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Bonsoir,
Étant donné que mes investigations professionnelles m'ont récemment amené à effectuer des recherches assez pointues sur Coleridge, sa pensée et la poétique dont il est au fond l'instigateur, je ne cesse de m'étonner du fait qu'il n'ait pas été plus souvent cité comme source possible et indirecte (quoique flagrante par certains aspects) de Tolkien.
Étrangement, l'unique allégation relative aux deux auteurs qui semble avoir été largement relayée par divers chroniqueurs de Faërie est la fameuse "suspension de l'incrédulité" coleridgienne contre laquelle Tolkien s'inscrirait en faux.
Il me semble d'autant plus ironique (et affligeant) que le seul lien qui ait été relevé entre ces deux titans de l'imaginaire (du moins en angleterre), fut cette opposition de forme qui ne repose que sur une méprise patente de l'expression telle que l'entendait Coleridge avant qu'elle ne soit vraisemblablement vulgarisée par une tentative d'assimilation pseudo-philosophique, érigeant ainsi ce qui était une profession de foi symboliste en un courant de pensée pour le moins grotesque.
C'est donc une interrogation multiple que soulève ce paradoxe : comment se fait-il, d'une part, que Tolkien n'ait pas compris Coleridge (alors qu'un des inkling, Owen Barfield, lui avait consacré un essai), comment se fait-il qu'il n'y fasse pas plus d'allusion _je doute très sérieusement qu'il ne l'ait pas lu, et comment se fait-il au final que la plupart des essayistes en la matière se concentrent si ostensiblement sur les sources mythologiques et médiévistes de Tolkien en oubliant le langage dont il use et abuse, qui n'est ni médiévale ni véritablement archaïque, mais possède bel et bien tous les accents (sur)naturels du romantisme ? (Et ce, jusque dans ses inflexions archaïsantes dont le XIXème était si friand)
Que Coleridge n'ait pas été compris n'est pas en soi chose remarquable, c'est plutôt même un fait anodin. Afin de donner un aperçu succinct de la rhétorique de Coleridge, il faut savoir que sa philosophie est une philosophie poètique, c'est même plus précisément, une Poétique. C'est à dire que le penseur ne structure pas sa pensée en vertu d'un raisonnement logique classique - qui repose essentiellement sur le tiers exclu-, mais plus volontiers selon la musicalité propre au langage et selon les images et les métaphores qu'il est à même de (sub)créer. Ce "système" rhétorique fait d'ailleurs tout à fait écho à la pensée même de Coleridge pour qui la Raison est supérieure à la Compréhension.
La Compréhension chez Coleridge se base sur l'acceptation du monde (déchu) tel qu'il est en vertu de lois d'opposition, sémantique de la logique classique donc, alors que la Raison est l'acceptation d'une consubstantialité (généralisée) à même de réunir les opposés et de mêler l'irréconciliable dans le but d'accèder à une vérité suprême qui n'est autre ipso facto que Dieu. On voit bien que Coleridge, volontairement ou non d'ailleurs, a développé à travers ses différents essais un paradigme littéraire de ses allégations, ce qui en soi, est un tour de force rare, mais qui rend sa lecture d'autant plus malaisée pour qui est habitué à une rhétorique plus classique.
(Il faut noter en passant, qu'Hegel que Coleridge n'avait lu que très brièvement mais qui développa également ses théories à partir de celles de Kant, établit une philosophie de l'esprit dont bien des concepts peuvent trouver écho chez Coleridge ; ce, même s'ils sont nommés différemment et de façon plus consistante chez Hegel, ce dernier n'échappant toutefois pas à maintes vulgarisations et méprises dont la dernière et la plus connue en date est la fameuse fin de l'histoire.)
Pour en revenir à la méprise au sujet de la suspension de l'incrédulité, et comme on pourra s'en douter ne serait-ce qu'à la lumière des concepts de Compréhension et de Raison chez Coleridge, il ne s'agit pas là comme on le dit généralement de mettre son incrédulité de côté.
Bien au contraire.
D'ailleurs Coleridge ne parle pas tout à fait de suspension de l'incrédulité mais de volonté de suspension de l'incrédulité. Et la différence n'est pas sans conséquence (de taille). En effet chez Coleridge cette volonté n'a rien à voir avec une mise de côté temporaire, presque méprisante, de son incrédulité, il serait plus exact de la définir comme une véritable profession de foi de l'imaginaire.
so as to transfer from our inward nature a human interest and a semblance of truth sufficient to procure for these shadows of imagination that willing suspension of disbelief for the moment, which constitutes poetic faith.
Prise hors contexte, cette phrase peut effectivement passer pour telle qu'on la décrite. Toutefois c'est une analyse très superficielle qui ne prend pas en compte la croyance de Coleridge et plus particulièrement celle de la foi, du mysticisme poètique.
Chez Coleridge, le monde sensible est un monde déchu accessible à la Compréhension. Le monde imaginaire au contraire, constitue le monde précédent la chute dans lequel le langage de Dieu (assimilateur d'opposés) s'exprime, et la poèsie permet, grâce à la relation poète-lecteur, de relater cette Vérité à travers une subcréation perpetuant la création divine, subcréation elle-même véhiculée grâce au langage symbolique dont les symboles mêmes correspondent un à un et tous à la fois à la Réalité Unifiée.
Ainsi, c'est à travers la subcréation poétique que le poète est à même de transmettre au lecteur capable de se débarasser de son incrédulité, le langage et les rivages symboliques de cette Vérité absolue dont le Royaume n'est autre que celui de Faërie.
The marvellous independence or true imaginative absence of all particular place & time - it is neither in the domains of History or Geography, is ignorant of all artificial boundary - truly in the Land of Faery - i;e;, in mental space
Il me semble que le lecteur de l'Essai sur le conte de Fée aura pu trouver dans cette tentative -certes sommaire- de résumer la pensée de la symbolique imaginaire chez Coleridge, quelques échos qui lui paraitront sans doute familier.
Mon but n'est pas ici d'offrir une lecture comparée, qui serait fastidieuse et sans doute mal à propos, mais plutôt de mettre à jour des concepts qui auront sans doute séduit Tolkien ou qui du moins ne s'opposent clairement pas à la vision très adulte que Tolkien brosse du conte de Fée. Les similitudes sont à vrai dire trop nombreuses pour en donner une liste détaillée et il faudrait pour cela y consacrer quelques mois que l'humble auteur ne possède point.
Il est accessoirement intéressant de relever l'importance qu'accordaient les deux auteurs à la musicalité du langage et à sa force créatrice, instigatrice de méditations.
Pour finir, j'ajouterai donc que si dans l'aimable assistance se trouvaient quelques érudits qui auraient connaissance de notes de Tolkien relatives à Coleridge (outre celle qui fait ici l'objet de mon improbation), leur intervention est vivement attendue par les habitants des ténèbres. Par ailleurs, il nous semblerait opportun de lancer un débat corollaire sur les liens que Tolkien nourrissait de façon plus ou moins évidente avec les romantiques. Ce thème avait été lancé par Moraldandil il y a quelques temps, sans avoir été exploité à sa juste mesure.
Existe t'il des ouvrages en anglais qui traiteraient du sujet, ou bien est-il également tabou outre-manche, voire, outre-atlantique ?
Pour conclure, je ne résiste pas à la tentation de citer à nouveau du Coleridge ce, afin d'illustrer symboliquement mon propos nébuleux :
To the multitude below these vapors appear, now as the dark haunts of terrific agents, on which none may intrude with impunity ; and now all a-glow, with colors not their own, they are gazed at, as the splendid palaces of happiness and power. But in all ages there have been a few, who measuring and sounding the rivers of the vale at the feet of their furthest inaccessible falls have learnt, that the sources must be higher and far inward ; a few, who even in the level streams have detected elements, which neither the vale itself or the surrounding mountains contained or could supply.
Et encore :
At the source of the longest river
The voice of the hidden waterfall
And the children in the apple-tree
Not known, because not looked for
But heard, half-heard, in the stillness
Between two waves of the Sea.
.S avec l'aide et le soutien moral de C.
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Existe t'il des ouvrages en anglais qui traiteraient du sujet, ou bien est-il également tabou outre-manche, voire, outre-atlantique ?
Le catalogue "Grace. Funk Tolkien Collection" de Marquette renvoie au moins deux textes parlant de Tolkien et Coleridge :
Wojcik, Jan S.J., "Tolkien and Coleridge: Remaking of the Green Earth." Renascence vol. 20 n°3 (1968), p. 134-139, 146
Kilby, Clyde S., "Tolkien and Coleridge". Tolkien Journal, vol. 4, n°1 (ou n°11 complet), 1969, pp. 16-19
Quant à savoir comment consulter ça, c'est une autre histoire...
Dans Tolkien Studies n°4, p. 361, on trouve aussi mention de ceci dans la bibliographie des ouvrages de 2005 :
Oser, Lee, "Tolkien and Coleridge: An Encounter", ALSC Newsletter 11, n°4 (2005), p. 14-15.
Il doit être possible d'y accéder en souscrivant à la newletter en question (http://www.bu.edu/literary/newsletter/past.html).
Un coup de Google sauvage remonte quelques PDF parlant des deux auteurs :
Enfin, une petite recherche "Tolkien Coleridge" sur Google Books remonte aussi pas mal d'ouvrages. Il resterait à creuser plus en détail.
Didier.
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Bonsoir,
Merci pour ces liens, arpenteur des brumes, j'avais déjà eu connaissance des deux derniers pdfs, ayant vogué par maintes eaux scrooglisées afin d'enrichir mon savoir en la matière.
Le fait est que le premier, bien qu'intéressant, est un brin trop lapidaire à mon gout:
Disons que l'opposition qui y est faite entre l'hétérocosme littéraire comme cosmovision catholique chez Tolkien, et les tendances panthéistes de Coleridge me parait un brin rapide : si Coleridge avait certes des penchants immanents, il était loin d'être spinoziste, son immanence est une immanence chrétienne, lui-même croyant en la Trinité... Et son microcosme, ou monde secondaire ou monde que l'on pourrait presque qualifier d'immarri est clairement un microcosme chrétien.
Le second pdf est plus détaillé, bien qu'il semble se concentrer sur un parallélisme Coleridge - MacDonald d'une part et Tolkien - Lewis d'autre part... Il mérite toutefois une lecture plus attentive !
Le catalogue "Grace. Funk Tolkien Collection" est décidément un outil précieux que nous ne connaissions pas, par les contrées ténébreuses, et il constitue très certainement une source de départ pour toute recherche.
Je m'étonne toutefois _encore_ du peu d'occurrence que l'on trouve relativement au romantisme. Finalement une seule étude poussée digne de ce nom semble avoir vu le jour, il s'agit de :
Tolkien and Romanticism: Proceedings of the Cambridge Tolkien Workshop. Ed. I.R. Morus, M.J.L. Percival and C.S. Rosenthal. Cambridge Tolkien Workshop, 1988
J'ai trouvé la référence sur le site de la Tolkien society, les autres occurrences qui développent _de façon évidente du moins_ l'influence romantique, ne semblent pas s'intéresser à Tolkien en particulier mais plutôt aux Inklings en général.
C'est vraiment surprenant de ne trouver plus de texte en la matière, et finalement la relation Coleridge-Tolkien est quelque peu plus fournie ou vraisemblablement plus approfondie, ce qui toutefois me rassure sur la richesse qu'un tel sujet est tout à fait à même d'exploiter.
La recherche "sauvage" sur le romantisme m'embarque vers des résultats assez peu probants, ou, lorsque le contenu parait intriguant, la page est protégée et hébergée par ces bibliothèques en ligne à accès restreint du type Jstor...
Tiens à ce propos, nous ne doutons pas que le brumeux soit plus informé que nous en la matière, cela fait un certain bout de temps que nous nous demandons comment obtenir un accès à ce genre de librairies en ligne, mais il semble qu'il faille s'enregistrer au préalable auprès de librairies américaines d'universités ou de sociétés de recherches publiques... Ce qui ne facilite pas la tâche... Même en tant qu'éditeurs il nous semble malaisé d'en avoir un accès autorisé. :/
Par ailleurs, Google books donne effectivement des résultats plus concluants quoique parcellaires encore... Quand les pages elle-mêmes sont libres d'accès.
On ne peut encore une fois, que regretter que le sujet n'ait pour l'instant pas été traité de façon plus significative, et si les critiques et autres bibliographes s'entendent tous plus ou moins pour reconnaitre certaines influences romantiques à Tolkien, et encore plus à Lewis (j'aurais pour ma part la tendance inverse), la mesure de la chose n'a pas été traitée au niveau qu'elle mériterait sans conteste, et ce sont plus généralement des assertions rapides que l'on peut y lire... Quand ce ne sont pas des jugements à l'emporte pièce rapidement abordés sous forme de "licence romantique", n'ayons pas peur des mots.
Pour finir, il me semble avoir omis un questionnement lors de mon précédent message, il faut dire que l'heure était avancée. Il se peut tout aussi bien que Tolkien ait fort bien lu et compris Coleridge (après tout, les termes de monde secondaire et de subcréation lui ont selon toute vraisemblance été empruntés). En ce cas, la critique de la suspension de l'incrédulité s'adresserait surement davantage au concept tel qu'il a évolué et non tel qu'il fut initialement pensé.
J'aimerais toutefois trouver plus de matière dans les écrits de Tolkien pour pouvoir répondre à cette question d'importance fort relative mais qui a le don de troubler quelque ténébreux esprit, et par ricochet, les frimas qui l'accompagnent.
Merci en tout cas d'avoir apporté de nouveaux éléments à cette méditation sur les terres de Xanadu aux marins contant sans repos.
.S sous l'égide de C.
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Dame ! je cerne à peine le concept d'hétéronomie radicale qu'on évoque déjà céans l'hétérocosme littéraire... Il serait temps que je range mes Spirous...;p
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Mwaaaaaaaaarf :D Encore, tu en es aux Spirou ; moi je quitte à peine les Schtroumpfs ;)
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Ce doit être, supputons-le, une question de nuance somme toute épistémologique, relative par certains égards à l'immanence spinoziste, mais entendue au sens évolué d'un concept bipolaire endocosmique, nonobstant toute résonance déraisonnée naturellement inhérente à la pensée cognitive présumée d'un auteur égaré.
Ou un truc du genre, mais sans illustration ni phylactère, contrairement à Spirou...
*grin*
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Je prends bonne note de l'analyse susmentionnée et je ne perds pas de vue sa manifeste pertinence. A titre principal j'attache de l'importance à ce que cette question soit soumise à l'examen d'un groupe d'experts afin d'éviter toute dérive du type Craintes de la Solitude. D'autre part, il conviendra sans délai, en liaison avec les autorités sataniques et avec la plus grande diligence, de mettre en oeuvre un cadre resséré aux potentielles Complaintes du Vieux Marin. En effet, il convient d'insister sur le fait que la limitation des Souffrances du Sommeil puisse se révéler être un enjeu fort de l'ensemble du dispositif d'analyse.
En tout état de cause, je renouvelle ma respectueuse gratitude à la mise en parallèle tout à fait opportune entre l'hétérocosme littéraire coleridgien et la déférente légereté phylactérisée spirouienne.
Dragon, je vous prie de bien vouloir croire en l'expression de mes sentiments les plus dévoués.
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Il fut difficile de tenir, mais j'ai tenu, devant un excellent sujet jrrvfien ... les examens étant terminés, ma patience est maintenant récompensée :)
Concernant la suspension consentie de l'incrédulité, rappelons que Tolkien l'aborde dans le chapitre sur les enfants de son essai sur les contes de fées. À ce titre, il explique très bien ce contre quoi il s'inscrit en faux : l'idée selon laquelle pour goûter à un conte de fées, les adultes devraient (en résumé) faire semblant d'être des enfants ou bien s'arrêter de grandir, ou encore — le corollaire de cette idée — celle selon laquelle les contes de fées « réussiraient » plus naturellement auprès des enfants parce que l'humilité et l'innocence que l'on associe à l'enfance impliquerait nécessairement un émerveillement dépourvu de sens critique. Ce sont donc avant tout ces idées-là qu'il défait. La mention de la « suspension consentie de l'incrédulité » semble plus destinée à introduire son propos qu'à le constituer dans ce chapitre, en lui servant à situer le rapport habituel des grandes personnes et de la littérature avec les contes de fées :
Mais cette suspension de l'incrédulité n'est qu'un substitut de la chose authentique, un subterfuge dont on se sert quand on condescend à jouer ou à faire semblant, ou quand on essaie (plus ou moins volontiers) de trouver quelque qualité dans l'œuvre d'un art qui pour nous a échoué.
Faërie & autres textes, p.96
(ceci pour que ceux qui n'ont pas appris mot pour mot l'essai du Professeur puissent suivre :) je gage qu'Arestel n'en a pas besoin ...)
comment se fait-il, d'une part, que Tolkien n'ait pas compris Coleridge (alors qu'un des inkling, Owen Barfield, lui avait consacré un essai), comment se fait-il qu'il n'y fasse pas plus d'allusion (...), et comment se fait-il au final que la plupart des essayistes en la matière se concentrent si ostensiblement sur les sources mythologiques et médiévistes de Tolkien en oubliant le langage dont il use et abuse, qui n'est ni médiévale ni véritablement archaïque, mais possède bel et bien tous les accents (sur)naturels du romantisme ? (Et ce, jusque dans ses inflexions archaïsantes dont le XIXème était si friand)
Pour la première question, il est difficile d'être sûr (peut-être Owen Barfield était-il aussi bon essayiste que Peter Jackson adaptateur ? si le premier a traité de la suspension de l'incrédulité comme le second a traité les Elfes, il ne faut pas aller chercher plus loin :)), mais ta propre réponse me paraît la plus plausible, à savoir que
la critique de la suspension de l'incrédulité s'adresserait surement davantage au concept tel qu'il a évolué et non tel qu'il fut initialement pensé.
Pour ce qui est de la Poétique Coleridgienne, je rejoindrai aisément les parallèles qui seront tracés avec de nombreux traits poétiques tolkieniens (vous m'en avez partagés de bien manifestes en privé).
Mais j'en tracerai aussi ici de franches limites (si tant est que, d'après de ce que Moraldandil & toi m'en avez dit, j'aie suffisamment compris Coleridge) : Tolkien parle de procédés dans son Essai, de créance, et sépare bien ce qui est de l'ordre d'une créance primaire de ce qui est de l'ordre d'une créance secondaire, tandis que Coleridge franchit mystiquement cette séparation et va jusqu'à faire profession de foi. Le seul moment où Tolkien pourrait le rejoindre, c'est à la fin de son Essai & uniquement pour un seul et unique conte, celui de l'Évangile — mais alors ce n'est plus l'Homme qui en est l'auteur. C'est que, pour Tolkien, Faërie ne mène ni au Ciel ni à l'Enfer et ne peut donc conduire à la Vérité. Mais le Royaume Périlleux peut offrir à son visiteur de parcourir un chemin, de faire un véritable voyage, ce qui n'est pas rien : ce voyage, si ce n'est celui qui lui donne accès à la Vérité, lui donnera des choses utiles pour son Propre Voyage (en ce monde primaire et déchu), par exemple :
(...) c'est une des leçons données par les contes de fées (si l'on peut parler de leçons pour des choses qui ne font pas de cours) qu'à la verte jeunesse, godiche et égoïste, le danger, le chagrin et l'ombre de la mort peuvent conférer la dignité, et même parfois la sagesse.
Faërie & autres textes, p.105
Enfin, en ce qui concerne Tolkien & les Romantiques (quelqu'un pourra-t-il donner le lien vers le fuseau initié par Moraldandil auquel Arestel fait plus haut allusion ? je ne vois pas celui dont il s'agit ...), je serais bien en peine, pour ma part, de participer très activement. Je dois avouer un peu honteusement avoir oublié presque tout ce que j'ai lu et aimé des romantiques étant plus jeune ... Mais d'une manière générale, il s'agira de faire preuve de prudence sur ce point, m'est avis : si les procédés et le rapport à la langue se retrouvent parfois partagés entre eux et Tolkien, n'oublions pas d'une part que ce dernier était têtu et donc relativement peu influençable (cf. ce qu'il (ne) faisait (pas) systématiquement des conseils reçus par exemple de son ami CS Lewis dans son écriture du Seigneur des Anneaux), et d'autre part qu'il savait (en tout cas à partir d'une certaine période de sa vie) se méfier du Romantisme dans son esprit ; j'en avais donné un aperçu — vraiment rapide — à la fin de cette discussion (post du 30-06-2006).
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Pour le travail qu'avait fait Bertrand sur Tolkien et le romantisme, je ne suis pas sûre qu'y ait un fuseau. Il nous avait présenté ça en conférence lors du moot de Coo.
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Ceci explique donc cela, car je n'en étais point. Merci romaine :)
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Content de te voir de retour parmi nous, cher ami - même si je sais que tu ne t'es jamais vraiment éloigné...
I. :o)
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Merci cher ami (m'incline lentement) :)
Ma fréquentation devrait s'améliorer cet été si les résultats fin juin n'affichent pas de mauvaise surprise (i.e. si je n'ai pas de matière à repasser en septembre :)). Je suivrai en particulier avec grand intérêt ce qu'Arestel, Edrahil et Moraldandil pourront développer éventuellement sur le présent sujet ; cela nous permettra de nous pencher de nouveau sur la pensée tolkienienne en matière de Faërie ...
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