JRRVF - Tolkien en Version Française - Forum

Le forum de JRRVF, site dédié à l'oeuvre de J.R.R. Tolkien, l'auteur du Seigneur des Anneaux.

Vous n'êtes pas identifié(e).

Annonce

Bienvenue sur le nouveau forum JRRVF ! En cas de problème avec votre login / mot de passe, n'hésitez pas à me contacter (webmaster@jrrvf.com)

#1 25-03-2004 14:25

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Les cérémonies de la coupe

Bonjour à tous, me revoilà pour quelques nouvelles vagues de question. (motivées par le plaisir décidemment inégalé que l'on prend à lire les réponses de vous tous (ou presque), chers amis !)

en ce moment, je m'interroge devant la répétition à maintes reprise d'une forme de cérémonie, celle de la "coupe de l'adieu":

T1, Chap. VIII. ADIEU A LA LORIEN, Page 496:
Galadriel se leva alors de l'herbe, prenant une coupe des mains de l'une de ses suivantes, elle l'emplit d'hydromel blanc et la tendit à Celeborn.
- Il est maintenant temps de boire la coupe de l'adieu dit-elle. Buvez, Seigneur des Galadhrim! Et que votre coeur ne soit pas triste, bien que la nuit doive suivre le jour et que déjà votre soir approche.
Elle apporta ensuite la coupe à chaque membre de la Compagnie, L'invitant à boire en signe d'adieu. Mais quand ils eurent bu, elle leur ordonna de se rasseoir sur l'herbe, et des fauteuils furent installés pour elle et pour Celeborn. Ses suivantes se tinrent en silence à ses côtés, et elle considéra un moment ses invités. Enfin, elle reprit la parole:
- Nous avons bu la coupe de la séparation, dit-elle, et les ombres tombent entre nous. Mais avant votre départ, j'ai apporté de mon navire des présents que le Seigneur et la Dame des Galadhrim vous offrent maintenant en souvenir de la Lothlorien.


T2, Chap. VI. LE ROI DU CHATEAU D'OR, Page 165:
Le Roi se leva et aussitôt Eowyn s'avança, apportant du vin. - Ferthu Théoden hal! dit-elle. Recevez maintenant cette coupe et buvez à un moment heureux. Que la santé t'accompagne à l'aller et au retour!

T3, Chap. II. LE PASSAGE DE LA COMPAGNIE GRISE, Page 70:
La lumière du jour était apparue dans le ciel, mais le soleil n'était pas encore levé au-dessus des hautes crêtes de l'Est quand Aragorn s'apprêta au départ. Sa compagnie était déjà à cheval, et il allait sauter en selle quand la Dame Eowyn vint lui dire adieu. Elle était vêtue en cavalière et ceinte d'une épée. Elle avait à la main une coupe; elle la porta à ses lèvres et but une gorgée, leur souhaitant bonne chance; puis elle tendit la coupe à Aragorn, qui but et dit : - Adieu, Dame de Rohan! Je bois à la prospérité de votre Maison, à la vôtre et à celle de tout votre peuple

Alors, quelle est la signification de ce rite. Y a-t-il dans les Eddas, ou les traditions nordique une forme de cérémonie de la coupe ?
D'où Tolkien s'est-il inspiré ? Et que veut signifier ce rite ?

Hors ligne

#2 25-03-2004 17:31

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Les cérémonies de la coupe

Pour la littérture médiévale et les légendes nordiques, je n'en sais rien, Vin'. Mais il existe une plaque en or scythe datée des trois derniers siècles avant notre ère, qui représente deux guerriers en train de boire à la même coupe.

Comme nous ne disposons d'aucun écrit scythe et que, hormis les témoins matériels archéologiques, tous ce que nous savons d'eux provient de sources indirectes, principalement grecques, nous ne pouvons que spéculer. Peut-être s'agit-il de l'illustration d'un mythe, ou du passage d'une légende. Il s'agit peut-être aussi de la représentation d'un rite, par exemple de fraternité guerrière. "Coupe de l'adieu?" qui peut-le dire?

Toutefois, je ne sais pas si Tolkien a eu d'une manière ou d'une autre, connaissance de ce thème, ni s'il a pu s'en inspirer. D'autant que là, il s'agit de deux guerriers, alors que dans le SdA, c'est à chaque fois une femme qui offre à boire.

Ah tiens, maintenant j'y pense, dans un tout autre registre, il y a aussi la coupe au philtre d'amour, partagée par Tristan et Yseut. Mais cette coupe là scelle une fusion, pas une séparation. Connaissant les sentiments d'Eowyn, il me semble que pour elle et dans ce contexte, ce partage de la coupe s'apparente à une offre amoureuse. La situation est très différente en Lorien, où le geste est moins intime, et ressemble plutôt à une cérémonie officielle elfique.

Et justement, au fait, dans la légende arthurienne, n'y avait-il pas quelque part, une demoiselle qui présentait la coupe du graal? Mais là, ce n'est pas mon domaine, je préfère laisser la parole aux spécialistes.

VOilà. Pour l'instant c'est tout ce que je peux te dire.

Hors ligne

#3 25-03-2004 17:41

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Les cérémonies de la coupe

Ce pourrait-il que ce que l'on appelle en France le "Coup de l'Etrier" - qui est un dernier verre pris avant un départ - ait une origine commune avec ce que tu recherches Vin' ???

Hors ligne

#4 25-03-2004 22:22

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Les cérémonies de la coupe

Hum.
le coup de l'étrier existe-t-il en Angleterre ? Mais surtout, je ne crois pas qu'il s'agisse là que quelque chose de noble.

Alors que le rituel de la coupe est tujours asocié, en effet, à une cruelle séparation. La coupe de Galadriel est plus solenelle que celle d'Eowin, mais ce sont les mêmes circonstances.

Et il y a d'autres passages. Avec Faramir, et à la fin aussi, avec Aragorn roi.

Hors ligne

#5 25-03-2004 22:34

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Les cérémonies de la coupe

Tiens, Silmo, tu devais avoir raison, voici ce que je viens de trouver:

T3, Chap. VI. NOMBREUSES SEPARATIONS, Page 350:
Les hôtes étaient alors prêts; ils burent le vin de l'étrier et, avec force louanges et protestations d'amitié, ils s'en furent; ils arrivèrent au bout de quelque temps au Gouffre de Helm, et ils y restèrent deux jours.

Hors ligne

#6 25-03-2004 22:56

romaine
Inscription : 2002
Messages : 628

Re : Les cérémonies de la coupe

De plus, le mot anglais existe bel et bien, c'est stirrupcup, défini comme suit par un dico on line (realdico.com)

stirrupcup: n :a farewell drink (especially one offered to a horseman ready to depart); usually alcoholic

Il semblerait que le coup de l'étrier ait été le verre que buvait le cavalier avant de repartir de la halte faite à l'auberge. (Il paraît que l'expression provient de ce que l'aubergiste faisait le geste de trinquer en frappant l'étrier avec sa cruche)

Il se pourrait que ce soit la traduction populaire d'une coutume plus "noble" consistant à offrir du vin aux invités avant leur départ?

Romaine (allez, un petit dernier pour la route ;o) )

Hors ligne

#7 25-03-2004 23:00

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Les cérémonies de la coupe

:-D Yep! Allez, une petite coupe pour la route! :-D

Hors ligne

#8 25-03-2004 23:00

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Les cérémonies de la coupe

Au sujet de l'aspect solennel de cette cérémonie, il manquait une phrase sur le texte de la cérémonie chez Théoden:


T2, Chap. VI. LE ROI DU CHATEAU D'OR, Page 165:
Le Roi se leva et aussitôt Eowyn s'avança, apportant du vin.
- Ferthu Théoden hal! dit-elle. Recevez maintenant cette coupe et buvez à un moment heureux. Que la santé t'accompagne à l'aller et au retour!
Théoden but à la coupe, puis elle la présenta aux invités.
(suit la scène où Aragorn frôle sa main en prenant la coupe, et le roi sort juste après pour monter en selle - Cette cérémonie est le départ de l'armée et du roi)

T3, Chap. IV. LE CHAMP DE CORMALLEN, Page 317:
Mais quand, après le Silence Debout, on apporta le vin, entrèrent deux écuyers pour servir les rois;
(mais l'aspect cérémoniel n'est pas prouvé)

Nous avons peut-être 2 cérémonie différentes:
1- la coupe de la séparation, faite par Galadriel, cérémonie solennelle et profonde,
2- Le coup de l'étrier, fait par Eowyn, cérémonie plus légère et traditionelle, sans sens particulier.

Hors ligne

#9 26-03-2004 11:36

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Les cérémonies de la coupe

>font size=1> Vinyamar: "surtout, je ne crois pas qu'il s'agisse là que quelque chose de noble."

Justement, je n'en sais rien  :-) et c'est pour ça que je me posais la question. Je n'arrive pas à retrouver l'origine de cette expression. Le dictionnaire historique de la langue française n'est d'aucun secours sur ce coup là. La précision apprtée par Romaine est intéressante. Il faudrait creuser. Y a -t-il des équivalents dans les traditions antiques: libations avant un départ au combat ou ce genre de choses??? Mystère.

Hors ligne

#10 26-03-2004 11:37

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Les cérémonies de la coupe

Grmmmbl@*µ$£=+@# de fichu tag

Hors ligne

#11 26-03-2004 12:58

Lumiere du soir
Inscription : 2003
Messages : 77

Re : Les cérémonies de la coupe

Bonjours à tous

   Juste une petite information qui pourrait intéresser certain, à l'époque des Trois Royaumes, il est de coutume de boire La Coupe de Séparation, et cela ce fait dans un lieu précis, on accompagne ceux qui s'en vont jusqu'à la << tonnelle >> de séparation, et là intervient la  Coupe de Séparation.
   A savoir si cette coutume était réservée aux personnes de haute lignée, dans la situation précédente la réponse est négative, cette tonnelle étant ouverte à tous, et il est de tradition, que l'on soit prince ou simple roturier, de l'utiliser lors d'une séparation.

  Autre tradition, avant d'aller sur le chant de bataille, il arrive que l'on offre une coupe de vin au chevalier qui doit s'y rendre, mais cette tradition est infiniment moins généralisée, et de plus, n'est pas appliquée systématiquement.

Je ne pense pas que cela ne soit qu'une légende.

Bien à vous tous

Hors ligne

#12 26-03-2004 01:04

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Les cérémonies de la coupe

Lds>> Qu'entends-tu par "époque des Trois Royaumes"..???

Hors ligne

#13 26-03-2004 01:54

Lumiere du soir
Inscription : 2003
Messages : 77

Re : Les cérémonies de la coupe

Cher(e)* Silmo

  L'époque des Trois Royaumes retrace une partie de l'histoire de la Chine antique d'il y a environ un peu plus de vingt siécles. C'est un ouvrage dont le titre est : Les trois royaumes, infiniment célébre en Chine et lu pratiquement par toute la population, et ce depuis plus de huit siécles, c'est un ouvrage qui est devenu une référence sur bien des points, mais hélas aujourd'hui ce n'est plus que le support pour un jeu vidéo.

Bien à toi.

(*) hum, désolé, mais je ne sais pas s'il faut un ou non un : e .

Hors ligne

#14 26-03-2004 01:56

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Les cérémonies de la coupe

Je crois qu'il s'agit d'une période de l'histoire chinoise, au début de notre ère, où après la chute du pouvoir des Han s'installa une période de troubles. Mais je ne suis pas très calée dans ce domaine. Peut-être Lumière du Soir pourra-t-il nous apporter des précisions la-dessus?

Hors ligne

#15 26-03-2004 01:57

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : Les cérémonies de la coupe

(Oups! Sorry. Croisement) :-)

Hors ligne

#16 26-03-2004 14:42

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 019

Re : Les cérémonies de la coupe

Merci pour la précision Lds. Je me doutais un peu de ça (les Trois Royaumes, les Royaumes combattants, etc....) mais comme je ne voyais pas du tout le rapport avec Tolkien, je préférais poser la question :-) (du moins je me damandais, si c'était bien une tradition asiatique, comment JRRT aurait pu s'en inspirer).

Silmo ( inculte en jeux vidéos)

PS: chez Tolkien, Silmo est un jeune homme 'lunatique', cf. HoMe I et II (ici, il est juste un peu moins jeune mais je te confirme que c'est "un" :-)))

Hors ligne

#17 11-02-2007 02:58

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Salut la compagnie !

Certes, le sujet n'est plus d'actualité mais parce qu'il reste certainement beaucoup à en dire*, je me permets de le faire remonter. Et puis certains de ses intervenants passent toujours dans le coin... ;-)

La cérémonie de la coupe mettant en scène Eowyn me semble directement renvoyer à ce que l'on peut en lire dans la littérature anglo-saxonne, et notamment sa poésie, Beowulf en tête - qui comprend d'ailleurs quatre scènes de festin où la prise de boisson joue un rôle central. C'est que le couple royal possède durant le haut Moyen-Age, et en particulier dans l'Angleterre anglo-saxonne des Vè-XIè siècles, une dimension nourricière. Ainsi, Wealhtheow, l'épouse de Hrothgar, le hlaford (litt. "gardien du pain") des Scildes, est-elle la hlæfdige (litt. "pétriseuse de pain") du hall d'Heorot.

A ce titre, elle possède, tout du moins dans la poésie, un rôle essentiel lors des festins, à mi-chemin de celui de l'hôte et de celui de "l'échanson" : elle porte la coupe à son seigneur, puis la fait passer de main en main aux invités. Si on ne la voit jamais boire, elle est le signe vivant de la paix dans la hall. Elle participe ainsi activement à distribuer les dons pendant ces banquets de guerriers.

Avec son époux, la dame les nourrit et abreuve, leur prodiguant des dons : ainsi, non seulement Galadriel et Eowyn participent de cette cérémonie de la coupe, mais encore elles distribuent des dons - Galadriel aux membres de la Compagnie, Eowyn à Aragorn, mais aussi à Merry. De fait, le roi fournit, la reine donne. Le couple princier possède ainsi un rôle nourricier indéniable que reflète ce texte gnomique du XIè siècle :

Le roi doit par une somme fournir la reine
en coupes et en anneaux ; les deux doivent avant tout
être bons au sujet des présents. [...]

dans la discussion sur l'hydromel
face à la troupe des nobles compagnons elle doit toujours et partout
le rempart des princes saluer en premier,
la première coupe aux mains du seigneur
présenter
, précieuse [...] (Maximes I, 81-92)

La dame fait donc partie de la maison du seigneur et joue un rôle durant le festin qui, dans l'idéal comme dans la poésie héroïque, est en conformité avec son rôle traditionnel de tisseuse de paix et d'alliance. A ce titre, la tradition de donner la coupe de boisson alcoolisée participe en premier chef de ce temps où les liens sont renforcés ou créés. Servir la coupe est ainsi un honneur.

On pourrait toutefois distinguer le rôle de Galadriel de celui d'Eowyn.

Autant la cérémonie de la coupe de cette dernière semble bien la renvoyer à ce rôle poétique et idéal, autant celle de Galadriel semble plus en conformité avec la réalité historique de la société anglo-saxonne de la fin du Xè et du début du XIè siècle. La reine n'est plus à cette époque uniquement un membre de la maisonnée du roi. Elle possède au contraire ses propres domaines, ses propres serviteurs et organise ses propres festins, comme lors du couronnement d'Edgar en 973.

Ainsi, c'est une suivante qui apporte la coupe à Galadriel, et si elle la tend en premier à Celeborn, c'est elle qui donne l'ordre ensuite aux membres de la Communauté de s'asseoir, ses suivantes se tenant silencieusement à ses côtés. Or "s'asseoir parmi les hommes", pour reprendre l'expression consacrée anglo-saxonne à l'occasion des festins, était le fait du seigneur qui déterminait l'ordre dans lequel les convives s'assayaient autour de lui.

Cette figure littéraire médiévale pourrait donc bien se retrouver ainsi dans les scènes de la cérémonie de la coupe de Galadriel et d'Eowyn, quoi qu'avec certainement des différences entre les deux. :-)

Cordialement,
T.

* Le livre d'Alban Gauthier, Le Festin dans l'Angleterre anglo-saxonne (Ve-XIe siècle), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, coll. "Histoire", 2006, 280 p., s'avère très intéressant sur la question.

Hors ligne

#18 11-02-2007 01:41

Matrok
Inscription : 2007
Messages : 7

Re : Les cérémonies de la coupe

Je suis baba devant tant d'érudition, du coup j'hésite à apporter ma pierre...

On retrouve aussi cette cérémonie de la coupe chez... Richard Wagner ! Dans deux opéras différents, à deux reprises dans Le Crépuscule des Dieux, dernier volet de L'Anneau du Niebelung qui s'inspire du fond germanique, et une fois dans Tristan et Isolde qui prend sa source dans la "matière de Bretagne".

Dans les deux cas, cette coupe est servie par une dame à un guerrier, d'une façon protocolaire voire cérémonielle, est son sens est bien probablement de célébrer le lien créé (dans le Crépuscule) ou la réconciliation (dans Tristan). Mais ce qui est différent, c'est que dans les deux opéras, à l'insu du guerrier, la coupe contient en réalité un philtre magique...

Dans Le Crépuscule des Dieux, Guthrune, la fille du roi Gunther, tend à Siegfried une coupe de bienvenue, pour sceller son entente avec Gunther. Mais derrière ce protocole, il y a une machination ourdie par Hagen, le demi-frère de Guthrune : cette coupe contient en réalité un philtre d'oubli. Une fois bue la coupe, Siegfried a oublié son amour pour Brünnhilde, et part la conquérir pour Gunther... Au troisième acte de l'Opéra, Hagen lui fait boire un philtre qui lui redonne la mémoire, puis il l'assassine comme traître à son roi.

Dans Tristan, Isolde a reconnu en Tristan, le héros venu la chercher pour le roi Marke, l'homme qui avait jadis tué son fiancé Morold. Elle lui offre la coupe de la réconciliation... En réalité, elle veut lui donner à boire un philtre de mort. Par colère et désespoir, elle boit aussi à cette coupe. Mais en réalité, cette coupe contient un philtre d'amour...

Certes, chez Tolkien, la coupe contient "classiquement" une boisson alcoolisée (de l'hydromel chez Galadriel, probablement du vin chez Eowyn) et non pas un philtre magique. Mais lorsque Siegfried boit la coupe de Guthrune, ou quand Tristan boit celle d'Isolde, ce qui survient c'est le coup de foudre ! N'y a-t-il pas chez Eowyn, lorsqu'elle tend la coupe à Aragorn, un désir romantique non dit ?

Hors ligne

#19 11-02-2007 14:37

Dior
Inscription : 2004
Messages : 984

Re : Les cérémonies de la coupe

Tilkalin a dit :
Ainsi, Wealhtheow, l'épouse de Hrothgar, le hlaford (litt. "gardien du pain") des Scildes, est-elle la hlæfdige (litt. "pétriseuse de pain") du hall d'Heorot.

Concernant Galadriel, je me permets de mentionner le texte de HoMe XII, Of Lembas, dans les notes duquel ce dernier terme est repris :-)

Du pain et de l'hydromel, que demander de plus ? ^^

Hors ligne

#20 11-02-2007 15:07

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Of Lembas (note 1, p. 405) a dit :
In using the word Lady here my father no doubt had an eye to its origin in Old English Hlæf-dige, of wich the first element is hlaf (modern English loaf) with changed vowel, and the second a derivative of the stem dig- 'knead' (to which dough is utltimately related); cf. lord from hlaf-weard 'bread-keeper'.

Et merci pour l'info Dior ! ;-)

Hors ligne

#21 11-02-2007 16:13

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 955

Re : Les cérémonies de la coupe

Belle remarque finale Matrok :-)

Hors ligne

#22 11-02-2007 23:15

rebeca
Inscription : 2004
Messages : 546

Re : Les cérémonies de la coupe

Sosryko et Matrok: pour la scène de la coupe entre Tristan et Isolde en rapport avec Aragorn et Eowyn, on ne peut faire le lien dans ce sens-là que spécifiquement avec la version de Wagner, non? En tout cas il me semble que dans l'histoire de base, le coup de foudre était provoqué lorsque Tristan donnait (après y avoir bu lui même) ce qu'il croyait être de l'eau à boire à Iseut, parce qu'ils ont soif sur le bateau qui les amène à la cour du roi Marc, or il s'agissait en réalité d'un philtre d'amour donné par la mère d'Iseut à la servante de celle-ci, et destiné aux époux (Marc et Iseut donc) pour leur nuit de noces. Enfin, c'est en tout cas ce dont je me souviens ;)
Par contre, en dehors de Wagner, on pourrait faire un lien avec l'histoire de Sigurd: (toujours selon mes vagues souvenirs ;)) le philtre d'oubli que Gudrun donne à Sigurd pour qu'il oublie son serment de fidélité fait à Brunhild et l'épouse elle-même à la place, ça pourrait faire penser au fait qu'Aragorn est amoureux d'Arwen, et que donc pour répondre aux espoirs d'Eowyn, faudrait d'abord qu'il oublie, mais bon ;) (Par contre, dans l'histoire de Siegfried et son épouse Kriemhild dans le Nibelungenlied, il n'y a pas mention de ce genre de philtre il me semble: il aide juste Gunther (Gunnar dans la version nordique), le frère de Kriemhild, à conquérir Brunhild, mais n'est pas amoureux d'elle, ni par philtre ni de manière "naturelle" ;))

Tilkalin: "elle porte la coupe à son seigneur, puis la fait passer de main en main aux invités. Si on ne la voit jamais boire, elle est le signe vivant de la paix dans la hall."
C'est vraiment la descritpion de ce que fait Eowyn à Edoras: elle donne d'abord la coupe à Theoden, et ensuite à chacun des autres... par contre, à Dunharrow, lorsqu'Aragorn s'apprête à entamer le chemin des morts et avant de lui demander une dernière fois de pouvoir l'accompagner, elle boit une gorgée de la coupe qu'elle tient en souhaitant bonne chance à la compagnie grise, avant de la passer à Aragorn. S'agit-il d'une variation du thème de la cérémonies des coupes, ou plutôt d'un autre rituel, par ex. d'adieu (ou alors, c'est juste une scène entre elle et lui, qui ne fait pas référence à un geste précis)?

Hors ligne

#23 12-02-2007 09:26

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Bonjour Rebeca,

Que ce soit Galadriel en Lórien ou Eowyn à Edoras, l'une et l'autre officient à la "cérémonie de la coupe" en suivant des gestes codés que l'on ne retrouve justement pas à Dunharrow puisqu'Eowyn boit aussi (et la première en plus !). D'autre part, cette dernière scène ne se déroule pas dans le cadre d'une réception organisée par des hôtes, alors que le "rituel de boisson" en est une partie constitutive.

De fait, ne peut-on plutôt rapprocher cette scène de la thématique qu'évoquait Matrok précédemment ou d'une pratique proche du stirrupcup qu'évoquait Romaine ? ;-)

Cordialement,
T.

Hors ligne

#24 12-02-2007 17:01

Saivh
Inscription : 2004
Messages : 881

Re : Les cérémonies de la coupe

En Irlande et aux Pays de Galles il y a un motif recurrent du heros qui se rend/se perd/est attire dans les sidhs - pour des raisons variees que je ne vais pas aborder ici - ou il est accueuilli par une femme de l'autre Monde (soit la reine de celui-ci soit la fille du roi) qui lui tend une coupe.  En general, apres y avoir bu il passe du temps dans ce monde en compagnie de la dame.  En general cette femme est 'rouge' (cheveux roux, vetements rouges, chiens et chevaux rouges, coupe de cuivre et mead rousse) qui est un code pour dire qu'elle n'appartient pas a ce monde-ci.

J'espere ne pas etre trop hors sujet.

Hors ligne

#25 12-02-2007 17:51

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : Les cérémonies de la coupe

Saivh a dit :
J'espere ne pas etre trop hors sujet

ça me rappelle aussi le rapprochement que l'on peut faire (dans le SdA) entre ce monde extérieur au nôtre (tel qu'on le voit dans la culture celtique) et la Lorien, où le temps n'a pas de prise.

En fait, Tolkien s'inspirait aussi de cette culture, je pense (?) et, du coup, ce que tu dis ne me paraît pas hors sujet ;)

FdN

Hors ligne

#26 12-02-2007 18:39

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

D'autant moins que les Elfes de la Terre du Milieu ne sont pas sans posséder plusieurs traits de ceux de la mythologie celte (cf. Marjorie Burns, Perilous Realms, Celtic and Norse in Tolkien’s Middle-earth, 2005). :-)

A ce propos, la fonction de tisseuse de la hlæfdige pourrait particulièrement bien convenir au personnage de Galadriel que M. Burns compare à Shelob dans "Spiders and Evil Red Eyes : The Shadow Sides of Gandalf and Galadriel", publié dans le livre cité supra. ;-)

T.

Hors ligne

#27 15-02-2007 15:52

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Pour autant, l'empreinte anglo-saxonne sur cette "cérémonie de la coupe" est prégnante, comme le nom du palais de Théoden à Edoras où se déroule la scène du T.2 ch.VI le montre bien (Meduseld, v.a. mead-hall, "salle de l'hydromel"). ;-)

Hors ligne

#28 15-02-2007 15:58

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Arf.. p'tit oubli : Meduseld, v.a. meoduheall, soit mead-hall, "salle de l'hydromel".

Hors ligne

#29 15-02-2007 16:18

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Et à propos des rapports entre Meduseld et Heorot, cf. l'essai de Michael R. Kightley paru dans la revue Mythlore en 2006 : Heorot or Meduseld?: Tolkien's use of Beowulf in "The King of the Golden Hall". ;-)

Hors ligne

#30 22-02-2007 23:02

Moraldandil
Lieu : Paris 18e
Inscription : 2001
Messages : 887
Site Web

Re : Les cérémonies de la coupe

L'étymologie par meodu-heall ne doit pas être pas tout à fait exacte : le dictionnaire de vieil anglais Bosworth & Toller mentionne un nom meduseld "maison à hydromel, maison de festin" (attesté dans Béowulf !) qui est bien plus certainement l'origine de ce nom :

medu-seld, es; n. Mead-house, house in which feasting takes place, Beo. Th. 6123; B. 3065.

Nous restons toutefois dans la même idée !

Hors ligne

#31 23-02-2007 00:18

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

On est d'autant plus dans la même idée que heall et sæl sont largement utilisés en poésie pour exprimer l'idée de hall. Toutefois, alors que sæl n'est attesté que dans la poésie, on trouve aussi heall dans la prose. On peut d'ailleurs ajouter un troisième terme à cette liste : reced "bâtiment", qui couvre la même réalité que les deux autres mots dans la poésie vieil-anglaise qui aime les synonymes. ;-)

Et merci pour ton exactitude ! :-)

Hors ligne

#32 08-03-2007 15:54

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : Les cérémonies de la coupe

Je reprends la question initiale de la ceremonie de la coupe...

La coutume archaique de partager la coupe dans les banquets a perdure dans les royaumes du nord, notamment la Pologne, jusqu'au debut-milieu du XVIIIe siecle... La personne du rang le plus eleve buvait la premiere et la coupe passait de main en main dans l'ordre hierarchique des convives. Cela creait alors une sorte de lien mystique entre les personnes presentes. Ce passage de la coupe pouvait aussi se faire a partir d'une grande dame vers les autres convives sans impliquer aucun caractere ambigu a ce geste.

Je ne crois pas trop a l'idee de Matrok selon laquelle Tolkien aurait pu donner un double-sens au geste entre Eowyn et Aragorn, car il me semble (mais je n'ai pas les Lettres avec moi) que le Professeur n'aimait pas du tout Wagner.

Pour la fin de l'histoire, l'abandon de la ceremonie de la coupe dans les royaumes du nord s'est fait progressivement avec la generalisation de l'utilisation du verre  dans les banquets au XVIIIe siecle. On se passait avant un grand et riche recipient d'argent... qui pouvait contenir jusqu'a plusieurs litres  de boisson alcoolisee. Ces coupes avaient un grand prix et se leguaient dans les familles nobles -- et meme les plus pauvres avaient cet ustensile, considere comme un attribut de la noblesse.
Avec le verre, la matiere transparente laissait apparaitre les traces des levres de celui qui avait bu avant, et cela a degoute. Pendant un temps, les gens se sont adaptes en essuyant la coupe apres avoir bu...
Mais aussi, ces nouveaux recipients avaient un caractere jusque-la inconnu: la fragilite. A cause de cela, on pouvait moins se les passer de main en main.
(Le resultat de cette mutation fut la perte  des anciennes valeurs de tradition et de continuation, remplacees par le culte des nouveautes et de l'individualisme).

Il s'agit de la mentalite de l'epoque moderne, mais je crois que comme c'est justement une affaire de continuation, le fonds mental n'avait pas du beaucoup changer par rapport a l'idee de depart (?)

Ces informations sur la disparition de la ceremonie de la coupe sont issues du travail de recherches actuel de M. Jaroslaw Dumanowski, enseignant a l'universite de Torun. Je vous les transmets avec son aimable autorisation.

FdN

Hors ligne

#33 08-03-2007 16:58

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : Les cérémonies de la coupe

Feuille de Niggle a dit :
Il s'agit de la mentalite de l'epoque moderne, mais je crois que comme c'est justement une affaire de continuation, le fonds mental n'avait pas du beaucoup changer par rapport a l'idee de depart (?)
Je pense au contraire que les représentations de la cérémonie de la coupe ont évolué dans le temps et dans l'espace. ;-)

Tout d'abord, parce que la pratique de la cérémonie de la coupe est liée dans les sociétés anglo-saxonnes du haut Moyen Age à une organisation socio-politique pré-féodale, fondée sur les liens réciproques entre eorldoman et thegns. Ensuite, et découlant du premier point, les représentations de la cérémonie de la coupe sont exprimées à cette époque dans la poésie héroïque anglo-saxonne qui est historiquement datée du Ve au XIe siècles.

Pratique et idéalisation de la cérémonie de la coupe apparaissent ainsi liées à un contexte socio-historique précis et particulier.

Enfin, comme Priscille Adadjidi l'a bien démontré*, les rois du bas Moyen Age ont, entre autres, appuyé la légitimité de leur souveraineté sur des construits idéologiques portant sur les rois et empereurs les plus "prestigieux" du haut Moyen Age, notamment dans leur rôle de souverains prodigues et dispensateurs de bien - dont la cérémonie de la coupe était l'un des moments clés de la pratique du don et du contre-don dans ces sociétés médiévales.

Sans trop m'avancer, je pense que l'on peut appliquer peu ou prou son analyse à certaines sociétés monarchiques de l'époque moderne ; mais fonction et représentation de la cérémonie de la coupe n'étaient alors plus les mêmes que durant le haut Moyen Age anglo-saxon...

Cordialement,
T.

* « L’image des rois des premiers siècles au service de la grandeur de la dynastie française à la fin du Moyen Âge : l’exemple de la pratique de la vertu de charité », in  Isabelle Durand-Leguern (éd.), Images du Moyen Age, Rennes, P.U.R., coll. "Interférences", 2006, 365 p.

Hors ligne

#34 27-03-2007 23:14

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Les cérémonies de la coupe

Hé bé !!
Que de réponses érudites, merci à tous, la question initiale a vraiment trouvé réponse.
Tout en songeant que certainement de telles cérémonies devaient exister dans les grandes traditions saxonnes, je me faisais en moi même un parallèle avec la seule cérémonie semblable que je connaissais alors qui était celle du peuple juif à pâque (qui je crois font circuler une coupe à laquelle ils boivent tous).
Cette réflexion n'arrive plus aujourd'hui que comme une ouverture pour montrer que décidément de telles cérémonies étaient bien proches d'être universelles.

Ce qui peut lancer un nouveau débat : d'où viennent-elles pour être à ce point distribuées sur les continents du monde ?

Est-ce une simple notion pratique (un seul récipient pour toute la famille), ou vraiment symbolique (nous partageons le même breuvage, nous sommes en confiance les uns avec les autres)

L'apport de Feuille de Niggle (après tout ce qui a été dit pasionnant également) m'a particulièrement marqué:
Le resultat de cette mutation fut la perte des anciennes valeurs de tradition et de continuation, remplacees par le culte des nouveautes et de l'individualisme.

Effectivement, c'est fou comme la simlpe invention de nouvelles choses, d'un confort toujours plus grand, pousse finalement l'humanité vers l'individualisme (que ce soit un verre ou un lit), comment les mutation d'un simple objet et de son usage font influencer les relations entre les hommes.


Intéressant également cette différence que je n'avais pas noté à la premirèe lecture où Eowyn boit à la coupe AVANT de la partager vec Aragorn, là où elle n'en boit pas face au roi.
Dans la situation où elle est, je ne pene pas qu'il s'agisse d'un désir non-dit, puisqu'elle a déjà je crois manifesté plus ou moins obscurément son désir. Elle applique donc bel et bien une tradition, à laquelle Aragorn ne se défausse pas (ce qu'il aurait fait si cet usage n'avait pas été consacré)

Mais il y a certainement je pense une référence de Tolkien à ces univers relatés par Tilkalin. Si elle boit, c'est aussi pas union avec le sort d'Aragorn. Peut être le signe qu'elle ira elle aussi en guerre juste après son départ ?

Hors ligne

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB 1.5.10