu faire autrement...
S'il y a bien une tendance de notre époque que je n'aime pas, c'est la victimisation. Je ne suis pas une victime, Jérôme, et je ne fabrique pas d'épouvantails, même s'il peut certes toujours m'arriver de forcer le trait sur des réalités dans le feu des échanges. Quand je parle de système, j'évoque (de façon peut-être maladroite, mais avec mes mots, et c'est ainsi) une façon de penser, celle qui consiste, pour le dire autrement, à avoir comme point d'Archimède un principe organisateur englobant auquel tout peut être relié. La place (dans la façon de penser) de ce principe organisateur peut être motivé, entre autres, par la foi religieuse. En ce qui concerne une vision éventuellement plus dispersée, je pense à une façon de penser consistant à ne pas forcément relier tout à un principe organisateur englobant mais à avoir tendance à se focaliser sur l'infinie variété des choses. Certaines personnes tendent à aller vers la diversité des choses, d'autres à aller vers les grands principes organisateurs, et il peut y avoir des évolutions croisées entre l'une ou l'autre tendance, ou bien des mélanges subtils, suivant les personnalités et leur parcours. Je crois que le monothéisme peut être la base d'une pensée ou d'une réflexion renvoyant à un système organisateur expliquant notamment le phénomène humain. Cela peut devenir dangereux lorsque cette façon de penser devient un esprit de système, articulé par exemple à une volonté politico-religieuse de domination des esprits et des corps, et lorsque la justesse supposée de la pensée prime sur un réel qui n'y correspond pas. C'est le même problème que l'idéal se heurtant au réel, et tant pis si tu trouves non-intelligent l'usage que je fais du mot système, lequel mot n'impliquant pas toujours forcément l'idée de clôture ou de fermeture. Plutôt que de vouloir me donner des leçons, y compris s'agissant du christianisme, que tu prétends connaître (vaste sujet, pourtant, même pour un catholique pratiquant), il serait plus constructif d'essayer de comprendre ce que j'essaie de dire, au lieu de prendre la posture du sachant épistémologue, voire pire, du modérateur paternaliste qui, tout en s'estimant bienveillant, finit par adopter en fait une attitude brutale et méprisante. Quant à vouloir aussi me donner des leçons au sujet « des limites imposées par la raison la plus élémentaire », avec citation de Tolkien à l'appui comme argument suprême d'autorité, et sans même apparemment chercher à comprendre ce que j'essaie de dire... Sans doute ne pensais-tu pas à mal avec tes explications, mais à l'arrivée, disons que c'est plutôt nul, et même finalement à la limite de l'insulte. Sur le fond, je n'ai peut-être pas moi-même été suffisamment clair dès le départ s'agissant de ce que j'entendais par « Tom Bombadil est... ce que vous voulez », mais bon, au lieu de pontifier en me prenant pour plus bête que je ne suis, peut-être suffisait-il de demander des précisions...
En ce qui concerne l'affirmation par certains qu'une grille de lecture chrétienne de l'œuvre de Tolkien serait, au fond, la seule possible, c'est simplement ce que je finis par déduire de l'importance accordée de facto à la grille de lecture en question, et il ne suffit pas forcément d'écrire le contraire pour que cela suffise à nuancer une tendance de fond, qui est celle de toujours tout ramener au christianisme de Tolkien, d'une manière ou d'une autre. Cependant, à titre de nuance, je reconnais que parler d'affirmation n'est probablement pas un terme des plus adéquats pour le constat lassant que je me suis permis de faire : « affirmer », ici, ne signifie pas hurler, mais plutôt, et plus subtilement, souligner le caractère incontournable de la grille de lecture en question, avec notamment cette idée de Yyr qu'une herméneutique chrétienne relierait forcément tout. C'est ce soulignement récurrent que je critique, et son omniprésence, mais sans penser pour autant que l'on pourrait nier ou entièrement évacuer la dimension chrétienne de la pensée de Tolkien (je n'ai jamais contesté l'importance de cette dimension : il m'arrive même de la rappeler ailleurs qu'ici, notamment quand j'entends parfois des gens s'imaginer que Tolkien était gnostique ou occultiste !). Mais bon, j'imagine qu'il n'y a qu'un « procès d'intention » à retenir de tout cela... Toutefois, le principal problème me parait venir tout simplement du fait d'un manque de diversité dans les points de vue exprimés dans les échanges, manque que je ne suis pas en mesure de combler, pas plus vraisemblablement que les quelques autres participants réguliers du forum : c'est de là, surtout, que viens sans doute ma lassitude, sans quoi il y a longtemps que l'on ne m'aurait pas entendu critiquer l'omniprésence d'une grille de lecture en particulier, que celle-ci soit pertinente ou non.
En ce qui concerne ta dichotomie entre étoilés et carnassiers, j'ai déjà eu l'occasion de le dire : à mes yeux, oui, elle hiérarchise, oui, elle peut être comprise comme une attitude condescendante, oui, elle tend à être inutilement manichéenne, et oui, si j'ai un (modeste) conseil à donner, tu ferais mieux de la laisser définitivement tomber. Je ne dis pas cela pour ma pomme : c'est simplement une question d'appréhension ouverte et équilibrée du regard d'autrui vis-à-vis d'un champ d'étude, quand on entend ne pas en faire qu'un paradis pour spécialistes initiés.
... grâce au compagnonnage de ce forum, je pense avoir évolué, et je ne conçois plus une dichotomie si tranchée. Les faces interne et externe de l'œuvre me semblent être les deux faces d'une seule réalité ...
Eh bien, à la bonne heure, Jérôme ! Mais n'ai-je pas évoqué moi-même précédemment le fait que nous faisons tous des efforts pour partager autant que possible à bon escient et en évoluant ? Je ne t'excluais pas du lot, et je sais d'ailleurs que Sosryko n'est pas pour rien dans ton évolution. Alors arrêtez un peu de me faire passer pour un stupide chasseur d'épouvantails : ce n'est pas parce qu'il y a des choses qui me fatiguent, critiquées en conséquence, que je ne vois rien de ce qui se passe, y compris en positif.
Je l'ai déjà dit par le passé, mais je le répète : je n'ai pas la culture du conflit, ça ne m'intéresse pas du tout.
Est-ce que j'ai des torts ? Sûrement, et je m'en excuse. Je n'aurai pas dû écrire autant. Je n'aurai pas dû m'investir autant dans la vie de ce forum (trop de choses finalement n'auront d'ailleurs pas été faites me concernant). Je n'aurai pas dû attendre des autres ce qu'ils ne pouvaient pas faire ou n'avaient pas vocation à faire. Je n'aurai pas dû exprimer ma lassitude. Je n'aurais pas dû faire... tellement de choses...
Fait-on des efforts pour me supporter ? Sans doute, mais croit-on que je n'en fasse pas aussi, depuis 2004 ? Le simple fait d'en arriver à me traiter en importun, en me parlant avec des « on » ou en m'expliquant comment je devrais penser... comment voulez-vous que je le prenne ? Comme je le peux, en supposant que c'est moi le problème. Soit, je ne me plains pas. Il est sans doute temps d'arrêter.
Ce n'est peut-être pas ta tasse de thé, mais j'avoue qu'observer la mer d'érudition en question est un spectacle que j'apprécie particulièrement. ;) Après, à chacun de décider s'il veut y contribuer ou non.
Le spectacle n'est pas en soi un problème, Elendil (même si le goût pour la démonstration peut tendre parfois, à mes yeux, à relever un peu de l'hybris) : c'est le programme du spectacle, surtout s'il est récurrent et mono-thématique (ou plutôt « mono-herméneutique », si j'ose dire), qui peut finir par l'être. Les essayistes chrétiens et antimodernes, cela peut être intéressant un moment, mais pas tout le temps, même si c'est en rapport avec Tolkien. Encore une fois, j'aimerai qu'il y ait plus de diversité, mais bon, c'est une question qui dépasse la petite poignée de participants réguliers du présent forum, moi y compris... alors aussi bien n'y-a-t-il personne à blâmer, d'autant plus qu'il ne s'agit pas ici de discuter des bien réelles qualités et des remarquables efforts déployés notamment par Yyr en matière de partage de ce qu'il étudie.
Tolkien, quelle que soit son appréhension du monde et sa foi, n'est pas dogmatique dans ses écrits, en tout cas certainement pas dans sa fiction. Même s'il cherche un cadre qui soit théologiquement compatible avec sa foi (une tendance qui ira s'accentuant avec l'âge, je dirais), il n'en reste pas moins un auteur qui laisse son récit se développer de lui-même, comme en témoigne les très nombreuses esquisses de scénario des brouillons du SdA. Par ailleurs, Tolkien affirme à maintes reprises la nécessité de laisser des perspectives ouvertes en se gardant de fournir des explications pour tout. C'est même valable pour ses langues inventées, domaine dans lequel il a fait preuve de beaucoup plus d'esprit de système qu'en matière théologique. Bref, sur ce point comme sur bien d'autres, il s'oppose assez diamétralement à la manière d'écrire de Lewis, en dépit de leur proximité intellectuelle et spirituelle.
Il se trouve que c'est exactement ce que je pense, et que c'est ce qu'il m'est moi-même déjà arrivé d'écrire plus ou moins, ici ou ailleurs.
Si Tolkien avait fait du Lewis, je ne me serais sans doute jamais autant intéressé à son œuvre. Et je pense que c'est le cas d'un grand nombre de lecteurs de Tolkien. Quand on insiste de façon récurrente sur le caractère incontournable du christianisme de Tolkien, on prend le risque, à la longue, de « léwisiser » un écrivain qui, comme l'a écrit Leo Carruthers, était un catholique auteur et non un auteur catholique : cela fait partie du fond de ma critique. Nous avons déjà plusieurs fois convenu tous les deux qu'il y a vraisemblablement eu une évolution de Tolkien avec l'âge : à cette aune, ses préoccupations théologiques vis-à-vis de son œuvre, sont loin, semble-t-il, d'avoir été toujours les mêmes tout le long de sa vie. Mon impression est qu'il s'agit d'un créateur qui, comme beaucoup d'artistes, a laissé s'épanouir sa créativité (avec des contraintes spécifiques : écrivain n'était pas son métier), et qui, plus tard, a essayé d'organiser sa subcréation de manière plus systématique, notamment dans un souci de compatibilité avec ses convictions religieuses. Voila pourquoi je me permets de parler de la place du monothéisme chrétien comme référence en matière de principe organisateur. Mais cela correspond surtout aux préoccupations du Tolkien tardif, et rien dans sa fiction - notamment aucun des récits plus ou moins achevés de l'auteur, ceux par lesquels Tolkien est surtout lu - ne comporte d'éléments dogmatiques... sans quoi je doute que Tolkien ait pu connaître le même succès depuis les années 1960.
Portez-vous tous bien.
Peace and love,
B.
P.S.: nul besoin d'explications en privé (je le dis au cas où) : je me mets en retrait, pas besoin d'en faire un plat. Il y a des choses tellement plus graves (l'attentat de Conflans, par exemple)...
P.S.2: vous pouvez garder ma Vieille Grive, elle a l'air d'aller bien, là où elle est installée. ^^
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