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#1 25-10-2000 11:24

Marineva
Inscription : 2000
Messages : 135

Leaf by Niggle

Je viens de lire Faërie (les 3 contes et je suis en train d'achever l'essai sur les contes de fées, très intéressant) et j'ai été enchantée par Leaf by Niggle (Feuille, de Niggle) en français. Les 3 contes sont jolis, mais celui-là est particulier.
Je voulais donc demander leur avis à ceux qui l'ont lu. Comment interprétez-vous ce conte? Il fait appel à l'imagination du lecteur et à sa capacité de lire entre les lignes.
Pour moi, Niggle est mort et son âme est placée dans une sorte de purgatoire. Puis, en devenant "meilleur", on lui accorde le droit de gagner un autre purgatoire, le paysage qu'il avait imaginé, qu'il achève avec l'aide de celui dont il ne se fit jamais un ami. Lorsque le paysage est achevé, ils sont de vrais amis, et Niggle gagne le droit d'accèder à un "au-delà" de son paysage plus heureux et plus vaste...
Je trouve l'histoire poétique, vraiment très jolie, mais j'aimerais savoir ce que chacun en pense, car à mon avis les interprétations sont riches.
Merci :)

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#2 25-10-2000 12:36

Cedric
Lieu : Près de Lille
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Messages : 5 763
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Re : Leaf by Niggle

Rapidement, Marineva, car je n'ai pas trop de temps en ce moment, pour mentionner que "Feuille de Niggle" a également une dimension autobiographique. Feuille de Niggle passe son temps à dépeindre à la perfection ce qu'il entreprend. Peindre une feuille de la plus belle des façons, quitte à oublier que son rythme ne pourra pas lui permettre d'achever le tout.
C'est que faisait Tolkien, raconter une histoire, la modifier, la reprendre, l'améliorer, pour arriver à un éternel recommencement, une oeuvre inachevée...
Je n'ai pas les références sous la main mais Tolkien a dû mentionner clairement ce rapport entre lui et son personnage dans les "Letters".


Cédric.

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#3 27-10-2000 11:22

Marineva
Inscription : 2000
Messages : 135

Re : Leaf by Niggle

Merci Cédric de ta réponse. :)
Je vais regarder dans les Letters, alors...
C'est justement ce que j'aimais, ce petit homme finalement médiocre qui aime peindre des feuilles... et qui les travaille avec amour. Sa peinture, hétérogène, assez moyenne, est comme illuminée par endroits par ce travail bien fait.
Je pense que c'est ainsi que se sentent beaucoup de personnes qui essayent de "créer". On voudrait que tout soit parfait mais on n'en a pas le temps, ou bien pas le talent nécessaire. Parfois on réussit quelque chose comme par miracle, et on est très satisafait... quant au reste, on espère que dans une autre vie on aura le temps de l'achever.
Décidément, c'est un beau "conte". :)

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#4 27-10-2000 15:54

Fangorn
Inscription : 1999
Messages : 628

Re : Leaf by Niggle

Je partage ton avis sur ce texte, Marineva. Je crois que c'est celui que je préfère parmi toutes les histoires qui n'appartiennent pas au Légendaire.
Au passage, il s'agit de l'une des rares allégories que Tolkien a reconnu avoir écrites. On en trouve une autre dans _Beowulf : The Monsters & the Critics_ : il s'agit de l'allégorie de l'homme qui pouvait voir la mer du haut de sa tour (voir le compte-rendu sur l'ouvrage de V. Flieger, Splintered Light)

Sébastien

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#5 27-10-2000 15:56

Fangorn
Inscription : 1999
Messages : 628

Re : Leaf by Niggle

J'oubliais... ;-)
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la Compagnie de la Comté a choisi d'intituler sa revue "La Feuille de la Compagnie" :-)

Sébastien

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#6 27-10-2000 23:28

Hisweloke
Inscription : 1999
Messages : 1 622

Re : Leaf by Niggle

"Leaf by Niggle" me fait un peu penser au "Joséphine la Cantatrice" de Kafka(*). C'est un texte que l'on peut notamment lire comme une réflexion sur l'auteur sur lui-meme, sur l'acte d'écriture en tant que tel. Tolkien n'a-t-il pas laissé son oeuvre incomplète, inachevée, en cherchant peut-etre à trop raffiner son Silmarillion? Et ne sommes nous pas très souvent en train de nous demander ce qu'il y a "derrière les montagnes" tout au fond du décor, quand nous évoquons ensemble de la Terre du Milieu? C'est peut-etre pour tout cela que j'aime autant ce texte.

Didier.
(*) "Casser une noix n'a vraiment rien d'un art, aussi personne n'osera rameuter un public pour casser des noix sous ses yeux afin de le distraire. Mais si quelqu'un le fait néanmoins et qu'il parvienne à ses fins, alors c'est qu'il ne s'agit pas simplement de casser des noix. Ou bien il s'agit en effet de cela, mais nous nous apercevons que nous n'avions pas su voir que c'était un art, à force de le posséder trop bien, et qu'il fallait que ce nouveau casseur de noix survienne pour nous en révéler la vraie nature -- l'effet produit étant peut-être même alors plus grand si l'artiste casse un peu moins bien les noix que la majorité d'entre nous.": On retrouve là une obsession très semblable à celle de Niggle, qui peint si bien les feuilles (uniquement!) de son arbre, qu'il nous dit sans doute quelque chose sur nous meme, sur notre propre nature. Mais mon interprétation est probablement biaisé, Kafka étant mon auteur préféré après Tolkien;-)

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#7 04-09-2001 02:15

Thingol
Inscription : 2000
Messages : 145

Re : Leaf by Niggle

Je suis d'accord avec toi, Cédric, je viens de lire Feuille, de Niggle ce matin et ce qui m'a frappé, c'est ce côté autobiographique de ce conte mais selon vous, le tableau de Niggle, c'est plutôt le Quenta Silmarillion, resté inachevé ou plutôt le SdA, qu'il a mis environ une bonne quinzaine d'années à écrire ?

Julian

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#8 10-09-2001 21:44

Blandine
Inscription : 2001
Messages : 107

Re : Leaf by Niggle

J'avais déjà lu " Faërie" en Anglais, mais dans une version sans "Feuille de Niggle"; les récits m'avaient plu mais sans plus.
Je n'ai découvert cette histoire qu'avec la version française, et je l'ai adorée! L'idée que tolkien se fait de la mort correspond tout à fait à ce que je pense, et à une phrase de ma mère:"l'avant détermine l'aprés".je pense que c'et un livre à conseiller à ceux qui ont peur de la mort.

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#9 24-05-2002 16:09

Xav
Inscription : 2002
Messages : 92

Re : Leaf by Niggle

Bonjour à tous.

Dans ses Letters, au n° 98 (To Stanley Unwin), Tolkien écrit :
"[...]Since you have seen 'Leaf by Niggle' – I was going to advert to it myself, as pan apologia, pan confession – I need say no more. Except that that story was the only thing I have ever done which cost me absolutely no pains at all.[...]"

Le peu que je comprends (c'est-à-dire presque rien) serait dans le sens d'une autobiographie (évoqué plus haut) : une confession (rappelez-vous des Confessions de Rousseau où il fait son autobiographie) et une justification (apologia), peut-être de sa lenteur à écrire. Comme ce conte lui a été facile à écrire, j'en déduit qu'il lui correspondait. Cqfd.

Arrêtez-moi tout de suite si je suis à côté de la plaque, mon niveau d'anglais ridiculement bas m'a peut-être (en fait : surement) fait comprendre cette lettre de travers, mais je suis sur que quelqu'un va me corriger si mes craintes s'avéraient fondées. J'espère simplement que son sujet était bien ce que j'avais espéré.

Voilà, je crois que j'ai dit tout ce que j'avais à dire, alors à bientôt!

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#10 08-06-2002 17:58

Avalinde
Inscription : 2002
Messages : 21

Re : Leaf by Niggle

Je pense que l'interprétation autobiographique est la plus probable. Mais l'intérêt du conte d'après moi est son côté poétique. C'est à mon avis le plus beau des écrits "secondaires", beaucoup plus intéressant que "Smith..." ou "Gilles..."

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#11 08-10-2002 19:42

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : Leaf by Niggle

Je l'ai déjà dit : je suis une Tolkiendil assez basique.

J'avais moi aussi compris "Feuille de Niggle" dans le même sens que Marineva. Et vu l'importance du thème de la Mort dans l'oeuvre du Professeur ...

Qu'il y ait une part, je ne dirais pas d'"autobiographie" mais plutôt d' "autocritique" pourquoi pas ...

Mis à part que dans ce cas, je me demande à quoi pourra ressembler le Purgatoire, si Dieu et les Anges ( Eru et les Valars ? ) réagissent comme dans "Feuille " ???

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#12 30-11-2002 15:42

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Leaf by Niggle

Je rejoint bien sûr l'interprétation initiale, auquelle j'ajouterai une interrgation quant aux deux voix; on pense d'abord à l'accusateur et à l'ange gardien, mais la première se révélant finalement bonne, je me demande si l'on a pas affaire à la justice et à la Charité: le Père et le Fils dans une certaine conception chrétienne pas tout à fait juste, qui ne colle pourtant pas très bien avec le texte.

Donc je ne sais pas trop qu'en penser.

De même que le Berger final...

Par contre, je voudrais réagir sur l'idée que ce conte est autobiographique. Je ne remet pas ceci en cause, mais il se trouve que je me suis senti complètement et directement concerné par ce Niggle, et je me demande si c'est une impression personnelle ou si chaque homme se retrouve en lui, ce que je crois.
Mon idée est que Tolkien a touché là à un point universel chez l'homme, la déception de ne jamais avoir le temps d'achever ce qui pour les autres homme n'est que futilité mais dans lequel on aimerait investir tout son pouvoir... Et qui tout en même temps nous éloigne peut-être des réalités du monde dont nous faisons partie et pour lequel nous avons à oeuvrer, davantage que pour un travail créatif privé.

C'est pourquoi je suis troublé devant le fait que le tableau de Niggle est à la fois le motif de sa condamnation et le chemin vers le salut ou la guérison, ou le paradis. Motif de condamnation, car les voix disent bien que c'est à cause de ce tableau qu'il a négligé les tâches bonnes qu'il aurait dû accomplir, chemin de guérison car c'est bien entendu en achevant son tableau dans un monde où il devient réalité qu'il s'apprête au mieux à gravir les montagnes qui sont dans le lointain, en apprenant au passage l'Amour envers le pauvre Parish (et réciproquement, on peut même constater que le tableau sera le chemin de salut de Parish tout autant).

suis-je le seul, ou bien ne vous sentez-vous pas concerné par Niggle ?

Evidemment, cela peut venir du fait qu'en suivant un peu le maître, je peux me retrouver dans les mêmes embarras. Je tâche moi aussi d'écrire un roman, et je suis tout comme Niggle en train de créer quelque chose de plus grand que je ne le voyais au début, fignolant sur des détails qui enrichissent pourtant considérabement le tableau, me perdant souvent dans les lointains décors d'arrière plan qui ne seront pourtant guère visibles pour le lecteur, refaisant sans cesse la même feuille parce qu'elle n'est pas convenable, etc...

Je suis sûr que ce sentiment, un passioné de maquette peut le ressentir aussi, ou d'autres passionnés. Est-ce que nous n'avons pas tous de ces passions qui nous "bouffent" du temps et nous font gromeler quand on nous dérange, pourtant bien souvent pour une juste cause ??

Voilà pourquoi je pense que ce conte est à part. Il n'st pas seulement une allégorie de Tolkien, il est une allégorie de l'Homme, il atteint un point universel encore jamais abordé d'ailleurs dans les mythes ou légendes à caractère mythique, c'est à dire portant sur les questions fondamentales de l'homme ou sur la nature profonde du monde.

Je suis étonné d'apprendre que Tolkien n'a pas peiné pour un conte (que je crois) aussi génial. N'a-t-il pas comme pour le SdA pesé chaque mots, chaque image ? Ou alors avait-il reçu une telle compréhension de la chose qu'il ne s'égarait pas dans un monde trop compliqué pour un seul homme ? (d'aileurs, plus on modifie un univers, plus il est facile de s'y perdre, de commettre donc d'autres erreur qu'il faut modifier ensuite, sources de nouveaux égarements, cercle vicieux - je parle en connaissance de cause)

Voilà, ce conte est riche et profond, c'est un trésor, pourvu qu'il reste inconnu, moins les grands savants en parleront, moins ils lui feront de mal...

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#13 03-12-2002 14:15

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Leaf by Niggle

Après petite réflexion, je ne pense pas finalement que les voix soient une analogie de quoi que ce soit. Elles sont là parce qu'elles ont besoin d'être là, même si elles sont sans doute attachée à la conscience de Niggle, et si elles représentent bien à mon avis la justice et la miséricorde. Je ne pense pas qu'on puisse aller au delà.

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#14 28-12-2002 11:23

Laegalad
Lieu : Strasbourg
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Re : Leaf by Niggle

A mon tour je viens d’achever la lecture de Faërie. Et je pense que Feuille, de Niggle est le genre de conte qui s’écrit tout seul, où il suffit de laisser courir sa plume pour que tout se mette en place. J’ai moi aussi quelques velléités d’écriture, encore que tous mes brouillons ou presque aient fini à la corbeille. Mais les rares qui ai soutenu mon autocritique ont été écrits sans recherche fouillée d’allégorie,   et pourtant étaient ceux qui avaient finalement le plus d’impact. Je fais le rapprochement ici avec la phrase « that story was the only thing I have ever done which cost me absolutely no pains at all» citée par Xav,  et non aux feuilles de Niggle, toujours repeintes, jamais les mêmes. C’est du moins mon interprétation de ce passage.
Pour les voix et le Berger, je pense qu’ils sont là parce qu’ils y étaient déjà, en déformant un peu tes mots, Vinyamar ; ils existaient avant que l’histoire ne soit écrite et se sont imposés naturellement.
Il serait certainement possible d’aller au-delà avec Freud et Jung, mais je n’en ai absolument aucune envie. Il est de ces contes qui sont fait de brume et qui laisse un goût d’infini une fois achevé. A trop être analysé, il perdrait de sa magie. And, he that breaks a thing to find out what it is has left the path of wisdom, isn’t it ;-)? 

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#15 28-07-2016 16:56

ISENGAR
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Re : Leaf by Niggle

Petite remontée de fuseau pour signaler que c'est aujourd'hui que HarperCollins sort une édition en volume séparé de Leaf, by Niggle, pour la première fois depuis 1945.
Les autres éditions/rééditions l'ont toujours été avec d'autres textes.

I.

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