Vous n'êtes pas identifié(e).
Pages : 1 bas de page
Je cherche à comprendre pourquoi F. Ledoux a traduit ainsi Derndingle, le lieu de l'Assemblée des Ents.
Il se trouve que Tolkien commente ce nom dans son Guide to the Names in the Lord of the Rings. En voici ce qu'il dit :
"Derndingle. Said by Treebeard to be what Men called the meeting-place of the Ents; therefore meant to be in the Common Speech. But the Common Speech name must be supposed to have been given a long time ago, when in gondor more was known or remembered about the Ents. Dingle is still known, meaning ‘deep (tree-shadowed) dell’, but dern ‘secret, hidden’ is long obsolète, as are the related words in other Germanic languages – except Tarn- in German Tarnkappe (from Middle High German). Translate by sense, preferably by obsolete, poetic, or dialectal elements".
Je n'arrive donc pas à voir dans Derunant ce qui correspond aux indications de Tolkien.
Sébastien
Hors ligne
Mais je croyais que Ledoux n'avait justement pas tenu compte des indications de Tolkien pour traduire...?
Hors ligne
un petit peu quand même, non?
Sam,
qui s'amuse bien avec les tag
Hors ligne
A vrai dire, on pourrait presque lancer que peu importe si Ledoux a ou non suivi le "Guide to the Names in the Lord of the Rings", ma question serait plus de savoir d'où il tire "Derunant" ?
Que veut-il dire ? Ethymologiquement, que peut-on déduire de ce mot ?
Personnellement, je n'ai absolument aucune idée.
Des linguistes dans la salle ? ;-)
Cédric.
Hors ligne
Petite remarque pour dire que le nom Tarnkappe que Tolkien donne dans la définition plus haut est le nom du manteau d'Odin. Manteau qui a la particularité de le rendre invisible...
C.
Hors ligne
Pour répondre à ta question Fangorn, eh bien je crois justement qu'il n'y a pas de réponse.
Ledoux a simplement cherché, à mon avis, un nom de longueur équivalente qui sonne français. "-ant", "-nant" sont des suffixes courant dans les noms de lieux français, il a du les reprendre, et laisser "dern" tel quel... sauf que "dernant" c'était trop court, alors il a rajouté un "u", et hop! nous voilà à "derunant", qui est un nom joli à prononcer, et assez intriguant.
Vous ne croyez pas?
Hors ligne
Là étant l'endroit le plus approprié, et puisqu'aujourd'hui ça à l'air de bien vouloir marcher, je reprend les derniers messages :
================================================================
Forfirith Ecrit le 02-01-2005 11:34
Pour ma part, malheureusement, cette explication ne me suffit pas..
Cette solution prise par Ledoux me paraît tellement farfelue, que j'ai du mal à y croire...
Aussi,
si quelqu'un à une autre solution à envisager..Je n'ai personnellement,
ni le talent, ni les connaissances, pour comprendre ce changement....
Forfi, en pleine lecture de la Version Originale
Il semble que l'élément nant
signifie "combe" – au Dauphiné en tout cas – ou "ruisseau". Cf. à cette
page (désolé, c'était juste une recherche très rapide):
http://perso.wanadoo.fr/..ctredocumprehistalpine/page113.htm
Ce serait un indice de plus de la connaissance qu'avait Ledoux du Guide... Personnellement, je pencherais aussi pour une petit u euphonique, ou bien une coquille, comme avec "Osdehétu" mis pour Beechbone, (que je traduirais plutôt par "Echine-de-hêtre", d'ailleurs).
Et bonne année à tous, btw;)
Laegalad Ecrit le 02-01-2005 15:38
Venu d'un très bon dictionnaire des termes régionaux de Suisse Normande et de Savoie
Nant [n. m.]
Petit cours d´eau, ruisseau. A Genève, c´était un ravin boisé au fond
duquel coule un petit ruisseau. Gaulois nanto-, nantu-, « val, ruisseau
» [Delamarre]
Il s´agit des ruisseaux de Château-Bloc et de
Pré-Boules, des nants de la Fontaine d´Epeisses et de Vessy, ainsi que
du bief de la Vieille. (Sur la Toile).
Le TLF indique, pour nant:
NANT, subst. masc.
Région. (Est et sud-est de la France). Cours d'eau, ruisseau, torrent. Les
populations sont de même souche sur les bords de la Meuse que sur ceux
de la Moselle, mais la teinte germanique s'efface: c'est une Lorraine
au parler plus doux (...). Tout le vocabulaire géographique y est
imprégné de ces vieux noms gaulois d'eaux ou de hauteurs (...), nant
(...), qu'on retrouve presque d'un bout à l'autre de la France (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.212). Le
village chante avec le parler de tous les jours, avec ses locutions
pittoresques, ses mots savoureux. Son vocabulaire, dont l'origine est
très ancienne, appelle un torrent un «nant» (MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 1, 1954, p.105).
Prononc.:
[]. Étymol. et Hist. 1529 (P. DE BONIVARD, Jardin d'Antiquité, 64 vo ds
FEW t.7, p.7b). Mot région., princ. de la Savoie (employé comme topon.
dans un domaine beaucoup plus étendu), issu d'un gaul. *nantu «vallée»,
anc. cornique nant «id.», gallois nant, nanto «ruisseau», bret. nant
«canal, fossé» (v. FEW t.7, p.7b, DOTTIN, p.95, IEW II, p.332)
Quant à Deru, le Vocabulaire Indo-européen de Delamarre indique :
*dóru
: 'arbre' (terme générique), bois (et plein de trucs que je ne sais pas
encore déchiffrer), mais chose interessante : le vieil irlandais daur vient d'une racine... "*deru, 'chêne', (l'arbre par excellence)".
Le -u- n'est donc vraisemblablement pas une erreur de typo, mais bien volontaire.
Ainsi
donc, Monsieur Ledoux nous fait cadeau d'un très beau terme, qui, s'il
perd un peu de sens (je peux vous assurer qu'il est tout sauf évident
d'obtenir une correspondance parfaite en traduction), signifie tout de
même "vallée boisée"... en nettement plus joli :)
Stéphanie - enchantée de ses découvertes :)
Laegalad Ecrit le 02-01-2005 15:46
???
ISENGAR Ecrit le 02-01-2005 16:17
Merci et bravo, chère Stéphanie.
Je n'en attendais pas moins de toi :o)
I.
mais quelle est la nature de ton interrogation ?
Forfirith Ecrit le 02-01-2005 18:34
Merci beaucoup pour vos explications..Au moins le terme "Derunant" sera à présent clair à mes yeux...
Même si je ne vois pas l'intêret d'avoir changer le nom original
Hors ligne
ç'a un peu grossi au passage... :
Hors ligne
Laegalad > Ainsi donc, Monsieur Ledoux nous fait cadeau d'un très beau terme, qui, s'il perd un peu de sens (je peux vous assurer qu'il est tout sauf évident d'obtenir une correspondance parfaite en traduction), signifie tout de même "vallée boisée"... en nettement plus joli :)
Il me semble que l'original Derndingle ne signifie pas "vallée boisée" mais plutôt "vallon (profond) secret/caché"...
Si je trouve que l'élément dialectal nant est fort bien choisi, je suis plus que perplexe face à l'élément *deru...
S'agit-il bien d'un emprunt à l'indo-européen *dóru ? Et si c'est le cas, était-il nécessaire de recourir a un tel emprunt (je veux dire "illisible" à part pour des indo-européanistes ou des philologues chevronnés), alors que la toponymie française ou les parlers régionaux doivent bien disposer d'un mot ancien, poétique ou obsolète pour "caché, secret" (et qui sait, peut-être même d'un mot apparenté au dern anglais ou au moyen haut allemand tarn) ?
Hors ligne
En fait, Ledoux semble n'avoir pu traduire là qu'une partie du nom, dingle (‘deep (tree-shadowed) dell’)...
Peut-être a-t-il préféré s'en tenir là, car il avait déjà trois syllabes (heu... oui, d'accord, on n'est plus en poésie :)). Je ne peux pas savoir pourquoi il a traduit comme ça et pas autrement, mais je vais essayer de voir si une aure solution n'est pas possible. Pour deru, je ne suis pas linguiste, je me promène juste par plaisir là-dedans, et depuis peu, mais ça ne me semble pas plus tordu d'utiliser ça que de mettre des termes obsolètes dans un toponyme :) Au reste, deru est bien présent dans la toponymie. Tappe-le sur google, tu verras le nombre de noms de familles et de toponymes qui sortent :) Le site que j'indiquais plus haut, sur la toponymie des lieux de Suisse romande et Savoie, indique ici un emprunt à ce terme, (voir Drouilles)... évidemment déformé, mais je n'ai pas le temps aujourd'hui d'aller plus loin.
Hors ligne
Quelques recherches, toujours dans ce dictionnaire des toponymes savoyard et Cie. :
Pour caché, j’ai trouvé ça :
Ecandies, Econdiua, Econdoi, Econdouè, Econdu, Econduit
Lieu caché, retiré. Ancien français escondre, « cacher, disparaître », latin excondere, de condere, « cacher ».
Pour secret, j’ai quelque chose d’intéressant :
Renan, Renens
Noms d´origine burgonde qui dériveraient d´un primitif *Runingos, « chez les Runingi », dérivé du nom propre Runo, du gothique runa, « secret », ancien norrois run [Perrenot].
Renan, Runens en 1178, nom allemand Rennen, village (District de Courtelary, Jura bernois);
Renens, in villa Runingis en 888-896, in fine Runingorum en 920, Runens en 1147, Rugnens du XIIIème au XVIème siècle (District de Lausanne, Vaud).
Stéphanie – à peine commencé les cours que déjà des exposés à faire :
Hors ligne
> L’intéressant, c’est le chevauchement entre deru et run. Je ne sais trop si l’hypothèse est valable ou si elle tient du hasard, mais on aurait un composé entre deru « arbre, bois », run « secret », et nant « vallée ». Sauf que « run » est du vieux norois, et qu’il ne semble attesté chez nous que déformé (du moins de nos jours, cf Renens). Mais enfin, ça joue en faveur de Ledoux, ça :)
C'est en effet intéressant, mais que Derunant incorpore à la fois deru et run me paraît peu probable, il me semble plutôt que l'élément premier est *deru, auquel est d'ailleurs apparenté le mot gaulois dervo « chêne ».
Un mot qui pourrait s'approcher un peu plus du sens 'secret, hidden' est l'élément de vieux celtique *dubi- « noir, sombre » qui survit dans les toponymes Doubs et Dublin. Mais la racine germanique *run « secret » semble encore plus appropriée au niveau sémantique (*Rennant ? ;-) ).
Mais, après tout, pourquoi tenter de reconstruire une forme plus fidèle de Derunant alors que le sens d'un tel jeu étymologique ne se révélerait qu'à un lecteur très versé en onomastique ou en linguistique historique. Je pense que la signification de l'élément nant dans Derunant doit échapper à plus de 95% des lecteurs (à part ceux qui auront lu ce post ou qui connaissent le gallois !). Mais Tolkien, "maniaque" de la linguistique historique et de l'onomastique, a donné des indications de traduction au sujet de ce nom...
Hors ligne
Pages : 1 haut de page