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La sortie du DVD « Le Retour du Roi » (que par la suite, nous écrirons « RdR ») est le point final de l’adaptation cinématographique par Peter Jackson du « Le Seigneur des Anneaux», nous pouvons enfin juger cette œuvre dans son intégralité. En tant que lecteur de J.R.R. Tolkien, je ne peux qu’avoir certaines attentes vis à vis de ces films même s’il faut, bien sûr, les considérer comme des œuvres à part entière et indépendantes avant tout, sans s’attendre à retrouver tous les éléments du livre. Néanmoins, je suis d’avis qu’une adaptation honnête doit respecter l’œuvre originale au moins dans le fond sinon dans la forme. Il est en effet utopiste d’espérer retrouver le texte intégralement dans le film.
Dans ses commentaires, le réalisateur a exprimé ses regrets de ne pas avoir eu le temps de transposer correctement le moment pourtant émouvant et symbolique où Sam abandonnait ses ustensiles de cuisine. Cette scène était néanmoins non indispensable à la narration, la raccourcir ou l’enlever n’est pas impensable. Par contre, il est des moments où la forme constitue le sens de l’histoire, certains propos ou certaines scènes ont une présence indispensable, peut être pas forcément sous la forme exacte qu’ils ont dans le texte, mais l’absence de ces éléments dans l’adaptation change ou affaiblit le sens de l’histoire.
Dans notre cas, « Le Seigneur des Anneaux » est un livre riche en sens. Il serait trop long de les énumérer et de les développer, nous allons quand même dégager une morale parmi d’autres: Sans la pitié de Frodo envers Gollum, l’Anneau n’aurait pas pu être détruit. La valeur de la pitié n’est pas cachée dans l’œuvre, Gandalf avait explicitement fait comprendre à Frodo que son sort dépendait de la pitié de Bilbo 1.
Cette pitié est bien sûr à donner à tous, même aux « ennemis ». Le mal dans cette histoire n’est pas tellement représenté par les orcs ou Sauron mais plutôt dans certains comportements comme le fait d’être tyrannique ou impitoyable.
Dans le texte, Saruman illustre le problème du mal comme suit : bien qu’il avait des intentions louables comme celle de vaincre Sauron et de guider les hommes2, il était prêt à utiliser l’Unique, instrument de domination par excellence, et à sacrifier des vies pour atteindre son but a priori noble. Il pensait être le despote éclairé et le choix de cette voie a conduit à sa chute.
Moins directement, le lien entre l’Anneau Unique et les trois anneaux de pouvoir des elfes illustre aussi l’égarement que peuvent mener des intentions apparemment bonnes: parce que certains elfes voulaient préserver leur terre, ils avaient écouté Sauron et forgé les anneaux de pouvoir qui les ont rendus dépendants de l’Anneau Unique et donc, vulnérables à Sauron.
Les motivations du « mal »
Saruman, dans le film, est un allié de Sauron. On peut comprendre que les scénaristes ont pensé qu’il vaut mieux simplifier les motivations de Saruman mais on rate ainsi une occasion d 'insister sur la corruption des volontés initialement bonnes. De plus, le film ne fait qu’évoquer les anneaux elfiques dans l’introduction. Il faut attendre la version DVD du premier film pour apprendre que Galadriel détenait un des trois anneaux mais malgré cet ajout, les spectateurs ignoreront tout des pouvoirs de ces anneaux. Ainsi, après l’introduction, jamais on ne reviendra sur l’erreur des elfes d’Eregion d’avoir écouté Sauron. Il s’en suit que les elfes dans le film sont plus idéalisés que dans le texte, ce qui en soi n’est pas un grave défaut sauf que, combiné avec la représentation du mal dans le film (voir plus bas) et d’autres petits détails comme l’engloutissement dans le sol des créatures du Mordor, épargnant miraculeusement l’armée d’Aragorn, l’idéologie sous jacente du film tend fortement vers le manichéisme.
En résumé, dans le film, nous avons d’un coté Sauron, Saruman et les orcs qui veulent mettre fin à l’âge des Hommes et de l’autre coté, les Hommes et les Elfes qui se battent pour survivre.
Si on veut être rigoureux, on rappellera que d’après Tolkien3, Sauron, dans le texte donc, ne cherchait pas à détruire les Hommes et les Elfes pour les remplacer par des Orcs mais son but était de les dominer, croyant à tort qu’Eru a abandonné Arda et les Valar ont perdu le contrôle et qu’il lui revenait de les « guider ». Dans ce but, il avait forgé l’Unique pour contrôler les porteurs des anneaux de pouvoir.
Pour Gollum, les scénaristes ont pris soin de rendre ce personnage bien plus perfide, sans doute dans l’optique de bien démarquer chaque personnage dans un camp bien distinct. Ainsi, à la place du moment dans le texte où Sméagol s’était nettement adouci, peu avant Cirith Ungol, Gollum, dans le film, a réussi à séparer Frodo et Sam. Ensuite, Gollum ne cessait de narguer Frodo pendant que ce dernier errait dans l’antre d’Arachné avant de l’agresser directement. Notons que dans le texte, ce personnage avait encore un semblant d’honneur à ce point de l’histoire4.
Pour appuyer définitivement la traîtrise de Sméagol, la version longue du RdR contient un dialogue supplémentaire où il affirme avoir menti au moment où il avait prêté serment.
Cet écart par rapport au texte n’est pas sans conséquence dans le sens final qui se construit dans le film, conjugué avec la présentation du mal (voir plus bas) et l’attitude des héros face à ce mal.
La présentation du « mal » et la manière de le traiter
Le réalisateur a visiblement fait le choix de rendre le plus hideux possible les serviteurs du Mordor tel que l’illustre le chef des orcs dont le visage est à moitié défiguré ou encore la Bouche de Sauron qui est inhumain. Le film semble respecter un lien de corrélation (voir de causalité?) entre l’alignement et l’apparence.
Personnellement, j’aurais préféré voir un être humain incarné la Bouche de Sauron, non pour respecter le texte qui précise que cet émissaire est d'origine númenoréenne, mais pour montrer que même les humains ayant la même origine qu’Aragorn peuvent être au service du Mordor, démontrant ainsi que ce n’est pas la «race» ou un quelconque trait physique qui définissent l’alignement. On peut rétorquer que la présence des haradrims dans le film montrent que même les hommes peuvent être mauvais mais la présence de númenoréens corrompus dans le film aurait évité toute classement en fonction de zone géographique ou de la couleur de la peau. Sur ce point, l’image des hommes sur les oliphants à la peau foncée écrasant les blonds rohirrims avec un sadisme marqué peut être très mal interprétée et de ce fait, maladroite. S’il y a un point où le réalisateur aurait dû d’écarter du texte, c’est sûrement celui là car le film, contrairement au texte, ne contient pas beaucoup d’éléments qui remettent en question la présence des ces hommes aux cotés du Mordor. Il y a certes une scène dans le deuxième film qui peut contre balancer cette image quelque peu dérangeante mais j’y reviendrai.
De plus, notons que ces alliés de Sauron ont subi le même sort que les orcs sur le champ de Pelennor: l’armée des morts n’a pas fait de différence entre orcs et haradrims qui étaient tous détruits impitoyablement et Aragorn n’aura pas l’occasion de faire la paix avec les humains alliés à Sauron, contrairement au texte.
Mais ce dernier en avait il l’intention? L’exécution sommaire de la Bouche de Sauron est elle digne de la noblesse que ce personnage est censé posséder?
Indépendamment du personnage d'Aragorn, n’est elle pas en contradiction avec la fameuse phrase de Gandalf sur les tueries qui semblent "méritées"?
Ce geste, hélas, ne fait que cautionner l’idée qu’on serait en droit d’abattre un ennemi parce que c’est un ennemi ou un monstre inhumain, même si on n’est pas en danger, même si cet ennemi n’a fait que parler. Certes, la Bouche de Sauron est au service du mal mais quel est ce mal qu’Aragorn est censé de combattre finalement?
Si le pouvoir corrupteur de l'Anneau est bien mis en avant (Gandalf a clairement expliqué qu'il ne pouvait pas l'utiliser dans le premier film), c'est plus généralement la logique de l'adage « La fin justifie les moyens » que dénoncerait plutôt Tolkien car en utilisant les armes de l'ennemis, on finit par devenir comme cet ennemi lui même.
Ce n'est donc pas en utilisant les moyens comme la domination, la peur ou la violence qu'on peut vaincre le mal. Pourtant, certains personnages dans le film ne semblent pas le comprendre. Dans le film, le « mal » est limité à Sauron, ses troupes et l'Anneau uniquement. Face à eux, les héros de l'histoire, étant dans l'autre camp, semblent pouvoir tout se permettre, sauf d’utiliser l'Anneau, pour combattre leurs adversaires sans retenu, sans merci.
Même Gandalf le Blanc, dans le film, ne suit pas ses propres principes sur la pitié: il n’a pas hésité à malmener à coup de bâton Denethor, un homme désespéré par la mort de son fils aîné et par la vue de l’armée du Mordor aux portes de Minas Tirith. Il y a aussi son regard froid et son air indifférent lors de son discours sur la mort Denethor au moment où celui-ci était encore en train de courir. Où sont la pitié et la compassion?
Interrogations
Notons que la plupart des moments où les personnages nuancent un peu les choses comme le monologue de Faramir face au haradrim tombé ou le pardon de Theoden pour Grima ne sont que dans les versions longues. Faut il croire que ces scènes ne sont pas du tout importantes pour le réalisateur et qu’elles ne sont que des petits bonus dignes d’intérêt pour un public limité? Pourtant, au vue de la quantité d’éléments appuyant une idéologie simpliste et discutable, ces scènes sont plutôt absolument indispensables pour respecter l’œuvre de Tolkien dans le fond. A titre personnel, je m’étonne que les versions diffusées en salle sont malgré tout souvent considérées comme « très fidèle » à l’œuvre de Tolkien.
Quelles sont les scènes qui donnent finalement le sens au film? Celle où Gandalf parlait de la pitié à Frodo dans la Moria ou celle où Gandalf poussait Denethor dans les flammes? Celle où Aragorn tendait la main à Grima ou celle où il décapita la Bouche de Sauron sans sommation?
Toujours à propos de la pitié, on peut aussi regretter l’absence dans le film du moment où Sam s’était retenu au dernier moment de tuer Gollum alors qu’il pouvait le faire. Et il y a aussi bien sûr le rappel de Frodo à Sam qu’il faut pardonner Gollum après la destruction de l’Anneau: toutes ces scènes et ces propos appuyaient un des sens centraux de cette histoire, leurs absences affaiblissent encore l’importance de la pitié. Les scénaristes craignaient ils une incompréhension de la part du public si Sam avait épargné Gollum ou si Frodo pardonnait ce dernier?
Il semble qu’il n'y a pas de réelle volonté des scénaristes d’insister sur certaines valeurs morales, les personnages principaux pouvant s’affranchir de les respecter quand bon il leur semble: on se demande encore pourquoi Legolas a tué Grima.
N’y a t il pas tout simplement une volonté de répondre à une certaine attente des spectateurs qui sont habitués à voir les « héros » achever de leurs propres mains les « méchants » de l’histoire dans la violence, à croire que la « justice » ne peut être faîte que par nous même, en éliminant nos adversaires?
Sur un autre sujet, craignaient ils aussi qu’une chute "providentielle" de Gollum soit incomprise aussi? Ainsi, ils ont préféré un rôle actif de Frodo dans la chute de Gollum.
Ce n’est plus le destin qui a fait chuter Gollum mais Frodo, qui est devenu du coup responsable de la mort de Gollum, on peut dire que c’est son désire pour l’Anneau qui a causé la perte de Gollum alors que dans le texte, Frodo était complètement innocent de sa chute. Cette dernière version a l’avantage d’offrir plusieurs interprétations : suicide de Sméagol, intervention divine ou conséquence de la rupture du serment et d’autres encore.
Dans le texte, Frodo a failli face au pouvoir séducteur de l’Anneau et en même temps, il a réussi la quête grâce à sa pitié et à la providence.
Dans le film, Frodo a failli aussi face à l’Anneau et il a réussi sa quête sous l’emprise de la rage, de l’Anneau, réduisant ainsi la portée de sa pitié et à la providence.
Quelque soit nos avis sur cet écart, écart il y a et la morale n’est plus la même.
Conclusion
Il existe d’autres thèmes primordiaux de l’œuvre de Tolkien comme la destinée des Elfes, le don de la Mortalité ou l’Estel qui enrichissement Le Seigneur des Anneaux profondément. Je ne reviens pas sur ces points car ces thèmes ne sont pas indispensables pour comprendre pleinement les enjeux de la guerre de l’Anneau mais néanmoins, on peut regretter que le peu de références dans le film à ces thèmes ne respectent pas la création de J.R.R. Tolkien, ils sont même parfois en contradiction avec.
Il est difficile pour un lecteur de Tolkien de juger les sens de ces films car inévitablement, il se reposera sur sa compréhension du texte pour réinterpréter le film, se laissant marquer sur ce qui lui semble correspondre au texte ou ce qui lui plaît, négligeant le reste. Le film en lui même n’est pas cohérent dans les sens qui s’y construisent: certains personnage prônent un moment la pitié mais ces propos ne se manifestent pas toujours en acte. Il est impossible de généraliser une interprétation du film par les spectateurs mais pour me faire une idée, j’ai lu des réactions à propos de la version longue du RdR et je suis étonné que certaines personnes trouvent normal et juste qu’Aragorn décapite ainsi l’émissaire de Sauron. Est ce que le message sur la pitié est il bien passé dans le film?
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1:
- La mérite ! Je crois bien. Nombreux sont ceux qui vivent et qui méritent la mort. Et certains qui meurent méritent la vie. Pouvez-vous la leur donner? Alors, ne soyez pas trop prompt à dispenser la mort en jugement. Car meme les très sages ne peuvent voir toutes les fins. Je n'ai pas grand espoir de la guerison de Gollum avant sa mort, mais il y a tout de même une chance. Et il est lié au sort de l'Anneau. Mon coeur me dit qu'il a encore un rôle à jouer, en bien ou en mal, avant la fin; et quand celle-ci arrivera, la pitié de Bilbon peut déterminer le sort de beaucoup - à commencer par le vôtre.
L'OMBRE DU PASSE, La Communauté de l'Anneau
2:
« ... le monde des Hommes, que nous devons gouverner. Mais il nous faut le pouvoir, le pouvoir de tout ordonner comme nous l'entendons pour le bien que seuls les Sages peuvent voir.
...
Nous pouvons attendre notre heure, conserver nos pensées dans notre coeur, déplorant peut-être les maux infligés en passant, mais approuvant le but élevé et ultime: la Connaissance, la Domination, l'Ordre;
...
Il ne serait point besoin, il n'y aurait point de véritable modification de nos desseins, mais seulement des moyens. »
LE CONSEIL D'ELROND, La Communauté de l'Anneau
3:
Voir “Notes on motives in the Silmarillion”, MYTHS TRANSFORMED, HoME X
4:
- On l'a! siffla Gollum dans son oreille. Enfin, mon tresor, on l'a, oui, le vilain Hobbit. On prend celui-ci. Elle attrapera l'autre. Oh oui, Arachne l'aura, pas Smeagol : il a promis; il ne fera aucun mal au Maitre. Mais il t'a, sale immonde petit sournois! Il cracha sur le cou de Sam.
L'ANTRE D'ARACHNE, Les Deux Tours
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Ta reference a la pitie est en effet importante car c'est vrai qu'elle a une place considerable dans l'oeuvre de JRR. Mais je m'interroge egalement sur l'amour. En relisant le Seigneur... j'ai ete etonnee d'en trouver autant. Dans un sens general et plus individuel. Tolkien aime la nature, a enormement d'affection pour les animaux (sinon il ne metionnerait pas ce qu'il advient des ponies apres Bree...) et bien sur il parvient a exprimer avec finesse toutes les formes d'amour possibles et imaginables dont bien sur, et en tete, l'amitie. Je m'egare un peu, mais j'ai bien aime ton message.
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il me semblait bien que ma réflexion sur pitié/ compassion dans le fuseau "les dérives de la passion ..." n'était pas à sa place ... Petit copié-collé histoire d'éviter de tout mélanger.
Ed', et du coup Stalker aussi : si la pitié permet à la quête de réussir en sacrifiant justement celui qui a été l'objet de cette pitié, c'est que la Providence est un tantinet cynique.
à propos de la manière dont la pitié s'exprime dans le film, elle me semble plus proche de la compassion que de la pitié ; Frodo "se voit" effectivement en Gollum. cette gémellité accentuée par rapport au livre me plaît beaucoup (oui, ce n'est que du ressenti :-D ) et me paraît avoir du sens, en signifiant justement au spectateur de ne pas être trop prompt à juger et que chacun a à lutter autant contre soi que contre un hypothétique mal extérieur. nul n'est réellement à l'abri d'une "gollumisation", ou d'une "boromirisation". cf la ressemblance plus étroite entre Faramir et Boromir chez PJ que chez Tolkien, qui pour moi relève du même choix de la part de PJ, qui force le trait sur les duos initiaux de Tolkien. cela permet de mettre l'accent sur les choix faits finalement, pour lesquels les deux duos se distinguent en revanche : la parenté Frodo-Gollum est montrée jusqu'au bout, la parenté Boromir-Faramir étant rompue plus tôt. Pour revenir au problème-pitié (pfff, je suis vraiment douée pour les digressions, une catastrophe pour une enseignante, croyez-moi, lol), la compassion de Frodo qui comprend les souffrances de Gollum me touche plus qu'une pitié "abstraite" au sens où elle renvoie à la lutte intérieure alors que la pitié tout court laisse l'autre dans son statut de misérable inférieur.
ajout par rapport à l'autre fuseau : Frodo échoue à la montagne du destin, dans le texte comme dans le film. si je trouve que l'argument des scénaristes "il fallait que Frodo fasse quelque chose" après que Gollum lui ait repris l'Anneau, ne tient pas la route, je trouve cependant que le fait qu'il essaie de reprendre l'Anneau montre l'emprise de celui-ci et la responsabilité de celui-ci (l'Anneau) dans tout cela. au bout du compte, l'Anneau tombe par sa propre faute : ça me convainc plus que le fait qu'il tombe parce que la Providence fait trébucher Gollum et ça ne culpabilise pas plus Frodo, qui est allé au bout de ce qu'il pouvait. le 2d combat Frodo-Gollum n'apporte pas grand'chose mais ne dénature pas la morale du livre à ce sujet : on peut interpréter le sursaut vital de Frodo comme le fait que dans le texte, ce soit Gollum seul qui chute après avoir repris l'Anneau.
je ne trouve pas juste qu'Aragorn décapite la Bouche de Sauron ; en revanche, je ne trouve pas cela non plus scandaleux. j'y vois le geste de rage d'un homme qui se bat depuis des semaines pour maintenir un espoir (à ce sujet, je trouve beaucoup plus absurde le dialogue Elrond-Aragorn au moment où Elrond apporte Anduril, sans compter que c'est une des scènes les plus mal réalisées du film, faire dire à Aragorn qu'il n'a plus d'espoir, cela me fait bondir à chaque fois tellement c'est incohérent. autant la plupart des "déplacements" de dialogue me paraissent assez judicieux ou tout au moins ne pas léser le sens du texte prononcé ni de l'histoire, autant là je ne comprends toujours pas comme ça a pu passer ????) et qui trouve dans ce geste (injuste et inutile, donc moralement indéfendable) l'énergie de croire encore malgré tout. je n'aime pas cette scène dans la VL et d'abord parce que la Bouche de Sauron est trop ridicule pour être vraiment effrayante, mais elle ne m'offusque pas outre mesure.
sur VL / VC, je peux radoter pendant des plombes à quel point je trouve ça scandaleux et dommageable ;-)
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Lothiriel:
la compassion de Frodo qui comprend les souffrances de Gollum me touche plus qu'une pitié "abstraite" au sens où elle renvoie à la lutte intérieure alors que la pitié tout court laisse l'autre dans son statut de misérable inférieur.
Pour ce qui est de mon ressenti, je trouve justement que c’est dans le texte que Frodo est bien plus respectueux et moins hautain vis à vis de Gollum.
Prenons par exemple la scène de TTT où Frodo jeta négligemment un morceau de lembas à Gollum comme si ce dernier était un chien: La même scène dans le texte est tout autre:
- Il nous faut prendre un peu de nourriture, dit Frodon. Avez-vous faim, Smeagol? Nous n'avons que tres peu de chose a partager, mais nous vous donnerons ce que nous pourrons.
LA TRAVERSEE DES MARAIS
Dans RotK, j’ai été un peu étonné par l’indifférence de Frodo au moment où Sam lui disait avoir surpris Gollum se parlant à lui même de les tuer: je ne sais pas si Frodo croyait ou non à Sam mais il ne tenait nullement compte des ses avertissements, se contentant de répéter qu’ils avaient besoin de Gollum. A partir de ce moment, Frodo me semblait être dans un état seconde où il était incapable de faire la part des choses : le point culminant de cette transformation est le moment suréaliste où il demandait calmement à Sam de repartir. Jusqu’à ce moment donc, je n’avais pas l’impression que Frodo gardait Gollum par pitié ou compassion, il semblait surtout avoir perdu le sens des réalités.
Ceci dit, un des meilleurs moments du film est sans doute celui où Frodo venait d’échapper à Arachné et se battait contre Gollum, prit le dessus puis l’épargna en disant qu’il doit détruire l’Anneau pour les sauver tout les deux. C’est un des moments où le film est relativement proche de l’esprit du texte. La seule faiblesse que j’y vois est l’excuse de Gollum qui semblait vouloir se déresponsabiliser complètement (en plus, on apprendra plus tard qu’il avait menti) et cette excuse ne semble pas crédible et a tendance à pousser le spectateur à se dire « Oh non, Frodo se fait ENCORE avoir! ». A la limite, il aurait fallu que Frodo l’épargne SANS que Gollum se justifie, pour éviter aux spectateurs de croire que Gollum ment encore une fois et pour centrer l’attention sur cet acte de merci et rien d’autre. Une autre solution consisterait à placer cette scène peu avant leur arrivée au Sammath Naur (comme le texte en fait, au moment où apparaît la roue de feu et l’avertissement à Gollum): on y verrait alors Frodo, épargnant Gollum juste avant le moment fatidique. Le relation entre cet acte de merci et la destruction de l’Anneau serait ainsi plus évidente.
Je l’ai sans doute mal souligné mais dans ma critique, je voulais dire qu’à force d’insister sur la perfidie de Gollum, la compassion que pouvaient avoir les spectateurs pour lui est d’autant plus difficile et par conséquent, le fait que l’Anneau n’aurait pas pu être détruit sans lui est d’autant moins visible. D’où la question que j’ai posé dans le titre, je me demande toujours si ce sens est immédiatement lisible dans le film par la plupart des spectateurs.
Lothiriel :
je trouve cependant que le fait qu'il essaie de reprendre l'Anneau montre l'emprise de celui-ci et la responsabilité de celui-ci (l'Anneau) dans tout cela. au bout du compte, l'Anneau tombe par sa propre faute.
Oui. Ce sens est aussi présent dans le texte car c’est le désir pour l’Anneau qui a motivé Gollum à attaquer Frodo pour récupérer l’Unique.
O peut dire que « le mal nuit au mal » et vu comme ça, on est tout à fait dans la logique du texte.
Je ne voulais pas dire que Frodo est coupable d’avoir attaqué Gollum, je disais qu’il était responsable dans le sens où il a été un acteur direct de cette chute. J’aurais préféré que le dernier acte de Frodo envers Gollum soit un acte de pitié et non un acte de haine, quand bien même il était sous l’influence de l’Unique. Certains trouvent que cela revient au même mais c’est typiquement ce genre de détail qui influe sur le «ressenti». Même si ce n’est pas dit explicitement, on aurait pu être emmené à comprendre que c’est la pitié de Frodo qui a permis la destruction de l’Anneau. Or, avec ce changement, l’idée qui te vient plutôt à l’esprit est que c’est le pouvoir de l’Anneau qui a joué contre lui même.
On a le droit de préférer cette fin à l’originale (surtout que la providence n’est plus très présente dans le film, ça aussi c’est un écart qui a beaucoup d’impact sur le «ressenti») mais je tenais seulement à souligner la différence.
Ceci dit, l’absence du pardon de Frodo m’est vraiment incompréhensible et il est fort dommage qu’il n’y a aucun commentaire sur ce sujet dans les DVD. La seule explication que je vois est que les scénaristes doivent penser qu’un pardon pour un être qu’ils ont largement noirci pourrait paraître complètement déplacé aux yeux du spectateur.
Pour une autre raison aussi, je préfère la chute providentielle: le mystère!
Je soupçonne certains de préférer la chute dans le combat parce que celle ci paraît du coup plus «rationnelle» (ce terme est mal choisi, je suis ouvert à tout autre proposition) mais si le rôle apparent du hasard peut gêner, c’est parce que si la chute était réellement due au hasard (le vrai, c’est à dire qu’on exclue toute intervention extérieure), elle n’aurait pas de sens.
Ce n’est pas sans raison que plusieurs hypothèses ont été émises pour l’expliquer: suicide, pichenette d’Eru, etc. Dernièrement, j’y vois plutôt un effet direct de la rupture du serment par Gollum, les serments semblent en effet pouvoir influencer la destinée (cf l’Armée des morts).
Donc, dans le film, on voit « pourquoi » Gollum tombe: parce qu’il se battait contre Frodo.
On peut mettre un « parce que », on peut expliquer (ou plutôt, donner un semblant d’explication pour) la chute, il n’y a plus de mystère, ni de grâce dans la chute de Gollum.
Par contre, la grâce serait plutôt dans le rattrapage de Frodo: il a eu la «chance» d’avoir pu se retenir à moins que ce soit uniquement grâce à ses réflexes puisque le film n’insiste pas trop sur la providence.
Le lecteur peut toujours y voir l’action de la providence dans cette chute mais ce genre d’interprétation biaisée par la lecture pour faire coller le film au livre ne m’intéresse pas car pour comprendre le film ainsi, c’est déjà bien connaître le livre or les questions des débats tournent souvent sur la façon dont cette histoire est perçue par les spectateurs non lecteurs.
Lothiriel :
sur VL / VC, je peux radoter pendant des plombes à quel point je trouve ça scandaleux et dommageable ;-)
On est d’accord. Je tiens à préciser que mon propos n’est pas de savoir quelle est la « vraie » version mais je trouve que les versions salles sont parlantes. En gros, PJ s’est dit « J’ai 3h30 pour faire mon film, je dois caser l’ESSENTIEL ». Or, bizarrement, les scènes qui sont évoqués comme arguments en faveur d’une certaine fidélité par rapport au texte sont souvent des scènes présentes que dans les DVD. De là, on voit que ce qui est essentiel pour nous ne l’est pas pour PJ. Ne voulait il pas donner à ses films un sens tout autre que celui auquel on s’y attendait?
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Cher Stalker,
J'ai lu - peut être pas encore assez "à tête reposée" ton intéressant commentaire. Permets moi de faire quelques remarques.
Au sujet de Gollum : l'extrait que tu cites, même s'il peut faire penser que Gollum n'est pas si fou que çà montre surtout à mes yeux qu'il essaie de se donner bonne conscience à bon marché. En effet, même s'il n'a pas l'intention de tuer Frodo à coups de bâtons, dépée ou que sais-je (comme il a l'intention de le faire pour Sam) il a malgré tout l'intention de le faire tuer par Shelob. Désolée, mais si je pousse volontairement quelqu'un dans la cage aux lions et qu'un lion le bouffe, l'assassin, ce sera moi, pas le lion qui aura seulement suivi ses instincts de carnassier...
Au sujet de Gandalf/Denethor : je trouve que les actes de Gandalf ne sont pas des actes "de" pitié, mais ne sont pas non plus des actes "qui vont à l'encontre" de la pitié. Je crois simplement que la pitié n'est pas le problème à ces moments-là. Je m'explique : au moment de la "bastonnade", Denethor n'est pas seulement un "malheureux père affligé". Il est un chef d'Etat qui perd la boule devant ses troupes, et prouve de ce fait son incapacité à gouverner. Il est "hors de lui" si j'ose dire. Et, pardonnez-moi, mais foutre une baffe à un cinglé - avec toute la compassion que m'inspirent les cinglés, croyez-le, car c'est un sujet qui me touche beaucoup - lui enfiler la camisole et lui faire une piquûre d'Haldol, ce n'est pas "manquer de pitié". De même, pour la scène du bûcher (qui est moche et mal foutue) : agir de façon à sauver une personne aux prises avec un forcené - même remarque que précédemment - même si ce forcené perd la vie dans l'action, n'a encore une fois rien à voir avec la pitié ou pas. C'est une action dans l'urgence (je rajouterais que dans le bouquin, Gandalf n'insiste franchement pas pour sauver Denethor non plus).
Au sujet des "motivations de Sauron" : faut peut-être pas oublier que les HoME sont des bouquins confidentiels.
Quant à Saruman : ses intentions étaient peut-être bonnes AU DEPART. Il n'empêche qu'il s'est sacrément fait manipuler au moyen du Palantir, et qu'il n'a pas hésité à utiliser une bande de dégénérés (au sens propre) fanatiques pour soi-disant apporter la "sagesse" aux hommes en ravageant leurs terres. L'était pas idiot au point de ne pas savoir que ce qu'il faisait était mal.
Au sujet du pardon de Frodo à Gollum : encore une fois, à mer yeux, çà n'a rien à voir avec de la "pitié". C'est un "pardon", ce que je trouve profondément différent. Ce n'est pas parce qu'il était une pauvre créature corrompue et misérable que Frodo pardonne à Gollum, mais parce que sa mort accidentelle a permi la réussite de la quête.
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Lambertine
Pour Gollum, j'ai bien écrit un "semblant d'honneur". Evidemment que Gollum voulait la mort de Frodo mais il se mentait à lui même, dans sa tête, c'est Frodo le voleur! Lui se donnait le rôle de la victime et, hypocritement, jouait sur les termes du serment. Ce passage du texte montre aussi que Gollum craignait encore, à ce moment là, de rompre son serment. Ces derniers ne sont pas anodins comme je l'ai souligné dans un fuseau sur numenor.
Pour ma critique sur les motivations de Saruman, je pense que ça n'aurait pas coûté grande chose de lui donner les mêmes motivations que dans le livre, il suffit de changer 3 phrases dans le premier film.
Idem pour les motivations de Sauron, il suffisait de ne pas faire dire aux orcs "l'âge des Hommes est terminé" pour ne pas s'éloigner des textes. Je n'ai pas dit qu'il faut replacer l'Athrabeth!
Enfin, je ne confonds pas pardon et pitié. Qu'est ce qui te fait croire que je confonds les deux??
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Au sujet du "pardon" et de la "pitié" : je ne te répondais pas "spécialement" à toi. C'est juste que les deux thèmes sont mélangés dans pas mal de posts sur pas mal de fora. Et que je tenais à faire la distinction, c'est tout.
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Stalker : "Pour ma critique sur les motivations de Saruman, je pense que ça n'aurait pas coûté grande chose de lui donner les mêmes motivations que dans le livre, il suffit de changer 3 phrases dans le premier film."
Et de la même manière, enlever 2/3 pitoyables "Gimli-ades" (j'ai déjà entendu parler de "ressort comique des films" à son propos) pour redonner à ce personnage une apparence un (tout petit) peu plus conforme au bouquin (et lui, la VL ne l'arrange pas !).
Je précise à toutes fins utiles que ceci ne préjuge en rien de mes sentiments concernant d'autres personnages/lieux/situations des films.
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j'ai peu d'avis de gens qui n'ont pas lu les livres sur les films ; il est évident que ma vision du film est intimement liée à ma lecture des livres, je ne peux guère faire autrement, d'où ma remarque sur le fait que la phrase de Gandalf pendant le sprint de Denethor ne me dérange pas. c'est peut-être biaisé au départ pour moi, et je serais curieuse d'avoir des avis de non-lecteurs à ce sujet. et comme j'en reparle dans le fuseau adéquat, j'arrête l'entretissage sur ce point :-D
Stalker : "Dans RotK, j’ai été un peu étonné par l’indifférence de Frodo au moment où Sam lui disait avoir surpris Gollum se parlant à lui même de les tuer: je ne sais pas si Frodo croyait ou non à Sam mais il ne tenait nullement compte des ses avertissements, se contentant de répéter qu’ils avaient besoin de Gollum. A partir de ce moment, Frodo me semblait être dans un état seconde où il était incapable de faire la part des choses : le point culminant de cette transformation est le moment suréaliste où il demandait calmement à Sam de repartir. Jusqu’à ce moment donc, je n’avais pas l’impression que Frodo gardait Gollum par pitié ou compassion, il semblait surtout avoir perdu le sens des réalités."
voici comment j'ai vu la scène, en fonction des expressions des uns et des autres. Frodo semble croire Sam et vouloir croire Gollum ; lorsqu'il dit à Sam qu'ils ont besoin de Gollum, il donne un argument imparable à Sam. il y a un aspect fataliste chez Frodo dans tous ses passages, c'est vrai, particulièrement lorsqu'il renvoie Sam. En revoyant la scène, j'ai été frappée par le fait qu'il le fait comme une nécessité, comme la seule solution à quelque chose qui le dépasse effectivement. en gros, "je n'ai plus d'autre choix que de suivre Gollum, mais si Sam reste ça va finir en meurtre d'un côté ou de l'autre et en plus je vais finir par ne plus supporter Sam alors que c'est lui qui a raison". là encore, tout ceci est forcément biaisé par ma connaissance du livre, qui me fait donner une personnalité à chaque personnage avant de les voir à l'écran. mais c'est quand même bien cette impression de fatalité qui se dégage des images et des dialogues. quand Frodo dit à Sam "go home", je ne le trouve pas du tout agressif, plutôt "laisse tomber, tu n'y peux plus rien alors sauve-toi toi, au moins". jamais il ne me donne l'impression de "préférer" Gollum à Sam ; il refait le choix du sacrifice individuel, plutôt.
"La seule faiblesse que j’y vois est l’excuse de Gollum qui semblait vouloir se déresponsabiliser complètement (en plus, on apprendra plus tard qu’il avait menti) et cette excuse ne semble pas crédible et a tendance à pousser le spectateur à se dire « Oh non, Frodo se fait ENCORE avoir! ». "
au contraire, les scénaristes insistent tellement sur l'emprise de l'Anneau, en accentuant la gemellité (j'aime bien ce mot :D) Frodo-Gollum, que l'excuse n'en devient que plus crédible - et en conséquence sincère, elle peut paraître comme un sursaut de lucidité de Gollum pour sauver sa peau, certes, mais ce n'est pas pour cela que c'est mensonger. le fait que Gollum dit plus loin avoir menti me pose plus de problème, parce que je trouve qu'il ne colle justement pas avec le reste, au point que je l'interprète comme, cette fois-ci, une fausse excuse, une manière de balayer la dernière tentative de Frodo de le sauver. à ce moment là, Gollum tombe effectivement sous le pouvoir de l'Anneau de manière irrémédiable. le mensonge, il est à ce moment, pas à celui du serment. d'ailleurs dans les deux scènes Sméagol-Gollum la question du serment est évoquée, si je ne m'abuse.
on va sans doute trouver que je complique à loisir pour "faire coller avec l'esprit du livre" ;-) Je me répète, j'aimerais avoir un avis de non-lecteur pour savoir si ce que je dis lui paraît complètement absurde.
sur les motivations de Saroumane et Sauron, on est d'accord, c'était pas compliqué à situer.
"On est d’accord. Je tiens à préciser que mon propos n’est pas de savoir quelle est la « vraie » version mais je trouve que les versions salles sont parlantes. En gros, PJ s’est dit « J’ai 3h30 pour faire mon film, je dois caser l’ESSENTIEL ». Or, bizarrement, les scènes qui sont évoqués comme arguments en faveur d’une certaine fidélité par rapport au texte sont souvent des scènes présentes que dans les DVD. De là, on voit que ce qui est essentiel pour nous ne l’est pas pour PJ. Ne voulait il pas donner à ses films un sens tout autre que celui auquel on s’y attendait?"
en voyant les VL, j'ai vraiment l'impression que PJ a fait deux films en fait, avec deux angles d'attaque sur une même histoire. les versions salle sont des films d'action à grand spectacle, les versions longues ont nettement plus d'épaisseur à tous points de vue. les VL modifient la compréhension du récit, enfin à mes yeux (là encore, de lectrice donc patatipatata). j'ai tendance à penser que l'essentiel est normalement en salle, mais je me rends compte que le support DVD et les équipements home cinéma modifient cette hiérarchisation. je le déplore personnellement, n'ayant toujours pas de home cinema (et les Vl sur l'écran du pc, ça le fait moyen, heureusement que j'ai des amis bien équipés !) et trouvant toujours un charme fou aux salles obscures. en fait, l'inconvénient des deux versions (enfin, un des inconvénients !), c'est qu'on reste perplexe devant les différences et qu'on en arrive à ta question finale, sans avoir de réponse.
j'ajoute cependant qu'aux yeux de certains lecteurs, l'essentiel reste dans les impressionnantes batailles : tout ne vient pas des choix de PJ pour les versions salle !
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Lothi > voici comment j'ai vu la scène, en fonction des expressions des uns et des autres. Frodo semble croire Sam et vouloir croire Gollum ; lorsqu'il dit à Sam qu'ils ont besoin de Gollum, il donne un argument imparable à Sam. il y a un aspect fataliste chez Frodo dans tous ses passages, c'est vrai, particulièrement lorsqu'il renvoie Sam. En revoyant la scène, j'ai été frappée par le fait qu'il le fait comme une nécessité, comme la seule solution à quelque chose qui le dépasse effectivement. en gros, "je n'ai plus d'autre choix que de suivre Gollum, mais si Sam reste ça va finir en meurtre d'un côté ou de l'autre et en plus je vais finir par ne plus supporter Sam alors que c'est lui qui a raison". là encore, tout ceci est forcément biaisé par ma connaissance du livre, qui me fait donner une personnalité à chaque personnage avant de les voir à l'écran. mais c'est quand même bien cette impression de fatalité qui se dégage des images et des dialogues. quand Frodo dit à Sam "go home", je ne le trouve pas du tout agressif, plutôt "laisse tomber, tu n'y peux plus rien alors sauve-toi toi, au moins". jamais il ne me donne l'impression de "préférer" Gollum à Sam ; il refait le choix du sacrifice individuel, plutôt.
Eh bien, tu prêtes de bien nobles sentiments aux personnages par rapport à ce qui nous est montré... ! ;-)
Concernant la scène des lembas : pourquoi, si, comme tu le dis, le geste de Frodon est purement sacrificiel, lui faire dire "Non, ça ne peut pas être lui qui a mangé le pain" d'un air accusateur ? Pourquoi insérer, juste à ce moment, la réaction violente de Frodo à l'égard de Sam qui demande à porter son anneau, et qui fait écho aux paroles de Gollum qui voulait monter Frodon contre Sam ? Pourquoi, dans ce cas, Frodon ne dit-il pas à Sam qu'il sait qu'il est innocent dans cette histoire ?
Bien au contraire, tout est fait, dans cette scène pour qu'on ait l'impression que le plan de Gollum a parfaitement réussi (d'où son sourire sournois au moment où Frodo renvoie Sam).
C.
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j'ai vu le film il y a deux jours. la réaction violente de Frodo est extrêmement logique, mais elle est suivie d'une attitude beaucoup plus calme, comme résignée, comme si Frodo réalise lui-même ce qu'il vient de dire et de faire.
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j'ai vu le film il y a deux jours. la réaction violente de Frodo est extrêmement logique, mais elle est suivie d'une attitude beaucoup plus calme, comme résignée, comme si Frodo réalise lui-même ce qu'il vient de dire et de faire.
La réaction est logique, certes. Et quid du reste ? A quoi ça sert de nous montrer toutes ces fioritures autour ? Pourquoi l'accusation de Frodo envers Sam juste avant ? Pourquoi les commentaires de Gollum le sournois qui en rajoute une couche ? Pourquoi Frodon laissserait-il croire à Sam qu'il pense qu'il est coupable ?
Et je ne vois pas 36 manières d'interpréter cet échange :
Sam à Smeagol : "Go away ! Get out of here !"
Frodo : "No, Sam, it's you."
TOUT est fait, dans cette scène, pour faire de Sam un coupable malgré lui aux yeux de Frodon.
Et pourquoi Frodon s'excuserait-il à ce point en revoyant Sam si le renvoi était purement sacrificiel ? M'est avis qu'il a plutôt compris qu'il s'est gourré à cause de Smeagol sur la personne en qui il devait avoir confiance, et voilà tout.
C.
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m'est avis aussi qu'il s'est gouré ;-) Mais m'est avis aussi que rien n'est simple à ce moment là, au moment précis du renvoi. il ne peut pas trancher : il dit d'ailleurs que Gollum ne peut pas avoir mangé le pain (ce qui est absolument vrai) mais il ne dit pas non plus que c'est Sam (si ?). pour moi, il est devant un gouffre entre deux versions qui de toutes façons ne peuvent s'accorder : même si c'est Gollum qui complote, Frodo ne peut pas se passer de lui. or, garder Sam et Gollum, ce n'est pas gérable. il choisit la solution la plus simple. le sourire narquois de Gollum exprime le fait qu'il est content du résultat, son petit plan ayant parfaitement réussi. cela n'implique pas que Frodo soit intimement persuadé que Sam est un traitre et ce n'est pas ce que je traduis de son attitude (dans un film, les dialogues ne sont pas seuls en jeu).
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Lothiriel:
Tu résonnes d'une manière très logique et surtout, objective:
OUI: Frodo ne pouvait pas se passer de Gollum et ne pouvait pas garder Sam en même temps.
Cependant, Frodo était dans un tel état d'épuisement physique et mental qu'il n'était plus lui même. Gollum avait très bien joué avec les peurs de Frodo: il a réussi à lui faire croire que Sam voulait lui prendre l'anneau. A ce moment là, le pouvoir de l'Anneau et Gollum jouaient de pair et à contribuer à faire perdre le sens des réalités à Frodo qui ne pouvait plus faire de raisonnement objectif. (ie on ne peut pas raisonner objectivement pour comprendre Frodo)
Frodo n'avait pas explicitement accusé Sam pour les lembas mais personnellement, je trouve aussi que c'était sous entendu (voir son air assez aggressif et le ton, plutôt accusateur, envers Sam) sinon, je ne vois pas pourquoi il a dit que Gollum n'en mangeait pas.
De toutes façons, la goutte d'eau qui a fait déborder la vase est le moment où Sam lui a proposé de porter l'Anneau à sa place: Frodo devenu parano ne pouvait que se retourner contre Sam.
Bizarrement, au moment où Sam a délivré Frodo des orcs et où Frodo demandait l'Anneau en retour, il était calme dans le film, il ne montrait nulle colère.
Dans le texte, c'est le contraire: c'est à ce moment précis que Frodo s'était mis à crier contre Sam, à le traiter de voleur, injustement. Dans le texte, c'est un des rares moments où Frodo perdait la tête contre Sam.
J'en déduis que dans le film, on voulait nous montrer que sans l'anneau, Frodo redevient lui même, retrouve ses esprits. Par contre, dans le texte, même sans l'anneau, Frodo était obscédé par celui-ci et ne pas l'avoir peut le rendre fou. On a une logique différente dans le film.
Notons aussi que, dans le film, la relation Frodo/Sam va beaucoup mieux une fois qu'ils ne étaient plus avec Gollum, pendant tout leur voyage en Mordor. Le film met l'accent sur la tension que créait Gollum entre Frodo et Sam, tension qui était quasi absente du texte.
Comparez l'entrée dans l'antre d'Arachné de Frodo dans le film: il était seul avec la voix de Gollum qui le narguait.
Dans le texte, Frodo et Sam entraient dedans main dans la main! Gollum a dû intervenir lui même pour les séparer en s'attaquant à Sam. (juste après que cellui ci l'ait accusé injustement de "sournois" alors qu'il ne cherchait qu'un contact humain)
A première vue, on dirait que ça revient au même que dans le texte car Gollum a séparé Frodo et Sam. Sauf que dans le film, c'est Frodo qui a chassé Sam (par compassion ou non, qu'importe ici). Le moteur de la narration dans le film est différent du texte, car basé sur les tensions Frodo/Sam ainsi que la dynamique de cette triangulaire. Il est donc illusoire de se baser sur les personnages du livres pour comprendre ceux du film.
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"Le moteur de la narration dans le film est différent du texte, car basé sur les tensions Frodo/Sam ainsi que la dynamique de cette triangulaire. Il est donc illusoire de se baser sur les personnages du livres pour comprendre ceux du film."
La logique imparable de cette argumentation m'échappe.
"Le moteur de la narration dans le film est différent du texte..." -- Oui, à en convenir après ta brillante démonstration au-dessus.
"...Car basé sur les tensions Frodo/Sam ainsi que la dynamique de cette triangulaire." -- Bigre, le lien s'effiloche, là... Dans le livre aussi on trouve une tension Frodo/Sam et une dynamique triangulaire... Oui, pas la même... Le moteur narratif est différent. Oh... C'est ce qu'on vient de dire... Raisonnement tautologique, mon cher!
"Il est donc illusoire de se baser sur les personnages du livres pour comprendre ceux du film." -- Euh! Je me gratte la closque, "donc" doit introduire une relation de conséquence... Mais je ne vois vraiment pas! Que le moteur narratif soit différent, ok! (J'récapitule à voix haute). Bon, je peux narrer un truc de pleins de façons différentes, quoi. Ca change pas nécessairement les personnages, juste les situations.
Vraiment, je trave que dalle! Et pourtant... Il me semble qu'il y a de la sagesse dans l'assertion "Il est illusoire de se baser sur les personnages du livres pour comprendre ceux du film". Mais voilà que le raisonnement m'échappe en dépit de tout. Je sûr qu'il y a de la sagesse là dedans, pourtant! :o)
Didier.
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"...Car basé sur les tensions Frodo/Sam ainsi que la dynamique de cette triangulaire." -- Bigre, le lien s'effiloche, là... Dans le livre aussi on trouve une tension Frodo/Sam et une dynamique triangulaire... Oui, pas la même... Le moteur narratif est différent. Oh... C'est ce qu'on vient de dire... Raisonnement tautologique, mon cher!
Non, pas d'accord. La tension entre Frodo et Sam est quasi inexistant dans le texte je trouve. Frodo, dans le texte, n'était pas dupe (pas autant que dans le film en tout cas): à plusieurs reprises, il a évoqué d'une éventuelle trahison de Gollum.
Par dynamique triangulaire, j'entends ça:
Au début, Frodo et Sam sont ensemble, Gollum seul
au fur et à mesure du film, Frodo se rapproche de Gollum et Sam est isolé.
Dans le texte, je ne vois pas une telle dynamique triangulaire: Frodo et Sam ne s'étaient jamais aliénés.
Le moteur du film est basé entre autre sur le suspens de savoir si Frodo tombera ou non dans le piège de Gollum et si Sam arrivera ou non à convaincre Frodo de la perfidie de Gollum. Sam est en compétition, en lutte contre Gollum dans le film.
Bon, je peux narrer un truc de pleins de façons différentes, quoi. Ca change pas nécessairement les personnages, juste les situations.
Dans notre cas, ce n'est pas seulement la narration qui est différente mais aussi les motivations des personnages et leurs évolutions. Au final, les personnages sont modifiés.
Bref, je voulais tout simplement dire qu'il faut essayer de regarder le film en oubliant le livre. Je dis ça car Lothiriel a précisé que sa lecture du film est influencée par celle du livre.
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A Lothiriel (parce qu'on a parlé des commentaires de PJ) particulièrement et ça intéressera d'autres personnes peut être:
Un commentaire audio de PJ himself où il parle des thèmes du SdA.
http://www.lordoftherings.net/
cliquez sur "exclusive audio slideshow"
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