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#1 18-05-2016 23:27

Hyarion
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Clark Ashton Smith

Dans le cadre de l'histoire du courant américain de la fantasy qui s'est développée durant la première moitié du XXe siècle, seuls quelques auteurs de textes diffusés alors dans les pulp-magazines comme Weird Tales sont in fine passés à la postérité par la qualité de leur travail et l'influence qui a été la leur dans l'histoire du genre. Parmi ces quelques auteurs figurent ceux qui ont été surnommés le "triumvirat de Weird Tales" : H. P. Lovecraft (1890-1937), Robert E. Howard (1906-1936) et Clark Ashton Smith (1893-1961). Aujourd'hui, on connait bien le premier, natif de Providence (Rhode Island), on connait désormais mieux le deuxième, natif du Texas, mais on connait encore peu le troisième, natif de Californie, sachant que tous les trois se connaissaient et correspondaient entre eux à travers les États-Unis, Howard et Smith ayant d'ailleurs participé, par l’écriture de plusieurs récits, au développement du fameux Mythe de Cthulhu lovecraftien.

Considéré comme le dernier des romantiques américains, atteint par la tuberculose très jeune, ayant vécu toute sa vie en Californie où il a exercé divers métiers, Clark Ashton Smith était un autodidacte. Écrivain et poète, peintre et sculpteur amateur, il fut aussi traducteur de Baudelaire en anglais après avoir appris seul le français. Son premier recueil poétique a été publié en 1912 et sa période de créativité la plus faste se situe entre 1929 et 1936, à l'époque où il a notamment écrit ses nouvelles appartenant à des cycles liés chacun à un lieu imaginaire particulier. C'est en effet une des spécificités de l'imaginaire de Clark Ashton Smith : sa fiction n'est pas organisée autour de personnages comme chez Howard ou autour d'un mythe cosmique comme chez Lovecraft, mais autour de lieux fictifs nommés Hyperborée, Zothique, Poseidonis (d'inspiration atlante) ou Averoigne (d'inspiration à la fois médiévale... et auvergnate !).
L'œuvre de Smith, d'une grande richesse et d'une grande poésie, mérite d'être aussi connue et lue que celles du créateur de Conan et de celui de Cthulhu.

J'ai déjà écrit l'année dernière dans le fuseau dédié à Howard que c'est en parcourant La Grande Anthologie de la Fantasy de chez Omnibus, en 2004, que j'ai lu ma première nouvelle de Howard, une histoire de Conan - La Citadelle Écarlate (The Scarlet Citadel) -, avant de lire dans la foulée l'autre nouvelle howardienne - Le Crâne du Silence (The Screaming Skull of Silence), une histoire de Kull - et les quatre poèmes d'Howard que contenait également cette Grande Anthologie malheureusement aujourd'hui épuisée (mais dont je vous ai régulièrement parlé depuis que j'ai débarqué sur le présent forum, il y a plus de douze ans). Il se trouve que ladite Anthologie contenait aussi un bon nombre de textes de Clark Ashton Smith, auteur que j'ai donc aussi découvert à cette occasion à l'époque, et qui était représenté dans le volume de chez Omnibus par quatre textes : Le Voyage du roi Euvoran (The Voyage of King Euvoran), Yondo (The Abominations of Yondo), Memnons de la nuit (Memnons of the Night) et Le Désert désolé de Soom (The Desolation of Soom). Plus tard, j'ai découvert d'autres textes : des nouvelles réunies dans le recueil l'Empire des nécromants (Lost Worlds, 1944) paru pour la première fois en français aux Nouvelles éditions Oswald (NéO) en 1986, ainsi que la totalité des poèmes en prose de Smith, écrits dans les années 1910 et 1920 et réunis dans le recueil Nostalgie de l'Inconnu (Nostalgia of the Unknown) paru chez La Clef d'Argent il y a quinze ans, dans une traduction de Philippe Gindre, et qui contient - selon moi - des joyaux tels que La Disparition d'Aphrodite (The Passing of Aphrodite).

Clark Ashton Smith a été publié en français dès les années 1970, mais de façon aléatoire et incomplète, d'abord par Christian Bourgois (Autres dimensions, 1974), puis par la Librairie des Champs-Élysées (Zothique, 1978 ; Poséidonis, 1981), puis chez NéO (huit volumes de 1985 à 1989, dont celui que j'ai cité plus haut). Plus récemment, La Clef d'Argent a publié en 2000 Le Mangeur de hachisch ou L'Apocalypse du mal, et en 2001 le recueil de poèmes en prose Nostalgie de l'Inconnu dont j'ai déjà parlé. Enfin, en 2013, L'Oeil du Sphinx a publié un choix de poèmes cosmiques sous le titre Celui qui marchait parmi les étoiles, tandis que les éditions Actes Sud ont fait paraître la nouvelle La Flamme Chantante (The City of the Singing Flame), mais un éventuel projet de réédition d'envergure de l'œuvre de Smith se faisait toutefois encore jusqu'ici attendre. Or, on en entendait parler depuis quelques mois, mais c'est à présent officiel : aujourd'hui, en s'appuyant sur une opération de financement participatif, les éditions Mnémos se proposent de retraduire entièrement les grands cycles de l'œuvre de fiction de Clark Ashton Smith consacrés aux univers de Zothique, Averoigne, Poseidonis et Hyperborée, afin d'en faire une intégrale en deux volumes pouvant paraître l'année prochaine. L'opération a été lancée hier, mardi 17 mai, sur le site de Ulule, et le montant minimal à atteindre pour réaliser le projet était initialement de 5000€ mais, en moins de 24 heures, c'était déjà quatre fois ce montant qui avait déjà été obtenu, et à l'heure où j'écris le budget participatif a désormais dépassé la barre des 28000€, ce qui est d'ors et déjà une très belle réussite pour un projet qui, à mon avis, mérite bien d'être soutenu. Pour qui le souhaite, il reste encore un mois pour participer : https://fr.ulule.com/zothique/

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Amicalement,

Hyarion.

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#2 19-05-2016 08:41

Cédric
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Re : Clark Ashton Smith

Merci Hyarion pour l'info, c'est une découverte pour moi.
L'opération de financement participatif est vraiment bien faite, claire, avec des intentions louables. On devrait donc pouvoir lire Clark Ashton Smith courant 2017 ! ;-)

Bonne journée,
Cédric.

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#3 19-05-2016 09:00

ISENGAR
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Re : Clark Ashton Smith

Merci beaucoup Hyarion.
Jusqu'à ce matin, C.A. Smith n'était pour moi qu'un nom parmi d'autres liés à l'histoire des pulps.
Voilà un beau projet, du coup. Pourvu qu'il puisse aller jusqu'au bout.

I.

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#4 19-05-2016 10:34

Druss
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Re : Clark Ashton Smith

Parti comme c'est, ça ira au bout des 33 000 euros d'ici la fin du délai, et sûrement au-delà, mais les volumes sont d'ores et déjà financés. Maintenant, ce sont désormais des "fioritures", même si Mnémos prévoit déjà des paliers supplémentaires. Personnellement, je ne connaissais pas cet auteur et même si je ne suis pas forcément un amateur de pulp, ça m'a suffisamment intéressé pour que je participe.
Et pour revenir sur le financement participatif, Mnémos fait partie du collectif des Indés de l'imaginaire, avec ActuSF et Les Moutons électriques ; ce n'est pas le premier financement Ulule qu'ils financent avec succès. Les Moutons ont notamment pu publier le Panorama de la fantasy, l'an dernier et plus récemment quatre volumes d'illustrations (il y a eu aussi un bouquin de Philip K. Dick chez ActuSF). Bref, ce sont souvent de beaux livres vite financés.

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#5 09-06-2016 23:59

Hyarion
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Re : Clark Ashton Smith

"Rééditer Clark Ashton Smith ! Un projet participatif…" : tel est le titre de la conférence animée par Jean-Luc Rivera qui a eu lieu durant le 15ème festival des Imaginales d'Épinal, le 29 mai dernier, durant laquelle Stéphanie Chabert, l'éditrice du projet d'intégrale Smith chez Mnémos, et Julien Bétan, l'un des traducteurs, ont présenté ledit projet dans son ensemble.
La captation audio des échanges est écoutable et téléchargeable sur le site d'ActuSF : http://www.actusf.com/spip/Imaginales-2 … 22983.html

reed_smith.jpg

Philippe Gindre, qui est notamment le traducteur - brillant - des poèmes en prose du recueil Nostalgie de l'Inconnu dont j'ai parlé dans mon précédent message, a donné tout récemment son point de vue - bienveillant - sur ce qui s'est dit lors de cette conférence. La proximité de Philippe Gindre avec l'œuvre de Clark Ashton Smith rend ses impressions, à mon avis, intéressantes pour toute personne amenée à se pencher sur la question de la traduction littéraire de l'anglais au français dans le domaine de l'imaginaire et au-delà (on sait combien le thème est à la mode sur la planète Tolkien, depuis quelques années... ;-) ...), ce pourquoi je me permets de reproduire lesdites impressions ici :

Faisant quelques remarques suite à la conférence des Imaginales, Philippe Gindre a écrit :

J’ai noté 2 ou 3 petites choses au passage.

Stéphanie Chabert, la responsable du projet, parle de «se détacher de l’anglais, de la dimension incantatoire du style de Smith, pour rendre quelque chose en français qui rende la dimension symboliste». C’est tout à fait cohérent par rapport à leur approche, mais la formulation va sans doute en heurter certains. «Se détacher de la dimension incantatoire» quant on sait à quel point c’est un aspect des choses qui comptait pour Smith, dit comme ça, c’est un peu abrupt, c’est sûr. Mais c’est toute la difficulté et l'intérêt d’une intégrale qui part sur l’idée d’homogénéiser des textes écrits pour des revues différentes et auxquels Smith avait apporté plus ou moins de soin et d’intérêt. Par exemple, on sent qu’il a davantage travaillé des textes de fantasy où il reprenait des idées déjà abordées dans ses poèmes en vers ou en prose («La fleur-diable», par exemple), que ses textes de SF écrits rapidement et sans réel intérêt pour la chose. L'investissement personnel n'était pas le même.

Stéphanie Chabert parle à un moment du symbolisme et des Décadents. Smith utilise l’imagerie décadente, il avait quelques atomes crochus avec les Symbolistes, mais il ne partageait pas vraiment la vision du monde des Décadents, notamment leur aversion pour la nature. C’est vrai, la manière dont il décrit le jardin d’Adompha peut rappeler superficiellement certaines pages de Huysmans dans À rebours, par exemple, mais les motivations profondes de Smith sont presque à l’opposé de celles de Huysmans. Smith est un Romantique, il se réclame d’une vision de la nature propre aux Romantiques, et pour lui les transgressions des lois naturelles mènent ses personnages à leur perte, tandis que les Décadents ne se privent jamais de violer ces lois de toutes les façons possibles et imaginables, convaincus qu’ils sont de la supériorité de l’homme sur la nature («la nature a fait son temps» écrivait Huysmans).

Il y a quelque chose aussi d’un peu paradoxal dans ce «se détacher de l’anglais» quand on entend juste après Julien Bétan dire que son approche est conditionnée au contraire par la «fidélité à la structure des phrases». Moi, c’est quelque chose qui me gêne toujours un peu dans la mesure où telle structure en anglais sera fréquente, idiomatique, et son équivalent en français plus rare, plus exotique, parfois presque incongru. Julien Bétan explique ensuite que les premières traductions de Smith sont typiques d’une époque où les éditeurs poussaient à adapter au lectorat francophone, à réécrire, presque parfois. C’est vrai, mais il faut se souvenir que cela venait en réaction à la période précédente de l’immédiat après-guerre, sinistrée par des traductions calquées, littérales, presque illisibles parfois. Il fallait qu’on «sente» l’anglais (l’anglais des États-Unis en l’occurrence). En même temps, c’est typique de l’approche sourciste actuelle, ça se défend, surtout quand c’est mis en avant par des gens aussi compétents que cette équipe. Le passage où Julien Bétan parle notamment de l’analyse des motivations de Smith, en amont du travail de traduction, est très intéressant de ce point de vue.
Ceci dit, je ne résiste pas au plaisir narcissique de citer le blog de Jean-Pierre Dionnet pour les besoins de la démonstration : «Ce qui est formidable dans Nostalgie de l’Inconnu, c’est la traduction qui donne l’impression que les textes ont été écrits en français, ce qui n’arrive presque jamais avec les traductions.» C’était le but, je suis un cibliste assumé, mais c’est vrai qu’actuellement ce n’est plus du tout dans l’air du temps, on rase un peu les murs. Mais bon, comme il est écrit dans le Necronomicon, après l'hiver vient le printemps, nous régnerons à nouveau ici-bas. ;)

Il y a aussi cette remarque: «les textes de Smith ne sont pas datés XIXe, il ne faut pas essayer de faire du Baudelaire en le traduisant». C’est tout à fait vrai, c'est le piège à éviter. Pour les nouvelles, en tout cas. Les poèmes en prose, c'est déjà un peu autre chose. Par contre, Smith utilise souvent des termes d’origine latine, de préférence à leurs équivalents d’origine germanique. Un peu pour leur connotation, beaucoup aussi pour leur sonorité (le fameux aspect incantatoire). On ne peut pas dire que ça date les textes, mais ça les inscrit dans un registre particulier qui produit un effet bien spécifique sur le lecteur anglais, plus encore aujourd’hui qu’à l’époque. C’est une chose dont il faut tenir compte.

Bref, tout ça a l’air bien parti, d’autant que le budget suit. Mais quel travail. Le délai paraît court, même à trois traducteurs. Les mois qui viennent vont être bien occupés pour eux.

Je confirme personnellement l'impression de Jean-Pierre Dionnet concernant la traduction de Nostalgie de l'Inconnu par Philippe Gindre, et j'en profite pour poser une question : de façon générale, en tant que lecteur, en matière de traduction, pourriez-vous dire si vous avez une préférence pour une démarche de traducteur "sourciste" ou une démarche de traducteur "cibliste" ?
Il me semble que s'agissant des traductions de l'œuvre de J. R. R. Tolkien, je suppose que Francis Ledoux pourrait être considéré comme plutôt "cibliste" quand Daniel Lauzon serait lui plutôt "sourciste", même s'il faudrait évidemment nuancer, dans les deux cas.
J'aime beaucoup en tout cas pour ma part cette image proposé par David Bellos, traducteur américain de Romain Gary et de Georges Pérec, que j'avais cité dans ma critique du Hobbit annoté dans l'Arc et le Heaume n°4, et qui dans son ouvrage le Poisson et le Bananier écrit qu'« une traduction est plutôt comme un portrait à l’huile. L'artiste peut inventer un pendentif avec une perle, ajouter une touche de carnation à la joue, négliger quelques fils d'argent dans les tempes – et tout de même nous proposer un portrait ressemblant. Il est difficile de dire ce qui autorise les spectateurs à s'accorder sur la qualité d'un portrait restituant l'essentiel – est-ce la forme d'ensemble, cet éclat si particulier du regard ? Les mystérieuses capacités qui nous permettent de reconnaître de bonnes correspondances — un match, un harmonieux "mariage" — en matière visuelle semblent proches des talents requis pour juger de la valeur d'une traduction. »
Difficile donc de dire quelle démarche, "sourciste" ou "cibliste", est la plus à même de proposer un portrait ressemblant. Je crois que cela dépends assurément de beaucoup de choses, du côté du traducteur comme du côté du lecteur, mais que décidément on en revient toujours à cette recherche du point d'équilibre dont je parle souvent, point d'équilibre qui, ici, me parait devoir être recherché entre fidélité au texte original et interprétation réussie dans une autre langue à destination de locuteurs de cette dernière.

Amicalement,

Hyarion.

EDIT: correction d'adresse d'image.

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#6 17-06-2016 21:07

Hyarion
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Re : Clark Ashton Smith

La campagne de financement participatif des éditions Mnémos se termine ce soir et le résultat est tout simplement impressionnant. Le minimum à atteindre pour réaliser le projet était initialement, comme je l'ai dit plus haut, de 5000€, avec un maximum envisagé à l'origine à 33 000€. Ce soir, la cagnotte a finalement atteint et dépassé les... 80 000€. L'intégrale de l'œuvre de fantasy de Clark Ashton Smith comportera finalement trois volumes au lieu des deux prévus au commencement, les ouvrages seront reliés en demi-toilé avec des œuvres de Zdzisław Beksiński illustrant les couvertures, les textes seront accompagnés d'illustrations originales et de cartes, les poèmes des quatre cycles de Smith seront publiés en version bilingue, etc. L'intégrale sortira en librairie avec un design distinct de l'édition Ulule sous coffret, qui est réservée aux contributeurs, mais tout en restant dans la ligne artistique de l'édition prestige financée par la campagne sur Ulule.

Bref, c'est vraiment un beau succès, d'autant plus qu'il était à l'origine inespéré dans une telle ampleur, compte tenu de la modeste notoriété de l'œuvre de Clark Ashton Smith. Cela peut sans doute d'ailleurs donner à réfléchir sur d'autres opérations possibles.

Amicalement,

Hyarion.

P.S. : j'avais posé une question, l'autre jour, dans mon précédent message, à propos de traducteurs "cibliste" et "sourciste"... Les questions de traduction en tant que lecteurs ne vous intéresseraient-elles donc plus ? :-)

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#7 21-06-2016 14:39

Cédric
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Re : Clark Ashton Smith

Super projet, et quelle réussite ! Reste à voir la chose concrètement. A suivre...

Hyarion, pour ta question, désolé, je ne suis pas qualifié...

Cédric.

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