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Achevant hier une relecture du livre 2 du Seigneur des Anneaux (à l'occasion d'une enième relecture du SdA) , j'ai été interpelé par une expression qu'utilise Aragorn dans le chapitre 9 "Le grand Fleuve" le lendemain de l'attaque de Sarn Gebir lorsque les voyageurs cherchent à contourner les rapides en hissant leurs bateaux sur l'ancienne voie de portage :
"Tout va bien, dit Aragorn en descendant la berge. Il y a une piste, et elle mène à un bon point d'atterrissage encore utilisable. Ce n'est pas loin: le début des Rapides ne se trouve qu'à un demi-mille, et ils ne s'étendent pas sur plus d'un mille. A peu de distance au-delà, le courant redevient clair et uni, bien que rapide. Le plus dur sera d'apporter nos bateaux et notre bagage jusqu'à l'ancien chemin de portage. Nous l'avons trouvé, mais il est assez loin en retrait du bord de l'eau où nous sommes, et il court sous le vent d'un mur de rocher, à un furlong ou plus de la berge."
"All is well,' said Aragorn, as he clambered down the bank. 'There is a track, and it leads to a good landing that is still serviceable. The distance is not great: the head of the Rapids is but half a mile below us, and they are little more than a mile long. Not far beyond them the stream becomes clear and smooth again, though it runs swiftly. Our hardest task will be to get our boats and baggage to the old portage-way. We have found it, but it lies well back from the water-side here, and runs under the lee of a rock-wall, a furlong or more from the shore."
En VF ou en VO, "sous le vent" = "under the lee", l'expression revient au même, le point intéressant étant qu'en anglais comme en français, elle est empruntée au vocabulaire marin peut-être inattendu dans une conversation entre terriens (même sur un fleuve).
La chose ne m'avait jamais frappé et il est certainement logique qu'Aragorn, descendant des grands navigateurs de Numenor, use ainsi du langage des gens de mer mais maintenant que ma curiosité est titillée, je me demande si, ailleurs dans le récit, Aragorn ou d'autres Gondoriens emploient d'autres expressions marines.
Vous est -il arrivé d'en trouver??
J'en profite pour noter que dans la citation ci-dessus en VF, la notion d'atterrissage au Troisème âge ne serait correcte qu'en descendant d'un vol à dos d'aigle.
A l'occasion d'une éventuelle révision future de la traduction française, le terme "débarquement" serait mieux adapté pour traduire "landing".
Silmo
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Je ne le savais pas, mais d'après le TLFI, "atterrissage" a d'abord eu un sens maritime :
MAR. [En parlant d'un bâtiment; corresp. à atterrir2] Action d'atterrir, de prendre terre.(...) "J'aurais donné je ne sais quoi pour pénétrer sous ces mystérieux ombrages et rien n'était plus simple que de dire au capitaine de s'arrêter, puisqu'il était convenu que nous disposions à notre gré du navire. Précisément l'on passa devant plusieurs points, dépouillés de roseaux, où l'atterrissage eût été des plus faciles."
GIDE, Voyage au Congo, 1927, p. 845.
Les sens pour l'aéronautique et l'astronautique sont indiqués "par analogie".
Idem pour "atterrir":
"On désancra pour gagner la rade et le port de Baltimore : en approchant, les eaux se rétrécirent; elles étaient lisses et immobiles; (...). Nous amarrâmes au quai du port. Je dormis à bord et n'atterris que le lendemain."
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 275.
"« Au rivage, Pencroff! » dit Cyrus Smith. En quelques coups d'aviron, la pirogue atterrissait au fond d'une petite anse, et ses passagers sautaient sur la grève."
VERNE, L'Île mystérieuse, 1874, p. 221.
On resterait donc dans le vocabulaire maritime, avec un terme un peu vieillot certes par rapport à son acceptation moderne, mais tout à fait dans le ton sans qu'il soit utile de réviser la traduction. Ledoux n'est pas si mauvais ;-)
Didier
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Hi, hi.
Au temps pour moi; j'avoue, Hisweloke, que je ne connaissais pas cette acception.
Mille excuses à Ledoux :-)
lacette remarque du dragon de brume fait grimper de + 100% le nombre de termes marins utilisés par Aragorn.
Qui proposera un 3ème mot ?
Silmo
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Tolkien semble apprécier le vocabulaire marin, il n'y a qu'à voir les hythe et autres mithe dont il parsema Bombadil goes boating (plus de détails là).
Sinon, pour le vocabulaire maritime d'Aragorn, je proposerais bien la phrase suivante, un peu plus haut dans le même chapitre (je n'ai pas la traduction française, désolé) :
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L'expression que je voulais citer est « take to the water », bien sûr. Ça me semble clairement une expression marine à l'origine, même si ça ne l'est plus nécessairement aujourd'hui (un peu comme le verbe « embarquer » en français ?).
Elendil
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La description de la prise de la flotte d'Umbar à Pelargir par Gimli et Pippin (Retour du Roi, Livre V, ch. 9) démontre les grandes capacités d'Aragorn à organiser prestement et efficacement l'appareillage et la coordination d'une flotte de guerre.
Rappelons que dans ses jeunes années, il se fit appeler Thorongil et servit sur terre, comme sur mer, le surintendant du Gondor, Echtelion, père de Denethor.
"Enfin le surintendant lui accorda son congé, et il rassembla une flottille peu conséquente, et prit Umbar par surprise, à la nuit noire, livrant au feu nombre de navires corsaires."
(Appendice A)
Pour le vocabulaire marin en général, la description des cercles de Minas Tirith est assez intéressante :
"Car, du fait en partie de la forme primitive de la colline et en partie du grand art joint au labeur des anciens, s'élevait a l'arrière de la vaste cour faisant suite a la Porte un bastion de pierre dont l'arête aiguë comme une carène de navire (ship-keel) la dominait de haut face a l'est. Il se dressait jusqu'au niveau du cercle supérieur, et la il était couronne de créneaux, de sorte que ceux de la Citadelle pouvaient, comme les marins d'un bâtiment (like mariners in mountainous ship) haut comme une montagne, regarder du sommet à pic la Porte à sept cents pieds en dessous. (...) Les hommes atteignaient enfin ainsi la Cour Haute et la Place de la Fontaine au pied de la Tour Blanche : belle et elevee, elle mesurait cinquante brasses (fifty fathoms) de la base au pinacle."
(RdR, V, 1) - mon emphase et mes italiques
I.
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je confirme que le terme d'atterrisage est tout à fait marin. Les grands phares de la cote atlantique (en Bretagne Le creach, sein, penmarch, pen men et goulphar) sont d'ailleurs appelés les phares d'atterrissages. Ils permettaient, en éclairant jusqu'à 80 nautiques par temps clair, aux navires arrivant du large dans une ère pré-gps de caler leur position pour faire leur atterrissage. L'utilisation en aéronautique est comparativement bien plus récente.
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Une deuxième et dernière occurrence de cette expression apparaît dans le Lord of the Rings, dans le chapitre "The Taming of Smeagol" (IV, i), lorsque Sam et Frodo sont dans les Emyn Muil, donc pas loin de l'Anduin :
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Hardis les gars, frères de la côte, ça fait plaisir de voir autant de réactions aussi rapidement. Vive JRRVF mille sabords.
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Cher Silmo, attends attends, la pêche n'est pas terminée ;-)
Une troisième occurence apparaît dans un brouillon du chapitre des Cavaliers du Rohan (Aragorn est encore de la partie, mais l'expression apparaît sous la plume du narrateur) :
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Je me fais une réflexion, le terme sous le vent en plus d'être un terme de marin est aussi un terme de chasseur. Chacun sait qu'il faut avancer sous le vent du gibier pour ne pas être repéré. Dans ce cas l'utilisation par Aragorn est d'autant plus naturelle
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Merci Jean ;-), car tu m'instruis dans un domaine (la chasse) où je ne connais strictement rien.
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et je manque à tous les devoirs... merci aussi à Sosryko comme aux précédents contributeurs ;-)
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