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#1 11-02-2007 18:16

Hisweloke
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Messages : 1 622

D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith


"Si cela vous plaît, descendez jusqu'au premier Cercle et demandez la Vieille Hôtellerie dans le Rath Celerdain, la Rue des Lanterniers."
"Il finit par arriver par des rues voutées et maints beaux passages et pavements au Cercle inférieur, le plus large; là, on le dirigea vers la Rue des Lanterniers, une vaste voie qui menait a la Grande Porte (...)"

Deux rues de Minas Tirith sont nommées dans le Seigneur des Anneaux : la Rue des Lanterniers (anglais Lampwright's Street, sindarin Rath Celerdain) ainsi que la Rue du Silence (anglais Silent Street, sindarin Rath Dínen).

De la seconde, nous savons qu'elle était bordée de statues d'hommes du passé et qu'elle menait notamment à la Maison des Intendants:


L'écho de leurs pas lents se répercutait tandis qu'ils descendaient toujours; ils finirent par arriver à la Rue du Silence, Rath Dínen, entre des dômes pâles, des salles vides et des statues d'hommes depuis longtemps morts; et ils pénétrèrent dans la Maison des Intendants, où ils déposèrent leur fardeau.

De la première, jusqu'à présent, nous ne savions pas grand chose, sinon que cette rue, attenante à la Grande Porte, était plutôt large - presqu'une avenue, dirions-nous - et qu'on y trouvait aussi une Vieille Hôtellerie.

Quelle pouvait donc être cette confrèrerie de lanterniers, suffisamment aisée pour s'installer dans une avenue aussi importante de la ville et avoir en outre disposé, à une époque du moins, d'un lieu où accueillir les visiteurs de passage?

Le Trésor de la Langue Française donne plusieurs définitions de "lanternier":
1. Vx. Fabricant de lanternes.
2. Vx. Celui qui était chargé d'allumer les lanternes publiques.
3. Vx et pop. Tenancier d'une maison de prostitution.
4. Vx. Porteur de lanterne.

Nous pouvons sans hésitation éliminer le sens (3), à moins de vouloir faire de la Vieille Hotellerie un lieu de débauche nocture et de rencontres monnayées! Mais même en ce cas, une ruelle plus discrète eut sans doute été préférable. Non, à n'en point douter, la Rue des Lanterniers de la capitale du Gondor n'est point notre rue St Denis!

De même, le sens (2) ne convient pas davantage, car nous savons de source sûre que les rues de Minas Tirith n'étaient en général pas éclairées:


Un portier etait assis dans une petite maison au bord du chemin, et il vint, une lanterne a la main, les yeux emplis de crainte. Sur l'ordre du Seigneur, il fit jouer la serrure; la porte se rabattit silencieusement, et ils la franchirent après que Denethor eut pris la lanterne de sa main. Il faisait noir sur la route qui descendait entre d'anciens murs et des parapets à nombreux balustres que révelait indistinctement la lumiàre oscillante de 1a lanterne.

Nos lanterniers, dès lors, ne pourraient être de simples allumeurs de réverbères... Quant au sens (4), le portier lui-même s'en acquitte pour un bout de chemin, sans quitter la demeure dont il a la charge et visiblement la garde. Si le seigneur Denethor doit lui-même ensuite porter sa propre lanterne (sans en déléguer la tâche à l'un des serviteurs qui l'accompagne à cet instant), on peut juger que chaque habitant de Minas Tirith en faisait peut-être autant, s'il lui fallait se rendre quelque part de nuit.

Au final, les lanterniers de Minas Tirith ne sauraient donc être que des fabricants de lampes. Du reste, nous aurions pu nous en douter: aussi bien l'anglais lampwright que le sindarin celerdain nous en donnaient la piste. Le premier est un "wright", c'est-à-dire, au sens propre, un "manufacturier". Quant au second, il s'interprète aisément comme contenant la forme mutée de la racine TAN "faire, fabriquer" que l'on retrouve aussi dans Círdan "le Charpentier de Navires" ou Mírdain, les Joailliers d'Eregion...

Mais quel est donc le commerce essentiel de ces "manufacturiers de lampes" qui ont donné leur nom à la rue où ils étaient tous probablement établis (comme il était fréquent, au Moyen-Âge, d'avoir des rues par corporation de métiers) ?

Si nous avons vu qu'en règle général, les rues de Minas Tirith ne semblent pas éclairées, il y a tout de même quelques exceptions. La passe dans le roc, à l'entrée de la Citadelle, en est un exemple :


"L'entrée de la Citadelle donnait aussi sur l'Est, mais elle etait creusée dans le coeur du rocher; de là, une longue pente, éclairée de lanternes, montait à la septième porte."

S'agirait-il de cette sorte de lanternes-là uniquement ? Il est un peu difficile de croire que cela justifierait une corporation entière de lanterniers...

Ou pourrait-il plutôt s'agir de celles que l'on trouve dans les maisonnées -- qu'il s'agisse par exemple de celle où loge Gandalf ("Le logement était sombre, hormis autour d'une petite lanterne pose sur la table"), ou encore de la noble Maison des Intendants ("une grande salle voûtée, drapée pour ainsi dire des grandes ombres jetées par la petite lanterne sur les murs obscurs") ? Ou, peut-être aussi, de cet autre genre de lanternes que l'on suspend parfois au-dessus du pas de la porte, ainsi qu'aux Maisons de Guérison :


"Pippin se fraya un chemin comme ils passaient sous la lanterne qui pendait à la voûte de la porte (...)"
"Et, comme il s'avancait dans la lumière de la lanterne suspendue près de la porte, ils virent que c'etait Aragorn (...)"

La publication récente d'extraits de l'Index de Tolkien dans le Reader's Companion d'Hammond et Scull nous permet désormais de répondre à cette question. Notre lanternier (singulier calardan, pluriel celerdain) est l'artisan d'une calar, à savoir "une lanterne portative" (anglais "a (portable) lamp", RC p. 523).

Cette précision, nouvelle, est intéressante. L'éclairage nocturne d'une imposante cité comme Minas Tirith n'est pas une mince affaire. Nombre de lanternes et de lampes différentes sortent fort probablement des ateliers de ses illustres lanterniers... Mais s'il y a un domaine particulier où ils semblent exceller, c'est bien celui de la lanterne portative. Commerce fleurissant, si chacun possède la sienne, en propre ou par l'entremise d'un portier, comme on l'a suggéré plus haut! L'on se prendrait alors à imaginer l'allure des rues de la cité à la tombée de la nuit : Quelques porches et passages éclairés, certes, mais aussi les farandoles mouvantes et oscillantes des Gondoriennes et Gondoriens qui déambulent, avec lanternes, lumignons et lampions bien en main.

En avons-nous fini avec la Rue des Lanterniers ? Pas encore tout à fait. Nous évoquions en début d'article la Vieille Hotellerie qui s'y trouve -- en anglais Old Guesthouse, soit littéralement une "Maison d'Hôte". Nous est-il possible d'en savoir un peu plus sur la fonction qu'elle occuppait lorsqu'elle fut conçue ?

Peut-être bien... Le Reader's Companion d'Hammond et Scull viens encore à notre rescousse en nous apprenant son nom en sindarin : Sennas Iaur (RC p. 523). Il serait assez tentant d'y voir un terme dérivant de la racine SED (Etymologies p. 385) "repos" (anglais "rest"). Nous pourrions en reconstruire une forme étymologique *sendasse, en supposant un nom abstrait que l'on pourrait rapprocher d'un mot simple *send, *senn. Un parallèle avec d'autres formes semblables vient à l'esprit -- par exemple d'un côté PHEN, Q. fenda, S. fenn, fend [Ety/381], et de l'autre fennas [LotR/II:IV, RS/463, RGEO/75]. Bref, pour résumer simplement notre hypothèse, nous aurions quelque chose comme *send, *senn "repos" et sennas "lieu de repos".

Evidemment, en français moderne, une "Maison de Repos" évoquerait plutôt un lieu où les gens convalescents peuvent récupérer de leur maladie. Et pour cela, à Minas Tirith, nous connaissons déjà les Maisons de Guérison! Mais il me vient à l'esprit que le Trésor de la Langue Française mentionne un vieux terme "reposoir", dont les acceptations sont notamment les suivantes :
- Vx ou littér. Endroit où l'on se repose, où l'on peut faire halte.
- (Archit.) "Petit édifice qu'on élevait autrefois sur le bord des grandes routes pour offrir un abri aux voyageurs".

Ces définitions correspondraient assez bien, dans l'ensemble, à ce que nous savons maintenant de la Vieille Hôtellerie de la Rue des Lanterniers. Elle aurait avant tout été destinée aux voyageurs de passage, afin qu'ils puissent se loger en ville et se remettre de leur long trajet. Que l'on traduise finalement par "Reposoir", "Maison d'Hôte" ou "Hôtellerie", c'est bien le sens premier d'"hôtel" -- logis où l'on trouve accueil et hébergement -- qu'il faut retenir ici.

Preuve en est, s'il le fallait, que Minas Tirith, en des temps moins troublés, savait se montrer accueillante envers les voyageurs et les pélerins...

"Ah!" me direz-vous. "Que de belles images suscitées par une seule rue..." -- Et dire qu'il nous aura suffi de suivre une lanterne!

Didier.

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#2 11-02-2007 18:33

Hisweloke
Inscription : 1999
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Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Arf! Un petit bout du texte a disparu quand je l'ai recopié. Je rétablis ci-dessous dans son contexte. -- Didier
-- -

La passe dans le roc, à l'entrée de la Citadelle, en est un exemple :


"L'entrée de la Citadelle donnait aussi sur l'Est, mais élle etait creusée dans le coeur du rocher; de là, une longue pente, éclairée de lanternes, montait à la septième porte."

D'autres passages obscurs, traboules et traverses tortueuses entre les différents niveaux de la cité, sont aussi éclairés de la même manière :


"Et [Beregond] ramena Pippin à la citadelle et à une porte sur le côté nord de la grande tour. Là, ils descendirent par un long et frais escalier dans un large couloir éclairé de lanternes. Il y avait des guichets dans les murs, et l'un d'eux était ouvert. (...)"

S'agirait-il de cette sorte de lanternes-là uniquement ? Il est un peu difficile de croire que cela justifierait une corporation entière de lanterniers...

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#3 11-02-2007 18:53

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 955

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Cher Didier, merci d'avoir éclairé la nôtre, de lanterne ;-)
Tout n'est décidément et souvent affaire que de détail...

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#4 11-02-2007 22:00

Tilkalin
Inscription : 2005
Messages : 320

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Très éclairant en effet ! :-)

Tiens, pour l'anecdote, les lanterniers de Minas Tirith ne sont pas sans m'évoquer la Rificolona de Florence ("Minas Tirith [...] se trouve à peu près à la latitude de Florence", cf. Lettres, 294, p. 526), une fête qui se déroule le 7 septembre : en souvenir des lanternes utilisées au Moyen-Age par les paysans pour écouler leurs marchandises durant la nuit lors de la Foire des festivités mariales, Florence s'illumine de lampions (it. rificolone) que les gens promènent dans toute la ville. ;-)

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#5 11-02-2007 22:07

Fangorn
Inscription : 1999
Messages : 628

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

J'aime ce genre de détails ! :-)

Les lanterniers de Minas Tirith avaient-ils conservé une partie du lointain savoir des lampes fëanoriennes ? ;-)

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#6 12-02-2007 00:25

Gawain
Lieu : Narbonne
Inscription : 2004
Messages : 476

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Tilkalin a dit :
Très éclairant en effet ! :-)

Je dirais même plus : Brillant !

Pascal, en mode Dupondt

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#7 12-02-2007 13:35

Gurth
Inscription : 2003
Messages : 147

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Lumineux!

:-P

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#8 15-02-2007 16:16

Feuille de Niggle
Inscription : 2005
Messages : 246

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

merci beaucoup pour tout ce travail de recherches effectué! le résultat est passionnant à lire: on n'a jamais fini de découvrir Tolkien :)

FdN

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#9 26-04-2007 01:58

Necsipaal
Inscription : 2001
Messages : 165

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Bonsoir,

Je me permet de rebondir sur la boutade du Sieur Sylvestre pour mettre en lumière un autre fait rattaché à l'histoire de ces lanterniers et de leur influence considérable sur Minas Tirith.
En effet, lorsque Fangorn avance l'hypothèse des lampes Fëanoriennes, il ne croit pas si bien dire, il touche là en vérité à un de ces "sombres secrets du Gondor" qui restent tapis dans quelques coupes-gorges obscurs de la citadelle blanche.
Or, il est un personnage tristement renommé qui s'était précisément fait fort de dénicher ces secrets et de se les approprier. Personnage ô combien tragique et sibyllin dont l'évocation seule suffit à faire frémir les garnements de Minas Tirith ou à ravir le Drakon nébuleux qui nous a fait l'honneur d'un si bel article.
Berúthiel donc, puisqu'il faut la nommer, prisonnière de son ennui et d'une contrée qui l'abhorrait, s'était mise en tête d'espionner ses méchants sujets, et ainsi, on nous apprend :


Tolkien a écrit :
"She had nine black cats and one white, her slaves, with whom she conversed, or read their memories, setting them to discover all the dark secrets of Gondor, so that she knew those things 'that men wish most to keep hidden' , setting the white cat to spy upon the black, and tormenting them."

De cette simple citation donc, nous pouvons émettre les hypothèses suivantes :
- Il ne fait nul doute que la guilde des lanterniers existaient déjà à l'époque de Berúthiel, un commerce aussi prospère de lanternes n'a pu se bâtir que sur les siècles et sans doute y avait-il déjà quelques lanterniers lors de la fondation de Minas Tirith, après tout il fallait bien s'éclairer, et les gondoriens n'étaient pas en reste en matière de progrès technologiques.
- De fait, si la guilde existait déjà, alors fatalement et en s'appuyant sur l'extrait que je viens de citer, Berúthiel devait en connaître les moindres mystères.
- Finalement, au vu de son importance, de sa longèvité (dont il n'est ici pas question de douter) et de son opulence, il est logique voir même nécessaire (et suffisant) de conclure _puisque nous sommes en présence d'une société humaine, et ipso facto corruptible et en partie corrompue_ que les lanterniers possèdaient bien des informations et de sombres histoires que les fidèles chats eurent tôt fait de rapporter à leur bien aimée maîtresse.

Quels étaient ces secrets ? En quoi déclenchèrent-ils le déclin de Berúthiel ?
C'est ce que je me propose d'étudier plus avant.

Tout d'abord, je partage très largement les hypothèses de Chris Seeman concernant le personnage de cette reine numénoréenne (que je vous invite fortement à découvrir). Le fait est que la référence à ses chats, et plus précisément à leur capacité "magique" à voir dans le noir, dans le chapitre intitulé "A passage in the dark" de LotR, n'est pas fortuit. Et comme nous le verrons, le rapport de Berúthiel à l'obscurité et à la vision est des plus complexes, d'ailleurs j'irai plus loin que Chris Seeman dans son analyse de cette ténébreuse liaison, pour mettre en évidence son antagonisme naturel avec les porteurs de lumière.

Commençons donc par nous pencher sur le personnage de Berúthiel, et à essayer de comprendre sa soif pour les connaissances occultes (dans les deux sens du terme).
Nous connaissons tous la brève histoire de Berúthiel telle qu'elle nous l'a été rapportée par Christopher dans les CLI sur son chapitre sur les Istari. Il est à déplorer toutefois, qu'il ne s'agit ici que d'une version abrégée d'un manuscrit existant et qui n'a hélas pour le moment pas été dévoilé (un coup des lanterniers, sans doute).  Il est un autre aspect de son personnage que l'on connaît moins parce qu'il n'a jamais été publié mais rapporté dans une interview de Tolkien par Daphne Castell. En voici l'extrait complet :


"...Most of the allusions to older legends scattered about the tale, or summarized in Appendix A are to things which really have an existence of some kind in the history of which 'The Lord of the Rings' is part.

"There's one exception that puzzles me—Berúthiel. I really don't know anything of her—you remember Aragorn's allusion in Book I (page 325) to the cats of Queen Berúthiel, that could find their way home on a blind night? She just popped up, and obviously called for attention, but I don't really know anything certain about her; though, oddly enough, I have a notion that she was the wife of one of the ship-kings of Pelargir. She loathed the smell of the sea, and fish, and the gulls. Rather like Skadi, the giantess, who came to the gods in Valhalla, demanding a recompense for the accidental death of her father. She wanted a husband. The gods all lined up behind a curtain, and she selected the pair of feet that appealed to her most. She thought she'd got Baldur, the beautiful god, but it turned out to be Njord the sea-god, and after she'd married him, she got absolutely fed up with the seaside life, and the gulls kept her awake, and finally she went back to live in Jötunheim.

"Well, Berúthiel went back to live in the inland city, and went to the bad (or returned to it—she was a black Númenorean in origin, I guess). She was one of these people who loathe cats, but cats will jump on them and follow them about—you know how sometimes they pursue people who hate them? I have a friend like that. I'm afraid she took to torturing them for amusement, but she kept some and used them—trained them to go on evil errands by night, to spy on her enemies or terrify them."

Interview donnée par Tolkien

Dans cette interview nous apprenons qu'elle est d'origine numenoréenne (D'umbar comme le démontre Chris Seeman), qu'elle déteste ses chats et la mer, et surtout qu'elle est semblable à la déesse Skadi. Jusqu'à quel point justement ? Le fait que Tolkien ait choisi de parler de ces points précis du mythe ne me semble pas anodin. Ainsi si Seeman la compare à Skadi dans leur commune aversion pour la mer et leurs maris respectifs, je propose de pousser plus loin la comparaison et d'aller jusqu'à conclure que, vraisemblablement, Berúthiel est venue d'Umbar jusqu'en Gondor pour demander réparation de la mort de son père. (Sinon pourquoi Tolkien aurait-il insisté sur ce détail bien précis ?) Les raids des gondoriens sur les terres d'Umbar ayant commencé à cette époque, d'une façon ou d'une autre, la mésentente entre Umbar et Minas Tirith s'est conclue par un mariage, mariage venant sans doute officialiser un traité de paix provisoire entre les deux villes. Comment Berúthiel est-elle arrivée à épouser Tarannon ? L'a t'on forcée à choisir un époux "à l'aveugle" comme ce fut le cas pour la déesse Skaldi ? Le sang des numénoréens du sud se rarifiait-il déjà, comme le suggère Seeman ? De même, pour continuer le parallèle avec Skaldi, était-elle éprise d'un autre dunedain, ce qui aurait pu être une seconde motivation à sa venue dans le nord et l'a t'elle confondue avec Tarannon lors de son choix « à la scandinave » ? Comment fut-elle forcée à choisir son époux, lui dressa t'on un rideau ou la força t'on à choisir son promis dans les ténèbres ?
Dans tous les cas, je pense que ce passage du mythe de Skaldi peut très certainement s'appliquer à celui de Beruthiel, ce qui vient par ailleurs expliquer son attitude austère et son dédain envers la royauté, la mer et l'époux qu'elle fut contrainte à choisir "dans le noir".

Si l'on peut envisager de bonnes raisons du côté d'Umbar à accepter un traité de paix et envoyer une de ses princesses en exil en échange de la fin d'une guerre qui les voyait privé de quelques territoires au nord, il est plus malaisé de comprendre les raisons des gondoriens.

Pourtant la réponse nous sera peut-être fournie par les lanterniers, précisément. Comme me l'ont justement fait remarquer mes compères Banel de Bô et Gurdh l'Ang, dans le chapitre de RotK intitulé « The Siege of Gondor » on peut lire une remarque presqu' inattendue de Denethor, quant à la préparation de son bûcher:

«Upon it at a sign from Denethor they laid Faramir and his father side by side, and covered them with one covering, and stood then with bowed heads as mourners beside a bed of death. Then Denethor spoke in a low voice.
‘Here we will wait,’ he said. ‘But send not for the embalmers. Bring us wood quick to burn, and lay it all about us, and beneath; and pour oil upon it. And when I bid you thrust in a torch. Do this and speak no more to me. Farewell!’ »
RotK, The siege of Gondor


Quelle est cette "huile" à laquelle il est fait référence ? Pour moi il ne fait nul doute qu'il s'agit là d'huile de pierre, que l'on connaît mieux de nos jours sous le nom de pétrole. L'anglais "oil" pouvant en effet aussi bien désigner "huile" ou "pétrole". Aussi, après avoir effectué quelques recherches, (rapides, certes, le sujet mériterait une fouille plus approfondie) j'ai noté que d'une part, l'utilisation du pétrole remonte à l'antiquité, d'autre part, il n'est fait aucune mention d'utilisations "d'huiles" qu'elles soient animales ou végétales dans les bûchers moyen-âgeux. D'ailleurs cela serait saugrenu, le corps humain et déjà pourvu d' huile naturelle animale, en rajouter n'accélèrerait vraisemblablement pas de beaucoup le processus de combustion, ce qui est le résultat vraisemblablement escompté par Denethor (maso mais pas trop). Pour ce qui est du pétrole en revanche... La combustion devient pour le coup instantané.

Dès lors, si le Gondor possédait bel et bien du pétrole, il devait très vraisemblablement être acheminé du lointain Harad via Umbar, grande plaque commerciale des échanges Nord-Sud, pour être ensuite utilisé (entre autre) par nos bons lanterniers. Aussi, si une pénurie de pétrole s'était manifestée pendant la conquête des terres d'Umbar entamée par Tarannon, on comprend aisément ce qui aurait amené ses lanterniers à exiger de lui qu'il cessât les hostilités au plus vite et à accepter une paix provisoire en arrangeant un mariage princier.

Et qui sait d'ailleurs si cette soif pétrolifère ne fut pas une des raisons principales des conquêtes des quatre rois-navigateurs du Gondor ? Qui sait oui, on a déclenché guerre pour moins que ça, après tout...

Mais retournons à nos chats ...
La suite de l'histoire sordide de la princesse Umbarienne, rançon ignorante d'une huile mystèriseuse, coule de source. Berúthiel se réfugie à l'intérieur des terres, se tourne (ou retourne ?) vers les voies maléfiques (sorcellerie, désir de nuisance ?) et se met à élever des chats pour espionner ses ennemis. Et de fait, qui sont ses ennemis si ce n'est ceux qui l'ont piégée à accepter un aussi désastreux mariage ? Mariage dont l'horreur se traduit jusque dans la sobriété glacée de son mobilier.
C'est donc par revanche que Berúthiel agit. Par revanche et par frustration aussi sans doute, de n'avoir pu choisir son mari en pleine lumière.
(Peut-on y voir déjà, une manigance des lanterniers ? )
Il n'est donc que tout naturel que les moyens et l'objet de sa vengeance soient l'espionnage et la divulgation de secrets ourdis dans le noir, secrets dont elle fut l'innocente victime.
Il est un dernier point qu'il me semble intéressant de relever concernant la similitude entre Skaldi et Beruthiel. Dans l'Edda en prose, Snorri Sturluson fait chanter la complainte suivante par la géante :


Sleep could I never on the sea-beds,
For the wailing of waterfowl;
He wakens me, who comes from the deep—
The sea-mew every morn.

The sea-mew, voilà oiseau dont le nom n'est pas sans rappeler une créature bien étrange du bestiaire fantastique tolkiennien. Bien sûr, il n'est pas question de chats dans le mythe norrois et les seules bêtes honnies par la géante mal mariée sont les mouettes annonciatrices d'océans. Pourtant ce sont plutôt les chats que notre reine méprise avec passion, des chats bien étranges en vérité...

C'est donc ceux-ci que nous allons étudier dans cette seconde partie, puisqu'ils furent les agents fidèles et maltraités des représailles Beruthieliennes et qu'ils furent incidemment les instruments de sa perte.
Que savons nous de ces chats aussi renommés que le loup blanc (d'ailleurs ne parle t'on pas plutôt du chat blanc dans les ruelles de la non moins blanche cité) ?
- Ils sont 10; 9 noir, un blanc.
- Ils peuvent converser avec leur maîtresse.
- Ils sont des espions talentueux et irréprochables.
- Ils voient particulièrement bien dans le noir.
- Ils sont craints, on les fuit comme la peste, mais personne n'ose lever un doigt à leur encontre.


Que voilà créatures bien extraordinaires, et d'autant plus extraordinaires qu'ils sont doués de facultés qu'on pourrait qualifier de "surnaturelles". Or, il n'est pas inutile de rappeler que Tolkien n'a jamais utilisé le surnaturel (à ne pas confondre avec "le féérique") ou la "magie" qu'avec grande parcimonie. Les animaux ne conversent pas, chez Tolkien, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes habités par des esprits supérieurs et divins. Dès lors, comment se fait-il que ces chats soient capables de telles prouesses et pour quelles raisons Tolkien a t'il jugé bon de les en doter ? On connaît l'aversion du professeur pour ces bêtes, dont il a souvent fait des serviteurs des ténèbres. Les exemples le plus frappant en sont peut-être les références à Tevildo, Prince des chats et première ébauche de Sauron, ou encore ces malicieux mewlips (peut-on y voir un rapport plus ou moins voulu avec les détestables sea-mew de Skaldi ?), créatures féline et malignes dont les caractéristiques ne sont pas sans rappeler les propres chats de Berúthiel...
Alors les chats qu'elle avait sélectionnés et élevés étaient-ils des descendants de mewlips ou des mewlips eux même ou quelqu'autres esprits divins rattachés à Arda ? Difficile de trancher. Ceci dit, il est certain qu'ils possédaient des pouvoirs bien supérieurs à ceux d'un chat (voir d'un humain) normal et que leur faculté à fureter dans le noir les rendait particulièrement précieux aux yeux de celle qui par ailleurs les avaient autant en horreur que le Professeur.

Tous les chats voient dans le noir partiel, il n'y a rien d'extraordinaire à cela, pourtant Tolkien semble insister particulièrement sur la vision de ceux-ci et c'est, de tous leurs pouvoirs, celui qui marqua le plus les mémoires de ceux qui en furent les victimes (plus même, que le fait qu'ils furent capables de converser -avec leur maîtresse du moins-) ; de sorte que, même si le nom de Berúthiel fut rayé des annales des rois, le souvenir de ses chats et de leur vision prodigieuse resta à jamais graver dans l'esprit des peuples du Gondor.
On l'a vu précédemment, c'est des suites de ce défaut de vision que Berúthiel fut très vraisemblablement mariée sous la contrainte à Tarannon Falastur. Décida t'elle d'assouvir sa vengeance en dotant ses chats d'un regard particulièrement perçant, si perçant même qu'il était capable de voir à travers le voile épais des secrets des hommes ? Cela me paraît envisageable.
Pourtant comment aurait-elle pu les en doter ? Berúthiel, même si elle est d'engeance numenoréenne ne devait pas posséder des pouvoirs aussi puissants (même si on peut supposer que les numénoréens pratiquaient quelques sorcelleries Sauroniennes et une affinité de fait avec les félins) ; sinon, son influence sur le Gondor aurai été autrement plus significative. Il est donc probable qu'elle ait dérobé cette faculté, ou du moins qu'elle ait ordonné à ses chats de se la procurer. Et c'est ainsi que, de fil en griffe nous retombons sur nos pattes et sur les lampes Fëanoriennes ultérieurement évoquées par Fangorn.

Pour de plus amples détails sur les dites lampes, je vous invite à lire les discussions s'y rapportant sur le forum. Il n'est fait nulle mention du devenir de ses lampes, pourtant il me parait raisonnable -d'aucuns diront tendancieux- d'affirmer qu'elles furent transmises sous le sceau du secret à des grands maîtres lanterniers, et si l'amitié entre les fidèles et les premier-nés ne se tarit presque jamais, cela se traduisit par des échanges de savoir et de cadeaux (pour exemple, on peut songer à l'anneau de Barahir ou encore aux nombreux cadeaux offerts aux rois de Númenor, lors de la prospérité de celle-ci). Ainsi, une des dites lampes Fëanoriennes aurait très bien pu être transmise à un maître lanternier renommé, et, si ce fut le cas, elle ne put finir que placée sous bonne garde au coeur du bastion des lanterniers, dans l'hostellerie de la rue des lanterniers située au nord de la première enceinte de la très blanche cité. Car comment expliquer autrement que la guilde soit assez puissante pour posséder une hostellerie et même un nom de rue ?
De même comment expliquer autrement le fait que les chats de Berúthiel soient tant redoutés pour leur vision et intouchables si ce n'est parce qu'ils se sont approprié des pouvoirs découlants du plus talentueux des noldor (déjà redoutés superstitieusement à l'époque) ?

Selon toute vraisemblance, par une nuit sans lune, les chats pénétrèrent-ils au sein de l'hostellerie, peut-être même s'étaient ils infiltrés parmi la maisonnée, comme de charmants maraudeurs ou d'aimables matous, et profitèrent-ils de la somnolence d'un des gardes pour lui dérober ses clefs et pénétrer dans la salle du trésor, au centre de laquelle siègeait, éclairant la pièce d'un scintillement diffus, la lampe tant convoitée. Sans doute en dérobèrent-ils alors les cristaux féériques et s'en frottèrent-ils les yeux, jusqu'à ce que la poussière enchantée disparaisse en imbibant leurs prunelles de fauves d'une opalescence sinistrement bleutée ...
Certes, ce sont là conjectures et suppositions téméraires, mais cette éventualité audacieuse ne jette t'elle pas une lumière d'autant plus pénétrante sur le mythe, jusque là nébuleux de notre reine préférée ?
Le vol de la lampe fëanorienne, suscita un vent de panique chez les lanterniers, qui à force d'entremises, de complots et de patience réussirent malgré tout à la faire chasser du royaume ce qui relança de plus belle la guerre contre Umbar (les stocks en pétrole ayant été renfloués pour quelques décades) et renforça la soif de conquête des rois navigateurs, qui ne voulurent plus avoir à se marier avec d'acariâtres princesses Umbariennes pour satisfaire les besoins en lumière de la ville et décidèrent qu'il valait mieux prendre Umbar tout de bon. CQFD.

Nous connaissons tous le triste sort qui fut réservé à Berúthiel, et comment elle s'éteignit entourée d'éléments qu'elle méprisait. Sans doute son erreur fut-elle de s'attaquer si ouvertement à la puissante guilde des lanterniers, dont l'influence (même privé de leur lampe fëanorienne) fut telle qu'elle perdura jusqu'à la terrible Guerre de l'Anneau.
Evidemment, on peut objecter beaucoup d'arguments à cette démonstration (qui reste sommaire sur bien des points, je le concède aisément). En outre il n'est pas non plus dit (n'en déplaise à mon estimé collègue brumeux), que la célèbre rue des lanternier et sa non moins fameuse hostellerie, ne fut pas un sinistre lieu de débauches et de perditions _lieux qui ne devaient pas manquer dans une aussi vaste cité_. A force de « prendre les vessies pour des lanternes » (expression qui a fleuri à Umbar après l'incident Berúthiel), il se peut tout aussi bien que cette guilde n'ait jamais été  autre chose qu'un vaste projet destiné à l'édification de commodités plus fonctionnelles; et la rue des lanterniers, un immense chantier du tout à l'égout _hypothèse d'ailleurs ouvertement défendue par le Sieur Banel de Bô_. Ainsi, on voit bien quelle "huile" aurait servie au bout du compte dans la fabrication des célèbres lanternes gondoriennes, et l'on n'ose imaginer de quelles "matières solides" pourraient être constitués les cristaux des lampes Fëanoriennes, ce qui n'est d'ailleurs pas sans rappeler une autre expression haradrim bien connue : « avoir de la ____ dans les yeux ».

Nous n'en finirons pas de lire toutes sortes de suppositions (plus ou moins farfelues) concernant les lanterniers, Berúthiel, ses chats, et de bien d'autres "sombres secrets" du Gondor dont elle fut la garante, la protectrice, et le maitre-chanteur habile et tortionnaire. Pourtant, la théorie que je viens de développer est de loin la plus recevable. D'ailleurs, si vous n'y croyez pas encore, je vous invite à faire un tour dans la première enceinte de Minas Tirith, et, en vous dirigeant vers le nord, de vous promener dans la célèbre rue des lanterniers, de pénètrer dans leur hostellerie (désormais musée-brocante, les lanterniers, s'ils ont vaillement repoussés la revêche Berúthiel, n'ont pas survécu à la perfide fée électrique) et d'y chercher les preuves par vous même...

Elles vous y attendent tapies dans un recoin, lovées sur un coussin de velour ou un tapis duveteux, assoupies dans l'insolence d'un songe burmeux et indéfini; et, si vous savez tendre une oreille assez fine, vous percevrez parmis les ronronements de plaisirs et de digestions, l'histoire telle qu'elle fut vécue et transmise, des chats et des lampes Fëanoriennes... Alors seulement, il vous sera donné de distinguer parmi les ombres vagabondes de la vieille hostellerie, comme une paupière se soulevant nonchalament et dévoilant entre ses longs cils scintillants, une prunelle à l'opalescence sinistrement bleutée ...


.S le ténébreux.

PS: Bon anniversaire ô Drakon.

PPS: Ce texte ne vérifie _pas_ les lois du rasoir d'Ockham qui sont à la Faërie ce que la mécanique newtonienne est à la physique nucléaire.

PPS: On excusera mes nombreuses fautes, ce texte a été tapé dans la précipitation ténébreuse des coups de minuit approchant. =)

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#10 26-04-2007 14:26

Necsipaal
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Messages : 165

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

En me relisant, je m'aperçois qu'il est un détail que j'ai négligé de développer. Pourquoi avoir plongé la princesse dans le noir lors du choix de son époux ? Et en quoi cela pourrait-il bien être une manipulation des lanterniers ? Ceux ci se trouvant en pénurie de combustibles à cause du blocus Umbarien, ne décididèrent-ils pas de punir leur représentante en la plongeant symboliquement dans le noir lors du choix de son époux qui se fit de nuit et par la force des choses, sans lanternes ?

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#11 26-04-2007 11:21

Zelphalya
Inscription : 2006
Messages : 667

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Très intéressant :)

Necsipaal a dit :
Les animaux ne conversent pas, chez Tolkien, à moins qu'ils ne soient eux-mêmes habités par des esprits supérieurs et divins.

Qu'en est-il alors des Corbeaux et Corneilles dans Le Hobbit ?

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#12 26-04-2007 12:02

Faenglor
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Messages : 19

Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Ou même Felaróf, seigneur des Méaras (encore eux ;) ).

Sinon, bien que l'idée soit assez intéressante, elle part à mon avis d'une hypothèse très spéculative. Je ne vois pas de raison de penser que Tolkien compare Berúthiel à Skaði au-delà de leur répulsion pour la mer. S'il dit qu'elle est allé demander réparation aux Æsir, c'est à mon avis juste parce qu'en bon érudit de cette mythologie, il a voulut situer la géante pour ceux qui ne verraient pas de qui il parlait, en résumant son histoire.

Ceci dit, notons qu'au moment de l'interview, Tolkien ne savait pas beaucoup plus que nous qui était Berúthiel ;)

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#13 26-04-2007 12:23

Benilbo
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Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith


Zelphaya a dit :
Qu'en est-il alors des Corbeaux et Corneilles dans Le Hobbit ?

Intéressante remarque qui je crois touche à la conception profonde de Tolkien pour la faërie conçue selon sa propre sensibilité ... (argh! je fais un peu d'externisme pour une fois, mais tant pis -- il me semblait bien que cette histoire d'animaux qui parlent avait déjà été évoquée par Tolkien quelque part dans un texte lui-même externiste). Une des clefs importantes tiens dans cette remarque technique de Tolkien de l'essai On Fairy Stories (Du Conte de Fée, paru en français dans le recueil Faërie:

The beast-fable has, of course, a connexion with fairy-stories. Beasts and birds and other creatures often talk like men in real fairy-stories. In some part (often small) this marvel derives from one of the primal “desires” that lie near the heart of Faerie: the desire of men to hold communion with other living things. But the speech of beasts in a beast-fable, as developed into a separate branch, has little reference to that desire, and often wholly forgets it. The magical understanding by men of the proper languages of birds and beasts and trees, that is much nearer to the true purposes of Faerie.
JRR Tolkien, On Fairy Stories.

C'est peut-être donc davantage dans cette optique de démarche humaine (et elfique en particulier) de compréhension et de recherche d'une harmonie avec la nature qu'il faut ressentir et appréhender le problème du langage animal chez Tolkien.

Dans le hobbit, les animaux semblent ouvertement plus ouvertement plus "humains". Cela tient à mon sens également du mode de récit du Hobbit, ouvertement écrit comme conte pour enfant, prenant en compte le fait que Tolkien était conscient de la faculté de plaire aux enfants d'un récit mettant en scène des animaux. Roverandom en est un bon exemple; également une autre référence de On Fairy Stories tend à nous faire penser dans ce sens :

If children have any special leaning it is to Beast-fable, which adults often confuse with Fairy-story. The best stories by children that I have seen have been either “realistic” (in intent), or have had as their characters animals and birds, who were in the main the zoomorphic human beings usual in Beast-fable.
JRR Tolkien, On Fairy Stories


Pour les corbeaux et les corneilles, je n'ai pas refouillé en détail et suis simplement allé à la recherche du passage de l'ouverture de la parte, qui comme par hasard contient la petite précision qu'il faut ;) :

"O Thorin son of Thrain, and Balin son of Fundin," he croaked (and Bilbo could understand what he said, for he used ordinary language and not bird-speech).
JRR Tolkien, The Hobbit
 

Voilou, nous devrions sans doute aller à la chasse aux animaux qui parlent pour plus de rigueur (mais pour ma part je vais pour l'instant me contenter de suivre la voie de Beren :p).

Ben

PS : désolé pour les non-traductions et les références incomplètes.
PPS : Necs, terriiiible, ton article ;)

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#14 26-04-2007 12:30

Benilbo
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Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Houlà, j'aurais pu me relire... désolé également pour toutes les fautes, quel massacre.

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#15 26-04-2007 02:56

Zelphalya
Inscription : 2006
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Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Je suis très intéressée par un travail qui porteraient sur la parole donnée aux animaux, notamment dans le cadre de l'Arc et le Heaume n°2 qui portera sur les créatures et ce qu'elles ont de fantastique/magique.

J'avais envie de me lancer dans le sujet mais ma plume n'est pas des plus agréables et le temps me manque, alors si quelqu'un veut bien travailler dessus, nous pourrions en discuter :).

Peut-être devrions nous démarrer un nouveau sujet histoire de pouvoir revenir au sujet des lanterniers ici.

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#16 26-04-2007 15:32

Benilbo
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Re : D'un détail géographique: lanterniers, portiers et hoteliers de Minas Tirith

Zelphaya : ouvrir un nouveau fuseau, oui, et peut-être même étendre le sujet au langage de la nature en général, celui des arbres et des plantes ne manquant pas d'intérêt non plus! :) Je veux bien m'y coller également dès que j'aurais un peu de temps. Une idée qui me trotte dans la tête depuis un moment et que je voudrais développer est le parallélisme entre le monde (Arda) et le Langage, selon la sensibilité de Tolkien; d'abord en ce qui concerne l'étincelle originelle qui leur donne existence, la musique, la flamme esthétique; et ensuite, sur un plan "fonctionnel", dans leur mode d'évolution, et sur un plan artistique, dans cette caractéristique bien tolkiénienne d'un monde dont l'harmonie repose sur une nature qui vit, ressent et _parle_ continuellement à l'homme et à elle-même. Je crois qu'encore une fois cette problématique d'une nature-langage tiens dans un cadre assez large situé entre linguistique, métaphysique et art ;) De quoi s'amuser, et de grosses recherches en perspectives !

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