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#1 12-09-2003 16:42

Cedric
Lieu : Près de Lille
Inscription : 1999
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Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Je vous propose aujourd'hui l'interview d'Isabelle Smadja par Nicolas Liau.
Vous le savez, Isabelle Smadja est l'auteur de « Le Seigneur des Anneaux ou la tentation du mal », ouvrage qui a fait coulé beaucoup d'octets sur ce site et ailleurs.
Dans cette interview, I. Smadja nous donne des détais quant à ce qui l'a amenée à prendre des positions constestées par les lecteus de Tolkien. Interview qui est aussi une réponse directe compte-rendu qu'a fait JRRVF de son ouvrage : compte-rendu.

Vous aurez peut-être envie de réagir à nouveau, et vos commentaires seront les bienvenues. Je vous demanderai seulement, mais est-il besoin de le faire, de répondre avec toute la modération nécessaire quant au ton employé. C'est que les avis ne sont pas les mêmes, alors ne nous emballons pas ;-)

L'adresse : Interview d'Isabelle Smadja


Cédric.

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#2 12-09-2003 19:57

Ulmo
Inscription : 2002
Messages : 245

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

M'est avis que tout  texte peut être critiqué aussi bien de manière élogieuse que de manière moins élogieuse. Il semble que Isabelle penche plutôt pour le deuxième choix. Il est un proverbe qui dit: l'art est difficile, mais la critique est facile. Je ne sais si c'est vrai, mais une critique argumentée demande du travail et je ne peux nier celui-ci. Et je ne sais si la critique péjorative est plus facile que la mise en éloge, mais il me semble qu'on la trouve souvent plus argumentée mais aussi plus sélective dans ses sources. En est elle pour autant plus justifiée?

Cependant, il me semble que la critique d'Isabelle apparaît à un moment inopportun, on pourrait ainsi lui reprocher de sortir un travail sur le seigneur des anneaux juste au moment ou un film fort "publicité" apparaît. Ce qui pourrait nous pousser à penser qu'il s'agit purement d'un ouvrage à rentrée financière agissant un peu comme un journal à scandale. Car je ne vois pas très bien quel but est recherché dans pareil travail.

Je vais maintenant m'attarder sur le caractère racial qu'Isabelle démarque dans le seigneur des anneaux. On ne peut pas le nier! Oui,  Tolkien crée des races! Oui il les pourvoit d'attributs caractériels et physiques propres. Mais le monde n'est il pas ainsi? Alors pourquoi pas l'univers Tolkiennien? Ne préfère-t-on pas l'abeille à la guêpe? Le citron n'est il pas plus sûre que la pêche? L'enfant n'est il pas plus naïf que l'adulte? Ces différences d'espèces ou non existent et il n'est nul besoin de les nier. Tolkien a créé la race des Orcs, des Trolls,... mais il ne cherche aucunement à en faire un rapprochement avec le monde réel. Car si ces races sont faites haïssables, je ne pense pas que ce soit pour en faire un parallélisme ou message raciste. Oui, le seigneur des anneaux se déroule dans un monde où vivent diverses races intelligentes bonne ou mauvaise. C'est d'ailleurs ce qui en fait une oeuvre fantastique ou de fantasy. Mais il ne cherche pas à faire valoir un idéal raciste au sens stricte du thème. Exemple, dans "perry-the-winkle" Tolkien met en avant l'acceptation de la différence et de la nuance.

Ainsi je pense que c'est de faire des rapprochements entre notre monde réel et celui de la fantasy qui est dangereux. car l'un se veut "idéaliste", l'autre ne l'est certe pas. Si on peut reprocher à Bush son idée très typée et, à mon goût, malsaine d'un "combat du bien contre le mal", on ne peut reprocher à Tolkien d'en faire le thème d'un roman.

Car si l'on veut parler racisme, il n'est nulle doute que certains passages de la Bible (surtout 1er testament) sont bien plus raciste que le seigneur des anneaux et que quiconque chercherait à le démontrer pourrait, tout comme Isabelle Smadja avec le seigneur des anneaux, le faire. Il n'en est pas moins que le message que nous voyons en la bible est plus que tous "respect et tolérance" et non "Et on tuera tous les affreux" ;-).  Tout ressort de l'interprétation, car celle-ci ne ressort pas toujours (souvent) la volonté de l'auteur. Encore moins quand on s'est décidé à y trouver quelque chose de prédéfini.

Bien, j'en ai fini de m'embrouiller les pinceaux et laisse à d'autre le plaisir de "discourir" ;-)

Ulmo

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#3 13-09-2003 14:46

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Je touve qu'Isabelle Smadja a peu progressé! Certes elle est beaucoup plus prudente dans ses propos; la façon dont son ouvrage a été accueilli et notamment des réponses qui lui ont été faites comme celles du "Compte Rendu" ne l'ont pas laissée insensible; la courtoisie est de rigueur' bien davantage que pour Tolkien.
Mais elle ne revient sur aucune des conclusions où l'a mené son requisitoire: racisme, misogynie, conservatisme. Ce que je regrette par ailleurs c'est le non-dit sur les thèmes selon moi les plus graves parce que beaucoup plus insidieux, à savoir le pessimisme sur la nature de l'homme que véhiculerait le Seigneur des Anneaux.
Sa référence principale à Harry Potter lui permet d'edulcorer ses propos. Mais dans son éssai, c'est bien de défaitisme et d'"anti-progressisme" dont elle accuse l'ouvrage: pessimisme sur la nature de l'homme dans son attirance fondamentale pour le mal," ce besoin d'asservir les faibles en se rendant aux plus forts"; anti-progressisme quand le mobile de la quête est de détruire ce qui a été crée" sous-entendu les progrés techniques qui garantissent un monde meilleur!
C'est aussi son silence total sur les sentiments ou les valeurs qui animent l'ouvrage: amitié, loyauté, dévouement, fidélité, honneur, comme si un esprit progressiste devait rougir d'y croire encore.
C'est encore, le regard toujours négatif sur nos héros:
Frodon peureux et rampant à qui elle préfère l'orgueilleuse humanité d'un Faust
Sam servile laquais qui préférerait mourir que de voir souffrir son maitre
Aragorn si peu "homme"
Gandalf "un magicien détenteur d'un savoir qui échappe à tout jamais à l'humanité"
Mais encore, la louange à Gollum qu'elle compare bien à Caliban mais surtout à Jean Valjean pour s'indigner du mépris de Tolkien pour les plus démunis, Gollum dont "la première faute pour ne pas dire la seule fut de vouloir être homme et d'avoir soif de connaître"
Sans oublier son chapitre 4 ou elle dénonce la violence du SDA même si aujourd'hui elle pose la question de savoir s'il y a "catharsis ou mimésis" dans les jeux qui s'en inspirent!
Je ne pense pas qu'elle fasse preuve de davantage d'objectivité dans son propos surtout pas sur les Orques comme unique argument raciste,
dans la mesure où elle en réfute le procédé littéraire.
Enfin je lis dans la conclusion de son interview une bonne dose d'ironie(de Gandalf la créature la plus aboutie de Tolkien):En ce sens c'est un personnage qui correspond à un idéal,mais à un idéal beaucoup plus moderne que ne l'est la figure d'un dieu tout puissant. En plus sa capacité à resurgir alors qu'on le croyait perdu à jamais, donne une espérance supplémentaire.
C'est drole n'est-ce pas, mais dans sa bouche je trouve le trait choquant !


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#4 13-09-2003 06:16

greenleaf
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Bonjour, JRRVF

Pour ma part, je n'ai jamais tenté de discerner chez Tolkien, l'homme, l'auteur, une "idéologie" qu'il aurait sciemment véhiculée dans son oeuvre, ou qui y serait apparue inconsciemment. J'ai surtout été frappé par ses influences littéraires (où peut-être cela m'a-t-il été inculqué par la critique, je ne sais pas) : Tolkien n'est pas, de toute évidence, un romancier au sens strict du terme ; il n'avait que peu d'égards pour la littérature de son temps, et encore moins pour celle des XVIIIe et XIXe siècles ; "post-shakespearien" (inclusivement) semble avoir été pour lui un terme favori pour qualifier péjorativement un type de merveilleux, d'ailleurs repris chez Disney dans sa forme la plus vulgaire. À Oxford, il n'appartenait pas à cette majorité d'académiciens "classiques" qui n'ont guère d'affection pour la poésie (et la civilisation) anglo-saxonne : c'est pourtant dans cette matière que Tolkien s'était investi. Il aimait les tragédies classiques, certes, et peut-être était-ce le souffle épique qui le portait le plus : car il était bien plus germanique que gréco-latin de coeur. L'héroïsme germanique (scandinave, nordique - et ici qu'il soit clair que je discute sans savoir vraiment de quoi je parle, et je puis me tromper, mais je ne me réclame que d'un minimum de culture générale), cette tradition, dis-je, représente bien, je pense, tout ce qu'Isabelle Smadja dénonce : l'image de la femme, la fascination pour la mort, l'héroïsme au combat, l'"avilissement", dans le coeur des héros, de la tribu ennemie. Reste Dieu ; mais certains prétendent l'avoir trouvé là.

Tolkien, qui n'avait rien d'un guerrier lui-même, n'a pas décapité beaucoup de Danois dans sa vie ; il n'a jamais eu de Chef outre son cher Créateur, et il ne s'adonnait que très rarement aux rituels païens. Il était marié, très (très) conservateur, et il n'a pas inventé le féminisme moderne. Je ne puis dire si ses goûts littéraires, son imaginaire plus personnel (The Lost Road, The Notion Club Papers), faisaient ou ont fait de lui un raciste ou un mysogine. Sans doute y avait-il quelque chose en dormance chez lui à ce point de vue. Il y a bien des choses qui dorment chez vous ou moi, y compris d'ailleurs chez Mme Smadja, ce qui semble évident en la lisant... C'est qu'elle s'est fait, il me semble, la spécialiste de ce qu'elle connaît bien. Quant au reste, elle le tait : bien fait pour elle ! Permettez que je poursuive tout de même.

En somme, ce qu'I. Smadja reproche à M. le conteur, c'est de n'être pas un artiste "engagé" qui pèse bien les "conséquences" des oeuvres qu'il fait connaître au public, les "idéologies" qui y sont véhiculées. (Elle ne prête pas au Professeur des intentions malsaines, ou du moins l'espère-t-on.) Le Seigneur des Anneaux serait donc nocif pour ses lecteurs, pernicieux, pervers. Voilà, si j'ai bien compris, ce qui nous enrage ici, et je pense que les gens ont somme toute raison de reprocher à la critiqueresse d'ignorer tout un pan de l'oeuvre pour mieux chercher la bête noire, la trouver, et la tenir à bout de bras en déclamant à Ragnarok.

Mais de tels jugements ne seront jamais sûrs - d'où l'invitation à la discussion, bien venue ; et le Seigneur des Anneaux est plus riche que cela. Car Tolkien n'abusait pas lorsqu'il l'appelait "heroic romance" : si j'ai dit que Tolkien n'était pas, a priori, un romancier tel qu'on l'entend en pensant à certains auteurs dont Mme Smadja se sert (à tort, je trouve, car j'en vois peu la pertinence) dans ses délibérations, il n'en reste pas moins que ses personnages ont des qualités (et des défauts) bien humains qui les différencient des héros germaniques que j'ai cités, sont "caractérisés" (trop peu pour certains, trop mal pour d'autres) à la manière du roman, ont une certaine psychologie, etc. Qui plus est, la première partie du livre, qui selon moi cadre très mal avec le reste (ce qui lui donne un certain charme ; on a vu les raisons de tout cela dans HoME VI), ressemble davantage au Hobbit ; et cette race de Hobbits en est héritée, ce qui peut nous distraire du fait que nos héros, plus particulièrement Aragorn, Boromir, Faramir, Éowyn, ainsi que tous les Gondoriens mais surtout les Rohirrim (qui sont des Anglo-Saxons), qui eux surtout mènent cette guerre sans merci contre les Orques, sont grandement influencés par ceux de la poésie médiévale de tradition anglo-saxonne. Aragorn, qui est en vérité un personnage double, d'où ses deux noms, est un héros assez fade : il se contente d'être vertueux, et l'héritier d'Elendil, l'Élu, en quelque sorte. Quelqu'un peut-il me trouver son équivalent dans Le Père Goriot...? Grands-Pas, lui, a un passé, et des défauts : il ressemble en cela davantage un personnage de littérature "moderne"... peut-être.

Et c'est ainsi qu'on peut distinguer la voix du narrateur épique des chapitres du livre V, par exemple, à celle du Hobbit dans les premiers chapitres ; il y en a d'autres, celle du romancier ou du philosophe, à plusieurs reprises. En vérité, je trouve qu'il est impossible, et futile, de considérer le Seigneur des Anneaux dans son ensemble (et de porter des jugements globaux), car c'est une oeuvre complexe et hétérogène, riche en perspectives (dont une, traductologique, injustement négligée !), et c'est lui faire tort, à mon sens, de négliger un ou plusieurs aspects importants de l'oeuvre au profit d'un autre, quelle que soit l'excuse évoquée.

Au sujet des Orques, il y a certains moments, dont un en particulier, qui nous amènent à se demander où se situe la "voix de l'auteur" dans tout ça (il me semble que c'est celle qu'accuse Mme Smadja, après tout), car on croirait (ou voudrait ?) peut-être la percevoir plus distinctement qu'à l'habitude dans ces passages : est-il du côté de nos valeureux Hommes de l'Ouest ? Est-il un hobbit ? Un Elfe ? (Vraiment ? Ces Noldor, du Silmarillion ? On peut en douter !) Il n'est certainement pas un Orque. Est-ce Gandalf ? Non. Évidemment, on pense tout de suite aux hobbits, et plus particulièrement à Sam. J'ai la conviction personnelle (partagée par d'autres) que lorsqu'il a rajouté ce personnage qui avait dès sa première apparition la personnalité très marquée que l'on connaît (à la différence des autres), Tolkien s'inspirait surtout de lui-même. Mais si cela est vrai, je ne pense pas non plus que Sam ait été un idéal pour lui ; il l'a déjà critiqué, notamment dans sa relation avec Gollum.

Or, nous nous penchons ici sur les idéologies et le "message", et si tant est que Tolkien écrivait avec de telles intentions (ce que je trouve, pour ma part, fort douteux !), il faudrait peut-être se demander quelles sont les leçons que tirent nos héros de l'aventure qu'ils ont vécu : la morale de l'histoire. Certes, les bons gagnent et les méchants meurent... Encore que je ne sois pas tout à fait certain de la Bonté du virginal Frodo, à l'issue du récit... non plus que du destin des Orques. Car à la Porte Noire ce sont eux qui, pour une rare fois, sont attaqués, et bien que nombre d'entre eux fussent tués avant la chute de Sauron, et à Minas Tirith et dans bien d'autres batailles, la majorité demeurait en Mordor, et lorsque la tour de Sauron fut mise a bas et son pouvoir défait, les Orques s'enfuirent, pris de folie ; la plupart eurent la vie sauve et n'ont pas été chassés.

Mais le narrateur, dans le style héroïque (est-il besoin de le rappeler ?), nous dit qu'ils sont allés se terrer quelque part loin de tout espoir, alors que les Hommes qui combattaient à leurs côtés reconnûrent la majesté et la valeur des Hommes de l'Ouest. Si l'on veut en tirer une conclusion politico-idéologique, qu'on se sente bien libre de le faire ; pour ma part je trouve cela bête et puéril. Il faut s'imaginer nos pauvres idiots de lecteurs-consommateurs en train de coller cette histoire à dormir debout aux réalités du monde, et d'en tirer des leçons. Belle influence ! On devrait sûrement interdire, en ce cas, la lecture de tous ces ouvrages nuisibles d'avant les Nouvelles Lumières (i.e. la rectitude politique). D'où la constatation, peut-être, que Tolkien n'était pas tout à fait un écrivain de son temps, et qu'Harry Potter, c'est une toute autre paire de manches... que bien plus de gens sont prêts à porter, pour ainsi dire !

On a souvent cité le passage où Sam est témoin, pour l'une des première fois, des conséquences de la guerre : le meurtre d'un Suderon, où était-ce un Estrien, peu avant l'interrogatoire avec le bon Faramir, un pur descendant des Númenoréens celui-là. (Vous voyez que je suis loin de faire l'autruche ; mais si le nazisme a pu souiller de vieilles traditions, et combien d'autres choses, ce n'est pas mon problème, ni celui de Tolkien, d'ailleurs.)  Il y a plusieurs passages de ce genre, où un flou apparaît dans ce manichéisme trop visible, dont un qui concerne les Orques Shagrat et Gorbag, et la réfléxion est la même : n'est-ce pas l'aspiration de tous les êtres qui vont sur deux pattes, au fond, de pouvoir tranquillement vivre en paix, et d'être libres ? Bien sûr, les Orques, même s'il l'avaient souhaité, n'avaient évidemment aucun salut : ils étaient damnés, étant des créations du Mal ; leurs pensées et leurs actions aboutissent nécessairement au conflits et à la violence. Mais on peut voir ici, je pense, pour un court instant, alors que le rédacteur du Livre Rouge se tait, que le tumulte de la guerre est laissé loin à l'Ouest, alors que Sam écoute parler ces deux bêtes par le truchement d'un traducteur improbable, que Tolkien ne leur refusait pas une âme. Tout cela avec humour, bien entendu, car ce n'est pas tout à fait sérieux...! Enfin, pas pour tout le monde.

Then not far inside, or so he thought, he heard the two captains' voices talking again. He stood still listening for a little hoping perhaps to learn something useful. Perhaps Gorbag, who seemed to belong to Minas Morgul, would come out, and he could then slip in.

`No, I don't know,' said Gorbag's voice. `The messages go through quicker than anything could fly, as a rule. But I don't enquire how it's done. Safest not to. Grr! Those Nazgûl give me the creeps. And they skin the body off you as soon as look at you, and leave you all cold in the dark on the other side. But He likes 'em; they're His favourites nowadays, so it's no use grumbling. I tell you, it's no game serving down in the city.'

`You should try being up here with Shelob for company,' said Shagrat.

'I'd like to try somewhere where there's none of 'em. But the war's on now, and when that's over things may be easier.'

`It's going well, they say.'

'They would.' grunted Gorbag. `We'll see. But anyway, if it does go well, there should be a lot more room. What d'you say? – if we get a chance, you and me'll slip off and set up somewhere on our own with a few trusty lads, somewhere where there's good loot nice and handy, and no big bosses.'

'Ah! ' said Shagrat. `Like old times.'

`Yes,' said Gorbag. 'But don't count on it. I'm not easy in my mind. As I said, the Big Bosses, ay,' his voice sank almost to a whisper, `ay, even the Biggest, can make mistakes. Something nearly slipped you say. I say, something has slipped. And we've got to look out. Always the poor Uruks to put slips right, and small thanks. But don't forget: the enemies don't love us any more than they love Him, and if they get topsides on Him, we're done too.

(LotR, IV, 10 The Choices of Master Samwise.)

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#5 14-09-2003 19:34

Le collectif toulousain
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Messages : 2

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

BRAVO Greenleaf !!!

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#6 14-09-2003 20:03

Ylla
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

A moi le tour...:-)

Mj : "Je touve qu'Isabelle Smadja a peu progressé!"

Je dirais pour ma part qu'on a carrément stagné, à part pour quelques considérations lénifiantes sur la "belle plume" de Tolkien et la qualité globale de l'ouvrage. Je ne vois pas un seul changement dans les prises de positions que j'ai trouvées dans "La tentation du mal", mais bon, c'est une interview, pas un post sur le forum... Dame Smadja voulait s'expliquer, pas débattre, ce me semble...

Je ne suis toujours pas convaincue par l'explication, mais puisque, rendons-lui cette grâce, I. Smadja prend au moins la peine d'argumenter sa critique, je vais essayer de faire de même. Je commence par citer le deuxième paragraphe : "j’ai vraiment l’impression qu’il y a des gens qui se permettent de critiquer, de m’insulter parfois, alors qu’ils ne m’ont même pas lue." C'est plutôt drôle, quand j'ai lu "La tentation du mal", je me suis justement fait cette remarque : "Il y a vraiment des gens qui se permettent d'insulter carrément, pourquoi pas de calmnier, alors qu'ils n'ont même pas lu le livre"... Un peu excessif j'en conviens, et puisque Cédric, tout à fait à raison d'ailleurs, nous appelle à la modération, je vais même me retenir de suggérer que le livre a été lu en diagonale... :-) Quoique puisque nous sommes ici pour commenter cette interview, je ne résiste pas à l'envie de citer deux petites choses qui ont retenu mon attention :

"Les Elfes sont beaux et blonds; les Orques sont noirs et hideux."(paragraphe 3)

Pas de chance, les Elfes sont bruns, Dame Smadja... Les Vanyar seuls font exception, et les descendants d'Indis en Terre du Milieu, mais cela ne fait vraiment pas assez pour associer blondeur et beauté d'âme. Luthien est brune, Elrond également, ainsi qu'Arwen, et Finwë, pour citer seulement ceux qui me reviennent dont la description ne laissait pas de doute. Si nombre de lecteurs s'imaginent les Elfes blonds, c'est leur droit le plus strict mais ce n'est absolument pas la faute de Tolkien.

"Il est vrai que Legolas l'elfe et Gimli le nain apprennent peu à peu à se connaître, mais leur accord ou leur réconciliation ne se construit que sur la base d'une même volonté de destruction des Orques : c'est autour d'un ennemi commun, une sorte de bouc émissaire, que se fait l'accord."(paragraphe 4)

Je sais que la suite du paragraphe va dans le sens de l'amitié entre les peuples, mais dans un souci de rigueur, je réagis quand même : non seulement il n'y a rien, mais alors rien du tout, qui permette d'affirmer que Legolas et Gimli ne font que se tenir les coudes contre un ennemi commun, mais en plus les arguments iraient plutôt dans le sens contraire. Les deux personnages commencent par se détester, par respect pour les traditions, si j'ose dire. Aucun d'entre eux ne paraît savoir d'où vient la haine entre Nains et Elfes, je cite le chapitre IV du livre II :"Ce n'est pas par la faute des Nains qu'a décliné cette amitié, dit Gimli. - Je n'ai pas entendu dire que c'ait été la faute des Elfes, dit Legolas." Et ce ne sont pas les remontrances de Gandalf à ce moment (il évoque justement l'ennemi commun qu'il faut combattre dans la bonne entente) qui vont y changer quoi que ce soit. D'ailleurs, quand il ne s'agit que de se serrer les coudes, on ne peut finalement reprocher grand chose à nos deux amis, comme en témoigne la réaction de Legolas à l'intérieur de Moria, au moment de l'attaque des gobelins : "mais Legolas dut entraîner Gimli après eux : en dépit du danger, celui-ci s'attardait près de la tombe de Balin...". Pas besoin de sentiments, donc, pour s'entraider face aux orcs. L'amitié véritable viendra après, en Lothlorien, où il semble que l'influence de Galadriel (en tous cas une influence liée à la forêt, pas à la guerre, vu que c'est justement le seul havre de paix qu'ils auront traversé) les rapproche. Ce n'est pas un accord, je n'irai pas parler de réconciliation puisque c'étaient leurs races, pas eux, qui ne s'entendaient pas. C'est la naissance d'une amitié, et puisque Mme Smadja a eu la bonne foi de reconnaître que le SdA est un roman de qualité, elle pourrait bien admettre que c'est franchement réducteur de parler de trêve conclue dans la nécessité.

"je pense même que J.K. Rowling a clairement montré sa dette envers Tolkien : le nom de « Voldemort » n’est pas une traduction : il est en français dans l’original. C’est sans doute une allusion à « Mordor », qui a plus de sens également en français qu’en anglais."

Hum, la racine "mor" signifie "noir", cela m'étonnerait qu'il y ait un grand rapport avec la mort ! Tolkien a construit ses noms propres sur les racines deses propres langues, sûrement pas en rappelant des mots étrangers. Cela me rappelle cette affirmation du livre selon laquelle "nazgûl" serait une déformation de "nazi". Or "nazg" signifie "anneau", dans la langue de Mordor, et il y a beaucoup trop d'anneaux pour que tous aient un rapport avec les SS. S'il faut chercher des consonnances qui rappellent vaguement des mots d'autres langues, on aura vite fait de trouver tout et n'importe quoi (je vous renvoie au petit délire de Vinyamar sur le fuseau "Tolkien et les rave").

Tant que j'y suis, un détail n'apparaissant pas dans l'interview, mais qui constituait dans le livre un point important de l'argumentation au chapitre "Misogynie chez Tolkien" (désolée pour le titre exact, mais je pense que vous trouverez). Nous y trouvons une belle mise en avant de la haine de la femme en tant que créature vouée à l'engendrement. La preuve avancée : l'affirmation, au premier chapitre, de Ham Gamgee, qui se trouve en train de décrire la maison des Brandybuck, où a été élevé Frodo, comme un endroit des plus malsains : "Une vraie lapinière, à tous points de vue.". On suit l'idée : il y a beaucoup de femmes et elles font beaucoup de petits, donc c'est malsain... Aïe!
N'aurait-il pas fallu commencer par jeter un coup d'oeil au texte anglais ? Surtout quand on travaille sur un texte dont la traduction française a la réputation qu'on sait, et qu'en l'occurence il n'y a pas de fumée sans feu... Justement, le terme original n'est pas lapinière mais "warren", à savoir : une garenne, ce qui n'est pas précisément la même chose. Une lapinière est bel et bien l'endroit où on regroupe des lapin(e)s pour les faire se multiplier. La garenne est l'habitat naturel, et si c'est un endroit fort peuplé, c'est plutôt parce qu'il y a beaucoup de terriers côte à côte. Justement, à Brandy Hall, il y a du monde parce qu'on reçoit à longueur de temps, pas parce qu'on se reproduit à longueur de temps ! Ajoutons à cela que la traduction par "trous" du terme "holes" qui désigne les smials n'allait pas de soi, dans la mesure où "hole" désigne aussi un terrier. Dans ce sens, la comparaison avec la garenne est tout à fait significative. Et elle n'a rien de misogyne.

Bref, c'était un peu long mais tant qu'on est ici, autant être rigoureux. Alors après ceci, je veux bien croire que Mme Smadja a lu attentivement le SdA avant de le critiquer, mais apparemment, certains détails ont échappé à ses investigations minutieuses, et cela ne s'arrange pas précisément dans son interview... Et je n'ai pas l'impression d'être allée chercher la petite bête pour redorer le blason de mon bouquin fétiche, je pense qu'il n'y a plus grand monde sur ce forum qui en soit resté à penser que "les Elfes sont blonds". Voilà pourquoi, malheureusement, je crains que tout ceci n'arrange pas tellement la crédibilité du propos de Dame Smadja.

Mais poursuivons. Il reste des points éminemment douteux, et je n'ai pas l'impression que toutes les interprétations possibles aient été envisagées. Retour sur le paragraphe 3 : "De fait, tout chez les Orques est perfide et mauvais : leur langue est abominable, à l'opposé de la "belle langue elfique" ; leur apparence physique est hideuse par opposition à la belle apparence des elfes. On lit par exemple en II, 7 "vous avez les yeux perçants de votre belle race, Legolas". Depuis quand une race est-elle plus belle qu'une autre ? Ne serait-ce que dans cette volonté de faire croire que l'apparence physique révèle parfois la valeur morale, l'ouvrage de Tolkien me paraît comporter des éléments suffisamment ambigus pour qu'on ait le droit d'avancer une réflexion critique."
Un peu rapide je trouve. Qui voudrait chercher des éléments de réponse à la question "Beau, bon, bien, pour Tolkien, c'est quoi ?", je pense qu'il en trouverait. Dans les appendices, la langue des Orcs est définis comme hideuse parce que "prononcée sans amour". Au contraire, un des principaux traits des Elfes est leur amour pour le monde. Par ailleurs, il est dit dans le Silmarillon que les Calaquendi sont plus beaux que les Moriquendi, et que la beauté des Elfes augmente lorsqu'ils gagnent en sagesse. Alors, doit-on voir un lien entre beauté physique (ou linguistique) et beauté morale ? On pourrait trouver que oui, mais sincèrement, exprimé dans d'autres termes, cela ne vous paraît pas un peu curieux que le physique des Elfes change quand ils changent moralement ? N'est-ce pas une simple métaphore, de l'impression de beauté que donne une race amoureuse de la Terre, belle pour elle parce qu'elle l'aime ? Je serais même tentée de pousser plus loin, et de suggérer qu'ao fond, verriez-vous les corps sans vie d'un Elfe et d'un Homme, vous seriez incapable de les différencier. Pour ce qui est de la beauté de la langue, non, ce ne sont pas des critères culturels qui permettent d'en juger, mais l'empreinte de ceux qui l'utilisent, idem pour la langue des Orcs. D'ailleurs il n'y a pas une telle différence entre le khuzdûl et la langue de Mordor, qu'on puisse en déclarer une hideuse et l'autre tout à fait normale.
Au sujet des Orcs, il est d'ailleurs intéressant de noter qu'il est fort probable qu'ils aient été des Elfes, à l'origine. On peut donc les voir comme des Elfes en négatif : il haissent le monde, et leur hideur leur vient de là. J'en profite pour revenir sur cette fameuse accusation de rascisme. Peut-on seulement mettre la "race" des Orcs sur le même plan que les autres ? Il y a pourtant une belle différence : les Orcs n'ont pas été créés, ce sont des êtres pervertis. Je ne suis même pas certaine qu'on puisse les déclarer mauvais. Au contraire des autres races, ils n'ont en effet pas la liberté de choisir entre le bien et le mal, le mal les a irrémédiablement rattachés à lui. Il a détruit une part de leur nature, et là je tiens à préciser : NON, cela ne vient pas de leur origine biologique, puisque celle-ci est elfique. Et non, ils ne sont pas humanisés. Le choix a été fait pour eux. Et vous remarquerez la différence entre eux et Gollum, quoique à première vue celui-ci n'ait pas l'air de valoir beaucoup lieux : leur nature même a été tronquée, ce qui les rend irrécupérables, et leur ôte justement toute ressemblance avec les Elfes qu'ils étaient au départ, aussi bien qu'avec les Hommes. Voilà pourquoi on les tue comme on détruirait des robots. Envers Gollum au contraire, nombre de personnages font preuve de pitié, parce que lui peut encore revenir vers le bien. Ainsi je crois que Tolkien se positionne réellement en faveur de la tolérance, de l'aide au coupable plutôt que de la peine capitale. Les Orcs n'ont pas à être aidés, parce que ce ne sont que des androïdes. Ce qu'il y a d'infiniment plus cruel chez Tolken, c'est que ces androïdes sont des êtres de chair. Mais la cruauté est plutôt du côté du mal. Ou alors, peut-être vient-elle bel et bien d'un certain pessimisme : même ceux qui semblent avoir le droit pour eux doivent se salir les mains, et même eux le feront avec joie. Mais on n'a jamais dit que certains personnages étaient entièrement bons. Ainsi faut-il fortement nuancer l'interprétation du passage du jeu de massacre au gouffre de Helm : Legolas et Gimli ne s'amusent pas à tuer des créatures qu'il faut mettre sur le même plan qu'eux, ce en quoi leur petit divertissement n'est pas si horrifiant (eh non...), mais ils détruisent tout de même la vie. Oui, c'est vraiment pessimiste. D'accord, mais faut-il le reprocher à Tolkien ? Est-ce un devoir de se convertir au rousseauisme béat ? Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'oeuvre de Tolkien ait été directement influencée par son (ses) expérience(s) de la guerre. Sa vision de la vie l'a certainement été, par contre. Comment, quand on a montrueusement combattu contre des monstres, peut-on encore croire que le bien absolu appartient à l'espèce humaine ? Et pouvons-nous même nous indigner de ce qu'un auteur professe l'opinion contraire, quand on jette un coup d'oeil sur l'Histoire ? Ici, je me réfère en particulier au post de Mj. Post que je n'ai pas très bien compris d'ailleurs : Mj, voulais-tu dire qu'I. Smadja fait mal de relever le pessimisme sur la nature humaine, ou au contraire que c'est de ce pessimisme qu'elle aurait dû parler, plutôt que du rascisme et autres ?
(ah, au passage, Greenleaf, je note l'observation sur les aspirations légitimes des Orcs à la tranquillité ; c'est exact, mais à mon avis cela ne change rien du tout, comme tu le fais remarquer toi-même, ils sont déjà condamnés)

Pour ma part, ce que je ne cesserai pas de reprocher à l'ouvrage de Mme Smadja, c'est qu'il se base sur des préjugés élevés au rang d'axiomes sans prendre un mot pour les justifier. Tu parlais, Mj, de la critique de l'anti-progressisme. Voici un exemple : n'importe qui a le droit de ne jurer que par la technique, mais ce n'est pas une raison pour honnir ceux qui n'en font pas autant. Voilà un point qu'il aurait été judicieux de développer dans cette interview. Je reste sur ma faim... Ben oui, je suis peut-être naïve, bouchée et complètement retardataire mais je ne comprends toujours pas pourquoi il devrait être grotesque de se méfier du progrès. Je me rapproche d'H. Arendt, pour qui l'avancée des moyens de destructions suit de près celle des techniques. Je n'ai aucune sympathie pour les bombes atomiques et, j'ose le dire, absolument aucun respect pour la "colossale" intelligence de notre ami Albert, capable du même coup d'inventer la théorie de la relativité et de la livrer au monde comme une fleur sans réaliser le moins du monde quelles pourraient être ses charmantes applications pratiques. Et l'affirmation de Gandalf à Saruman, "celui qui brise les choses pour savoir de quoi elles sont faites n'est pas digne du titre de sage", n'a rien d'un propos bêtement réac, parce qu'il faut bien faire attention à "briser". Ce n'est pas la connaissance que Tolkien critique. Les Elfes ont été de grands savants en leur temps. Ce qu'il récuse, c'est précisément le fait de faire passer la connaissance avant tout, quitte à détruire pour connaître, ou à utiliser ses connaissances pour détruire, ou à chercher à savoir sans réfléchir aux conséquences, au hasard, au point de collaborer avec Sauron à la création des anneaux pour le seul plaisir d'avoir pu en apprendre un peu plus (je me demande s'il n'avait pas un peu la même idée que moi d'Einstein ?). Mettons que ça se discute, si vous voulez. En tous cas cela ne se démonte pas en trois phrases.
Ensuite, le point très délicat de la misogynie. Je vous renvoie déjà à mon argument sémantique : la lapinière, c'est Ledoux, pas Tolkien. Pour ce qui suit, je reste du même avis : Dame Smadja a un nombre tout à fait intéressant de préjugés sur ce que doit être le féminisme et le rôle des femmes. Préjugés auxquels n'adhérait pas Tolkien... Très ennuyeux. Résumons : dans "La tentation du mal", nous apprenons donc que les femmes doivent travailler, faire de la politique, aller combattre les méchants sur leur beau cheval blanc (oui, de même que les Elfes sont blonds... LOL) et surtout pas rester au foyer, dégradation suprême. Et puisque tout ceci tombe sous le sens, ce n'est démontré nulle part, et Tolkien qui n'était pas d'accord était un affreux misogyne qu'on devrait renvoyer changer les couches-culottes pour lui apprendre le sens de la vie pour la peine. Bon. Maintenant, réflexion bête : et si par hasard, pour enquiquiner la galerie, quelqu'un, qui pourrait bien être une femme d'ailleurs (allez, ça tombe bien j'en suis une, je m'y colle), se prenait à demander comme une grosse bourrique en quoi il est forcément plus enviable et plus glorieux de passer sa vie à la tête des armées à décapiter tout ce qui bouge sous le drapeau ennemi, plutôt que de couler des jours tranquille à raconter de belles histoires aux enfants ? Evidemment il est toujours plus glorieux de diriger les armées, puisque comme chacun sait, une armée sert à défendre son pays, en aucun cas à attaquer le pays voisin, voyons... Vraiment ? Mais dites-moi, est-ce que Tolkien était vraiment de cet avis, d'abord ? Une petite référence au Silmarillon, mieux encore à "Laws and customs among the Eldar", aurait été bienvenue, puisque Dame Isabelle les a bien entendu lus dans le détail, comme elle l'affirme haut et clair dans son interview. Dans ces textes, justement, on découvre que les femmes ne sont pas là pour décorer, ni "pour être pures et belles". Galadriel, entre parenthèses, n'est absolument pas pure. Elle est assez sage pour résister à la tentation de l'Anneau, mais c'est un personnage inquiétant malgré tout. Bref. Le partage des rôles selon Tolkien, si je peux me permettre de le résumer aussi rapidement, se rapprocherait plutôt de quelque chose de ce genre : les hommes guerroient et défendent, les femmes soignent mais sans prendre part aux combats, sauf en cas d'urgence. Qu'on n'y voit une image négative ni des hommes ni des femmes. Il y a une répartition très ambiguë des rôles. Certes, c'est le plus souvent aux hommes que revient le rôle de détruire. Mais Tolkien répète assez souvent qu'il n'est pas de hauts faits ni d'avancée sans un minimum de pertes. De leur côté, les femmes participent peu des hauts faits. Pour la plupart d'entre elles, leur nom se perdra dans les mémoires, il faut le reconnaître. Mais n'y a-t-il pas là une forme d'héroïsme, à endurer sans même avoir l'espoir d'y gagner une renommée ? Sans compter que les femmes sont l'élément de stabilité, d'équilibre, de régénération. A la fin du roman, on aura noté qu'Eowyn renonce à régner, non pour aller tranquillement prendre des kilos en reprisant les chaussettes de Faramir une fois qu'elle ne sera plus jeune ni belle et par conséquent ne servira plus à rien, mais pour embrasser un rôle de reine guérisseuse. Dites-moi, est-ce vraiment plus dégradant que de manier l'épée ? Hélas, le féminisme moderne (qui a pris une direction dans laquelle je n'ai aucune envie de le suivre) pose que les femmes ne seront jamais les égales des hommes dans leur rôle de femmes, et qu'elles doivent pour cela prendre la place des hommes, quitte pour cela à ne gagner que le droit de s'em***der au bureau de 9 à 5 sous peine de passer pour des abruties/intégristes religieuses/retardataires incurables (oui, je sais, c'est un peu caricatural... c'était pour frapper les esprits :-)). Je le répète pour la centième fois, si Tolkien n'adhérait pas à ces conceptions, ce n'est pas parce qu'on n'est pas d'accord avec lui qu'il faut ne même pas prendre la peine de discuter !

Enfin, je relève la remarque d'Ulmo : "Cependant, il me semble que la critique d'Isabelle apparaît à un moment inopportun, on pourrait ainsi lui reprocher de sortir un travail sur le seigneur des anneaux juste au moment ou un film fort "publicité" apparaît. Ce qui pourrait nous pousser à penser qu'il s'agit purement d'un ouvrage à rentrée financière agissant un peu comme un journal à scandale."
Doucement sur les arguments ad hominem, cher Ulmo :-). Note que je me suis posé la même question, mais je ne vais pas reprendre, cela finira par relever de l'attaque vicieuse par en-dessous. J'en profite tout de même pour reprendre à mon compte la critique de Semprini du passage où I. Smadja s'interroge sur la popularité croissante de l'oeuvre à notre époque. N'allons pas trop fouiller les raisons sociologiques : un film et un bon coup de battage médiatique, c'est largement suffisant, et pas du tout révélateur de quoi que ce soit sur notre temps.

Bien bien, je suis en train de battre mon record de longueur de post, j'espère que je ne vous ai pas trop lassés. Je termine en demandant, avec le grand sourire de rigueur :-))), si quelqu'un a eu l'impression que j'étais en train de réagir au quart de tour parce qu'on avait osé commettre le sacrilège de suggérer que mon bouquin fétiche ne serait pas totalement parfait. J'espère avoir quant à moi assez bien argumenté pour qu'on ait vu que j'avais des raisons de réagir. A présent, Dame Isabelle, puisque j'ai eu la grande joie de comprendre que vous fréquentiez ce site magnifique, s'il vous arrive de faire un tour sur ce fuseau et que vous désirez profiter du "droit de réponse et du droit de parole" que personne ici n'aurait l'audace de vous dénier, pourquoi ne pas vous y expliquer sur les points qui sont restés obscurs dans votre interview ? Etant donné la bonne réputation de JRRVF et le sérieux de ceux qui s'y retrouvent, je suis certaine que nombre de vos détracteurs seraient prêts à écouter quelques arguments de plus...

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#7 14-09-2003 20:12

Ylla
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Un tout petit mot que j'oubliais, au sujet des femmes : je vous renvoie à l'argument de Vincent Ferré, pour qui les femmes sont en outre celles qui poussent les héros à agir (cela va assez dans le sens de ce que je disais je trouve : elles créent un équilibre.

Et un grand bonjour au collectif toulousain qui n'a pas quitté le forum même en week-end, à ce que je vois :-)

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#8 14-09-2003 23:10

Alfonso
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Pourquoi s'obstine-t-on à faire grand cas de cette illétrée ? On a vu qu'elle était totalement à coté de la plaque. Pourquoi s'entêter ?
C'est pour tenter de comprendre les raisons "profondes" qui l'ont poussée à écrire un pareil ouvrage ? Mais elle ne mérite même pas qu'on se donne cette peine!

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#9 15-09-2003 00:40

Ylla
Inscription : 2003
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Ecoute Alfonso, merci de nous donner ton avis mais avec le mal qu'on se donne pour avancer, je ne veux pas t'offenser mais tu nous tires un peu en arrière, là ! Je te l'accorde, beaucoup d'entre nous ont pu avoir la même réaction à chaud, mais on est ici pour s'expliquer, justement. Tu crois qu'on va aller très loin à se renvoyer à la figure des "illettrée", "abrutie", "sectaires" et autres ? I. Smadja s'est prêtée à cette interview en réponse à nos commentaires, si tu n'es pas convaincu nous serons ravis de savoir pourquoi, nous sommes justement en train d'expliquer pourquoi, nous, nous ne sommes pas convaincus. Pas de chercher les raisons profondes de je ne sais trop quoi, là-dessus c'est à l'auteur de s'expliquer.
Cela dit, merci pour cette prise de position qui sur la base malgré tout ne me choque pas, je dois l'avouer... si ce n'est par la formulation.

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#10 15-09-2003 00:49

Mj du Gondor
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

J'approuve tout à fait le message d'Illa dont le ton en particulier me rejouit !"Il y a des choses bonnes en ce monde et qui valent la peine qu'on se batte pour elles" (Sam à Osgilliath)(version 100%PJ ou déplacement de texte ?)

Pour préciser ma pensée sur le pessimisme de Tolkien, je crois qu'il a été démontré ici qu'il ne prêchait pas un optimisme béat sur la nature humaine. Je pense d'ailleurs que ce serait lui faire affront que prétendre le contraire, l'homme cet animal pensant ne cessant de nous surprendre par ses aptitudes à s'abandonner à la beauté du mal. Mais l'homme doué de raison, sait aussi se dépasser et accomplir des merveilles quand le "coeur" arme sa volonté et surtout quand il n'est pas seul! et ce sont ces circonstances peut-être exceptionnelles mais qui se trouvent particulièrement mises en évidence dans notre livre favori qu'I.Smadja occulte totalement.
Au risque de me répéter, on ne trouvera jamais d'allusion,même après deux, trois, quatre lectures de son essai à l'amitié, la loyauté le dévouement, la fidèlité pas plus qu'à la solidarité ou au dévouement. Et à ce point ce ne peut être fortuit.
Si Tolkien reconnaissait bien l'homme faible et vulnérable, je pense qu'il ne désespérait pas de l'humanité!
Et est-à moi de rappeler la foi de Tolkien qui induit, à mon sens forcément, une certaine espérance obligatoirement implicite dans son oeuvre?
J'en conviens ici, ignorer cette foi,dans le cadre d'une analyse, conduit fatalement à des non sens.
A propos du racisme, j'avais effectivement négligé le discours contre l'Apartheid parce qu'un discours n'est pas une preuve irréfutable de ses convictions Mais il est vrai cependant qu'en le prononcant on affirme ce qui nous semble devoir être juste (sauf démagogie).
Pour moi la meilleure preuve des convictions de Tolkien sur ce thème reste la belle page sur les Ents:
»Ils avaient pensé voir un certain nombre de créatures aussi semblables à Sylvebarbe qu’un « Hobbit l’est à un autre,(…)Les Ents étaient aussi différents entre eux qu’un arbre l’est d’un  autre de même nom, mais qui n’a pas eu la même croissance et la même histoire : certains  étaient même aussi dissemblables  que deux arbres d’espèces différentes, comme un bouleau  et un hêtre, ou un chêne et un sapin.( …….).Merry et Pippin furent d’abord frappés par la  diversité qu’ils voyaient : dans les nombreuses formes et couleurs, dans les circonférences et  la taille et la longueur des bras et des jambes ; ainsi que dans le nombre des orteils et des « doigts( ……)Mais quand ils furent tous rassemblés autour de Sylvebarbe, inclinant légèrement  la tête murmurant de leur voix lente et harmonieuse et considérant les étrangers avec une  attention soutenue, les Hobbits virent qu’ils étaient tous de même nature….. » » ( Le Seigneur des Anneaux, livre III chapitre 4)
Mj

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#11 15-09-2003 01:49

Vinyamar
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Ylla, c'est sans doute l'un de tes plus longs posts, mais quel plaisir de te lire :-)

J'aimerai rebondir sur ta conception très intéressante "d'orcs robots". Le statut des orques demeure problématique (même pour Tolkien), mais rien ne nous empêche d'y trouver des solutions nous même.
Faut-il ouvrir un nouveau fuseau pour cette question ?? Quelque chose me dit que oui.

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#12 15-09-2003 18:27

Alfonso
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Inutile de s'empresser de jouer l'arbitre. Je ne vais pas perdre mon temps à insulter et à être grossier avec cette personne. Mon post n'était pas un défoulement que j'ai jetté sous l'effet de l'énervement. En effet, je loue et j'admire votre attitude de vrais passionnés qui désirent faire comprendre et convaincre au travers de discutions et de débats avec les autres, seulement I. Smadja ne me semble pas (d'après moi) être une personne dotée d'un grand sens de l'autocritique et de la remise en question relativement au arguments qu'elle donne. Mais je ne la connais pas! me diras-tu.. et tu as raison je ne lui ai jamais parlé et je ne tient pas à ce que cela se produise, mais je le sens voilà tout. Je préfère en fin de compte tenter une discution avec une personne dont l'esprit est un peu plus ouvert et dont mes arguments ont ne serait-ce qu'une infime petite chance d'être pris en considération et je serais frustré si j'étais à votre place et que je parlais à un mur. Que veux-tu...

amicalement ;)

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#13 15-09-2003 19:52

Silmo
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Cher Alfonso :-) "Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage"

Silmo
(qui, hors sujet, signale aux amateurs que les sublissimes Fables de La Fontaine seront mises en scène par Bob Wilson au printemps 2004 à la Comédie française)

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#14 15-09-2003 22:03

Owina
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

personellement ce qui me choque aussi dans la critique de Smadja c'est la manière dont elle attaque les conceptions de tolkien sur le progrès . Comme si on ne pouvait pas avoir le droit de douter un instant de l'idéologie qui nous domine depuis 3 siècle à savoir que tout progrès technique amnène un progrès dans l'humanité .
Car biensûr , le Seigneur des anneaux contient une critique de cette idéologie ( les anneaux de puissances sont bien une création dont on pens

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#15 15-09-2003 22:09

Owina
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Désolée , je poursuis .
bref , à la base les annaeux de puissance sont des crétaions fait par les elfes, accepté par les autres  dans l'espoir d'améliorer leur conditions .( ce que je dis est très schématique ..je n'ai malheureusement pas le temps )
mais Tolkien n'est pas pour autant anti progrès . Il se contente d'être critique .mais apparement c'est interdit .
comme quoi nous vivons dans une société très tolérante , capable de réfléchir à ses actes , d'acceter ses erreurs et de faire machine arrîère quand il le faut , une société qui ne dénigre pas les idées d'autrui sous prétexte qu'elles ne sont pas "in" .., et aussi ,en passant, qui ne confond pas égalité des sexes avec l'idée que hommes et femmes c'est tout pareil .
Bref Smadja est bon exemple des pensées véhiculées par notre merveilleuse société.et donc , on n'aura beau s'égosiller , personne ne nous entendra .
a+
Owina

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#16 16-09-2003 16:14

Lambertine
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Je viens d'ouvrir un fuseau sur le destin des orcs dans le légendaire. Avis à Vinyamar et Greenie, entre autres ...

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#17 16-09-2003 16:18

sosryko
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

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#18 17-09-2003 07:47

greenleaf
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Un mot rapide et hors-sujet sur "Mordor", repris par Ylla dans son beau message : bien sûr, on connaît l'étymologie de Mordor, et c'est en langue elfique. Mais personnellement (et c'est une idée qu'on ne peut affirmer ou infirmer catérogiquement), je crois qu'il se peut que Tolkien ait arrêté son choix sur la racine "mor-" pour former tous ces dérivés de "noir", "obscurité", etc., en songeant au latin. Évidemment, je suis incapable de comprendre ni même d'imaginer quelle pouvait être la démarche suivie dans l'invention de ces langues, mais je me doute bien que ce n'est pas en empruntant un peu partout. Sauf que le professeur dût être conscient de la ressemblance avec cette racine importante du latin, (qui n'a pas la même signification, mais l'analogie est aisée), et peut-être cela fournissait-il à l'auteur, et à la racine, une motivation supplémentaire.

Pour le reste, cela ne change rien : le parallèle entre Mordor et Valdemort a de quoi laisser pantois, et sème le discrédit...

greenie

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#19 17-09-2003 02:45

Lambertine
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

J'espère que la réponse que je fais ici à Mme Smajda sera appropriée. C'est difficile de répondre à un tel article, car certaines de ses positions sont argumentées, et donc ne peuvent être contrées que de manière argumentée, et d'autres se balaient d'un revers de main.

Mme Smajda prétend avoir lu d'autres oeuvred de Tolkien que le SdA. Bien. les quelles ? Parce que, si elle a lu le Silmarillon, comment se fait-il qu'elle ose dire que "tous" les Elfes sont "blonds" ( hum... Luthien... Arwen... Thingol ... et les autres... ils sont en général bruns ) et "sages" ( Feanor, sage ? Thingol, sage ? Eol, sage ? ). Si elle a vraiment lu le Silmarillon, elle a dû le lire en diagonale pour passer à côté de çà.

En ce qui concerne les Orcs ( ah! ces fameux orcs! ): c'est assez facile de prétendre que Tolkien a créé une race qui dans son monde serait "biologiquement" mauvaise. Or, la race des Orcs n'est pas "biologiquement" mauvaise. Elle est "biologiquement", au départ, celle des Elfes ou des hommes, ou un mélange des deux, d'êtres enlevés, torturés, dépouillés d'eux-mêmes, transformés par la volonté d'un tyran diabolique (au sens propre ) en machines à tuer. Des types qui auraient en quelque sorte subi un lavage de cerveau pour devenir des troufions fanatisés, de la chair à épée pour leur propre créateur. Que cette "méchanceté fanatique" devienne héréditaire pourrait poser problème, mais le pose moins si on gratte un peu : un bébé orc est élevé par des parents orcs, donc totalement possédés par le Ténébreux, et sera donc dressé dès la naissance pour correspondre à ce qu'il doit devenir. Le monde du Ténébreux est un monde sans libre-arbitre. Un monde, aussi, où règne le terreur interne : les Orcs ont peur de leurs chefs.

Et si les personnages "positifs" luttent contre les orcs, ce n'est pas "parce que ce sont des orcs". C'est simplement parce qu'ils se défendent. Si les orcs se contentaient de cultiver un bout de terre ou de vendre de la bière, ils ne seraint pas massacrés. Ils sont tués parce que c'est la guerre, et qu'ils sont dans l'autre camp. Et une fois la victoire assurée, les orcs fuyards ne sont pas poursuivis.

Je dois d'ailleurs dire que je trouve Mme Smajda bien optimiste quant à la nature humaine. pour avoir dans ma jeunesse rencontré pas mal d'anciens combattants, je peux dire que beaucoup d'entre eux détestaient les allemands bien plus parce qu'ils étaient des "boches" et parce qu'ils étaien l'ennemi qu'à cause de l'idéologie Nazie.( j'ai dit beaucoup, je n'ai pas dit tous, et je suis parfaitement consciente qu'il y a eu aussi beaucoup de combattants défendant la liberté et la démocratie ). La lecture purement idéologique de la guerre 40-45 est paradoxalement plus le fait des générations qui ne l'ont pas vécue que des autres ( et surtout de ceux qui ont connu 14-18 ).

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#20 18-09-2003 16:59

Coeur de Canard
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja



"Les Elfes sont beaux et blonds; les Orques sont noirs et hideux."(paragraphe 3)

Pas de chance, les Elfes sont bruns, Dame Smadja... Les Vanyar seuls font exception, et les descendants d'Indis en Terre du Milieu, mais cela ne fait vraiment pas assez pour associer blondeur et beauté d'âme. Luthien est brune, Elrond également, ainsi qu'Arwen, et Finwë, pour citer seulement ceux qui me reviennent dont la description ne laissait pas de doute. Si nombre de lecteurs s'imaginent les Elfes blonds, c'est leur droit le plus strict mais ce n'est absolument pas la faute de Tolkien.

C'est un peu facile de dire que c'est la fautes des lecteurs !
D'une maniere ou d'une autre tout le monde voit ce qu'elle veut dire. Le fait que tout les elfes ne soient pas blond ne change rien a l'affaire. Ce que dit Smadja c'est pas beau=blond mais
Elfe= beau / orque=hideux
couple avec l'association generalement faites dans l'esprit des lecteur
Elfe = teint clair / Orques=teint fonce



Pourquoi s'obstine-t-on à faire grand cas de cette illétrée ? On a vu qu'elle était totalement à coté de la plaque. Pourquoi s'entêter ?

C'est sur que pour la plus part d'entre nous, une agregee, docteur en philo c'est carrement une illetree.

Bon a lire son interview on voit qu'elle s'en reduit nettement son propos, qu'elle evite de repondre a la critique ("elle n'a pas lu le silmarion").

Ceci dit il faut bien admettre que quand elle ecrit:

D’un côté, je m’y attendais, parce que je suis persuadée que, pour certains, Le Seigneur des Anneaux est un livre-culte. Et, de fait, ils lui vouent un véritable culte : c’est Le Livre, si bien que l’interprétation devient une exégèse et doit être livrée avec énormément de précautions, et que la critique est sacrilège.

elle decrit quelque chose qui existe sur ce forum par exemple (c'est quand meme etonant de dire que le bouquin de Smadja n'est pas serieux -- bon je suis en gros d'accord-- et d'y accorder tant d'attention). Par ailleurs je n'ai pas lu beaucoup de critiques negatives de Tolkien par ici (au pire on lache du bout des levres que d'autre on fait bien pire).
Meme si je pense que l'argumentation de Smadja dans son bouquin est en grande part fallacieuse, faut bien dire qu'elle touche quelque chose du doigt sur ce dernier point.

CdC


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#21 18-09-2003 20:50

Ylla
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

C'est absolument sans importance mais je réponds pour le principe ;)

CdC, quand Smadja parle des Elfes blonds, oui, justement, on voit ce qu'elle veut dire : les grands blonds au teint clair et aux yeux bleus, dotés par ailleurs de toutes les qualités morales... des prototypes de bons petits aryens comme tous se devraient de l'être ! Ca ne te rappelle rien ?
De toutes façons ce n'était pas tellement ça qui me posait problème. Si j'ai relevé le détail, c'est qu'à mon avis, affirmer quelque chose d'aussi gros que "Les Elfes sont blonds" quand on vient de passer une demi-heure à répéter qu'on a lu Tolkien très attentivement, ça se passe de commentaires. Si j'avais lu quelque chose comme "les hobbits vivent dans de petites maisons construites en haut des arbres", ça n'aurait eu aucune espèce de conséquences que ce soit mais j'aurais relevé quand même. Et je te trouves bien prompt à m'accuser de rejeter une "faute" sur les lecteurs, si vous voulez imaginer les Elfes blonds, vous avez mille fois ma bénédiction, dont vous n'avez d'ailleurs pas besoin :).

D'autre part, qui t'a dit qu'on trouvait le livre de Smadja fondamentalement pas sérieux ? Les arguments sont franchement tangents, à la limite du risible dans certains cas (cf l'histoire de la "lapinière", où elle construit son argumentation sur un faux-sens manifeste du traducteur), mais ce sont tout de même des arguments, et comme on vient justement sur ce forum pour réfléchir sérieusement, la moindre des choses est d'opposer des contre-arguments quand on en a, non ? Tu trouves que ça relève vraiment d'une mentalité bouchée et rigides de bibliolâtres ? Après, si tu trouves que nous sommes en train de tirer nos arguments par les cheveux parce qu'il nous faut absolument des arguments à lui opposer, je n'ai vraiment plus rien à te dire. Si nos arguments à nous ne te semblent pas valides, le débat est ouvert, profites-en. Sinon, tu peux considérer qu'ils sont de bonne foi.

Et juste un petit détail : en général quand on s'occupe pendant des mois de suite à débattre d'un auteur, c'est qu'au départ on l'apprécie, non ? Tu trouves vraiment très étonnant, sur un forum d'études consacrées à Tolkien, qu'on ne répète pas toutes les trois lignes que c'est un auteur abominable, à l'idéologie douteuse et qui ne mérite pas qu'on s'intéresse à lui de toutes façons ? Franchement ?

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#22 18-09-2003 21:10

Semprini
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

CdC>>>Par ailleurs je n'ai pas lu beaucoup de critiques negatives de Tolkien par ici.

Le Seigneur des Anneaux n'est pas mon livre culte. Je trouve maints défauts à Tolkien en tant qu'écrivain, mais j'y trouve aussi de grandes satisfactions de lecteur. Il en va de même pour Dostoïevski, Kafka, Balzac et Mann, mes autres écrivains favoris. Tous ont leur style, leurs obsessions, leurs errements. Tous sont très différents. Dès lors quelle démarche adopter? Creuser la veine de ce qui nous déplait ou explorer l'émerveillement que l'on ressent lors d'une lecture? Pour ma part, je prends plus de plaisir à discuter de ce que j'aime, plutôt que de dénigrer. Mais chacun fait comme il l'entend.

Il n'est jamais bon qu'un écrivain soit admiré sans la moindre retenue. Mais Tolkien, dont l'oeuvre est trop singulière et hybride pour cela, ne fait et ne fera jamais partie de cette catégorie, un livre comme celui d'Isabelle Smadja en est une bonne illustration (en passant, je vous remercie madame et vous sais gré d'avoir bien voulu vous prêter au jeu d'une interview sur ce site). Même ici sur JRRVF, je vois des discussions passionnées sur le sens de ses écrits que j'invite Isabelle Smadja à suivre, non des louanges béâtes.

Ceux qui aiment Tolkien n'ont vu nul racisme dans ses écrits ; plutôt un appel à la tolérance et à la compassion, et c'est, j'en gagerais, pour cela qu'ils l'aiment. Ils s'étonnent donc avec une sincérité non feinte de ce qu'Isabelle Smadja voit dans Le Seigneur des Anneaux un sommet de racisme, de bellicisme et de conservatisme. Ce fuseau et les réponses qu'il comporte me paraissent attester de cette sincérité. J'ai moi-même apporté ma contribution à ce débat dans mon compte-rendu du livre de Mme Smadja, mais maladroitement, trop vite et d'une façon insatisfaisante. Elle a raison de le souligner. J'y reviendrai, sous une autre forme, et avec de meilleurs arguments.

Or, la particularité du livre d'Isabelle Smadja est non pas qu'elle critique Tolkien en tant qu'auteur, ce qui aurait été une démarche tout à fait légitime, mais en tant qu'idéologue, colporteur d'une idéologie détestable. Sa démarche est contradictoire. En refusant à Tolkien le droit à recevoir un traitement critique traditionel, elle l'exclue de l'espace littéraire classique. Mais dans le même temps, elle se comporte comme si Le Seigneur des Anneaux devait être perçu comme faisant partie de cet espace littéraire traditionel, ce qui n'est pas le cas puisque son assise est mythologique (qu'elle lise donc Le Silmarillion!), en le comparant avec des écrivains classiques comme Hugo et Balzac, que j'admire beaucoup au demeurant. Ces comparaisons là n'ont aucune pertinence.

La lutte contre le racisme est une question très grave, pour laquelle il convient de faire beaucoup. Je ne sais pas dans quelle circonstances Mme Smadja a acquis la conviction qu'elle se devait de dénoncer le racisme du Seigneur des Anneaux alors que celui-ci me parait inexistant. Toujours est-il que nos réactions ici ne traduisent pas une incapacité à admettre la critique d'un auteur fétiche mais révèlent la perplexité de lecteurs doués de bon sens devant la nature des accusations portées. Il est naturel que l'on réagisse face à ce qui perpétue une longue tradition de dénigrement de Tolkien pour des raisons non littéraires.

Enfin, je crois que Madame Smadja est à sa façon aussi perplexe devant Le Seigneur des Anneaux, dont elle ne semble pas percevoir la nature particulière, que nous le sommes devant son livre, notamment lorsqu'elle parle des lecteurs de Tolkien comme d'une inquiétante confrérie. Elle en trace un portrait, dont on ne sait pas s'il faut en rire ou en pleurer, où je ne me retrouve pas. Je doute qu'aucuns ici s'y retrouvent. Je n'ose imaginer quels lecteurs de JRR elle a rencontré pour se forger une telle opinion d'eux. :)

Bref, en ce qui me concerne, libre à tous de critiquer Tolkien, mais je ne souscrirai à la critique que si je la trouve pertinente, bien argumentée et convaincante. :)

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#23 18-09-2003 22:33

Isabelle Smadja
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

J’ai pris connaissance aujourd’hui de ce qui s’est écrit dans ce forum et j’aimerais vraiment répondre plus longuement – répondre également au compte-rendu de M. Semprini, ce que je n’ai pas encore fait, les questions de l’interview ne portant pas sur ce sujet. Mais d’une part je ne sais pas si ça vous intéresse – c’est à vous de voir… Et d’autre part, je ne trouverai pas le temps de me replonger vraiment dans Tolkien avant la fin de la semaine prochaine. C’est la rentrée, j’ai un temps plein en lycée et ça fait beaucoup de travail.
Juste quelques mots cependant : 1) d’abord je remercie ceux qui acceptent le principe de la discussion sans se sentir obligés de m’insulter, de m’appeler par des noms très bizarres ou d’extrapoler sur ce que j’aurais dit ou fait ou pensé.
2) Bien sûr que j’ai cherché à dresser une charge, non pas tant contre Tolkien que contre la fascination actuelle de certains pour une œuvre qui comporte suffisamment d’ambiguïtés pour ne pas mériter – à mon sens - qu’on la porte ainsi aux nues. Descartes emploie pour justifier son doute radical une image : elle vaut ce qu’elle vaut mais elle correspond assez bien à ce que j’ai voulu faire. Quand un bâton est tordu dans un sens, dit-il, pour le redresser, il faut le tordre dans l’autre sens : j’ai mis l’accent sur les faiblesses – réelles à mon avis - du Seigneur des Anneaux en sachant fort bien que d’autres se chargent et se chargeront encore et encore d’en faire la louange.
3) Vous me reprochez  de ne pas avoir parlé de l’amitié, de la loyauté et du courage qui seraient les valeurs morales  présentes dans le livre. Or ces valeurs ne me paraissent pas être sures, ou suffisantes : je ne dois pas me tromper en disant qu’on n’aurait aucune difficulté à trouver des membres d’escadrons de la mort (au Chili, au Brésil, pendant l’époque de l’Algérie Française…) qui aient construit entre eux une amitié très solide, qui aient fait preuve de loyauté envers leur organisation et même d’un certain courage lors d’expéditions plus périlleuses que d’autres. Et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : ça ne signifie pas du tout que je compare la communauté de l’anneau à des escadrons de la mort ; ça ne signifie pas non plus que l’amitié, le courage… ne sont pas des valeurs morales, mais ça signifie simplement que ces valeurs ne me semblent pas en aucun cas suffisantes pour garantir du comportement exemplaire ou même tout simplement moral d’un individu.

   Plus généralement la réponse du Seigneur des Anneaux à la question que pose les conflits guerriers ne me satisfait pas : il est trop simple de justifier la guerre (ou la réaction guerrière à une violence) par la présence d’un être (et de ses troupes) qui serait voué au mal. L'histoire de la seconde guerre mondiale a, certes, donné raison aux interprétations manichéennes du monde : il y eut bien alors sous la dictature de Hitler, d'un côté le mal, la haine et une volonté de destruction, et d’un autre côté, le bien, le courage et les valeurs morales (même si les motivations de ceux qui se sont mis dans le camp du « bien » étaient bien plus compliquées que cela : les Américains n’avaient pas les mêmes raisons d’agir que les Anglais, que les Français…). Reste que la réponse manichéenne ne me semble pas aujourd’hui la réponse la plus appropriée : n’est-il pas temps de penser qu'il y a, aujourd'hui comme hier, des cultures et des sociétés différentes qui, chacune à sa manière, génèrent leur part de cruautés, d'injustices et de violences ?  Ce qui me gêne dans le succès actuel du Seigneur des Anneaux, c’est que l’explication qu’il donne aux rapports de force existant dans le monde est profondément manichéenne : il y a – en la personne de Sauron –une incarnation d’un mal absolu.
  Voilà : il aurait fallu que je parle de Voldemort et Mordor, des nazgul, (la langue de Mordor est inventée par Tolkien et il aurait pu choisir d’autres consonances), de la « lapinière » ou garenne  (il y vit des lapins  de garenne, et le symbolisme qu’on prête aux lapins porte bien sur les lapins et non sur la lapinière )…mais tant pis. Quant aux Elfes, j’étais en train de décrire Legolas, le bel Apollon, et j’ai généralisé à partir des Elfes du Nord aux Nordiques... Une erreur dans une interview n’a quand même pas la même valeur que dans un livre.  Mais je m'aperçois en enregistrant ce message que d'autres réponses sont apparues et notamment celles de M. Semprini (je les lirai une autre fois)

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#24 18-09-2003 23:38

Ylla
Inscription : 2003
Messages : 173

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

J'accueille ce nouveau message avec une joie très sincère, et suis heureuse de voir que nous allons pouvoir revenir sur les points qui n'étaient pas bien ressortis dans l'interview. Pour commencer, je reviens sur ceux de mes arguments dont je vois qu'ils ont déjà déclenché une réaction. Pour la "lapinière", s'il s'agit du symbolisme du lapin, je rappelle ce que j'ai déjà évoqué : "hole" signifie aussi bien terrier que trou. Dans la mesure où "hobbit" est phonétiquement proche de "rabbit" (j'aurais même avancé "human rabbit", enfin ceci avec toutes les réserves qui s'imposent quant à une possible surinterprétation), et où, c'est plus apparent dans "Bilbo le H" (au départ un livre destiné aux enfants, lesquels sont habitués aux contes mettant en scène toutes sortes d'animaux des bois), les hobbits semblent présenter plusieurs ressemblances avec des lapins, je crois que la traduction juste de "hole" aurait dû être plutôt "terrier". Dans ce cas, plus question de symbolisme quand on parle de garenne, c'est grosso modo l'équivalent hobbit de notre fourmilière, j'y vois seulement un clin d'oeil à "Bilbo".
Pour les consonnances des toponymes : il faudrait étudier la genèse des noms, mais je crois qu'on se trouve dans un cas où la surinterprétation se trouve vraiment à portée de main. Cela dit, il n'est pas tout à fait exclu que Mordor soit associé à la mort ; mais dans le cas d'une racine inventée pour un autre usage et utilisée par ailleurs, un peu de prudence ne nuit jamais.
Quant à la couleur des cheveux de Legolas... Vaste débat sans grande importance, et toutes mes excuses si j'ai interprété le mot un peu vite. Les Elfes blonds ont fini par devenir une caricature courante, et l'idéal aryen n'est jamais loin ; voilà pourquoi j'ai réagi très vite, sans compter que la proposition était fausse... Mais c'est une question dont on a vite fait le tour.
Sur la question de la "louange" : c'est exactement ce que je n'ai pas l'intention de faire, ni personne ici, comme l'a fait remarquer Semprini. Toutes les critiques sont les bienvenues. Je le répète, je suis personnellement ici parce que je reconnais une valeur certaine à l'oeuvre de Tolkien. Je suis la première à dire qu'on n'arrivera à rien à coup de "c'est génial". Mais je n'ai pas le sentiment d'apprécier cette oeuvre pour des raisons complètement mystérieuses que je chercherai à justifier avec toute la mauvaise foi du monde, ni à cause d'un phénomène de monde. Et si le bâton est tordu, c'est sans aucun doute dans mon cas parce que c'était le sens dans lequel je croyais bon de le tordre...

Et mille pardons encore pour les "Dame Smadja" et autres, si c'était ce à quoi les "noms très bizarres" faisaient référence. Dans un forum où Tolkien est courament appelé JRR ou Toto et où les membres ne se privent pas de se donner des titres similaires (sans compter les pseudos exotiques dont mon surnom de martienne n'est sûrement pas le plus normal :)), j'ai cru pouvoir user d'un peu d'irrévérence, mais je ne veux offenser personne et je me corrigerai très volontiers.

En attendant avec impatience la suite de ce débat,

Cécile Cristofari alias Ylla, mais que vous pouvez tous appeler comme vous voudrez.

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#25 19-09-2003 01:40

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame, nous sommes doublement honorés de votre présence sur le forum, après l'interview que vous avez accordé à JRRVF.

Je ne suis pas certain que vous aurez le temps de lire tout ce que nous tenterons d'écrire ici, car je comprend bien que vous avez des tâches plus pressantes que de défendre un livre qui ne représente pas toute votre carrière.


Je comprend tout à fait votre point de vue concernant l'avertissement que vous avez voulu donner à une jeunesse (ou une vieillesse, bref, à un "lectorat") par trop fascinée. Il est tout à fait sain de vouloir tirer un "drogué" de sa cam, si je peux prendre cette analogie, et de lui expliquer pour cela les méfaits de ce qu'il consomme (même si, d'expérience, ce n'est pas la bonne méthode).

Le problème, ou du moins l'un d'eux, c'est qu'en France, nous ne percevons pas le Seigneur des Anneaux comme un livre vraiment adulé. Certes, il dispose de sa foule de fan, mais c'est un livre plutôt dénigré et ma perçu en France.
Votre livre ne portait pas d'indication, il me semble, qu'il s'adressait à ce public en particulier. Notre mauvais accueil à ce livre était conditionné par le fait que nous pensions surtout à tous les lecteurs de votre livre qui ne connaîtraient pas le Seigneur des Anneaux. A cuex-là, nous disions-nous, vous donnez une image du livre qui n'est pas la sienne.
Je vois bien ce que vous vouliez faire en tordant le bâton de l'autre côté, et si le SdA avait été un livre communément lu, et nous avions l'habitude de plus de considération, "nous" aurions sans doute réagi de manière moins virulente face à lui.
Mais le fait est que nous avons plutôt l'habitude d'être malmenés (amalgamés avec les "dangeureux rôlistes"(?) et autre jeunesse coupée de la réalité et fan de sous-produits japonais...), que compris.
Comme si cela ne suffisait pas, votre livre arrive dans un contexte où (pour reprendre les mots d'un autre intervenant), Tolkien est lâché en pâture indistinctement à toute la 'société', notre jardin secret est violé par une foule d'amateur de grand spectacle qui ne retiendront de l'oeuvre que les coups d'épée contre les orques, et passeront au film suivant (puisque je parle bien sûr du film) en croyant connaître le Seigneur des Anneaux.
La critique en parle et en reparle... et en reparle encore. On analyse, on discute, on fait des rapprochements avec le succès d'Harry Potter...
Nous qui nous reposions (en imagination) sous les arbres merveilleux de la Lorien, nous voilà malmener de tous côtés, parfois par nos proches.
C'est là dessus qu'arrive votre livre qui, dans la mouvance commune, tape une fois de plus sur notre chère oeuvre. Le danger qui nous a agacé était les arguments que vous offriez à la France pour continuer de détester Tolkien au moment où elle fait au moins un geste pour s'y intéresser.

Je suis d'accord avec vos arguments au sujet de l'amitié, de la loyauté, etc... cela ne suffit pas à faire du livre un gage de bonne morale. Les SS ont fait preuve de ces même vertus.

Néanmoins, regardé dans le détail (c'est à dire de quelle amitié il s'agit, sur quoi elle est basée, de quel courage ou héroïcité il s'agit..) cela donne un peu plus à réfléchir. Mais passons. (je citerai un exemple: "[...] tout héros ne joue qu'un petit rôle dans les grandes actions" T1, p.360)

Par contre, je ne peux pas être d'accord avec ce que vous dites:
"Plus généralement la réponse du Seigneur des Anneaux à la question que pose les conflits guerriers ne me satisfait pas : il est trop simple de justifier la guerre (ou la réaction guerrière à une violence) par la présence d’un être (et de ses troupes) qui serait voué au mal"

Ce n'est pas là ce que Tolkien a tenté de faire. Le 'Nettoyage de la Comté', même si vous y voyez là des contradictions importantes avec le reste de l'oeuvre, aurait pu mettre le lecteur sur la voie: Tolkien ne justifie pas la guerre, même face au mal. Tout comme vous l'avez fait, il ne fait que constater qu'elle est parfois inévitable.
S'il exalte ailleurs les belles armes et les grandes chevauchées, ce n'est que, dirais-je, dans une tradition épique héritée de ses sources d'inspiration.
Là encore, nombre d'indice nous mette encore sur la voie de la vraie pensée de l'auteur... qui n'échape pas au subconscient du lecteur, qui n'a curieusement jamais vu dans le SdA (quand il le lit avec son coeur et non avec sa tête seule) de justification de la guerre, mais tout le contraire:
("C'est un grand Seigneur, et un guériisseur; et c'est un mystère pour moi que la main guérisseuse manie aussi l'épée (..)
Nous autres guérisseurs ne sommes attachés qu'à réparer les déchirures faites par les hommes d'épée(...)
Le monde est assez plein de blessures et d'accidents sans guerres pour les multiplier
- Il suffit d'un ennemi pour susciter une guerre, non de deux, Maître Gardien" T3, p.323

Tolkien ne donne pas d'explication manichéenne aux rapports de force existant.
Je ne trouve plus d'autre référence que cette réponse de Gandalf "Une grande Ombre est partie" concernant la chute de Sauron, mais il me semble qu'il est dit que le mal continue d'agir et d'exister.
Nous avons eu de grands débat au sujet du manischéïsme dans le SdA, qui dépend de la définition que nous lui donnons.
Ce n'est pas la force du Bien qui va s'opposer à la force du mal (comme ce fut le cas en 1945, si vous voulez), mais la folie de la faiblesse du Bien face à la la puissance du Mal ("[...]bien que cela puisse paraître de la folie à ceux qui s'accrochent à de faux espoirs. Eh bien, que la folie soit notre manteau, un voile devant les yeux de l'Ennemi", dit Gandalf T1, p.359 - "Les faibles peuvent tenter cette quête avec autant d'espoir que les forts" commentera Elrond.), un thème très paulinien.

Pour finir (temporairement) au sujet de lien avec Harry Potter, il me semble indéniable, dans leurs source communes. L'histoire d'un petit paysan qui devient roi est aussi immortelle que celle d'une bergère qui devient princesse, c'est l'histoire éternelle et universelle du petit et de l'humble qui devient grand par l'exercice de la vertu.

C'est encore le genre d'histoire que je me permet de raconter et même d'écrire, et je craindrais de me trouver un jour sous les assauts d'une critique similaire à la vôtre, qui n'aura pas su voir le fond de la pensée du livre, et démêler les apparentes contradiction pour découvrir au fond une écriture subtile à discerner mais ferme dans son propos.

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#26 19-09-2003 01:47

Vinyamar
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Messages : 1 813

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

J'ai oublié quelques liens utiles (au pire, pour d'autres lecteurs éventuels) au sujet des débats sur le manichéisme:

- Du bien et du Mal, e leurs origine, une synthèse facile à lire
- Le Manichéisme du SdA et du Silmarillon, un monument

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#27 19-09-2003 12:08

vincent
Inscription : 2000
Messages : 1 435

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

ce fuseau est intéressant, et il est bon que son ton reste le même.
j'y participerai moi aussi, dès que possible (dans 2-3 semaines). mais il me semble important de ne pas se perdre dans des discussions de détails, qui risquent de faire perdre de vue le véritable enjeu.

la seule solution est sans doute d'écrire de longs messages, permettant de développer une véritable argumentation ?
une réponse structurée et précise d'I. Smadja aux précédents messages serait une bonne chose.

Vincent

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#28 19-09-2003 13:03

Semprini
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Messages : 613

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Je suis sincèrement heureux de vous voir poster ici, Mme Smadja. Puisse ce forum modifier votre opinion des lecteurs de Tolkien. :)

Suivant l'exemple de Vinyamar, je vous invite à consulter le lien ci-après, si vous ne l'avez pas déjà fait:

Chroniques

Vous y trouverez, sous les mentions de votre interview et de celle d'Irène Fernandez, trois articles dénonçant certains préjugés environnant Tolkien: Tolkien et le racisme; Tolkien, auteur pour enfant?; Tolkien, mythologie ou littérature?

Je vous suggère également de consulter la très riche section Essai de ce site.

J'espère que vous trouverez quelque profit à ces lectures. :)

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#29 19-09-2003 17:23

Ylla
Inscription : 2003
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Vinyamar : "Je comprend tout à fait votre point de vue concernant l'avertissement que vous avez voulu donner à une jeunesse (ou une vieillesse, bref, à un "lectorat") par trop fascinée. Il est tout à fait sain de vouloir tirer un "drogué" de sa cam, si je peux prendre cette analogie, et de lui expliquer pour cela les méfaits de ce qu'il consomme (même si, d'expérience, ce n'est pas la bonne méthode)."

Un livre, de la drogue ? Les réactions au sujet de Tolkien ne se prêtent pas à l'analogie, je crois. Le SdA n'est pas Scream, il n'y a aucun phénomène inquiétant qui lui soit lié, au pire peut-on, comme le fait Mme Smadja, parler d'une idéologie contestable? Bien. Mais qui met-on en garde contre la lecture de Victor Hugo ? Hugo a pourtant, à sa manière, justifié l'esclavage et la "mission civilisatrice" des Blancs, largement contribué à la légende du personnage pour le moins contestable de Napoléon Ier et souscrit à une idéologie progressiste ethnocentrée dont nous avons pourtant assez de recul pour nous méfier... Je ne vois personne s'insurger contre Hugo pourtant, parce qu'on reconnait sa valeur d'écrivain. Alors, va pour s'élever contre certaines idées, mais faisons la part des choses. N'allons pas qualifier de danger public un livre qui n'en a ni l'air ni la chanson.

"Je vois bien ce que vous vouliez faire en tordant le bâton de l'autre côté, et si le SdA avait été un livre communément lu, et nous avions l'habitude de plus de considération, "nous" aurions sans doute réagi de manière moins virulente face à lui."

Ce qui ne veut pas dire que nous aurions été d'accord... Il est vrai que nous pouvons souvent avoir le sentiment de constituer une minorité, face à une tradition critique visiblement très remontée contre tout ce qui a rapport à la SF ou la fantasy. Le livre d'I. Smadja aurait peut-être déclenché des réactions un peu moins rapides si cela n'avait pas été le cas, il n'empêche que les arguments demeurent et que nous n'aurions pas moins trouvé à les contredire.

"le lecteur (...) n'a curieusement jamais vu dans le SdA (quand il le lit avec son coeur et non avec sa tête seule) de justification de la guerre, mais tout le contraire..."

Si ce n'est pas forcément clair dans le SdA, au moins dans le Silmarillon, il est vrai que la guerre est liée à une certaine esthétique, mais avec une grande ambiguité. Les guerres donnent leur forme au monde ; le problème de fond pourrait se résumer ainsi : sans les guerres le monde serait tellement plus agréable à vivre, et tellement plus ennuyeux à regardr. Qu'on se demande un instant ce que serait le monde sans la guerre et sans le malheur, la réponse n'est pas si simple qu'on pourrait croire. On pourrait par exemple que dans une certaine mesure, le malheur est nécessaire pour apprécier le bonheur. Mais ce n'est pas sur cet aspect que Tolkien met l'accent. La guerre, au niveau individuel, apporte son lot d'atrocités. Je crois que Frodo et Sam représentent, plus encore que les gens du commun (et surtout à mon avis, qu'un enfant jeté au beau milieu d'une réalité horrible et qui le dépasse totalement), l'individu lui-même, au contraire de certaines personnalités du Silmarillon, plus proches de types. Le Silmarillon dépeint la guerre vu d'un point de vue extérieur, le point de vue par exemple du passionné d'histoire, qui rêve aux époques passées et regrette bien rarement pourtant les souffrances et les boucheries qui ont été le prix de l'évolution historique. Vus après coup, les plus grands massacres s'intègrent au tableau d'ensemble, et malheureusement, sans eux il est probable que nous n'y verrions pas la même beauté. Les "belles armes et les grandes chevauchées" sont sans doute dans le SdA le seul écho de ce filtre du regard historique.
En effet l'impression à la lecture du SdA n'est le reste du temps pas du tout la même, et comme le dit Vinyamar, cela semble même une évidence à la première lecture, lecture qu'il ne faut pas négliger, étant donné que l'auteur écrit en général avec l'idée de créer une impression à un lecteur pas toujours professionnel, pas de livrer un message codé. Ce qui nous semble un passé mythique fait paradoxalement office de présent ; et Frodo est l'homme (au sens le plus général) qui voit les événements faire irruption dans son quotidien. Ses souffrances sont beaucoup plus apparentes que l'éventuelle beauté de l'ensemble, ainsi que celles de ses compagnons. Notez que je ne pense pas que le but soit seulement de décrire les atrocités de la guerre, de même qu'à mon avis, on perdra son temps à chercher une analogie entre la guerre de l'Anneau et la deuxième guerre mondiale. Comme je l'ai déjà dit, je crois qu'il est très possible que la vision du monde de Tolkien ait été influencée par ce qu'il a vu de la guerre. Le "very little or nothing" qu'il a modifié dans son livre après 45 provient certainement d'une vision altérée ou affinée, mais affirmer que des épisodes auront été carrément calqués sur les événements réels, c'est aller vraiment très vite. La plupart des écrivains se passent sans problème de l'actualité politique. Dans le cas de Tolkien, rappelons que pour lui, plagier l'Histoire aurait été raconter l'utilisation de l'Anneau par les ennemis de Mordor. Les ennemis en question détruisent l'Anneau. Ce n'est pas l'utiliser, ce n'est pas du tout ce que Tolkien voulait dire (j'ose espérer que si par "utilisation" il avait entendu même sa destruction pour la victiore, il n'aurait tout de même pas affirmé que l'Anneau n'avait pas été utilisé !).

Bref, le SdA est un plaidoyer pour l'individu, face à des forces destructrices. Non seulement ce n'est pas dangereux, mais s'il faut absolument lire la morale d'un livre (ce que je conteste tout à fait, soit dit en passant), c'est même salutaire. La cruauté qui se dégage de certains passages vient d'une part de pessimisme qu'on ne peut pas condamner sans procès. J'espère qu'on ne continuera pas trop longtemps à discuter en terme de salutaire et pas salutaire ; avant de m'arrêter moi-même, je pose cependant la question : croyez-vous qu'il soit vraiment très sain de nier les horreurs commises par les hommes et de déclarer l'homme bon, envers et contre tout ? Ce genre d'attitude ne conduit-il pas justement à finir par montrer du doigt la partie de l'humanité qui sera restée le plus près de sa bonté naturelle, à terme à virer à l'ethnocentrisme ou au sectarisme ? Comme quoi les dangers ne sont pas toujours où on les attend...

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#30 19-09-2003 22:11

Alfonso
Inscription : 2002
Messages : 374

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame Smadja,

Je me permets cette intrusion hors sujet juste pour
vous dire un mot.
Vous vous êtes inscrite dernièrement sur JRRVF et avez posté un message
dans ce fuseau vous concernant. Vous avez donc certainement dû
apercevoir mes propos émis au sujet de votre attitude (plus que votre
ouvrage) et non sans une certaine virulence. Ce n’était pas tant le livre
que la personne qui me déplaisait je l'avoue, car je vous imaginais
isolée sur votre nuage ignorant toute critique, même objective, après la publication de votre livre. En venant défendre vos arguments
sur JRRVF vous avez agi de telle façon que je ne suis plus à même de
penser ce que j'ai précédemment écrit dans mes deux posts car voici que
vous êtes venue vous exposer en un terrain plus que délicat, où seul des
passionnés (et parfois des experts) se retrouvent pour discuter et
échanger leur avis, ceci est fort courageux de votre part. Mon mépris envers vous cède donc la place à toute ma
reconnaissance.
Et en espérant que ce message témoignera du respect mutuel et de la
camaraderie qui règne sur le site de JRRVF et parce que je ne tiens pas en faire exception, je vous prie, Madame, d'accepter
mes excuses.

Au plaisir de vous relire aussi souvent que possible...
                                                                                                                               
Alfonso

je laisse la discussion se poursuivre…

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#31 19-09-2003 23:56

Owina
Inscription : 2002
Messages : 106

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Chère Madame Smadja

Je suis très heureuse de pouvoir répondre à votre interview .
Dans celle-ci( je n’ai pas lu votre livre ) il y a de nombreux points sur lesquels j'ai une interprétation totalement différente , un en  particulier .

            Vous affirmez ainsi que « J.R.R. Tolkien oriente la pensée des lecteurs vers l'idée que la pitié est dangereuse : les méchants le demeurent et mieux vaut les tuer avant qu'ils ne vous tuent. »   en prenant pour exemple la trahison et la mort de Saroumane .
                Or Il me semble que votre affirmation va à l’encontre même du message de cette œuvre . S’il y a une chose que prône cette histoire c’est bien – me semble- t-il-  la compassion. En effet Tolkien insiste sur la faiblesse des hommes : finalement aucun de ne peut sortir victorieux de la tentation ultime de l’anneau , mais il montre une issue : la compassion .
               En effet si Bilbon , puis Aragorn , Gandalf , les elfes de Mirkwood puis Frodon et Sam n’avaient pas épargné Gollum –alors m^me qu’il cherchait à les nuire ; jamais l’anneau n’aurait été détruit . Ce qui sauve le monde est avant tout la compassion qu’ont ressentit les divers personnages à l’égard d’un personnage qui pouvait finalement s’avérer nuisible .
      -> Sans cette chaîne de compassion , aucun miracle final n’aurait été possible .
Oui;,biensûr , le miracle se fait au prix de la vie de Gollum .. Au prix ? N’est ce pas plutôt une délivrance pour cette créature asservie par le mal , rongée à jamais . Gollum n’aurait jamais pu survivre à la destruction de l’anneau car il était déjà détruit voire  mort ( ce qui le maintenait en vie était son asservissement à l’anneau ) .

      Alors , non , non et non , on ne peut pas dire que ce livre montre que la pitié est dangereuse et qu’il vaut mieux tuer les méchants avant qu’ils ne tuent .
      Quant au fait qu’ils demeurent méchants , ce n’est pas si sûr . Ainsi les hommes enrôles par Saroumane –surpris de la bonté des Rohirrims à leur égard au moment de la défaite  -  changent de camp …( alors la pitié est –elle dangereuse ? ) …
Quand aux orcs , Gandalf ne dit-il pas un moment qu’il en a pitié ( je ne retrouve plus le passage – je cherche promis ) .


C’était là le point principal .

Mais il y a autre chose .
            Comme disait Yla , pourquoi ne critique-t-on pas Victor Hugo pour ses poèmes épiques – où les guerres de Napoléon sont encensées ?
           Parce qu’on accorde à V Hugo le statut de grand écrivain .Et Tolkien ?
           Il ne faudrait pas oublier non plus que Tolkien a écrit une épopée – genre littéraire dans lequel les batailles sont esthétiques - . Il s’est inscrit dans un genre et a donc repris les ingrédients principaux  du genre.
            IL y a donc des batailles dans Le seigneur des Anneaux , comme il y en a dans toute épopée et elles sont décrites de manière esthétisantes … -comme dans toute épopée .
             Et pourtant – et c’est là que cela devient intéressant- Tolkien s’écarte complètement du genre sur plusieurs points –ce qui remet d’ailleurs en question la valeur esthétique  de la guerre trop souvent présente dans les épopées .
              En effet , que remarquons nous , quand nous relisons l’arrivée des Rohirrims près de Minas Tirith. Tout d’abord il y a cet élan guerrier – cette valorisation même du combat , qui culmine dans la phrase : «  for the joy of battle was on them » –
              Mais par la suite , on assiste à un changement radical : les Rohirrims découvrent l’horreur et l’âpreté du combat : la bataille n’est plus joyeuse .Cette vision succède à la première , comme pour mieux remettre celle-ci en question .

                Enfin , ce n’est pas la guerre qui sauve la monde , c’est le courage de Frodon et Sam ainsi que  l’intervention de Gollum .Encore une fois ce qui sauve le monde c’est la chaîne de compassion.
       -> En ce sens on peut dire que Tolkien se sert d’un cadre – l’épopée – mais pour transformer le genre en changeant radicalement la notion d’héroïsme et en remettant en cause l’idée que la guerre est la seule solution .
              Ainsi  cette œuvre va à l’encontre de l’idée  que la seule  réponse au mal est le mal , la seule réponse à la violence , la violence .
Dire cela du Seigneur des Anneaux est un non sens !


                           Autre point : le racisme :
                      Là aussi il faut commencer à regarder les sources de Tolkien . Ce n’est pas lui qui a inventé la plupart des races qu’il évoque . les elfes , nains , trolls appartiennent aux légendes germano-celtico -scandinaves dans lequel il a puisé .
                     Par ailleurs  en quoi cela exprimerait-il le racisme que d’imaginer d’autres êtres – non humains – doués d’intelligence ( E.T. est-il un film raciste ? ) .En passant je teins à rappeler qu’une cohabitation entre deux espèces « pensantes » a déjà eu lieu sur Terre ( les néandhertaliens et les Cromagnons étaient si différents que les croisements ont été apparemment inexistant ) .

                    Biensûr il y a les orcs – comme il y a les méchants extraterrestre : ils sont avant tout – à mes yeux – un procédés littéraire .
                    Il est vrai que sur ce point on peut discuter .
              Une chose est sûr , aucune comparaison n’est établie entre le monde de Tolkien et notre Monde : Comment  peut-on dire que son livre incite au racisme ?ou que son livre exprime l’idée d’une hiérarchie des races dans notre monde ?  cela n’a aucun sens .
Mis à part les orcs , Tolkien ne dresse aucune hiérarchie et n’accorde d’ailleurs aucune suprématie à un peuple en particulier . Certes les elfes seraient plus sages , mais cela ne leur donne pas le droit de dominer les autres .


                         Dernier point . Je vous cite : «  Je pense pas qu’on puisse mettre sur le même plan la misogynie et les idées conservatrices de Tolkien, avec la mise en évidence de l’attrait pour la mort. Les premières sont effectivement à mon sens la grande faiblesse de l’ouvrage ».
             En ce qui concerne la prétendue misogynie – beaucoup se sont exprimés – je ne m’y attarde pas .
           Je parlerais plutôt des idées conservatrices .
Ce terme a subi une connotation très péjorative depuis quelques temps …il parfois m^me  être entendu comme synonyme de fasciste .
Dire que Tolkien a des idées fascistes serait faux .
Par contre effectivement on voit bien à travers ce livre , un attachement aux valeurs anciennes , une réticence face au progrès .
        Et alors est ce un crime de penser ainsi ?
A l’époque où l’humanité se créée  ses anneaux de puissance  en se forgeant des outils de pouvoirs quasi
illimités ( de la génétique à la l’intelligence artificielle ) ne serait –il pas salutaire de lire de temps en temps un ouvrage qui, à travers une métaphore nous, met en garde contre la création et l’utilisation de ces instruments de pouvoirs .

                    Voilà je m’arrête là . Mon argumentation est certainement un peu brouillonne , et je reprendrais volontiers certains points quand j’aurais un peu plus de temps . ( la rentrée est dure pour tout le monde ! )
                  Bien entendu je n’ai cité que des interprétations personnelles . Ceci dit  je me suis permise d’être assezi affirmative sur certains points car ces derniers correspondent un des avis souvent partagés par de nombreux lecteurs ( en ce qui concerne la compassion ou les guerres notamment .).

                            Une dernière chose : vouloir tordre le bâton dans l’autre sens pour le seul motif de le tordre , me semble un peu risqué …On peut toujours lire n’importe quel livre , écrit , ouvrage en y interprétant ce qu’on veut car une grande part de l’interprétation est une projection  .
               Alors bien sûr , une grande part de nos interprétations à nous lecteurs passionnés sont des projections de nos visions du monde .
                   Comme vous pouvez le constater , nous n’avons pas d’idées racistes et ne sommes pas des drogués – puisque nous voyons dans cette œuvre tout à fait l’inverse .
                    Pour comprendre pourquoi une œuvre a autant de succès il conviendrait peut être aussi :
1 de s’interroger sur sa valeur littéraire ( ah Shakespeare ! Vous n’avez pas fait un livre sur lui ?   )
2 demander aux gens «  qu’est ce qui vous plaît dans Tolkien ?
                Cela aurait tellement mieux de venir sur ce forum avant d’écrire votre livre !!!!!!

Mais bien sûr il y a le bâton à tordre ..c’est tellement important …et dommage .

Si je critique votre ouvrage et votre objectif , ce n’est pas une attaque personnelle contre vous en tant qu’individu . J’espère donc que vous ne le prendrait pas ainsi .
Je trouve d’ailleurs très courageuse votre intervention sur le forum .

Je laisse moi aussi la discussion se poursuivre .

Vanessa

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#32 20-09-2003 03:05

Mj du Gondor
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Messages : 574

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Réponse à Isabelle Smadja :
Permettez-moi tout d’abord de rendre hommage à votre courage ! vous à qui je dois mon apparition sur « le net » dans le but de prendre parti contre vous pour la défense d’un livre sous le charme duquel j’ai succombé il y a de cela très longtemps, en dépit de mes convictions politiques ou philosophiques qui ne me prédestinaient pas à un tel envoûtement !

Athée autant que vous m’apparaissez (pardon si je me trompe), toute ma vie active engagée dans la défense du monde du travail, antiraciste à l’épiderme sensible, femme autant que mère, et surtout solidaire de cette jeunesse que nous avons sevrée d’idéal, votre essai me blesse parce que précisément c’est là, sur tous ces points, que pour moi vous avez failli, en dénaturant les propos d’un auteur qui tout en étant sans doute conservateur et conformiste n’a jamais par son œuvre porté atteinte aux idéaux que j’ai toujours défendus.

J’espère pouvoir vous faire lire un texte «plus structuré» que j’avais préparé à votre intention mais je ne sais pas si j’en trouverai le moyen et ce ne serait pas vraiment regrettable car il est sans aucun doute très maladroit.

Mais d’ores et déjà je voudrais pourtant vous répondre sur ces valeurs que vous semblez  tenir pour quantité négligeable et qui me tiennent à cœur comme beaucoup ici le savent.

Dans votre message précédent vous déclarez que amitié, loyauté, courage »ne sont pas des valeurs sûres et suffisantes pour garantir du comportement exemplaire ou même simplement moral d’un individu »; certes pas plus qu’un inventaire de connaissances s’il ne trouve pas sa justification  ne peut garantir la pertinence d’une démonstration comme je le reproche à votre essai.
Mais conformément à votre volonté d’enténébrer notre lecture, l’absence totale de ces valeurs garantit un horizon des plus pessimistes !
Car si elles ne suffisent pas, elles sont nécessaires et si on y ajoute volonté, détermination, solidarité, rigueur morale et tolérance(j’avais cru inutile d’allonger la liste des qualités dont sont parés nos héros) les individus qui les possèdent sont estimables et admirables,  sûrs et dignes de confiance. Ils sont, peu corruptibles  par une idéologie qui change inexorablement ces qualités en haine, idolâtrie ou fanatisme, au contraire de l’orgueil, de l’égoïsme, et de la complaisance envers soi-même qui s’accommodent aisément des théories fascisantes et totalitaires.(faut-il vous rappeler à titre d’exemple cette nuit  où  SA et SS s’entre-tuèrent démontrant bien la solidité de leur loyauté !ces querelles intestines et sanglantes des QG  du Führer ou du Duce ; les antichambres des dictateurs  ne sont pas lieu privilégiés  de l’amitié et de la loyauté qu’on n’évoque que par intérêt ou démagogie. Et si quelques égarés dans ces sombres sphères en conserve l’usage, c’est que dans la réalité les Orques n’existent pas.

Mais l’homme étant ce qu’il est,  faible et fragile ces valeurs ne se constatent évidemment ni de façon constante ni à un même degré et c’est dans le groupe (la communauté) qu’elles se construisent ou se confortent.

Quand vous occultez ces valeurs par un regard absolument négatif sur chacun des personnages du Seigneur des Anneaux ,  c’est pour le priver de son élan dans une dynamique positive et essentiellement vous permettre de démontrer le pessimisme de Tolkien, car dans ce style narratif qui ne laisse aucune place à l’introspection des caractères, où les personnages n’existent que par leurs actes, la structure de l’histoire s’élabore en fonction de leurs qualités respectives et l’argument littéraire prend leurs couleurs.
De quel message,.en effet  pourrait-être  porteur, un Frodon peureux et rampant, quel idéal nous promettrait la quête d’individus spirituellement dispersés, sentimentalement isolés, vivant péniblement leur misérable errance vers la destruction du symbole de leur bonheur, ?
C’est pourtant cette vision que vous voudriez nous révéler et le procédé que vous employez est pour le moins contestable.
Mj (Marie Jeanne s'il le faut, bien que ....je n'en saisisse pas tellement l'intéret!)

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#33 20-09-2003 02:53

Lambertine
Inscription : 2002
Messages : 2 828

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame Smadja,

Je me permet de relever un second de vos arguments ( après celui des Orcs - voir plus haut ), qui est celui de la sacralisation des femmes dans le Seigneur, en prenant pour exemple Galadriel et Eowyn.

Il est vrai que Galadriel est une femme qui semble à première vue parfaite et inaccessible. Inaccessible, elle l'est en effet pour le narrateur ( Frodon ). galadriel est un être rescapé des temps lointains, qui a connu les Arbres de Valinor et les Valars. Elle est, si j'ose m'exprimer en termes "contemporains" à la fois souveraine et grande prêtresse. Impressionnant pour un petit bourgeois provincial. Mais Galadriel n'est pas parfaite. Si elle se trouve en Lorien, c'est que les rivages de Valinor lui sont interdits. L'exil est pour elle la punition de sa rebellion, de son ambition. Ambition qu'elle réussira à dominer ( épreuve de l'anneau ) mais malgré tout toujours présente. Galadriel est simplement lointaine parce qu'elle gire à un autre niveau que les Compagnons, mais elle est loin d'être la Sainte Vierge parée de toutes les vertus.

Quant à Eowyn... Eowyn, idéalisée, parfaite ? Alors là ... Eowyn est humaine, simplement. C'est une jeune princesse, isolée dans une cour triste à mourir, qui tombe amoureuse du premier "prince charmant" qui se présente, tout autant parce qu'il est prince ( et bientôt Roi ) que parce qu'il est charmant, d'ailleurs. L'amour d'Eowyn, pour romantique qu'il peut paraître, n'est pas du tout désintéressé. Et Eowyn, pour devenir "vierge guerrière" et oublier ses déconvenues amoureuses sur le champ de bataille, oubliera quand même son rôle de Régente du Royaume et mettra en danger la succession dynastique. Alors, Eowyn, attachante, touchante, adorable sans doute, mais idéale, alors sûrement pas.

La seule femme qui pourrait paraître idéalisée dans le Seigneur, c'est Arwen, vue per les yeux amoureux d'Aragorn. L'Arwen, Pénélope préférée par le Roi à Eowyn/Jeanne d'Arc. Peut-être est-ce là que l'on pourrait trouver trace du conservatisme de Tolkien vis à vis des femmes : dans le choix du Roi. Mais, outre le fait que partir à la guerre n'est selon moi pas une victoire pour les femmes, Arwen n'est pas idéale non plus. Elle épouse un homme sans se rendre réellement compte à quoi elle s'engage, et n'adhère pas vraiment à son nouveau peuple ( elle ne comprendra la mortalité des hommes et ce qu'elle implique qu'au décès de son époux ).

Alors, non. Je ne vois pas d'idéalisation de la femme dans le Seigneur ( euh... Lobelia ? LOL ! ). dans l'oeuvre complète : Luthien, sans doute, ou Melian,sa mère. Mais elles ne sont pas entièrement "humaines" ( au sens large hommes-elfes-nains-hobbits-orcs ... ). ce sont des créatores angéliques ou semi-angéliques. Et les Anges, bien sûr, sont des créatures idéales....

PS : pardonnez-moi ce petit HS en réponse à votre post dans ce fuseau, mais le Legolas/Apollon tel que vous en parlez est plutôt la consquence du choix d'un acteur qui plaît beaucoup aux femmes par PJ plutôt que le personnage de Tolkien, prince guerrier, ami fidèle, élément de stabilité de la Communauté, mais pas irradiant de séduction physique. Du moins, pas plus qu'un autre... 

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#34 20-09-2003 16:18

Coeur de Canard
Inscription : 2002
Messages : 445

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


Bonjour j'ai 3 question a Isabelle Smadja:
1. Avez vous lu les parties du legendaires paru a titre posthumes (eg Silmarion, History of Midle Earth) ?
2. A propos de l'analyse du poeme en exergue (chap II), l'analyse ne change t'elle pas si on sait que le Kalevela contient des poemes de factures similaires ?
Cf discussion sur le poeme sur ce forum http://www.jrrvf.com/forum/noncgi/Forum3/HTML/000132.html
3.On est parfois tente de vous reprocher de surfer sur un phenomene de mode (bouquin sur Harry Potter, bouquin sur Tolkien). Par ailleur vous ne semblez pas etre un chercheur specialise sur le domaine. Comment expliquez vous votre demarche ?


CdC

PS a crtains forumistes, permettez moi de ricanner, quand je vois nombres d'intervenant ayant traite en substance Isablle Smadja d'illetree beotienne faire maintenant assaut d'amabilite.
Par ailleurs la majorite a repondu a la critique de Semprini par des "bien envoyes" et autres "brillants" maintenant Semprini nous dit qu'il doit revoir sa copie (c'est tout a son honneur), mais ca laisse songeur sur le fonctionement du forum. Ne tend t'il pas etre quoiqu'on en dise un lieu d'exgese et ou l'on fait assaut d'erudition de maniere courtoise (combien de "joliment dit mon cher", "mais vous n'etez pas mal non plus) sur la logique interne du legendaire ?
(Si vous voullez me repondre sur ce theme --pas indispensable-- ouvrez un nouveau fuseau pour eviter de paralyse celui ci)

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#35 20-09-2003 22:43

Alfonso
Inscription : 2002
Messages : 374

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

R

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#36 21-09-2003 02:13

vincent
Inscription : 2000
Messages : 1 435

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


> maintenant Semprini nous dit qu'il doit revoir sa copie (c'est tout a son honneur),

semprini répondra mieux que moi, mais pour avoir vu la nouvelle version, il n'a pas "revu sa copie" ; il a simplement précisé sur son argumentation sur certains points.
mais semprini est trop modeste et trouve toujours que ses propos sont très perfectibles. :-)
ne juge pas trop vite, CdC
cela dit, tes trois questions à I. Smadja méritent effectivement une réponse !

Vincent (Ferré)

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#37 21-09-2003 18:06

lunwe
Inscription : 2003
Messages : 31

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

cher madame smadja je voudrai connaître votre motivation exacte qui vous a amener a la lecture du seigneur des anneaux.car si vous aite partie avec l'idée que vous alliez lire un livre qui fait l'apologie du fascisme et parait'il aimée par certain groupes néo nazis( je doute qu'ils ais compris le livre étant donné qu'ils on du mal a faire la différence entre une vache et un mouton )il est a mon sens par la suite difficile d'en démontrer le contraire.ce qui me fait dire que vous avez certainement et tout simplement était influencer par tout ce que vous avez déjà lu ou entendu.ce qui enlèverai toute pertinence et objéctivité a votre thèse.si au contraire vous avez lu le s.d.a. en vous disant je vais lire un bon livre sur la fantasy en faisant abstraction de tout ce que vous aviez entendue de mal auparavant j'accepte votre critique mais je n'y adhére pas.certain point qui montre qu'elle est fausse on déjà était aborder par d'autre sur ce forum et qui sont assez éxplicite.quand j'ai décider de me mettre a la lecture du s.d.a.je ne savait pas de quoi il en retourner je savait seulement que c'était de la fantasy.j'ai attendue de finir le s.d.a. et les autres écrits de tolkien pour pouvoir allez sur les forums et les site du net ainsi je n'est subit aucune influence de qui que se soit quand au contenue du livre et la personalité du professeur tolkien et résultat nous avons pas le méme point de vu.sacher que si nous vouons un culte comme vous le dite au s.d.a. et que nous le défendons c'est bien a cause de ses qualités d'humanisme,de tolérance,d'amour,de liberté et de pacifisme.vous dite également que tolkien oriente la pensée des lecteurs vers l'idée que la pitiée est dangereuse:les méchants le demeurent et mieux vaut les tuer avant qu'il ne vous tuent.perméter moi de vous dire que seul votre pensée a était orientée dans ce sens.car c'est bien grace a la pitié de frodon en vers gollum que les terres du milieux on était sauvée, les serviteurs de sauron n'ont il pas était laisser sains et sauf une fois celui-ci déchue.pour terminer encore deux questions.puisque pour vous tolkien a écrit un livre raciste comment qualifiait vous les personnes présente sur ce site de raciste ? derniere question vous aite vous déjà retrouver face a une personne qui désir vous tuer. penser a ce que vous ferié dans ce cas la.

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#38 21-09-2003 19:58

Isabelle Smadja
Inscription : 2003
Messages : 5

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Je ne peux répondre aujourd’hui sur tous les points que vous évoquez. Je laisse de côté pour l’instant ce qui concerne le pessimisme de l’ouvrage et je donne une réponse rapide. En fonction encore une fois de vos réactions, je continuerai ou non ma défense un peu plus tard. Bref, si vous voulez ne plus me lire, dites-le moi. 

Avez-vous lu mon livre ? (question qui vaut aussi pour Cdc, en retour à sa question sur le Silmarillion, que j’ai lu par devoir et non par plaisir : n’ayant pas succombé sous le coup de la fascination pour Tolkien, vous comprendrez sans doute combien de longs passages, notamment toutes les généalogies du moindre personnage, peuvent paraître fastidieuses ; mais j’en ai lu attentivement les histoires, celles de Sauron et celle de Beren, celle de Vinyamar et d’Ulmo, puisque leurs pseudos sont présents sur ce forum,  celle des elfes et des nains… : je l’ai lu et non étudié, de sorte que je ne me suis pas autorisée à le critiquer, mais ma lecture m’a permis de m’apercevoir que j’en tirerais des conclusions analogues et qui ne tranchait pas avec mon analyse du SdA : la distribution tranchée entre le bien et le mal y est présente également, ainsi que l’idée pour le moins discutable que la fin parfois justifie les moyens ; enfin les Orques, capables de torturer, cf Turin Turambar, y apparaissent humanisés dans une certaine mesure ).
   Une partie des reproches qui me sont adressés témoignent de ce que plusieurs d’entre vous n’ont lu que le compte-rendu de Semprini, puis mon interview. Et, parmi eux, certains ont été d’une telle virulence et d’une telle agressivité dans leurs propos que cela seul permettrait d’ores et déjà de douter que leur « ouvrage fétiche » ne délivre qu’un message de paix, de tolérance et d’amour du prochain. Ce qui me frappe dans ce site, dont je ne peux par ailleurs qu’admirer la richesse des références et la diversité des personnes qui le fréquentent, c’est une volonté de recréer une sorte de communauté de l’anneau avec ses « sages » (Semprini en est un, - un peu trop doctoral à mon sens, mais chacun ses goûts… - et c’est pourquoi vous l’avez cru sur parole), ses fidèles compagnons, et surtout ses combats… Combats contre le mal, à savoir contre tous ceux qui ne partagent pas votre adoration pour Tolkien.

Vous parlez de courage : permettez-moi de vous dire que l’acte de courage fut de publier mon livre, alors que nombre de mes connaissances me mettaient en garde contre le fanatisme (le mot vous choquera, j’en conviens, mais j’y reviendrai) de certains tolkieniens. Le courage aujourd’hui, il n’est pas de vous affronter, mais de remuer en moi une blessure qui n’est pas encore cicatrisée et qui me force à revivre ce que j’ai eu tant de peine à vivre : ici ou ailleurs, les reproches parfois les plus injustifiés (j’ai vu mis entre guillemets, comme étant une citation de mon livre, des propos que je n’ai jamais tenus et tels que j’aurais eu honte de moi si j’en avais dits ne serait-ce que le quart) et les insultes. Illettrée n’est pas la pire de ces insultes, et votre site  est loin d’être le plus agressif, même si l’inflation dans le titre de l’article de Semprini fut, d’après moi, la brèche dans laquelle beaucoup se sont engouffrés : en passant de « Le SdA ou la tentation du mal » à « Isabelle Smadja ou la tentation de l’absurde », il autorisait à rompre le pacte tacite qui veut qu’on ne prenne pas pour cible une personne privée mais qu’on ne s’attaque qu’aux idées qu’elle a mises en avant et que, indirectement, à son auteur. Et je m’étonne qu’un enseignant, comme Vincent Ferré, donne caution à un article construit sur un tel procédé et, qui plus est, est ouvertement fallacieux. Si Semprini aujourd’hui écrit qu’il revoit son article, ce n’est par « perfectibilité » et par modestie, sinon pourquoi avoir tant attendu ? Ne serait-ce pas plutôt que mon interview rendait plus difficile le fait de soutenir encore sérieusement que tout ce que j’écrivais était absurde et incohérent ? C’est également que les contre-vérités qui émaillaient son écrit (je n’aurais vu dans le SdA qu’un simple conte pour enfants…) apparaissaient en pleine lumière. Mais il est vrai que Ferré défend sa carrière, qui sera d’autant plus « brillante » que Tolkien sera lavé de tout soupçon de racisme… Je ne défends rien d’autre que mes idées et mon honneur. (cependant, je sais gré à JRRVF d’avoir hébergé mon interview dans ce site)


Vous dites que je refuse à Tolkien le droit d’être un auteur classique comme l’est Hugo ou Balzac ou Shakespeare. Je répondrai deux choses : premièrement que votre site à lui seul, et vos réactions, sont une preuve que la réception de Tolkien n’est pas du même ordre que la réception d’un auteur classique. Connaissez-vous un site Victor Hugo où les adeptes s’appellent Jean Valjean, Gavroche ou Cosette et où ils discutent à n’en plus finir sur la couleur des yeux de Gavroche ou sur les racines du moindre terme présent dans son œuvre ? Certes la critique littéraire entre parfois dans ce genre de considérations mais de manière beaucoup moins excessive : l’exégèse à laquelle vous vous livrez fait en réalité plus penser à la  relation à un livre sacré qu’à un livre classique. De même, connaissez-vous beaucoup d’auteurs qu’on n’ait pas le droit de critiquer sans être aussitôt traîné dans la boue des insultes ? Vous semblez penser qu’on ne critique pas Shakespeare pour l’antisémitisme du Marchand de Venise, qu’on ne dit jamais rien sur Céline, Barrès et d’autres, qu’on passe sous silence les affinités de Stendhal pour la noblesse ou les errements d’Aragon sur Staline: c’est faux, bien sûr. Il est peu de préfaces du Marchand de Venise qui ne souligne l’ambiguïté de cet ouvrage de Shakespeare, soit pour le critiquer tout de bon en le remettant dans un contexte très antisémite de son époque, soit pour essayer de contrebalancer l’impression désagréable que laisse la description du juif Shylock par quelques remarques sur le caractère par moments tragique du personnage de Shylock. Mais la critique ne suscite pas une telle levée de boucliers : elle est intégrée, acceptée comme quelque chose de naturel. Ce sera ma deuxième réponse : il n’est pas vrai que je refuse à Tolkien le droit d’être un auteur classique. Rares sont les auteurs dont on ne met pas en avant l’idéologie, parfois conservatrice, parfois trop complaisante envers le marxisme. Mais lisez un peu les critiques sur Nietzsche ou Heidegger, sur Chateaubriand ou Hugo, puisque vous le citiez ! C’est au contraire vous qui voudriez que Tolkien ne soit pas traité comme un auteur classique mais qu’il ait droit à un statut d’exception et que, lorsqu’on lit dans le SdA que la race des Orques est « perfide », on n’ait pas le droit d’en déduire que nous l’avons lu sous prétexte que l’œuvre de Tolkien ne peut pas – c’est pour vous de l’ordre du dogme ou du postulat inaliénable – être raciste ou conservatrice. Bref, les discussions sont de l’ordre de l’exégèse, en ce sens que vous avez d’ores et déjà acquis la certitude que cet ouvrage transmet toutes les valeurs morales que vous voulez voir posséder et que de ce fait il ne s’agit plus que d’en discuter les détails d’interprétation. Il est des fois pourtant où les arbres cachent la forêt et il est même des fois, où discuter des arbres n’a d’autre fonction que de cacher la forêt. 


La relation que certains entretiennent avec cet auteur tient plus de la croyance, de la foi et de la passion que de  la seule rationalité, en ce sens qu’ils y cherchent la confirmation du sens qu’ils ont donné à leur vie. MJ du Gondor en est un  bon exemple. Vous dressez de vous-même, madame, un portrait très flatteur : d’ordinaire, on a la décence de laisser aux autres le soin de faire son éloge, mais passons sur ce premier point (et sur le fond excusez-moi car vous allez avoir à porter à vous seule tout le poids de mon ressentiment, mais ce n’est après tout que juste retour des choses) ; vous vous dites athée, mis à part votre prénom, que vous livrez vous-même à la fin de votre dernier écrit « Marie-Jeanne », donnant ainsi une clé d’interprétation : me trompé-je en pensant que vous avez baigné dans une atmosphère religieuse durant toute votre enfance  et que vous retrouvez, plus ou moins consciemment, chez Tolkien les sources chrétiennes dont vous vous êtes peu à peu éloignée ? Attaquer le SdA, c’est pour vous, mais pour d’autres également – dont Vinyamar , me semble-t-il, attaquer votre jeunesse, ainsi que votre manière de concilier votre culture catholique et votre  engagement d’athée. La haine que vous avez déchargée contre moi (en suggérant par exemple que tout ce qui sort de ma bouche ne pouvait être que du fiel, bref, que comme les Orques, ma langue est, quoi qu’elle dise, hideuse. Je vous cite : «C'est drôle n'est-ce pas, mais dans sa bouche je trouve le trait choquant ! » ) est un exemple de la contradiction interne entre quelqu’un qui, sous couvert d’être tolérant et loyal, cache une montagne d’intolérance : si la tolérance consiste à l’être envers ceux qui ont les mêmes idées que soi ou qui combattent les mêmes « orques », alors elle n’a aucune valeur. Etre tolérant, madame, c’est tolérer ce qui vous est étranger ou, selon la belle formule de Térence, accepter que « rien de ce qui est humain ne m’est étranger ».
Parlons alors ici du racisme et du manichéisme du SdA : je maintiens qu’il y en a dans le SdA.  Vous dites parfois que vos héros  ne tuent les Orques que pour se défendre de leurs attaques. Mais c’est là que réside à mon sens un des défauts de cet ouvrage, et c’est là surtout que son succès actuel me déplaît. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, le penser était compréhensible après les horreurs du nazisme. Mais aujourd’hui, n’est-il pas naïf et dangereux de croire en cette explication fort simple qu’il y a des peuples (ou pire des races) qui attaquent et d’autres qui se défendent ? Ne croyez-vous pas que ceux qui « attaquent » ont souvent l’impression de se défendre contre une attaque première et plus grave encore ? Je soutiens qu’il y a dans le monde géopolitique actuel des formes différentes de violence et de cruauté, et qu’on ne peut s’en tenir à cette position fort confortable, certes, mais dangereuse, qui consiste à ne voir d’un côté que des monstres de guerre, et de l’autre des gens courageux ou lâches qui se défendent contre les monstres ? Présenter les kamikases comme des monstres ou des illuminés ne permettra pas de faire avancer un processus de paix (parce que les kamikases eux-mêmes pensent les autres comme des monstres). Il me semble que c’est comme cela qu’il faut comprendre la citation de Levi-Strauss que je donnais « le barbare, c’est celui qui croit à la barbarie », entendant par là que la plus grande violence s’applique sur ceux qu’on pense être des barbares. C’est là ce qui me fait parler de manichéisme chez Tolkien : cette affirmation que certains peuples ne font que se défendre alors que d’autres ne font qu’attaquer. Il m’a semblé qu’il fallait mettre en garde contre cette structure de pensée qui ne mène qu’à rendre plus agressives les guerres, chacun justifiant son attaque par la certitude qu’il a d’être l’attaqué et non l’attaquant. Et encore une fois, je vois mal par quel tour de magie vous pouvez occulter et les Orques et Sauron, alors qu’ils jouent dans l’économie de l’ouvrage un rôle absolument central, que l’histoire qui y est contée n’y est pas uniquement l’histoire éternelle de la tentation et du désir (même si c’est dans cette image de l’anneau que se concentre la valeur de l’œuvre). 


Mais revenons à ma question initiale : avez-vous lu mon livre ? Oui pour certains ; non pour d’autres, à qui je ne reproche certes pas de ne pas l’avoir lu, mais de l’avoir critiqué sans l’avoir lu.
Exemple : Greenleaf, et beaucoup d’autres, me reprochent d’avoir tu ou ignoré tout un pan de l’œuvre, de n’avoir pas vu en particulier le message de tolérance, …, présent dans l’œuvre. Bref, là serait soit mon amateurisme soit ma malhonnêteté intellectuelle. Je cite Greenleaf : « Voilà, si j'ai bien compris, ce qui nous enrage ici, et je pense que les gens ont somme toute raison de reprocher à la critiqueresse d'ignorer tout un pan de l'oeuvre pour mieux chercher la bête noire, la trouver, et la tenir à bout de bras. »
  Permettez-moi de rappeler quelques-unes des phrases du SDA que je cite dans mon livre. Déplorant que pas une seule femme ne fasse partie de la communauté de l’anneau, déplorant donc la misogynie de cet ouvrage, je cite pourtant, p.122 de mon livre, le discours d’Eowyn qui « pourrait servir de modèle pour l’émancipation des femmes. À Aragorn, elle réplique : »Toutes vos paroles n’ont d’autre but que de dire : vous êtes une femme et votre rôle est dans la maison. (…) Que craignez-vous, madame ? Une cage, rester derrière les barreaux jusqu’à ce que l’habitude de la vieillesse les accepte »III, p.85». Citer les passages du SdA qui contredisent le plus ouvertement ma propre thèse - et je l’ai fait systématiquement, citant, comme je l’ai rappelé dans  mon interview, le message de tolérance et son refus de peine de mort de Gandalf juste avant de montrer que ce discours était, à mon avis, contredit par les faits (p.56 de mon ouvrage, je cite Gandalf : «Nombreux sont ceux qui   sont morts et méritaient de vivre… ») est-ce là ce que vous appelez de la malhonnêteté intellectuelle ?

Autre exemple : Vanessa (que je remercie par ailleurs pour son amabilité) que je cite: « Je parlerais plutôt des idées conservatrices .
Ce terme a subi une connotation très péjorative depuis quelques temps …il a parfois même être entendu comme synonyme de fasciste. Dire que Tolkien a des idées fascistes serait faux .
Par contre effectivement on voit bien à travers ce livre, un attachement aux valeurs anciennes , une réticence face au progrès .
Et alors est ce un crime de penser ainsi ? » 
Je n’ai jamais écrit que Tolkien était fasciste, bien au contraire : cf p.66 de mon livre : « L’idéologie que combat Tolkien est celle de la surveillance totale » cf encore p.74 : « Politiquement parlant, l’anneau de Sauron symbolise le désir de dominer le monde par tous les moyens, y compris les plus cruels. Tolkien met en scène deux versants de la politique dictatoriale : l’une qui s’appuie sur la terreur, incarnée par Sauron, et l’autre qui s’appuie sur l’endoctrinement et l’opportunisme, incarnée par Saroumane.»

Peut-être à bientôt, peut-être non : à vous de voir, là également.  Encore un mot cependant. Vous me demandiez pourquoi j’ai écrit sur Tolkien. J’espère que vous comprenez mieux ma démarche : que l’on puisse écrire un livre pour défendre des idées, et pour prévenir de ce qui, dans un livre, vous semble contenir une forme de racisme.


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#39 21-09-2003 20:31

vincent
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Isabelle Smadja,

peut-être avez vous pris l'accueil qui vous est réservé dans ce fuseau pour une marque de faiblesse, et vous sentez-vous autorisée à employer la calomnie.

Semprini vous répondra (mais il ne pourra forcément, pour des raisons qui vous échappent, vous expliquer pourquoi il n'a pas retravaillé ce texte avant).

en ce qui me concerne je relève :
"je m’étonne qu’un enseignant, comme Vincent Ferré, donne caution à un article construit sur un tel procédé et, qui plus est, est ouvertement fallacieux
/ ... est vrai que Ferré défend sa carrière, qui sera d’autant plus « brillante » que Tolkien sera lavé de tout soupçon de racisme… "

faut-il vraiment répondre à une attaque ad hominem (alors que vous critiquez plus haut ce procédé) ?

sur ce point comme sur beaucoup d'autres, vous vous trompez totalement et ne savez pas de quoi vous parlez. ma "carrière" (et je devine beaucoup de dépit derrière votre attaque) n'est pas liée à Tolkien, et le temps que je consacre à cet auteur, pour permettre aux lecteurs francophones d'avoir accès à ses textes, pourrait être employé à des fins plus égoïstes et intéressées.

le fanatisme, l'irrationnel, je les vois chez vous (ajoutés au mépris pour autrui) plus que chez les lecteurs de Tolkien.

j'avais décidé, l'année dernière, de ne pas mettre en ligne le compte rendu que j'avais écrit sur votre ouvrage très discutable et bâclé, à tous points de vue.
je vous ai même répondu avec amablité lorsque vous m'avez proposé (pour la semaine rennaise) une intervention sur Shakespeare et Tolkien - vous ignoriez visiblement, une fois de plus, les travaux déjà consacrés à cette question.

vous m'agressez, et je me réserve le droit de vous répondre quand je le souhaiterai.

Vincent Ferré

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#40 21-09-2003 21:21

Coeur de Canard
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


Pour ma part j'ai lu "le seigneur des Anneaux et la tentation du mal".

Pour mettre en perspective mes 3 questions:

1) Le questionement de la connaissance par Isabelle Smadja du Silmarion, de History of Middle earth (ainsi que des lettres) est revenu souvent sur ce forum (renforce par leur absence dans la bibliographie du livre). On peut glosser sur la possibilite de faire une analyse pertinente du SdA sans s'appuyer sur l'integralite du corpus mais si tel n'est le cas, je pense que ca vaut une explication de methodologie (en tout cas, plus argumente que "la lecture d'une grande part du legendaire est assomante, alors vous comprenez ...)

2) Concernant le poeme, etant donne qu'il est en exergue on peut tres bien defendre une analyse plus ou moins hors contexte. Je trouvais l'analyse assez pertinente jusqu'a ce qu'une forumiste fasse le lien avec des poemes du Kalevela
--Cf. http://www.jrrvf.com/forum/noncgi/Forum3/HTML/000132.html fin du fuseau --
qui a mon avis l'invalide. Il n'y pas mention du Kalevela dans la biblio, si c'est un element nouveau pour Isabelle Smadja, est ce que cela lui fait reviser son analyse et sinon pourquoi n'a t'elle pas exploite le lien?

3) IS n'a pas encore directement repondu a ma question. Elle nous dit avoir ecris ce livre pour prevenir une forme de raciste (OK, il n’est pas necessaire d’esperer pour entreprendre, ni de reussir pour perseverer disait l’autre).  Mais ma question, c’est plutot “pourquoi vous ?”. En effet IS n’est pas un chercheur en literature, en histoire ou en linguistique et n’est pas non plus a ma connaissance connu pour des publications anterieurs temoignant d’une lutte contre le racisme. Par ailleur, si je ne m’abuse le titre c’est “la tentation du mal” (l’analyse sur le  racisme apparait dans un second temps). On peut donc penser que la problematique du racisme chez Tolkien n'arrivait pas en premiere position lors de la redaction du texte.

Cependant si je comprend que personne n'apprecie l'insulte, il faut bien dire que le livre a des allures de pamphlet
(Cf contribution d'Usher http://hikaki.forum-gratuit.com/viewtopic.php?t=146&postdays=0&postorder=asc&start=0
descendre jusqu'au post Dim Nov 10, 2002 10:32).
On a, en effet, souvent l'impression qu'Isabelle Smadja instruit uniquement a charge.
Expliquer les reactions a une charge comme une reaction de "croyants envers le basphemateur" est reducteur (meme si le phenomene existe largement comme on peut le voir en utilisant le moteur de recherche du site pour avoir un panorama de reactions divers apropos du livre).
C'est pourquoi j'aimerais bien qu'Isabelle Smadja explique ca demarche. (A propos du JdR aussi, meme ce n'est pas le sujet du forum).


Pour finir, ce que j'espere de cette discussion qu'Isabelle Smadja puisse expliquer ses idees et sa demarche. Il serait souhaitable que ceux qui n'ont pas lu le bouquin n'interviennent un minimum histoire de "optimiser le rapport signal/bruit".
Dans la meme optique je pense que cela se fera mieux sans attaque ad hominem de part et d'autre (pour ceux qui veullent repondre a une attaque envers leur personne qu'ils le fassent dans un fuseau ad hoc)
.
De meme je pense qu'on s'evitera avec soulagement une derive comunitariste du dialogue. (D'autant plus que ce genre de chose va dans les deux sens).

CdC

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#41 21-09-2003 22:04

Ylla
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

I. Smadja : "l’inflation dans le titre de l’article de Semprini fut, d’après moi, la brèche dans laquelle beaucoup se sont engouffrés : en passant de « Le SdA ou la tentation du mal » à « Isabelle Smadja ou la tentation de l’absurde », il autorisait à rompre le pacte tacite qui veut qu’on ne prenne pas pour cible une personne privée mais qu’on ne s’attaque qu’aux idées qu’elle a mises en avant (...) Mais il est vrai que Ferré défend sa carrière, qui sera d’autant plus « brillante » que Tolkien sera lavé de tout soupçon de racisme… (...) Attaquer le SdA, c’est pour vous, mais pour d’autres également – dont Vinyamar , me semble-t-il, attaquer votre jeunesse, ainsi que votre manière de concilier votre culture catholique et votre engagement d’athée."

Ainsi donc, maintenant que Semprini a eu l'idée déplorable de "rompre le pacte", les arguments ad hominem vont pleuvoir et il ne sera plus possible d'en revenir au livre et rien qu'au livre. Que c'est dommage, cette discussion s'annonçait si bien.
Je précise tout de même, dans le cas où tout le monde aurait compris (s'il vous plaît, ne me donnez pas raison...) que j'étais moi-même un sujet d'attaque, et non mes arguments : Je suis agnostique. J'ai grandi dans un environnement mi-athée, mi-chrétien. Je n'ai aucune affinité avec aucune conviction métaphysique que ce soit. Je me suis pourtant rendue à la multitude d'évidences qui font de Tolkien un auteur très catholique, dans les oeuvres duquel transparaît largement sa foi. Cela n'a aucun rapport avec mon passé, mes frustrations, mes envies inavouables et mes traumatismes infantiles. J'ai essayé de faire en sorte que mes convictions ne contaminent pas ma lecture ; d'aileurs, j'ai été sérieusement ébranlée par votre ouvrage, avant qu'une nouvelle lecture de Tolkien ne me pousse à penser que votre critique péchait en de nombreux endroits. Ceci étant posé, je demande humblement pardon à ceux qui vont perdre leur temps à lire cet autoportrait. J'espère qu'il servira au moins à couper court à de possibles hors-sujets sur ma personne, et s'il m'est possible de le demander, sur celles des autres, la vôtre comprise, Mme Smadja. Et encore toutes mes excuses.

"Vous semblez penser qu’on ne critique pas Shakespeare pour l’antisémitisme du Marchand de Venise, qu’on ne dit jamais rien sur Céline, Barrès et d’autres, qu’on passe sous silence les affinités de Stendhal pour la noblesse ou les errements d’Aragon sur Staline: c’est faux, bien sûr."

On tourne en rond. J'ai effectivement répondu à Vinyamar qu'on ne "mettait pas en garde" contre Hugo, mais nous en étions aux termes employés. Le post de Vinyamar pouvait laisser comprendre qu'il s'agissait de contrer un danger public que serait le SdA. Il n'est pas question de "danger". Contester certaines idées, c'est une choses ; cela ne suffit pas à écrire que le livre met en danger une génération. Bref. Vous semblez fermement convaincue que nous défendons Tolkien pour la simple raison qu'il s'agit de Tolkien, et vous traitez nos critiques comme des réactions d'auto-défense brutale. Est-il vraiment inconcevable que certains d'entre nous défendent Tolkien, simplement parce qu'ils ont trouvé des arguments pour sa défense ? Laissez-moi vous exposer le genre de critiques qui nous font souvent réagir avec agacement (ou me font réagir du moins, mais j'ai pu avoir le sentiment qu'il en était de même pour d'autres, reprenez-moi si je me trompe). Il s'agit de remarques du type : "d'abord est-ce qu'il ne serait pas un peu réac ce livre ?", "rasciste, pourquoi pas ?" etc, en deux mots : des affirmations en l'air, l'air de rien, non argumentées bien entendu et fondées sur on ne sait trop quoi. Est-ce qu'il n'est pas légitime d'être irrités lorsque sortent des postulats sans autres arguments que des "pourquoi pas", et éventuellement, "forcément si vous n'êtes pas d'accord on ne va pas pouvoir discuter" ? Nous sommes ici pour discuter, justement. Nous répondons aux arguments par des arguments, aux phrases en l'air par des phrases en l'air. Vous nous avez donné vos arguments. Nous essayons de vous expliquer en quoi ils ne sont souvent pas, pour le moment, de nature à vous convaincre. Vous adopter précisément l'attitude que vous nous reprochez : vous braquer sous la critique, sous prétexte que nous défendons ce livre dans le seul but de le défendre. Au vu de nos posts, que reste-t-il encore pour vous permettre d'affirmer que c'est le cas ? Nos arguments sont-ils lettre morte ? Laissent-ils supposer que nous les avons trouvés parce qu'il nous en fallait coûte que coûte ? C'est beaucoup d'extrapolation. D'ailleurs, je me permets de faire remarquer que quand bien même nous les aurions trouvés après une recherche désespérée, ceci prouve tout de même que les arguments existaient. Ne pratiquons pas la discrimination et répondons à tout :-). D'ailleurs, nous-mêmes ne nous privons pas de nous opposer à Semprini ou à d'autres, je n'ai pas encore repéré de grands sachems sur le site. Nous respectons ceux qui ont travaillé à des articles ou apporté une contribution d'une manière ou d'une autre intéressante. Ce qui ne veut pas dire que nous n'en discutons pas. Les articles sont toujours sujets à discussion, il arrive que certains soient directement postés sur le forum et les je n'ai jamais vu les éventuels contradicteurs se gêner ; le seul cas où ils sont mal accueillis est celui où ils contredisent sans rien avancer pour appuyer leur propos. Cela dit, je ne vois pas non plus l'intérêt de contredire our contredire. Discuter, préciser, nuancer peut suffir parfois. Je ne vois pas en quoi ce serait moins honorable.

"Déplorant que pas une seule femme ne fasse partie de la communauté de l’anneau, déplorant donc la misogynie de cet ouvrage, je cite pourtant, p.122 de mon livre, le discours d’Eowyn qui « pourrait servir de modèle pour l’émancipation des femmes."

Justement, ce que nous critiquons, c'est votre définition de ce qui doit être un modèle d'émancipation. Et vous n'avez toujours pas répondu à cela. Au passage, j'espère que nous aurons encore l'occasion de vous lire par la suite, si vous avez l'occasion de revenir. Pour en revenir à ce que je disais, je ne suis en ce qui me concerne pas forcément d'accord avec votre modèle du féminisme ; je serais tentée de dire que cela même n'est pas la question. Le plus grave, à mes yeux, c'est que vous partez de postulats qui à bien y réfléchir ne sont pas du tout des évidences. Vraiment, une femme sera plus heureuse si elle adopte l'existence des hommes, si elle se lance dans la politique, la guerre etc ? C'est de cela qu'il est question, pour Eowyn. Alternative : au lieu de donner la mort, elle donnera la vie (je suis morte de honte de sortir un cliché pareil, mais cela résume assez bien). Est-ce plus dégradant ? Moins enrichissant ? Moins glorieux ? Et en dehors de tout ceci, la femme est-elle jamais représentée comme soumise, opprimée ? Eowyn se voit interdire la bataille par son oncle. Bon. Mais c'est le roi, son oncle. N'importe qui d'autre serait en état de se faire commander par lui, cela n'a rien à voir avec la féminité. Peut-être me direz-vous alors que la pression culturelle est encore plus à craindre que les interdictions effectives. Le problème, c'est que la pression culturelle pousse Eowyn, et les autres femmes, vers un état qui n'est pas si pénible. Ou s'il doit l'être, vous n'avez pas montré en quoi. C'est précisément ce qu'on vous reproche. Vous avez peut-être montré que selon les standarts de la société actuelle, la condition féminine chez Tolkien est déplorable. Mais comme un standart n'est jamais qu'une idée reçue et absolument pas une vérité de fait, cela ne nous avance pas à grand chose.

"Parlons alors ici du racisme et du manichéisme du SdA : je maintiens qu’il y en a dans le SdA."

Il y en a, certes. D'un côté, le mal absolu ; de l'autre, le bien qui n'a rien d'absolu. Je vous recommande vivement à ce propos la lecture du débat actuellement en cours sur "Le destin des orcs" (quelqu'un a déjà donné le lien un peu plus haut), où nous discutons justement de ce qu'est cette race qui doit représenter le mal. Je maintiens qu'elle n'a rien d'humain. Mais ce que je veux surtout souligner est que s'il existe un mal absolu, en revanche il n'y a aucun autre extrême pour le combattre. Les hommes et les elfes ne sont pas toujours radicalement bons. Boromir par exemple, dont on commet souvent l'erreur de ne retenir que le portrait d'une brute, au mieux d'un écervelé à gros bras, meurt pourtant en voulant défendre ses compagnons, et se comporte, tout au long du récit, de manière courageuse et loyale. C'est pourquoi je renverserai l'impression qu'on a fréquemment : Boromir n'est pas le faible qui chute mais se rachette dans son ultime combat. C'est un personnage exemplaire (malgré des flambées d'arrogance éventuelle, mais qui ne prennent jamais le pas sur sa considération des autres), qui trébuche pourtant, et ce de manière fatale. S'il faut le ranger dans un camp ou dans l'autre, il est indéniablement bon. Et pourtant il n'était pas imperméable au mal. Et il faut encore rappeler l'attitude de Sam envers Gollum, pour ne citer que les principaux... Tolkien pouvait-il mieux montrer qu'il n'y a pas de bien absolu ? Dès lors, on peut au mieux affirmer qu'un camp est "moins pire" que l'autre. Ce n'est pas exactement la vision du manichéisme que vous dénoncez. Le droit n'est, à cent pour cent, nulle part. Evidemment, pour montrer cela, Tolkien aurait pu choisir la solution la plus courante : montrer qu'il y a du bon dans le camp adverse. Au lieu de cela, il souligne les faiblesses de ceux pour qui il prend parti. La position n'est finalement pas si illégitime : de l'extérieur, on peut toujours penser qu'on se montrerait soi-même tolérant et miséricordieux envers ses ennemis. Une telle attitude n'est pas si fréquente en temps de guerre, où ceux qui nous agressent (et on verra toujours une agression, même si les choses sont souvent plus complexes) apparaissent le plus fréquemment comme des monstres. Dénoncer au contraire la part d'ombre de son propre camp, c'est finalement contourner le mur au lieu de vouloir l'enfoncer à coup de poing et cela peut être beaucoup plus convaincant.
Enfin, on ne peut que mettre l'accent sur la différence entre le traitement réservé aux orcs, et celui qui sera réservé aux hommes alliés à Sauron. Ceux-là se rallieront à Aragorn ; pour Tolkien, ils ont été trompés. Il ne les condamne en aucun cas. Quant aux orcs, ils ne sont plus humains. Ce ne sont pas tout à fait des armées de clones façon George Lucas non plus. Leur individualité, à défaut de leur humanité, apparaît, il est vrai, clairement. Leur massacre ne fait qu'ajouter à la peinture de l'aspect négatif du camp des hommes et des elfes. Une fois encore, je ne veux pas surcharger ce fuseau avec ce qui a été dit ailleurs, je vous renvoie donc à la discussion que j'ai déjà mentionnée.

Un dernier point, en attendant la suite du débat (que certes votre présence enrichit, et dont j'espère qu'elle continuera à le faire) : au sujet du mot nazgûl, Sosryko a eu la bonté de me citer une lettre de Tolkien, dans laquelle il affirme explicitement que la langue de Mordor est inspirée du gaélique, dont les sonorités lui déplaisaient (un petit tour en Grande-Bretagne celtique après examen des langues de Terre du Milieu permet aisément de comprendre pourquoi). En gaélique, "nasc" signifie "lien, collier" : ceci rappelle très nettement le lien à Sauron que constitue l'Anneau, et se trouve en parfaite cohérence avec l'interprétation globale du rôle de l'Anneau. Il semble part ailleurs que Tolkien ait considéré les fins de morts en g, rz, zg comme particulièrement disgracieuses (voir Gorbag, Lugburz...). Le mot nazg, d'où vient nazgûl, est en réalité une combinaison des deux.

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#42 21-09-2003 22:32

Coeur de Canard
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


Heu c'est qui le "nous" dont tu parles Ylla ?

Si c'est pour faire Isabelle Smadja contre le reste du monde (enfin JRRVF), autant arretez tout de suite.

L'interret potentiel de cette discussion n'est pas que des forumistes expliquent a IS pourquoi elle a irremediablement tord ou qu'IS expliquent aux forumistes pourquoi leurs critiques se reduisent a des reactions de fans outrages par la critique de leur fetiche (voir de reactions catholiques). On arrivera a rien comme ca n'y dans un sens ou dans un autre.

Peutetre qu'en posant des questions relativements precises a IS et si IS repond de maniere relativement precise, une problematique commune (meme si elle est partielle) pourra se degager. Peut etre, peut on degager deja des problematiques differentes et ouvrir les fuseaux ad hoc histoire de ne pas avoir des posts trop touffus (methodologie et bibliographie, motivations, tentation du mal, racisme, condition feminine, sexualite, apologie ou non de la guerre, JdR sont des sujets qui peuvent etre traite separemenent et les abordes ensemble dans un meme poste ou meme un meme fuseau c'est courrir le risque de la confusion).

Bref, Stop ou Encore ?
Et si on continue il faut definir un cadre minimum pour eviter la confussion.

CdC

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#43 22-09-2003 00:35

Ylla
Inscription : 2003
Messages : 173

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Tiens, Vincent, nos posts se sont croisés :). J'espère que ça ne va pas en faire trop...

CdC :

Le "nous" dont je parle ? Mais tu n'es absolument pas obligé de t'y inclure, CdC, je n'ai pas cité de noms :-). Lorsqu'il m'a semblé que mes arguments recoupaient ceux de certains autres forumistes (se reconnaît qui veut, après tout j'ai peut-être fait des contresens et je ne veux rallier personne malgré lui), j'ai pu employer le pluriel, il me semble avoir déjà précisé "reprenez-moi si je me trompe". Mettons que "nous" veuille dire "moi et ceux qui sont de mon avis", et si tu n'es pas de mon avis, aucun problème. Pouvons-nous refermer la parenthèse ?
Amicalement :)
ps : question "stop ou encore", je trouve pour ma part qu'on n'a aucune raison de s'arrêter maintenant, le débat commence juste !

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#44 22-09-2003 14:58

Mj du Gondor
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Messages : 574

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

A Isabelle smadja:
Je n’ai pas l’intention de faire un long plaidoyer en ma faveur. Mais je me permets cependant deux mots (trois peut-être) sur le propos car vous m’avez particulièrement et nommément mise en cause :
-Mon portrait « flatteur » n’avait pour but que de vous annoncer dans quels domaines et sous quel angle je comptais participer à la critique de votre livre. Je trouve votre réaction un peu épidermique pour une philosophe !
-Vous me faites l’honneur d’une analyse « psychologique » ! Je pourrais vous complimenter sur votre perspicacité si la solution de l’énigme n’avait été si évidente . Sachez toutefois que vous allez ravir certains habitués de ce forum ! 
-Démontrez-moi aussi en quoi le fait de trouver peu élégant d’ironiser sur l’espoir d’une créature angélique témoigne de mon intolérance ? Je n’ai pas apprécié votre humour, c’est vrai, mais parce que l’humour n’apparaît jamais dans le schéma de pensée que vous avez adopté dans votre essai  sur le SDA.

Mais revenons au sujet à savoir votre critique du SDA: Tout d’abord votre livre je l’ai lu et même plusieurs fois et si ma réaction est si vive c’est que je le trouve pernicieux. Je ne l’ai jamais sous-estimé ; vous savez manier les arguments et leur faire dire autre chose que leur vérité. Je citerai pour exemple cette façon dont vous avez exploité les mythes pour accréditer votre thèse sur le pessimisme de l’œuvre ou cet autre épisode où vous oubliez le crime de Gollum afin de satisfaire votre démonstration sur "le mythe de l'homme d'en bas"(l'homme du peuple)pour vous en souvenir brutalement dans le chapitre suivant et exploiter le mythe de Caïn.

Vos opinions sont discutables c’est d’ailleurs ou ce devrait être l’objet de ce débat, mais peut-on discuter lorsqu’il y a mauvaise foi ?

Mais soyons constructifs : sans remonter trop loin dans ce fuseau: Aux propos de d’Ylla(Vanessa) sur le conservatisme de Tolkien qu’elle défend d’idée fascisante  pour ne retenir que ses réticences au progrès, vous nous renvoyez au chapitre sur  « l’invisibilité » qui m’a semblé le plus difficile, obscur et ambigu, et aux discours opportunistes qui ont favorisé l’installation du Nazisme. Certes vous ne pouviez que constater qu’il était prononcé par Saruman et que par conséquent Tolkien en condamnait les termes.  Mais pourtant dans votre conclusion je relève : « En lisant le Seigneur des Anneaux les amoureux de Tolkien trouvent ce qu’ils seraient bien en peine de trouver ailleurs : la poésie de la guerre et de la Dictature, les quartiers de noblesse littéraire de l’attrait pour le mal ».
Changeriez-vous aujourd’hui cette partie de votre conclusion ?
Mj (Marie Jeanne)


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#45 22-09-2003 03:14

Vinyamar
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Messages : 1 813

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame Smajda,

sachez que nous sommes réellement heureux et honorés de vous avoir avec nous sur ce forum, et que nous* espérons que nous pourrons dialoguer encore avec vous. Certains message, je le vois, doivent être déplaisant à lire, nous espérons que vous vous trouverez de quoi nourrir une discussion adulte avec les autres contributions.
Et nous sommes heureux de vous comtper parmi nous non pas pour pouvoir nosu défouler et exercer à votre encontre un tir au pigeon indélicat, mais bien de pouvoir discuter avec un opposant ferme à l'admiration que nous avons pour celui que nous appelons parfois le Professeur. Mais discuter avec un interlocuteur, comme vous, qui a des arguments, et croyez bien que certains me touchent.

* beaucoup d'entre nous (principe de précaution...)


Je comprend très bien, pour commencer, que vous n'ayez lu le Silmarillon que dans un souci professionel et sans plaisir, c'est une littérature particulière, et je vous dit bravo pour le travail que vous avez voulu fournir. Du reste, votre travail portait sur le Seigneur des Anneaux, lire le Silmarillon peut aider à comprendre mais n'était pas un élément requis. j'espère que notre débat se limitera donc bien au SdA et non à toute la littérature de Tolkien, votre livre ne l'ayant pas attaqué.

Comme d'autres l'ont fait remarquer, votre dernier message était un peu surprenant dans sa virulence. J'ai cru voir soudain tout un fiel que vous aviez besoin de dévider, tout un sourd ressentiment contre beaucoup de contrariétés. Après tout, cela est excusable, certaines attaques à votre encontre n'ayant pas été très correctes. Mais nul ici ne pensait que cela aurait aucune incidence sur vous. Comme en témoigne Alfonso, dont j'admire ici les excuses qu'il vous a adressé, personne ne pensait se trouver un jour face à vous.

Je suis d'accord avec vous concernant le fanatisme de certains lecteurs de Tolkien. Ceux-là sont souvent des ignorants qui se croient savants, ceux qui hurlent contre la traduction de Ledoux sans avoir lu l'original, ou qui ne supportent pas en effet que l'on porte atteinte AU Livre !
J'ai été tout particulièrement touché par votre description, que je préfère citer:

"La relation que certains entretiennent avec cet auteur tient plus de la croyance, de la foi et de la passion que de la seule rationalité, en ce sens qu’ils y cherchent la confirmation du sens qu’ils ont donné à leur vie"

C'est à mon avis tout à fait exact, et l'expérience s'est renouvelée plusieurs fois sur ce même forum. Je me limiterai pour mon compte à l'idée de passion. La foi et la croyance sont des choses bien différentes, qui ne sont pas applicables sur les oeuvres de Tolkien.
Et comme je vous le disais plus haut, je vous suis gré d'avoir voulu (dans votre dessein) avertir les lecteurs que le SdA contenait des dangers. Comme je le disais aussi, je trouve dommage que vous n'ayez pas précisé à qui s'adressait, donc, votre ouvrage. (peut-être pour une réédition ? :-) )
Mais je suis très supris par l'amalgame que vous faites pour fustiger aussitôt Mj du Gondor.

me trompé-je en pensant que vous avez baigné dans une atmosphère religieuse durant toute votre enfance et que vous retrouvez, plus ou moins consciemment, chez Tolkien les sources chrétiennes dont vous vous êtes peu à peu éloignée ? Attaquer le SdA, c’est pour vous, mais pour d’autres également – dont Vinyamar , me semble-t-il, attaquer votre jeunesse, ainsi que votre manière de concilier votre culture catholique et votre engagement d’athée

Vouloir corriger et mettre sur la bonne voie les lecteurs qui croient trouver dans le SdA la confirmations de leurs propres croyances ou sens de la vie est très louable, et de nombreux autres livres (en anglais) l'ont tenté. Mais la chrétienté de l'oeuvre ne fait pas beaucoup de doute, et de l'avis de l'auteur, et de ses proches à l'époque, et de ceux qui l'ont étuidés très pointilleusement par la suite, et de nos propres études auourd'hui (et celles de certains autres auteurs: Didier Rance et Gregory Solari par exemple). Vous réfutez violemment cet aspect, mais surtout votre violence se disperse et s'en prend à Mj du Gondor loin, très loin de ce qu'elle méritait.
Et je vois mal comment vous passez d'un«C'est drôle n'est-ce pas, mais dans sa bouche je trouve le trait choquant ! » (le trait en question étant celui de trouver la résurection de Gandalf et l'espérance que cela donne plus moderne que la figure d'un Dieu tout puissant, si j'ai bien compris.
(Je ne commenterai pas cette conclusion pour le moins paradoxale ici (on verra...),))
...pour en arriver à un : "tout ce qui sort de ma bouche ne pouvait être que du fiel, bref, que comme les Orques, ma langue est, quoi qu’elle dise, hideuse".

Puis vous renchérissez sur l'intolérance abominable dont elle fait preuve, à vos dire, tandis qu'elle se prétend pleine de tolérance. C'est là un couplet trop entendu pour ne pas déceler aussitôt son origine, d'autant plus qu'elle ne peut provenir du message de Mj qui ne s'y prétend ni tolérante, ni porteuse de valeurs "catholiques" (elles n'a pas mentionner ses valeurs, seul son prénom lui a valu votre verve).
Ce que je vois ici, j'espère me tromper, c'est une haine ou une incompréhension démesurée, envers un interlocuteur qui selon vous reflète des valeurs chrétiennes.
(Ma jeunesse se porte très bien, je vous rassure en passant).
Et puisque vous pensiez voir dans la culture catholique de sa jeunesse la "clef d’interprétation" de la haine (invisible) qu'elle éprouve à votre égard (j'ai plutôt lu d'elle des messages courtois à votre endroit, bien qu'un peu critiques, ce qui est le but de ce fuseau), permettez moi de voir à mon tour dans votre radicale attitude à son égard la clef d'inteprétation de votre dessein à travers ce livre. L'encensement, dans un autre de vos livres, des Harry Potter, ne fait que me conforter dans cette clef d'interprétation.

Vous dites que l'on vous avait déconseillé d'écrire en mal sur Tolkien à cause de ses fanatiques. Je veux bien vous croire, mais ils sont bien moins nombreux que les autres, il me semble. Vous alliez aussi plaire à beaucoup de personnes très méfiantes vis-à-vis du SdA.

Vous dites que la réception de Tolkien n’est pas du même ordre que la réception d’un auteur classique. c'est un autre argument auquel je susi sensible et qui est vrai. Mais Tolkien n'est pas un auteur classique comme les autres, et je vais tout à fait dans votre sens à ce sujet: Tolkien n'a rien d'un auteur classique. Ses oeuvres sont, selon ses propres termes, des "monstres", et il a renouvelé un genre littéraire qui ne vivait plus pour l'inclure dans la littérature moderne. L'étude de ses sources est un voyage sans fin, l'étude de ses langues est pour certains un plaisir aussi rare et singulier que la confection de maquette de trois mâts, et le débrouissalage de ses textes sont un jeu auquel nous nous adonnons, et qui est permis à cause de l'aspect incomplet (malgré tout) et monstrueux de l'oeuvre.
(et en passant, j'ai rencontré plusieurs fan de Victor Hugo qui portaient des T-shirt des misérables ou qui se donnaient réellement des pseudos venant du livre... comme quoi...!)

Vous vous plaignez aussi qu'on ne puisse critiquer Tolkien sans être traîiné dans la boue.
Encore une fois, je vous redis combien je suis désolé qu'il existe des fanatiques de Tolkien qui ne peuvent accepter de remise en cause. Maintenant je n'ai pas lu que Semprini vous aie traîné dans la boue. Mais lutter contre des arguments erroné me semble tout aussi honnête, intellectuellement, que d'en donner pour réveiller les fan au sujets de potentiels dangers dans l'oeuvre.


Oui, il y a des choses imparfaites dans le livre, il y a des morceaux obscurs. Oui, Tolkien est conservateur et il y a une forme de pessimisme dans l'oeuvre (à modérer cependant) auquel un lecteur doit faire attention. Oui enfin, il y a une forme de manichéisme dans le SdA, si l'on défini ce qu'on entend par manichéisme (voir le fuseau que j'ai lié plus haut en l'intitulant: un monument. C'est la conclusion à laquelle nous étions arrivé). Encore faut-il pour en avertir des lecteurs mettre le doigt sur les vrais arguments
Encore faut-il aussi pouvoir étudier le fait sans virulence ni exagération, mais en professionel, sans passion.

D'autres accusations ne tiennent pas la route, mais méritent d'être étudiées: c'est le cas du racisme. La question, dans notre société aux aguets en tout cas, mérite d'être posée. On peut se tromper aussi en tentant d'y répondre, c'est humain non ? ("rien de ce qui est humain ne m’est étranger" citez-vous ailleurs...), c'est votre droit. C'est le nôtre de tenter de détordre ce que vous avez "trop tordu" (selon votre image).


Je me sens obligé de me répéter (n'ayant pas reçu réponse (mais vous êtes innondé de messages, c'est bien compréhensible): vous préférez voir une contradiction au sein de l'oeuvre de Tolkien entre son discour et les faits qu'il met en action, qu'un message plus subtil qu'il n'y paraît. Oui, la littérature moderne ne nous a pas beaucoup habitué à une vraie subtilité (pardon Semprini, je n'ai pas tout lu et tu me corrigeras, mais parlons de la littérature moderne qui a du succès), mais je pense plutôt, pour ma part, que si le discour que Tolkien fait tenir à ses personnages n'est pas en accord avec ce qui advient réellement, c'est peut-être que cela a quelque rapport avec la réalité, ou les discours sont très beaux aussi, mais la réalité l'est moins (on peut même parler du racisme si vous voulez !!!!!!!).

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#46 22-09-2003 03:26

Vinyamar
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Coeur de Canard, je me permet de te faire remarquer que je ne trouve pas très courtois de s'adresser à son interlocutrice à la 3eme personne et de lui fabriquer un raccourci de pseudo en "IS" (je ne l'ai pas vue signer de la sorte...).
Je suis heureux de sa présence sur le forum, et de son opposition (qui peut être enrichissante s'il y a un vrai dialogue), je doute que ta façon d elui parler lui soit agréable.

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#47 22-09-2003 10:47

Coeur de Canard
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja



Viny': en fait, je me suis pose la question. Comme j'aime pas trop la formule Isabelle Smadja contre le forum ,je prefere m'adresser au forum en generale. Bon IS pour Isabelle Smadja me semble assez neutre. C'est en fait le ton que je cherche, histoire d'eviter un ton trop formel qui sied mal avec les discussions sur le net.

Ylla: que chacun parle pour lui meme, ca simplifiera les choses.
Mais si on doit continue faut trouver un moyen que ca vire pas a l'invective (ce qui a commence d'ailleurs)

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#48 22-09-2003 11:41

Isabelle Smadja
Inscription : 2003
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Juste un petit message pour vous dire que je reprendrai la discussion – celle des arguments, non des invectives - à la fin de la semaine, pas avant. J’ai trop de travail et même si, vous l’avez compris, ce sujet me tient à cœur, je ne peux y consacrer de temps dans la semaine. Vous pouvez m’appeler IS ou Isabelle Smadja, peu importe, du moment que vous m’avez reconnu comme une personne ayant droit à sa dignité – ce qui n’était pas si évident que cela auparavant, accordez-le moi. Je vous promets de faire mon possible pour que les attaques personnelles cessent (Vinyamar m’a un peu défendu, en rappelant qu’il s’agissait pour moi d’une forme de catharsis ou de défoulement ; mais  je reste persuadée que le titre de l’article de Semprini avait sa part de responsabilité en attaquant dans son titre ma personne et son absurdité). Je suis consciente de l’effort que chacun consent ici et je vous en sais gré.
Un argument peut-être avant de vous quitter :
De 3 choses l’une : soit Tolkien était philologue, conscient de l’affinité entre les 3 premières lettres du mot nazgul et les 3 premières lettres du mot nazi. Et en philologue compétent, il ne pouvait ignorer que s’il ne voulait pas qu’on s’interroge sur cette affinité, il lui fallait chercher un autre mot moins chargé de cette connotation
Soit Tolkien était un philologue particulièrement incompétent pour ne même pas avoir vu le rapport existant entre nazgul et nazi
Soit il n’était pas philologue.
Faut-il préciser que je penche pour la première solution ?

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#49 22-09-2003 12:06

Coeur de Canard
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Messages : 445

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


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Je propose qu'on laisse le fuseau en etat en attendant la prochaine contibution d'Isabelle Smadja. Histoire que les questions, remarques, et arguments qui lui sont addresses ne s'accumulent pas trop et pour lui permettre aussi de developer plus longuement les reponses qu'elle a deja donne, et peut etre de prendre le temps pour se familliariser avec certaines des contributions du forums (nombres des themes de son livres ont deja fait l'objet de debats plus ou moins anime sur le forum).
Personnellement je souhaiterais que la discussion reprenne dans differents fuseaux thematiques (eg le SDA et les femmes, le SDA et le racisme, la tentation du mal, methodologies...)

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#50 22-09-2003 02:02

vincent
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

>Personnellement je souhaiterais que la discussion reprenne dans differents fuseaux thematiques (eg le SDA et les femmes, le SDA et le racisme, la tentation du mal, methodologies...)

non, on ne peut pas disperser la discussion sans nuire à son efficacité

Vincent

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#51 22-09-2003 02:21

Ylla
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Messages : 173

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Nazgul = nazi : seigneur dieu, j'abandonne ! J'aurais beaucoup à dire sur la démarche d'un auteur assez attaché à son oeuvre pour n'en fournir de son vivant au public qu'une partie réduite, par rapport à ce qu'il aura écrit pour sa propre satisfaction, et dont par conséquent je suppose qu'il aura créé ses langues en toute honnêteté avec lui-même, selon le même principe qui lui a permis de construire les langues des Elfes (en se basant sur des principes d'euphonie, tout d'abord) ; enfin les "auteurs à message" sont rares, très rares, et en général l'écrivain a d'autres préoccupations en tête, et c'est tout nier de ce qui peut faire la singularité de sa démarche que de lui plaquer des raisonnements improbables, quitte dans le pire des cas à se raccrocher à un éventuel message de son inconscient pour se justifier, et il reste encore beaucoup à dire sur la soi-disant évidence selon laquelle le critique a toutes les leçons à donner à l'auteur au sujet de son oeuvre et peut même le contredire... Mais ni vous ni moi n'arriverons à convaincre l'autre, les preuves des deux parties étant épuisées. Je ne poursuivrait donc pas sur ce point un débat qui ne peut plus que rester stérile.

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#52 22-09-2003 02:51

Lambertine
Inscription : 2002
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Chère Madame Smadja,

Malgré la proposition de Coeur de Canard, je me permet de répondre aujourd'hui à vos derniers posts. Si vous me le permettez, et sans attaque personnelle aucune.

Premièrement, en ce qui concerne les attaques personnelles, restons en là, s'il vous plaît. Je sais que Vincent ou MJ sont suffisemment grands pour se défendre seuls, mais je n'aime pas qu'on attaque ceux que j'aime. Même s'ils sont aussi politiquement et idéologiquement éloignés de moi que Marie-Jeanne. Une Marie-Jeanne qui n'a fait que se présenter et qui est effectivement athée ( en quoi est-ce flatteur ? ), antiraciste ( sa vie en témoigne ) et engagée dans la défense du monde du travail.

Deuxièmement, le site : nous ne menons pas ici un "combat contre les pourfendeurs de notre idole ". Ce serait d'ailleurs le dernier endroit où le mener, car nous ne prêcherions que des convaincus. Et si certains fuseaux traitent de la couleur des yeux d'un personnage, c'est en général en réponse à des arguments genre " Legolas a les yeux bleus donc c'est un bon Aryen". Qu'il y ait parmi les Tolkiendili des "fans débiles", c'est vrai. Celà irritait d'ailleurs au plus haut point Tolkien lui-même. Que nous soyons tous une bandes d'obtus ... je vous invite à lire certans fuseaux de la section légendaire, pour vous faire une idée de notre diversité et de l'ouverture d'esprit et de l'érudition de certains d'entre nous. Et qu'on ne vienne pas dire qu'on attaque ma jeunesse en attaquant un auteur que j'ai découvert à quarante ans passés.

Troisièmement : la guerre chez Tolkien, ou plus particulièrement dans le SdA et la réalité.
Je vous l'ai déjà écrit, et je le répète sans agressivité aucune : vous êtes beaucoup plus optimiste que moi quant à la nature humaine. Oui, dans l'Histoire, il y a eu des peuples conquérants, qui attaquaient sans autre raison que la conquête elle-même. Certes, dans la plupart des guerres, la situation est plus complexe. Et aucun peuple n'est totalement mauvais. Mais les peuples peuvent être fanatisés à outrance. Mais l'invasion sans raison existe. Le Japon militariste des années 30, la Rome de César, les Conquistadors au Pérou, n'envahissaient ni pour se défendre, ni pour "offrir la civilisation à ces pauvres sauvages". On peut le regretter, mais c'est ainsi. Il y a plus d'un Sauron dans l'Histoire. Et le Seigneur des Anneaux n'a jamais prétendu être un lvre prônant le pacifisme. Ce n'est pas 'Tout le monde il est beau" parce que le monde n'est pas beau, ou il n'est pas que beau. Le SdA dit que parfois il est juste de se défendre, parce que, parfois, il est juste de se défendre. Le Seigneur des Anneaux, çà commence comme "La Petite Maison dans la Prairie"... mais tout n'est pas rose non plus, dans la prairie.

Quatrièmement : " Nazgul" = Nazi ? Et alors! Peut être que oui, peut être que finalement, non, dans les années cinquante, Tolkien n'a pas "relevé" la similitude. Curieusement, à cette époque-là, l'on était beaucoup moins obsédé qu'aujourd'hui par le nazisme.

Cinquièmement : le féminisme. J'ai déjà dit plus haut ce que je pensais d'Eowyn. Je l'aime bien, mais je ne me reconnais pas dans son combat, et j'estime ( et j'estimerai toujours ) que la place d'une femme n'est pas l'épée ( ni le fusil mitrailleur ) à la main, et que le fait d'avoir la responsabilité d'un peuple pendant l'absence du Roi n'est pas une cage. Sans doute suis-je rétrograde, mais je l'assume.

Michèle

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#53 22-09-2003 15:29

Semprini
Inscription : 2000
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame Smadja,

Permettez-moi de préciser quelques points.

1. Je n’ai jamais entendu réviser le compte-rendu que j’ai fait de votre ouvrage. Je n’en vois nullement l’intérêt. Et si j’en avais eu l’intention, ce n’est pas votre interview sur ce site qui m’y aurait incité, puisque ce-dernier reprend sans la modifier l’argumentation défectueuse de votre livre. Il se trouve simplement que je travaille depuis le mois d’août sur un article à caractère général qui développe certains des sujets abordés dans mon compte-rendu. Voilà ce à quoi je faisais allusion plus haut. Quant à mon commentaire relatif à la piètre qualité du compte-rendu, il relève du trait de caractère : je suis un juge sévère de mon travail, qui me paraît toujours assez médiocre. Et si je crois que mon compte-rendu l’est particulièrement, je gage que c’est parce qu’il reflète la piètre opinion que j’ai de votre livre. Car s’agissant du fond, sachez que je ne retire rien de ce que j’ai dit : votre livre me paraît absurde quant à ses conclusions, douteux quant à la méthodologie, non convaincant quant à ses arguments, et fondé sur des prémisses erronées.

2. Je suis navré que le titre de mon compte-rendu vous ait blessé, ce n’était pas mon intention. C’est je crois le ton vindicatif de votre livre et sa nature pamphlétaire qui m’ont amené à le choisir, non le fait que vous critiquiez Tolkien (comme je vous l'ai dit, je ne suis pas un "fan" qui "adore" Tolkien de façon irrationnelle, il fait juste partie mes écrivains préférés). Car le pacte tacite dont vous mettez la rupture à mon compte, c’est vous qui l’avez rompu, Madame: Votre livre ne vise pas uniquement Tolkien ; il trace un portrait plein de mépris de ses lecteurs, vus sous le jour d’inquiétants joueurs de jeux rôles assouvissant leurs fantasmes belliqueux sur le plan de l’imaginaire ; il pose comme une vérité cette généralisation non argumentée. (Or, Tolkien n’est pour rien dans la pléthore aujourd’hui de jeux violents où le but est de tuer le maximum d’adversaires ; je ne comprend pas pourquoi il faudrait lui attribuer la paternité d’un travers de la civilisation occidentale, qu’il aurait certainement lui-même condamné s’il avait été toujours vivant). Bref, vos digressions sur les lecteurs de Tolkien sont ce qui a rompu depuis longtemps le pacte que vous évoquiez.  Ce qui m’amène à mon troisième point, l’accusation de communautarisme.

3. Pourquoi croyez-vous, Madame, qu’il y ait autant de sites internets sur Tolkien ? Parce que l’université et les cercles académiques ont exclu Tolkien de leur champ d’étude, dès la parution du Seigneur des Anneaux. Ils lui ont dénié le droit à cet espace de débat littéraire académique (au travers de revues et de livres), réservé à tout auteur et dont bénéficient Hugo et Balzac. Pourtant, la publication par Christopher Tolkien des notes de travail de son père, et l’abondance correspondance de Tolkien en faisaient un candidat parfait pour les tentatives d’exégèses universitaires. Mais la sentence d’exclusion prononcée par l’establishment littéraire a jeté Tolkien dans les bras de ses lecteurs qui, tant bien que mal, se sont efforcés de recréer cet espace de débat, à leur manière, enthousiaste et maladroite. Comprenez-donc que si communauté il y a, elle a été forgée par la réaction initiale des cercles académiques, non par les lecteurs. La lecture de votre livre est à cet égard révélatrice. Il donne à voir une interprétation communautaire a priori des lecteurs de Tolkien, les contraignant tous à être parqués dans une catégorie peu flatteuse. Cette approche communautaire du lectorat tolkienien, qui est pourtant extrêmement divers, vous semblez d'ores et déjà l’avoir appliquée à JRRVF, dans la sûre conscience de la qualité de votre jugement, qui a en outre des prétentions psychanalitiques. Pourtant, JRRVF n’est pas une communauté mais un lieu de rencontre convivial et agréable. Dès lors, une question se pose : Où placez-vous, Madame, au sein de votre ordonnancement des lecteurs de Tolkien, ceux qui, comme moi, sont des individualistes rétifs à l’idée de communauté, de gauche et irrémédiablement athées ? Où mettez-vous ceux qui, comme moi, se retrouvent entièrement dans votre mise en garde selon laquelle « il y a dans le monde géopolitique actuel des formes différentes de violence et de cruauté ; on ne peut s’en tenir à cette position fort confortable, certes, mais dangereuse, qui consiste à ne voir d’un côté que des monstres de guerre, et de l’autre des gens courageux ou lâches qui se défendent contre les monstres ? ». Permettez-moi de reprendre votre formule à mon compte, mais de vous demander, vraiment, ce que Tolkien vient faire dans les rapports géopolitiques actuels et dans le combat qu’il y a à mener. Si toutefois vous tenez absolument à vous engager sur ce terrain-là, sachez que Tolkien était opposé à l’hégémonie américaine et en faveur du multiculturalisme. Une image qui m'a paru assez forte a circulé sur certains sites tolkieniens l’année dernière : elle montrait G.W. Bush portant l’Anneau, avec la légende suivante : « Frodo a échoué. » Quelle meilleure preuve que Le Seigneur des Anneaux dénonce bien La tentation du Bien? :)

4. Je vous sais gré, Madame, d’être venue défendre votre livre ici. Je trouve cette démarche courageuse. Un mot cependant : évitez les attaques personnelles et gratuites. Cette règle de bienséance nécessaire à la bonne tenue d’un débat sur Internet que nous nous efforçons de respecter ici (pas toujours avec succès hélas), vaut pour vous comme pour les autres.

5. Si je me suis permis dans le début de ce post de répondre à titre personnel suite à une de vos remarques, je souhaite que nous mettions de côté les arguments de personne. Je vous propose donc de poursuivre ce débat en nous recentrant uniquement sur les arguments liés au Seigneur des Anneaux et à votre livre. Comme CdC, je suggère que nous attendions vos réponses, notamment sur mon point 3.

6. Dernière chose : Il y en a ici de bien plus « sages » que moi. :)

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#54 22-09-2003 16:35

Silmo
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Mme Smajda a écrit: "Attaquer le SdA, c’est pour vous, mais pour d’autres également – dont Vinyamar , me semble-t-il, attaquer votre jeunesse, ainsi que votre manière de concilier votre culture catholique et votre engagement d’athée"

Bigre !!! Je m'attendais à ce que Vinyamar réponde sur son "engagement d'athée"  :-)))  :D WRAF  :D WARF   :D WARF

Mais passons... je voudrais revenir à une des questions posée à plusieurs reprises à Isabelle Smajda.

On vous a souvent demandé, Madame, ce que vous aviez vous lu de Tolkien; et je souhaiterais prolonger cette question en vous demandant si vous avez lu ses ouvrages dans leur traduction française ou en version originale? Tout bêtement parce qu'il me semble que la réponse est importante pour savoir comment vous avez évalué la qualité littéraire de Tolkien..... En effet, bon nombre de poèmes ou parties versifiées de l'oeuvre en anglais valent bien leur pesant d'alexandrins du père Hugo.

(il est amusant que l'auteur des Misérables ait été cité en comparaison à Tolkien si l'on pense d'une part au dilemne qui envahit l'esprit d'un Jean Valjean - sa fameuse Tempête sous un crâne - et d'autre part, à l'état schyzophrénique d'un Sméagol/Gollum)

Sans vous infliger la lecture dans le texte de "The Lay of Leithian" qui vraisemblablement vous rebuterait (quoiqu'en VO, quand même.... - que tous les traducteurs, y compris ceux du forum, veuillent bien me pardonner - c'est autre chose!!!), sans vous infliger cela donc, reprennez seulement, je vous en prie, la lecture du poème de l'Anneau  dans sa version originale (anglaise et non en Noir Parlé): un travail d'orfèvre, si j'ose dire... et puis délectez-vous ensuite de quelques-uns des chants qui apparaissent par-ci, par-là dans le SdA....

François (alias Silmo)

PS: Je ne saisis pas bien, Madame Smajda, ce qui vous gêne dans les pseudos adoptés par beaucoup des forumistes ici présents. Est-ce le phénomène du pseudo lui-même pourtant fort répandu sur la toile - encore que je ne connaisse pas beaucoup de forum de discussion consacrés à Hugo et contenant quelques milliers de message comme on en trouve  sur JRRVF (quelques milliers exception faite des fuseaux consacrés à l'adaptation cinématographique et aux agapes de plusieurs intervenants dans le sud-ouest) - ou bien est-ce le seul fait que sur un forum consacré à Tolkien, des intervenants utilisent, pour pseudo, des noms du Légendaire auxquels ils sont attachés? S'identifient-ils aux personnages? Pas sûr... et quand bien même...

Tous ici n'aiment pas les pseudos, à commencer par un intervanant régulier qui prit un jour soin de citer un passage de "L'Ecole des Femmes":
Quel abus de quitter le vrai nom de ses pères,
Pour en vouloir prendre un bâti sur des chimères!
De la plupart des gens c'est la démangeaison ;
Et, sans vous embrasser dans la comparaison,
Je sais un paysan qu'on appelait Gros-Pierre,
Qui, n'ayant pour tout bien qu'un seul quartier de terre,
Y fit tout alentour faire un fossé bourbeux,
Et de monsieur de l'Isle en prit le nom pompeux.


Las! Comme le fit si judicieusement remarquer notre ami Vinchmor (Yann), la belle citation était effectivement de Molière, mais n'était-ce pas le pseudo de plume d'un certain Jean-Baptiste Poquelin :-)


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#55 22-09-2003 16:52

Coeur de Canard
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


Je voudrais pas parraitre desagrable mais IS dans son bouquin cite le poeme en francais et en anglais  (en soulignant que la vo accentue l'effet poetique, cette puissance poetique est meme une part de son argumentation). Par ailleurs la biblio donne une ref pour l'edition anglaise.
Par contre on peut se demander si Silmo a lu le bouquin d'IS.

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#56 22-09-2003 17:19

Silmo
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Non CdC, je ne l'ai pas lu (est-ce une tare? Un manque impardonnable de culture?). Ayant d'autres dépenses plus urgentes à programmer dans les librairies, j'attends juste l'occasion de l'emprunter dans une bibliothèque. Et c'est précisément parce que je ne l'ai pas encore lu que je me garde bien d'émettre la moindre critique à son sujet. Si j'ai deux ou trois idées sur les questions que, paraît-il, ce livre pose, je le ferai plus volontiers dans les fuseaux consacrés aux dits sujets que dans celui-ci qui est consacré aux opinions de Mme Smajda (en attendant de lire, un jour, son bouquin, je distinguerai ses opinions sur Tolkien et ses lecteurs d'une part -que je ne commenterai pas - de ses opinions sur les membres de JRRVF d'autre part, que je ne me priverai pas de critiquer si ça me chante, ne t'en déplaise).
Merci, au passage, d'avoir répondu à la question que je me posais : Mme Smajda aurait bel et bien lu le SdA en VO et n'en mesurerait pas pour autant la qualité littéraire... soit ...!

Silmo

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#57 23-09-2003 14:28

Vinyamar
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Silmo :-D ;-)))

je ne veux faire qu'une très brève intervention, au sujet du 'naz' du nazgûl et du nazi.
J'écris un roman dans lequel j'ai imaginé un nom de pays d'Elfe, nommé Aïr, que j'ai modifié plus tard en Aïrenor. J'ai découvert presqu'au même moment qu'Aïr était une montagne d'Afrique du Nord. Va-t-on interpréter un jour (en imaginant bien sûr que ce roman soit édité et que quelqu'un fasse attention aux détails) que j'ai associé le pays des Elfes aux majestueux paysages africains ?
Je le sais, et ait pourtant choisi de garder ce nom pour d'autres raisons, et je ne doute pas que Tolkien ait pu agir de même.
je ne nie pas non plus que dans sa bouche le mot nazi devait évoquer aussitôt l'horreur, celle qu'il a voulu donner à ses nazgûl. En bon philologue, Tolkien savait certainement ce qu'évoquait la sonorité 'naz' à son époque, et cela a bien pu l'influencer (tout comme le mot 'mort' dans les sonorités en 'Mor' de ses mondes imaginés, bien que 'mort' soit aussi un mot anglais pour désigner l'hallali, soit la mise à mort.)
De là à penser que "nazgûl" provient du mot nazi, il serait besoin d'une tout autre argumentation.

Cependant, dans la lettre 153 Tolkien explicite un peu le lien qu'il fait entre les orques et les peuples dénaturés par leur tyran. Un lien implicite se crée entre les nazis et les orques. On est à 1000 lieues d'un éventuel racisme, mais pas très loin d'un rapprochement entre le monde du Mordor et les nazis.
Pour autant, et l'esprit de la lettre à laquelle je fais référence est clair, le rapprochement est d'ordre métaphysique (sur la nature de l'homme) et non politique ni même idéologique.

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#58 23-09-2003 06:59

greenleaf
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Isabelle, vous savez bien que ce forum veut vous entendre, et si par hasard vous croyez déceler dans le ton des réponses la preuve du contraire, sachez que vous faites erreur : vous êtes critiquée à votre tour, sévèrement critiquée, mais on vous accorde en général, je pense, le respect. C'est une excellente chose - pour vous - de vous être manifestée : vous éviterez d'être victime de la mesquinerie toute naturelle de ces êtres humains des deux sexes, tous très égaux pour la plupart, qui vous ont malmené - non pas sans avoir lu votre livre, mais en croyant qu'ils ne seraient pas lus par la seule personne qui puisse vous défendre ici, c'est-à-dire vous-même.Vous m'avez cité en exemple - ce qui ne m'honore nullement, n'en déplaise à Vinyamar, puisque je ne vous connais pas - parmi ceux qui critiquent sans avoir lu, et vous avez bien visé ; mais vous faites bien de ne pas m'en inculper, mon message ne vous condamnait pas catégoriquement ; je me suis référé aux propos que vous avez tenu dans l'interview et que vous défendez. Vous me citez : "Voilà, si j'ai bien compris, ..." Car je n'ai pas lu votre livre, qui, heureusement ou malheureusement, n'a toujours pas gagné le pays des castors, et je prends bonne note des extraits que vous en avez donné. En vous référant à "Greenleaf, et beaucoup d'autres", vous colorez mes propos : je ne vous ai jamais accusé de malhonnêteté intellectuelle. Si votre étude ne se limitait pas à l'aspect qui fait ici l'objet de critiques sévères, c'est-à-dire l'analyse "idéologique", mais qu'elle se déployait sur d'autres plans, on n'en a pas parlé, et on n'en a pas fait l'éloge ou la critique. Ce qui serait injuste, c'est vrai. Mais en ce qui concerne cet aspect-ci, je crois connaître suffisamment vos idées pour être en mesure d'émettre une opinion. Si les jugements que portent Semprini et Vincent Ferré me portent à croire que je ne serais guère en accord avec la thèse que vous proposez dans "Tolkien ou la tentation du mal" (un titre que vous n'avez pas choisi au hasard - je suppose toujours), c'est qu'ils ont tous deux prouvé par le passé leur crédibilité. Le portrait que vous dressez de Vincent m'amuse, non seulement parce que je le connais mieux que vous, mais parce que j'aime votre façon de vouloir percer les gens à jour, tout en nous livrant vos secrets : j'ai moi-même ce penchant courageux et souvent fatal. Mais vous vous trompez encore une fois, et puisque votre but était de l'attaquer, je ne lui reprocherai pas de vous avoir offert sa réponse... Quant aux autres, que vous jugez intolérants et qui prouveraient votre hypothèse, je me permets vous offrir, sans preuves à l'appui, le gros bon sens bien de chez nous : tous les hommes sont des Orques, Tolkien ou pas Tolkien, et si vous aviez vu dans le Seigneur des Anneaux un idéal à suivre, cela ne ferait pas de "nous" des anges. Le pouvoir des mots a des limites, Isabelle. Et puisqu'une certaine Leni vient de nous quitter pour gagner son Valhalla, disons pour rester dans le ton que les images ont un pouvoir infiniment plus évocateur aux yeux de la bête humaine, en cette époque tristement télévisuelle.

Je sais pour avoir côtoyé les gens de ce forum de temps à autre - et ceux de d'autres sites tolkieniens - que la majorité ont une mentalité gau-gauche à mille lieues du portrait d'illuminés que vous dressez. Pour ma part, je ne donne pas dans l'"exégèse" ; épargnez-moi donc une généralisation hâtive. Vous faites pourtant une remarque intéressante en disant que la passion pour Tolkien (que vous qualifiez de fanatique - permettez-moi de ne pas le prendre à mon compte) se traduit par une série de pseudos et de discussions pointues sur tel ou tel détail de la mythologie, ce qui n'est pas le cas pour les autres auteurs. Il faut dire d'abord que Tolkien ne suscite pas l'enthousiasme de la plupart des critiques "sérieux" et que, pour beaucoup, il ne s'agit pas de littérature proprement dite : voilà pourquoi ces intellectuels dédaigneux, à qui on réserve le droit de parole en ce qui oncerne les auteurs "classiques" - ne commente pas Camus qui veut ! -, ne se présentent pas ici sous les atours d'Elrond pour jeter de la poudre aux yeux à la masse d'adorateurs tolkienniens. L'establishment littéraire français s'attarde très peu à Tolkien, et il n'est pas surprenant que JRRVF et autres tiennent une place aussi importante dans les débats. Cet auteur suscite l'enthousiasme populaire, ce qui n'est jamais bon signe - la notoriété doit être posthume et limitée à un cercle d'érudits. Mais vous, vous n'êtes pas de ceux-là ; vous assimilez plutôt cette popularité à celle des religions. Vous êtes une originale, et vous méritez certainement une tape sur l'épaule. Vous devriez dire, pour présenter l'ensemble du tableau, que la formule littéraire employée par Tolkien, c'est la création d'un monde secondaire qui soit convaincant tout en étant différent du notre - cela est assez bien documenté, vous en avez connaissance -, ce qui le distingue des ces auteurs "classiques" dont vous parlez ; et que cela explique en partie le phénomène d'"exégèse" tolkiennienne et l'identification du lecteur à certains personnages du livre, que beaucoup s'"approprient" à la lecture tellement ils sont submergés par la Création de Tolkien. Ce "culte", qui existe bel et bien, peut naître de bien des façons chez bien des personnes ; il m'étonnerait que ce manichéisme facilement digestible soit à la source de toutes les fascinations. Ce n'est certainement pas la mienne. La création proprement dite ne vous intéresse pas, elle ne vous a pas séduit : voilà l'un des "pans" dont je parlais, et le plus important, car le Seigneur des Anneaux dépasse ce qu'il a d'applicable au monde réel : c'était là son but principal.

Pour ma part, je n'"occulte" pas les Orques ou Sauron, mais je vais vous le dire : il ne m'ont jamais parus aussi intéressants que la folie d'un Denethor, l'intelligence toute simple d'un Pippin, la profondeur insondable d'un Gandalf, la connaissance aveuglante d'un Saruman. Sauron et les Orques ne sont restés pour moi qu'un simple dispositif, un rouage dans l'écriture narrative : le propos qui m'intéresse se situe tout simplement ailleurs - et il y en a des pages et des pages. Saruman nous en dit beaucoup plus long que Sauron. Les Orques ne sont pas intéressants parce qu'ils ne nous communiquent rien, ou presque, que ce soit sur la condition humaine ou tout ce que vous voudrez. Les Hommes, en ce domaine, ne donnent pas leur place... Quant aux autres créatures merveilleuses, telles les Ents, Tolkien nous en donne un meilleur portrait parce qu'ils avaient un message à livrer : c'est essentiellement celui de Tolkien en personne. Les Orques ont été négligés, tout comme Arwen ; pour l'essentiel, ils remplissent leur fonction à l'intérieur du récit et ça s'arrête là. On leur consacre tout au plus, dans les Appendices, un court paragraphe portant sur leur langue. C'est dire si Tolkien méprisait ses Orques. Quelle injustice. Bon... Tout ça, ce sont mes idées. Vous n'allez pas me reprocher de faire dans la discrimination ? Le mal absolu, ça n'attire ni ne tente plus personne... kamikazes islamistes y compris, on le sait, Isabelle. Allez dire ça à mes amis du Sud, bombardés par l'écran téloche et baignant dans la puanteur hollywoodienne : un coup d'œil rapide quotidien, et on identifie toute suite une menace beaucoup plus conséquente qui plane sur le "nouvel ordre mondial"... beaucoup mieux adaptée, et plus efficace. Cette "inquiétude" qui vous glace le sang en lisant Tolkien, c'est de la petite bière, madame. La pureté raciale, c'est une idée révolue, enterrée, invalidée, même si le racisme existe toujours. Les livres, plus personne ne les lit. La menace vient d'ailleurs.

"L'idéologie que combat Tolkien est celle de la surveillance totale."

Orwell était un exemple plus frappant, on ne peut plus pertinent de nos jours. Tolkien ? Je ne saisis pas bien. L'Œil vigilant ? Les palantiri ? L'Anneau ? L'Œil de Sauron est certes redoutable, mais je ne perçois pas l'allégorie. Il faudra vraiment que je lise ce livre...

Enfin, votre argument final, je suis désolé de vous le dire, ne tient pas la route. La philologie, ce n'est pas la science des lettres, Isabelle. Vous parlez de sémiotique (les trois lettres "naz" ressemblent aux trois lettres "naz"), ou de phonologie (nazgul se prononce /nazgoul/, nazi se prononce /natsi/). Tolkien, si justement on le considère en philologue, ne voyait AUCUN rapport entre nazg- et Nazi. Ce genre de correspondances de signes est tout à fait fréquent entre les langues, surtout pour qui en connaît une douzaine, et ce souvent à toutes les époques de leur histoire (une trentaine, donc !). Le signe, Tolkien philologue s'en foutait carrément. Il pouvait facilement l'ignorer, rejeter la correspondance comme vulgaire, non-scientifique. Tolkien le simplet, on ne peut le dire avec certitude. Si vous avez de meilleurs arguments, accrochez-vous à ceux que vous pouvez démontrer. Les gens aiment ça, par chez vous.

greenleaf le simplet

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#59 23-09-2003 07:56

greenleaf
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Ma foi, Semprini ! J'aurais du lire ton message avant : je me fais le perroquet (peu articulé) de ton point 3 !

Bon sang de bout de bois de billot ! C'est-y pas dommage, ça...

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#60 23-09-2003 02:11

babel
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame Smadja,

« Avez-vous lu mon livre » ne cessez vous de répéter ? C’est un peu fort pour quelqu’un qui se targue d’étudier Tolkien en ne faisant que lire (en diagonale ?) et non étudier le Silmarillon. Je ne serai pas la première à relever la chose, mais tous ceux qui débattent ici savent à quel point le « Seigneur » en est indissociable, et que si Tolkien a fini par publier l’un sans l’autre, c’était en se disant « mieux vaut une partie que rien du tout ».
Comment s’étonner alors de lacunes évidentes, de jugements tronqués, de méprises ? Je ne les énumérerai pas une nouvelles fois, d’autres en ont fait le compte plus ou moins détaillé. Votre aveu de lecture superficielle d’un livre qui se doit d’être réellement étudié pour comprendre le «Seigneur » compte pour beaucoup dans l’idée que les lecteurs assidus de Tolkien se font de votre démarche, j’en ai peur.
Ce que vous n’avez guère compris, semble-t-il, est que le « Seigneur » est présenté comme un compte rendu de la guerre de l’Anneau à travers les yeux des hobbits, peuple qui s’émerveille de ces elfes dont ils ne connaissent guère le passé sombre, de ces elfes « si beaux et blonds » ( !) (à ce propos, avez-vous réellement compris le sens des divers poèmes qui parsèment le « Seigneur » ? ), et qui se trouvent pour la première fois confrontés tant aux hommes qu’aux orcs ou aux nains. S’il fallait vraiment analyser les relations entre ces divers peuples, les informations ne se trouvent guère dans ce « livre rouge », mais dans ce qui constitue l’histoire de la Terre du Milieu. Dans le Silm…
Quant à ce prétendu « engouement inquiétant » autour du « Seigneur » de nos jours, j’ai peur que vous confondiez les vrais amoureux des romans de Tolkien, de la littérature de ce type, avec la foule qui se masse aujourd’hui à l’entrée des cinémas, et parle de Tolkien comme de la dernière émission télé à la mode. Cette mode aussi passera, ne laissant derrière elle que ceux qui ont vraiment lu, ou liront vraiment Tolkien. Cela pour vous dire, avec plus d’indifférence que de véhémence, que votre pamphlet risque bien de rejoindre l’anecdotique lui-aussi.

Ah oui… Votre livre. J’en ai lu une partie. Je n’y ai aucunement retrouvé ma propre analyse de Tolkien, et mes pensées rejoignent en grande partie celles de Semprini. Ce n’est pas du copinage, je ne le connais pas au-delà du pseudo.

babel, pseudo non tolkiennien

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#61 23-09-2003 02:44

babel
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Une petite précision tout de même, avant que n'arrive cet argument qui point déjà dans certaines de vos réponses. "Nous" (précautions oratoires... ) ne nous sentons pas le moins du monde agressés parce que "vous n'aimez pas Tolkien et que ce n'est pas bien". "Nous" ne nous faisons les gardiens d'aucun temple. Je suis sûre que chacun ici connaît des personnes fort respectables qui n'aiment pas Tolkien. Par contre, la critique facile et mal informée fait réagir.
Evidemment, il est bien difficile d'étudier quelque-chose qu'on n'aime pas, et a fortiori d'en faire une critique aussi bien documentée que celle que pourrait faire un passionné. Il n'empêche que c'eût été la meilleure chose à faire, quitte à retarder la sortie de votre livre à une période moins commercialement propice...

b.

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#62 23-09-2003 02:48

Coeur de Canard
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja


Heu... c'est quoi ta question babel ?
Quel est le but de ton intervention ? Tu crois que le ton aidera a mener une discussion a peu pres sereine ?

Encore une fois, que chacun parle pour lui meme (tant pour ses opinions que pour sa defense eventuelle -- je ne pense pas, Silmo, que Viny' ai besoin d'aide pour se defendre, surtout qu'il avait choisi l'apaisement).
Par exemple je fais partie de facto "de tous ceux qui débattent ici"   et je m'interroge sur le fait savoir si le SDA peut etre seulement lu a la lumiere du reste du legendaire ou non (d'ailleurs comme le Silmarion --come HoME-- est une publication posthume, pendant des annees il n'y eu pas d'alternative, ensuite on peut aussi discuter de l'influence du grand tavail d'editeur de C. Tolkien)

CdC

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#63 23-09-2003 17:11

babel
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

--> CdC : Où est le problème, exactement ? Dans le ton que j'emploie, dis-tu ? Je ne crois pas avoir été grossière, ni avoir manqué de respect à qui que ce soit. Pour répondre, il n'y avait dans mon intervention aucune question, et aucun autre but que de fournir mon avis concernant le travail de Mme Smadja et le sentiment qu'il m'inspire concernant sa pertinence. Quant à "parler pour tout le monde", il semble que la précaution oratoire explicitement (!) mentionnée n'était pas encore suffisante. Alors, où mon intervention te choque-t-elle ? Est-ce le fait que je sois on ne peut plus sincère et directe dans ce que je pense ? Fallait-il mettre des gants et tourner autour du pot ? Si tu veux vraiment savoir, tout ceci me fait l'effet d'une tempête dans un verre d'eau, et loin de moi l'envie d'agiter sa surface plus que de raison.

Enfin, concernant le lien entre le "Seigneur" et "Le Silmarillon"... Bien sûr qu'on peut lire le premier sans le second. C'est ce qu'à peu près chacun de nous a commencé par faire (je connais bien l'un ou l'autre original qui a commencé avec le Silm... ;) ). On en saisit la trame, le caractère épique, éventuellement la beauté de la langue pour qui aime ce genre d'écriture (ce qui n'est guère une obligation). Par contre, affirmer que le "Seigneur" a la même signification avec ou sans le "Silmarillon" est faux à mon sens. Les thèmes principaux n'y apparaissent qu'en filigrane. Le "Seigneur", c'est la pointe de l'iceberg. Les bases du monde bâti par Tolkien, et a fortiori les éléments d'analyse de celui-ci, c'est le Silmarillon, pour une bonne part. On ne peut pas tout comprendre du premier livre sans le second. Rien que les poèmes sont terriblement obscurs (et, à la limite, sans intérêt) pour qui n'a pas ouvert le Silm. Les interactions entre les peuples ne sont pas comprises de la même façon, et la nature profonde des différentes "races" (je préfère "des différents peuples") n'est pas détaillée dans le "Seigneur" justement parce que celui-ci est écrit du point de vue des Hobbits, et qu'ils ne connaissent pas assez les peuples qu'ils rencontrent pour en appréhender la complexité.

En espérant que ce soit plus clair.

b.

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#64 23-09-2003 19:37

Silmo
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Jusqu'à la lecture du Silmarillion, je ne comprenais pas bien plusieurs babioles: pourquoi les elfes et les nains ne pouvaient pas s'encadrer (un problème de collier je crois), pourquoi Galadriel flippait à l'idée de recevoir l'Unique (des histoires de famille si je me souviens bien), pourquoi Elessar était si vigoureux et si jeune d'aspect à 80 ans passés, en quoi consistait le voyage aller-retour de Gandalf après avoir été tué (un voyage hors de la pensée et du temps ?!?!?!?!), qui c'était ce type appelé Morgoth (un affreux pas beau d'après le SdA), qui était Elbereth (que je croyais être plus ou moins Vénus alors que Vénus était en fait un gros caillou brillant porté dans le ciel par un marin dont les aïeux en avaient vu des vertes et des pas mûres); je n'aurais jamais su ce qui faisait de Glorfindel un elfe exceptionnel parmi les autres (a Balroghunter), d'où étaient issus les Hauts des Galgals, comment et pourquoi la Terre était devenue courbe, quels étaient les cadavres du marais des morts, pourquoi les intendants du Gondor n'étaient pas n'importe qui, d'où venaient les palantiri, ...etc... j'arrête là ou je continue?

Sans avoir lu le Silmarillion, je n'aurais sans doute rien compris au passionnant essai de Sébastien Mallet (alias Fangorn), l’anneau de Barahir, où Sébastien nous explique que l'Anneau le plus important n'est pas forcément celui que l'on croit...

Encore une idée de lecture que je ne saurais trop conseiller à Mme Smadja.

A part ça, le SdA tout seul, c'est bien aussi. Il parait même qu'à lire c'est encore plus mieux qu'au cinéma.

Silmo

PS: >>>CDC, je te serais reconnaissant de me laisser aider Vinyamar à défendre son athéisme si lui-même n'y voit pas d'objection, non mais!

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#65 23-09-2003 19:52

Edrahil
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

l'anneau de Barahir
ton lien pointait vers le fuseau HTML... ;-)

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#66 23-09-2003 19:55

Silmo
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Merci beaucoup Edrahil... :-) Ca fait deux fois que je me plante sur un lien :-( Il faut croire que j'ai endommagé le modèle gardé en mémoire pour les copier/coller... à vérifier)

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#67 23-09-2003 21:08

Semprini
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Madame Smadja,

Puisque vous n’avez pas encore répondu, je voudrais développer deux points que j’avais omis d’inclure dans ma liste précédente et qui seront peut-être de nature à répondre à certaines de vos interrogations.

7. Vous dites>>> »Vous semblez penser qu’on ne critique pas Shakespeare pour l’antisémitisme du Marchand de Venise, qu’on ne dit jamais rien sur Céline, Barrès et d’autres, qu’on passe sous silence les affinités de Stendhal pour la noblesse ou les errements d’Aragon sur Staline: c’est faux, bien sûr… »

Nul ici ne pense cela, Madame. Mais considérez la nature de votre démarche. Comme je l’ai dit, ce n’est pas une démarche critique, mais une démarche d’exclusion. Car auriez-vous écrit un livre s’intitulant Le Marchand de Venise ou la Tentation de l’Antisémitisme centré exclusivement sur l’idéologie colportée par Shakespeare? Non. Si oui, auriez-vous fait l’impasse dans cet ouvrage sur des lettres de Shakespeare où (admettons-le) il condamne, l’antisémitisme et le racisme. J’en doute. Vous viendrait-il à l’esprit de dénoncer la non-condamnation par Heidegger du nazisme sans évoquer sa correspondance avec Hannah Arendt ? Je gage que non. Il n’existe pas à ma connaissance, Madame, de livre sur un grand auteur, hormis le vôtre, car Tolkien est un grand écrivain, se donnant l’unique but de condamner l’idéologie supposée de son grand œuvre. Si l’on évoque aujourd’hui l’antisémitisme détestable de Céline, si l’on fustige à bon droit la haine de Nietzsche envers les faibles et la révolution réussie des « esclaves », c’est au milieu d’un concert de louanges énamourées pour ces auteurs, auxquels la critique a consacré des dizaines et des dizaines d’ouvrages. Toute accusation d’idéologie douteuse s’en trouve dès lors équilibrée, mise en regard de la construction critique édifiée.

Ne saisissez-vous pas dans ces conditions la nature particulière de votre ouvrage, un des premiers sur Tolkien en France ? Je ne puis le croire. L’objet de La Tentation du Mal semble être de dénoncer une dérive, une vision contemporaine du monde manichéenne et agressive (et greenleaf l’a dit, beaucoup de lecteurs de Tolkien se retrouvent dans cette dénonciation). Vous faites du Seigneur des Anneaux, bien à tort, l’épicentre, à tout le moins le reflet, de ce phénomène géo-politique. Vous semblez d’ailleurs ne guère vous soucier de ce que pensait Tolkien de son livre (sinon pourquoi n’avez-vous pas lu ses lettres ? Je ne puis croire que cela soit par désinvolture), ou même de ce qu’en pensent ses lecteurs, cette conversation le prouve assez. Il est révélateur également que vous ne vous soyez pas interrogée en profondeur sur la nature particulière du Seigneur des Anneaux (Tiens, Tolkien a daté l’épopée de 6000 ans avant notre ère ? Tiens, curieux ce pont que l’oeuvre constitue entre mythologies païennes et christianisme ? Tiens, l’œuvre est née sous les auspices mythologiques du Kalevela Finlandais et des Eddas scandinaves ? Dois-je dans ces conditions n’y voir qu’un roman ? Quelle est la citation la plus appropriée concernant les monstres de Tolkien, celle de Foucault ou celle de Tolkien lui-même expliquant, dans son essai Beowulf – The Monsters and the critics, quelle est la fonction et la nature des monstres dans le récit médiéval épique, dont il se réclame en partie ? Tiens, Tolkien a passé cinq ans de sa vie, sans succès, à convaincre un éditeur de publier Le Seigneur des Anneaux et Le Silmarillion ensemble et a dit que le premier ne pouvait être compris sans le second, peut-être faudrait-il que j’étudie sérieusement Le Silmarillion, même si les tentatives de mythologies fictives ne sont pas ma tasse de thé ? Autant de questions que vous auriez pu vous poser) C’est que toute votre argumentation et toutes vos connaissances littéraires et philosophiques sont mises exclusivement au service de votre thèse. Comprenez-vous mieux maintenant pourquoi je crois sincèrement que c’est vous qui avez abordé Tolkien en écrivain exclu de la littérature sérieuse (impropre à recevoir un traitement critique évaluant simplement les qualités artistiques et la nature de son œuvre), et non ses lecteurs que vous n’avez eu de cesse de peindre en illuminés ? Croyez-le ou non, mais si votre livre s’était essayé, en plus de l’accusation idéologique, à une critique littéraire sérieuse du Seigneur des Anneaux, je lui aurais accordé bien davantage de crédit, quand bien même vos conclusions sur le racisme et le bellicisme auraient été les mêmes.

8. Vous dites>>>« Citer les passages du SdA qui contredisent le plus ouvertement ma propre thèse - et je l’ai fait systématiquement. »

Non, Madame, je ne crois pas que vous l’ayez réellement fait, et voici pourquoi. Si je me souviens bien, vous usez très fréquemment dans votre livre d’un procédé qui me paraît schématiquement être le suivant :

Phase A : Gandalf dit que tout être mérite la pitié.
Phase B : Or, les faits du livre et l’attitude même de Gandalf démentent son affirmation, puisque les « ennemis » sont tués.
Phase C : Donc Le Seigneur des Anneaux est raciste, belliciste, etc…

En général, vous agrémentez le tout d’une citation d’un philosophe dont la pertinence n’est pas toujours évidente eût égard au sujet discuté. Or, lorsque l’on atteint la Phase C de votre raisonnement, vous ne citez pas une ligne du Seigneur des Anneaux contredisant votre thèse, puisque vous considérez avoir épuisé les citations dans la Phase A, sans du tout en réalité les avoir exploitées, sans leur donner de crédit. Pour une raison qui m’échappe, vous semblez donner peu de poids chez Tolkien au commentaire interne à l’œuvre (qui se rapporte pourtant au regard de l’auteur chrétien sur l’épopée) et tout leur poids aux faits (ceux décrits par l’historien neutre relatant une mythologie païenne non toujours pénétrée des valeurs humanistes), un paradoxe pour vous qui vous réclamez des lettres et du conceptuel face au figuratif (où la forme reflète souvent la substance comme dans toute mythologie primitive) de la semi-mythologie tolkienienne. Votre livre m’a fait l’effet d’une instruction à charge, qui n’est jamais contredite en Phase C (c’est ce que je visais dans une phrase maladroite de mon compte-rendu), comme si cette Phase C préexistait à votre argumentation et que vous ne livriez cette-dernière que pour la forme. Et mon jugement aurait été identique si l’auteur visé avait été autre que Tolkien.

Merci de votre attention.

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#68 24-09-2003 01:15

Mj du Gondor
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Semprini :
Je ne pense pas que le lieu soit aux congratulations mutuelles mais je ne peux m’empêcher d’exprimer mon plaisir quand je te lis à relever certains procédés qui m’ont particulièrement choqués dans cet essai à savoir ce que j’appelle la non adéquation entre l’hypothèse et sa démonstration ainsi que l’utilisation de références littéraires ou philosophiques moins utiles au sujet qu’à une  exposition gratifiante de ses connaissances.

Madame  Smadja :
si je me suis permise la formule peu élégante de renchérir sur le message de Semprini c’est parce que je crois que nous aurons plus souvent l’occasion d’intervenir sur le contenu que sur la forme de votre ouvrage alors que celle-ci  est pour moi un motif important de ma contestation et que Semprini a su l’exprimer beaucoup mieux que je ne saurais le faire. Et c’est aussi pourquoi je regrette que certains d’entre nous (tout en les comprenant) n’aient pas lu votre livre et ne puissent apprécier la manière dont vous parvenez aux conclusions qui déjà en elles-mêmes nous choquent.

S’il faut un exemple je parlerai de votre analyse du poème (analyse superbe par ailleurs , je pensais en vous lisant que vous aviez succombé à la puissance poétique de Tolkien !)mais hélas après l’avoir mis en parallèle à ceux de Nerval (El Desdichado ) et de V. Hugo (Booz endormi ) c’était pour mieux démontrer par l’ambivalence de cette beauté du Mal, l’ambiguïté du message de Tolkien chez qui  "mal et poésie sont inextricablement liés » :

« Il ne s’agit pas bien sûr de dire que l’écrivain a consciemment voulu toutes ces ambiguïtés, qu’il auraient forgées, au même titre que l’anneau lui-même, d’une main de maître. Mais il s’agit plus simplement de suggérer que, si le poème fascine, et si plus généralement l’œuvre de Tolkien fascine, c’est du fait de ses ambiguïtés mêmes. Ce qui fascine chez Tolkien c’est que soient mêlés en une seule unité Bien et Mal ou que le Mal soit beau. Ou plus exactement, l’ouvrage tire sa fascination de ce qui contrairement à ce qui est explicitement dit, et à ce que naïvement nous croyons, les valeurs suprêmes celles pour le triomphe desquelles « la communauté de l’Anneau part au combat ne sont pas le bien et le beau, le Kaloskagathos des Grecs, mais au contraire le Mal et le Beau. Bref, si dans le texte explicite il y a une opposition claire et sans équivoque entre le Seigneur des Anneaux » qui distille le mal et la « Communauté de l’Anneau » qui combat le mal il n’en va pas du tout de même quand on regarde le sous-texte ou le message implicite……. »

Les « ténèbres » chez Nerval témoignent d’un écrivain en quête d’une puissance poétique, pourquoi refuser à l’Anneau la sombre beauté d’El Desdichado ? et y rechercher une ambiguïté du message chez Tolkien ?

C’est en comparant les structures des  poèmes que vous opposez ensuite  V Hugo à Tolkien en  appliquant au second l’analyse de Jean Cohen sur le premier : « appliquée au poème de Tolkien, la thèse de Cohen pourrait montrer comment une soumission léthargique enveloppe dans ces quelques strophes les êtres et les choses à ceci près bien sûr qu’à l’atmosphère biblique des vers de V. Hugo s’est substitué un climat de mort et de dépendance »
Je ne suis pas spécialiste de critique poétique mais j’ai du mal à admettre une possibilité de comparaison entre des textes aussi différents pour en démontrer la stricte opposition.
Ce qui ne veut pas dire que je n’ai pas ici trouvé du plaisir à vous lire (je me répète c’était parfois superbe) mais à mon avis absolument pas convaincant quant aux conclusions.
Vous me jugerez sans doute bien téméraire pour aborder ce thème, j'en suis moi-meme très consciente, mais votre ouvrage est censé s'adresser et pouvoir être lu, je pense, par un large public.
Marie Jeanne

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#69 24-09-2003 02:41

Prelat
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Pour ma part, je serais reconnaissant à Isabelle Smadja de nous expliciter sa vision très noire des joueurs de jeux de rôle.

Sur quoi se base son jugement ? Fréquentation de clubs et de divers joueurs ? Lecture attentive des nombreux jeux de rôle dans le commerce ?

Au fait, qu'entendre par "jeux de rôle" en l'occurrence ? Jeux vidéo ? Grandeur-nature ? ou définition plus classique ?

Point de détail du débat ? Non pas. Puisque ces "exemples" sembleraient démontrer certaine influence néfaste de l'oeuvre de Tolkien, il me parait intéressant que madame Smadja précise l'identité ces égarés (ou supposés comme tels).

Prelat (rôliste, par ailleurs :-))

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#70 24-09-2003 21:22

Usher
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Bonjour,

Je suis heureux qu'Isabelle Smadja vienne réagir sur ce forum. Cela me donnera l'occasion de lui adresser quelques questions.

Tout d'abord, Mme Smadja, je vous donne raison quand vous affirmez qu'on vous a prêté des propos que vous n'avez pas tenus. C'est le cas dans Casus Belli N°18, où j'ai publié un article quelque peu détourné. On vous y a attribué la phrase : "Tolkien était un auteur réactionnaire, misogyne, raciste, et c'est parce qu'il était malsain que vous l'avez adoré." Or cette phrase n'était pas de vous, mais de moi : elle était destinée à servir de chapeau à l'article, et dans le fichier envoyé au magazine, elle n'était ni placée entre guillemets, ni suivie de votre nom. Le maquettiste a refondu mon article, transformant le chapeau en cette pseudo-citation et le premier paragraphe en chapeau ; j'ai signalé l'erreur (grave, à mes yeux, car discréditant l'article) à Isabelle Rive, et je lui ai suggéré de publier un erratum dans le numéro suivant. Malheureusement, le correctif n'a pas été publié, ce dont je suis le premier désolé.

Ceci dit, je serais ravi que vous répondiez également à quelques questions :

Pages 26-27, vous relevez un effet de style dans un vers de Virgile, "Ils s'en allaient obscurs, dans la nuit solitaire", vous évoquez le commentaire qu'en fait Jean Cohen, et vous en tirez l'hypothèse que l'anaphore "Un Anneau... un anneau... un anneau..." du poème liminaire du SdA pourrait établir une relation entre l'anneau unique et les anneaux elfiques. Je ne saisis pas (du tout) votre raisonnement. Pourriez-vous le clarifier ? C'est essentiel, car c'est sur cette interprétation du poème de Tolkien que vous commencez à bâtir votre thèse, à savoir que "Le seigneur des Anneaux" est le roman de "la tentation du mal".

Le chapitre 9 établit une analogie entre la tirade de Sganarelle sur le tabac ("Dom Juan", I,1) et le bref chapitre sur l'herbe à pipe qui ouvre le SdA. Pensez-vous vraiment que le rapprochement entre les thèmes et la position en ouverture de l'œuvre suffise à appliquer au roman de fantasy écrit par Tolkien les conclusions qu'on pourrait faire sur la scène d'ouverture d'une pièce baroque du XVII° siècle ? Je relève la notion de "déplacement" p.119, qui me laisse croire que vous faites une lecture psychanalytique de ces passages. Je n'ai rien contre la critique psychanalytique, mais je la trouve source de surinterprétation (voire de faux-sens) quand elle ignore toute recherche contextuelle. Etes-vous sûre que dans la tirade de Sganarelle, et compte tenu des conditions dans lesquelles Molière écrit "Dom Juan", "sans tabac" soit l'équivalent de "sans morale" ?
(La question peut paraître annexe à ceux qui n'ont pas lu votre livre, mais je rappelle que c'est sur cette analogie, très douteuse à mon sens, que repose une partie de votre argumentation sur la misogynie de l'œuvre...)

Je rebondis enfin sur les questions posées par Prélat. Que suggérez-vous précisément sur les joueurs de jeu de rôle quand vous écrivez : "En affirmant que l'humanité tout entière est littéralement envoûtée par le mal et la mort, et que cet attrait pour le mal n'est pas réservé à une minorité d'hommes aux instincts plus sadiques que d'autres, Tolkien rassure fondamentalement tous les partisans acharnés des jeux de rôle." ? Si je vous entends bien, si les rôlistes sont "rassurés" par l'œuvre de Tolkien, c'est qu'ils se sentent des "instincts sadiques " ? Sur quoi repose cette opinion ?

Cordialement,

Usher / Jean-Philippe Jaworski

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#71 24-09-2003 22:42

Mj du Gondor
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

A Isabelle Smadja:
Sans vouloir ajouter de nouveaux thèmes en attendant vos réponses, je voudrais ajouter une nouvelle contribution à celui du racisme.
Il est sans doute superflu de rappeler que votre démonstration du racisme sous-tendu par le SDA, réside dans l’existence de la race des Orques et le fuseau consacré en ce moment au « destin des Orques » dans la section du légendaire et en particulier la lettre 153 de Tolkien que Silmo et Vinyamar ont bien voulu se donner la peine de traduire, me fournit une série d’arguments qui me semble de nature à remettre en cause votre conclusion.
Vous n'avez parlé ni d'intolérance ni de xénophobie mais seulement de racisme. Or,pour qu’il y ait racisme il faut la conjonction de deux idées :
-1) La race : un groupe d’êtres humains présentant les mêmes caractéres physiques
-2) Des jugements de valeur négatifs sur ce groupe d’individus

En isolant le second terme, le fait d’admettre des différences physiques au sein de l’espèce humaine ne me paraît pas porter à conséquence. Quel que soit mon désir, mes gènes florentins ne renverrons jamais dans mon miroir l’image de ma sœur de Saïgon pas plus que celle de mes frères d’Oslo ; car nous sommes aussi dissemblables qu’ « un Bouleau et un Hêtre ou un Chêne et un Sapin » (la vision des Ents par Pippin et Merry dans le SDA)

Dans le SDA, Tolkien met bien en présence plusieurs races conformes à cette idée de la race : les Elfes, les Nains les Hobbits et les Hommes qui sont tous enfants d’Iluvatar.
Tous sont égaux, je dirais « en droits » même si Tolkien en fervent catholique particularise spirituellement les Hommes (dans leur destin) . Tous ont reçu d’Eru la « Flamme Sacrée qui leur donne l¨être en même temps qu’une âme et un esprit.

Qu’en est-il des Orques ?
Dans sa lettre 153 Tolkien dit:

« (qu'il) les a conçus comme des êtres pré-existants sur qui le Seigneur Ténébreux a exercé la plénitude de son pouvoir en les remodelant et les corrompant, non en les fabricants »

et ce, pour confirmer son incapacité à créer et l’exclusivité d’Eru quant à la transmission de la Flamme Sacrée.

Pré-existants, dotés d’une âme et d’un esprit, ils sont donc à l’origine, équivalents aux autres races, ni meilleurs ni pires tous enfants d’Iluvatar. Rien ne dit d’ailleurs s’ils constituaient une race particulière ; les hommes étant les plus facilement corruptibles on pourrait  penser qu’ils appartenaient à cette race autant qu’à celle des Elfes comme parfois Tolkien nous le laisse supposer.
Quoi qu’il en soit rien ne dit qu’à l’origine ils étaient différents et encore moins prédestinés au mal.

La race des Orques telle qu ‘elle apparaît dans le récit résulte des seuls agissements de Sauron et échappe à sa transposition dans le monde réel : parce que nous sommes dans une fiction la corruption a autant d’effets sur l’apparence physique que sur le moral et la similitude qui permet de distinguer les Orques des autres races, n’est que le reflet des transformations opérées par Sauron sur les esprits de ces créatures quelle qu’ait été leur origine, et ne tient qu’à leur asservissement au mal qui les a littéralement dénaturés.

Leur aspect particulièrement hideux relève d’un procédé littéraire traditionnel : de même qu’aucun artiste ne nous convaincra jamais de créatures abominables sous une apparence angélique à moins de faire de cette contradiction l’argument principal de son œuvre clairement pré-défini, Tolkien fait de la laideur des Orques l’expression de l’extrème   malveillance du Seigneur Ténébreux, le symbole de sa plus grande faute : la perversion des Enfants d’Iluvatar.

Est-il possible de transposer l’image des Orques dans le monde réel ?
Tolkien est clair sur le sujet il me semble lorsqu’il dit, toujours dans sa lettre 153 :

« Ce Dieu 'tolérerait' cela, ne semble pas pire théologie que la tolérance de la déshumanisation calculée d'Hommes par des tyrans ainsi qu'il en va aujourd'hui ».

Son équivalence dans le monde réel (son applicabilité ?)est de l’ordre du spirituel et non du morphologique.
Tolkien ne développait pas une idée raciste autour des Orques; tout juste a-t-il pu y introduire une certaine ressemblance avec les "Nazis"; pourquoi pas ? je n'en serait pas choquée

Le Mal pour JRRT ne définit pas une race, il n’en est pas une des composantes; il menace tous les hommes et c'est par des idéologies néfastes que l'homme peut être corrompu et dénaturé.

Utiliser la race des Orques pour conclure au le racisme du SDA, me paraît donc un contre-sens.
Marie Jeanne

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#72 25-09-2003 11:17

Lumiere du soir
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Messages : 77

Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Bonjour à tous

   A la remarque de Mj de Gondor sur le racisme, j'aimerais rajouter qu'il est nécessaire ( à mes yeux ) d'une condition supplémentaire : que les descendants de cette race soient tous aussi mauvais (c'est une des raisons pourquoi il faut les exterminer tous ), mais il me semble que ni dans le Seigneur des Anneaux ni dans le Silmariion aucune précision n'a jamais était donné, d'ailleurs les orcs peuvent ils avoir des descendants ? . Je pense que la conclusion de Mj de Gondor sur le non sens pour l'utilisation des orcs comme preuve du racisme de l'ouvrage est donc parfaitement justifier.
Par contre on peut remarquer que de tous les differents ensembles d'êtres humains, les suderions, les haradrims, ... seul les orientaux se rapportent précisément à des terriens, on peut donc penser que Tolkien avait une aversion pour les japonais, là effectivemment on peut penser que Tolkien aurait du inventer un autre nom.
Enfin si les nazguls représentaient les nazis, mais l'idéologie nazie
est basé sur l'ouvrage de Gobineau : De l'inégalité des races humaines, or dans le SdA les nazguls sont les mauvais, il y a donc en ce point un contre sens.

Bien à vous.

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#73 25-09-2003 02:03

Benoist
Inscription : 2003
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Bonjour a tous. C'est la premiere fois que je poste ici, donc mes salutations a tous les inscrits (ou non d'ailleurs) de ce forum qui participent de leur mots et sentiments a ce joli coin du web francophone.

Un grand merci a Prelat qui nous a donné un lien direct a ce sujet et nous a donné, a moi et mes camarades de la Cour d'Obéron, l'occasion de nous joindre a cette occasion d'echange direct avec l'auteur de l'ouvrage controversé que nous connaissons tous.

Un autre grand merci a Isabelle Smadja. Vous nous donnez l'occasion de discuter ici directement, et vous avez un assez grand courage de vous exposer ainsi aux foudres potentielles des passionnés de Tolkien, de Fantasy, et de Jeu de Roles de cette maniere. Je vous salue donc, avant de rentrer dans la polémique.

Maintenant, j'en viens au vif du sujet (ouf). Bien sur, je ne peux que partager les doutes et ainsi les questions posées par Prelat au sujet du Jeu de Role, en etant un pratiquant depuis de nombreuses annees. Des eclaircissement a ce propos seraient tout a fait les bienvenus, pour ma part plus que pour d'autres, puisque je n'ai pas la chance d'avoir pu lire l'ouvrage incriminé de Mme Smadja (et je m'en excuse).

Ceci dit, je ne peux que m'étonner devant certains de vos propos, Isabelle, n'etant pas que le passionné de JDR que je viens de décrire. Je vais prendre les remarques une a une, et espere ne pas faire de mon post ni une attaque personnelle, ni un roman. On verra.

Passons a mes remarques (je vais essayer de rester en dehors des remarques purement tolkienistes, puisque nombreux ici semblent ceux qui savent de quoi ils parlent).

Bien sûr que j’ai cherché à dresser une charge, non pas tant contre Tolkien que contre la fascination actuelle de certains pour une œuvre qui comporte suffisamment d’ambiguïtés pour ne pas mériter – à mon sens - qu’on la porte ainsi aux nues. Descartes emploie pour justifier son doute radical une image : elle vaut ce qu’elle vaut mais elle correspond assez bien à ce que j’ai voulu faire. Quand un bâton est tordu dans un sens, dit-il, pour le redresser, il faut le tordre dans l’autre sens : j’ai mis l’accent sur les faiblesses – réelles à mon avis - du Seigneur des Anneaux en sachant fort bien que d’autres se chargent et se chargeront encore et encore d’en faire la louange.

Il me semble que basiquement, nous pourrions directement arreter toute conversation sur ce principe, ou au contraire, aborder notre discussion sous un tout autre aspect qui ferme les critiques: en sous titre, vous nous affirmez simplement ici que votre but etait d'ordre negatif, dans une intention de discrediter (vous utiliserez "relativiser" plutot) le succes du Seigneur des Anneaux, ou plutot, selon vos propres termes, "cette fascination (sous etendue malsaine) de certains" pour un ouvrage qui recele trop d'incoherences. Bien. Mais en fait, vous allez meme plus loin, en nous affirmant que Plus généralement la réponse du Seigneur des Anneaux à la question que pose les conflits guerriers ne me satisfait pas : il est trop simple de justifier la guerre (ou la réaction guerrière à une violence) par la présence d’un être (et de ses troupes) qui serait voué au mal. Donc en realité, ce que vous semblez nous expliquer, c'est que toute votre logique, et votre argumentation, et fondée sur vos gouts et vos couleurs, ou plutot sur un a priori, ou pensée en amont de ce que devrait etre le but de votre étude, ce qui lui enleverait des lors toute crédibilité, étant entendue qu'une "étude" présuppose une certaine partialité d'ordre critique et scientifique. Donc ce que vous nous écrivez est bien un pamphlet et pas une analyse tenant compte de tous les parametres prouvant et recusant la théorie de départ. Bien sur, je peux me tromper, mais je ne fais que me fonder sur ce que vous nous avez écrit, Isabelle. Je serais ravi de lire vos précisions quant a ce point précis de votre raisonnement.

D'autres points attirent mon attention egalement:

L'histoire de la seconde guerre mondiale a, certes, donné raison aux interprétations manichéennes du monde : il y eut bien alors sous la dictature de Hitler, d'un côté le mal, la haine et une volonté de destruction, et d’un autre côté, le bien, le courage et les valeurs morales (même si les motivations de ceux qui se sont mis dans le camp du « bien » étaient bien plus compliquées que cela : les Américains n’avaient pas les mêmes raisons d’agir que les Anglais, que les Français…). Reste que la réponse manichéenne ne me semble pas aujourd’hui la réponse la plus appropriée : n’est-il pas temps de penser qu'il y a, aujourd'hui comme hier, des cultures et des sociétés différentes qui, chacune à sa manière, génèrent leur part de cruautés, d'injustices et de violences ? Ce qui me gêne dans le succès actuel du Seigneur des Anneaux, c’est que l’explication qu’il donne aux rapports de force existant dans le monde est profondément manichéenne : il y a – en la personne de Sauron –une incarnation d’un mal absolu.

J'aimerais préciser d'abord que cette comparaison entre Seconde Guerre Mondiale et Seigneur des Anneaux ne tient tout simplement pas la route. Tolkien n'a cessé de repeter que la 2GM n'avait rien a voir avec le SdA, et pourtant, on voit ressurgir cette comparaison encore et encore.

La raison pour laquelle cette comparaison est tout a fait incongrue vient du fait que, par exemple, Tolkien commenca la rédaction du SdA en 1937/38, et les premieres occurences de personnages comme Sauron/Gorthaur etaient bien anterieures. Si le nazisme etait bien connu en 1937, on peut douter que qui que ce soit ait eu une idee precise de l'ampleur que le conflit a venir allait prendre.

Si comparaison pouvait etre faite, ce serait avec les batailles sur le sol de France durant la Premiere Guerre Mondiale, mais ce serait rester au stade de la supputation (comme en ce qui concerne la morsure que recu Tolkien enfant d'une araignee qui l'aurait inspiré inconsciemment lors de la création de Shelob), etant donné que l'auteur a toujours démenti ce genre de relations de catharsis (genre de procédé qu'il destestait particulierement en littérature, le but d'une fiction selon Tolkien n'étant que de divertir d'une part, et de montrer une face positive de l'homme tout a fait en accord avec l'idée de mythologie. Par conséquent, c'est sur les aspects bénéfiques et poétiques de l'oeuvre qu'il vaut mieux se pencher, plutot que sur les aspects dramatiques, si l'on veut connaitre les intentions que Tolkien possedait reellement lors de la redaction du Seigneur des Anneaux, a mon sens, bien que Tolkien se soit rapidement surpris de la tournure dantesque de certains passages du manuscrit).

Poursuivons:

il aurait fallu que je parle de Voldemort et Mordor, des nazgul, (la langue de Mordor est inventée par Tolkien et il aurait pu choisir d’autres consonances)...

Tout ceci est de la pure hypothese fortement infirmée par Tolkien lui meme, dans des volumes de notes linguistiques et ethymologiques qui certainement vous auront échappées? Or il n'est point de compréhension de linguistique si l'on ne se penche pas sur les principales composantes des Terres du Milieu de Tolkien: leur langages.

Quant a une comparaison poussée de Harry Potter et du Seigneur des Anneaux, nous allons encore une fois au devant de nombreuses supputations, bien que certains rapprochements puissent en effet etre faits. D'une part, nous avons affaire a deux oeuvres de féérie qui s'inspire de la substance meme du mythe: donc jusque la, aucune surprise dans l'existence de villains, de sages vieillards qui aident les héros dans leurs choix difficiles, d'innocents profanes qui s'aventurent hors des chemins de l'ordinaire pour braver le danger, ou suivre la quete des origines ou des devenirs, pour revenir pret des leurs et partager leurs visions de l'Autre Monde. D'autre part, nous comparons deux oeuvres aux tons et messages radicalement differents. Tolkien nous parle de lutte perdue, de pouvoir qui toujours corrompt, et contre lequel il n'y a pas de succes possible, bien que le seul fait de relever la tete, de s'avancer et de tenter le destin, puisse faire pencher la balance. J.K. Rowling nous parle pour le moment d'une quete des origines, ou l'enfant tente desesperement de retrouver son enfance perdue, de garder son innocence a tout prix, et de vaincre parce que l'audace et la candeur sont des forces de l'ame. Meme matieriel mythologique, mais interpretations differentes. Enfin, nous comparons une oeuvre infinie avec une oeuvre finie, sachant que Harry Potter en est presentement a son 5e volume, et certainement pas le dernier. Donc poser des comparaisons a ce stade est un peu hatif, je crois.

la distribution tranchée entre le bien et le mal y est présente également, ainsi que l’idée pour le moins discutable que la fin parfois justifie les moyens

Je me demande si nous avons lu le meme livre ou nous est presente tout une batterie de personnages qui, a l'origine de bonnes choses, se sont peu a peu tourner vers ce principe de la "fin justifie les moyens" : Saroumane, qui pensait utiliser l'anneau a ses propres fins, et regner sur la Terre du Milieu en despote éclairé, jusqu'a devenir une incarnation miniature de ce que fut Sauron (qui fut un etre benefiques a ses debuts, en tant que serviteur d'Aule), et plus tardivement Denethor, qui comme Boromir, succombe au desespoir, pour se suicider la ou son fils aine s'est attaqué a tout ce pour quoi il se battait (l'espoir de la compagnie, attaquer le Porteur de l'Anneau). Alors non, je suis désolé, mais tres clairement, dans de nombreux passages de l'ouvrage, on peut démontrer que "la fin ne justifie pas les moyens" justement.

Ce qui me frappe dans ce site, dont je ne peux par ailleurs qu’admirer la richesse des références et la diversité des personnes qui le fréquentent, c’est une volonté de recréer une sorte de communauté de l’anneau avec ses « sages » (Semprini en est un, - un peu trop doctoral à mon sens, mais chacun ses goûts… - et c’est pourquoi vous l’avez cru sur parole), ses fidèles compagnons, et surtout ses combats… Combats contre le mal, à savoir contre tous ceux qui ne partagent pas votre adoration pour Tolkien.

Je ne connais pas bien ce forum, et de ce que j'ai lu, il est vrai que vous avez été attaquée brutalement et haineusement parfois. Mais cela justifie-t-il de recourir a de la psychologie de comptoir? Je ne crois pas. Vous m'avez l'air bien plus consciente que vous ne l'avez ici supposé a vos lecteurs. Il y a des passions, de véhémences, des insultes aussi, mais nous n'en sommes pas a la secte, vraiment. Je sais que vous avez un gros doute la dessus. Mais je vous assure que les individus que vous tournez ainsi en dérision ne pensent pas en ces termes. Vous utilisez des références freudiennes, et analysez quelles frustrations pourraient mener a de tels égarements, quand en réalité la plupart des membres de ce forum raisonnent en termes mythologiques, mythiques, archétypaux, ou si vous préferrez des termes plus élaborés, Jungiens, ce qui forcement va mener a des incompréhension.

Maintenant, résumer les principes d'archétypes et d'images mythologiques qui grouillent dans le Seigneur des Anneaux a des images répetées de "manicheisme grossier," c'est faire une erreur fondamentale par rapport a l'abondant matériel mythologique qui est utilisé dans le SdA. Si nous raisonnons par archétypes, les sages conseils de venerables (Chiron, Odin, etc) et autres heros exilés qui redeviennent Roi (Arthur, Nuada Arghaitlam) ne sont plus des ombres de l'esprit embrumé de Tolkien-le-Conservateur, mais plutot des ombres d'autres temps, d'autres balades et d'autres légendes, qui se melent devant nos yeux pour nous montrer une danse intemporelle de ce qui fait l'etre main, beau ou laid, vil ou plaisant, au travers des générations. C'est ce dont nous parlons ici il me semble: de ce fait, beaucoup prendront vos écrits qui assimilent Tolkien a un conservateur raciste et mysogyne voient ces éléments du récit "par le petit bout de la lorgnette," et par conséquent, entrainent des raisonnement faussés au mieux, insultant au pire.

premièrement que votre site à lui seul, et vos réactions, sont une preuve que la réception de Tolkien n’est pas du même ordre que la réception d’un auteur classique. Connaissez-vous un site Victor Hugo où les adeptes s’appellent Jean Valjean, Gavroche ou Cosette et où ils discutent à n’en plus finir sur la couleur des yeux de Gavroche ou sur les racines du moindre terme présent dans son œuvre ?

Je crois que l'explication tient au contenu fortement mythologique des ecrits de Tolkien, et pas a autre chose. En ce sens, bien sur, les amateurs de Tolkien sont tout a fait a part, et rendent la qualite litteraire du Seigneur des Anneaux clairement a part (et je n'ai pas dis "meilleur") d'autres auteurs plus classiques et moins polemiques a l'heure actuelle.

C’est au contraire vous qui voudriez que Tolkien ne soit pas traité comme un auteur classique mais qu’il ait droit à un statut d’exception et que, lorsqu’on lit dans le SdA que la race des Orques est « perfide », on n’ait pas le droit d’en déduire que nous l’avons lu sous prétexte que l’œuvre de Tolkien ne peut pas – c’est pour vous de l’ordre du dogme ou du postulat inaliénable – être raciste ou conservatrice.

Je crois qu'il faut savoir appliquer certaines "grilles de lecture" (comme dirait CdC) aux ouvrages étudiés en profondeur, et non pas une seule, avant de pouvoir juger laquelle pourrait etre la plus pertinante dans l'intention originelle de l'auteur.

Ce qui est assez troublant, c'est de vous voir nous parler d'images et symboles sur certains exemples, et ensuite de vous lire interpreter des concepts du SdA au premier degré. Troublant n'est pas le mot en fait. C'est blessant. Et c'est ce qui entraine les réactions véhémentes de mes camarades. Une 'race' tient lieu en mythologie de 'type' d'etres (sous entendu humains). De cela nous sommes d'accord. Maintenant, il faut ce mettre d'accord sur les interpretations de l'image. Parlons nous de races biologiques, ou d'etres qui se sont vus enfermés dans les tourments et la noirceur du desespoir pour devenir vicieux au dernier degré? Et ne peut-on pas rapprocher Gollum des Orcs, ce Gollum qui lutte contre lui-meme, et tente de se racheter pour chuter finalement? Ne peut on pas se demander si ce concept ne demontre pas de la part de Tolkien, non pas une difference factuelle entre les hommes, mais un danger pour les hommes dans leur avenir qui, s'ils n'y prennent pas garde, pourraient se voir depouiller de leur humanité par le charme des tronconneuses et des industries polluantes (bien sur la comparaison n'est pas innocente de ma part)?

La relation que certains entretiennent avec cet auteur tient plus de la croyance, de la foi et de la passion que de la seule rationalité, en ce sens qu’ils y cherchent la confirmation du sens qu’ils ont donné à leur vie.

Je suis plutot d'accord avec cette remarque, et ne l'a trouve nullement insultante, personnellement. Mais c'est hors sujet dans le contexte (je n'entretiens pas de Culte a la Rationalité personnellement).

Parlons alors ici du racisme et du manichéisme du SdA : je maintiens qu’il y en a dans le SdA.

Donc nous parlons bien d'un Tolkien raciste. Bien.

Mais aujourd’hui, n’est-il pas naïf et dangereux de croire en cette explication fort simple qu’il y a des peuples (ou pire des races) qui attaquent et d’autres qui se défendent ? Ne croyez-vous pas que ceux qui « attaquent » ont souvent l’impression de se défendre contre une attaque première et plus grave encore ? Je soutiens qu’il y a dans le monde géopolitique actuel des formes différentes de violence et de cruauté, et qu’on ne peut s’en tenir à cette position fort confortable, certes, mais dangereuse, qui consiste à ne voir d’un côté que des monstres de guerre, et de l’autre des gens courageux ou lâches qui se défendent contre les monstres ?

Je signalerai simplement que vous etes celle qui nous presente constamment un rapprochement monde reel/terre du milieu, la ou la comparaison ne peut etre faite. Autant comparer la vision de Marx du monde et ce qu'il en etait reellement au 19e siecle. Personne ne discute la complexité de notre monde, ici, je crois. Pourquoi donc les comparer, quand l'un fait appel aux archetypes et aux mythes (qui par essences sont des contructions de l'esprit et des amalgames de concepts), quand l'autre se decline tous les jours avec une complexité effarante? Je ne comprends pas. Au fond, j'en viens a me demander si vous ne debatez pas avec vous meme, Isabelle, d'une question qui somme toute, ne regarde que vous et pas vos lecteurs.

J’espère que vous comprenez mieux ma démarche : que l’on puisse écrire un livre pour défendre des idées, et pour prévenir de ce qui, dans un livre, vous semble contenir une forme de racisme.

L'ouvrage est donc construit sur une opinion de votre part, n'est-il pas? (cf. debut de mon post)

De 3 choses l’une : soit Tolkien était philologue, conscient de l’affinité entre les 3 premières lettres du mot nazgul et les 3 premières lettres du mot nazi. Et en philologue compétent, il ne pouvait ignorer que s’il ne voulait pas qu’on s’interroge sur cette affinité, il lui fallait chercher un autre mot moins chargé de cette connotation
Soit Tolkien était un philologue particulièrement incompétent pour ne même pas avoir vu le rapport existant entre nazgul et nazi
Soit il n’était pas philologue.
Faut-il préciser que je penche pour la première solution ?

Oh, pardonnez-moi, mais que c'est maladroit! La philologie se resumerait donc a la comparaison des premieres lettres des mots?

Smadja / Smash
Benoist / Benet

Mmm. Aimeriez vous ecraser tout ce qui bouge, ou dois-je comprendre que mes copains d'ecoles primaires etaient des philologues professionnels?

Tout ceci bien sur dans le respect et la convivialité,
Bien a vous,
Benoist.

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#74 25-09-2003 15:30

Silmo
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

(petit aparté... MJ, tes origines florentines remontent-elles jusqu'en 1215 à l'époque des guerres entre les Guelfes et les Gibelins ??? :-)))

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#75 25-09-2003 17:10

Mj du Gondor
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Re : Mise à jour : Interview d'Isabelle Smadja

Silmo: s'il m'est permis de répondre à ton petit aparté: les roturiers n'ont pas d'arbre généalogique! j'avais le choix entre florentin et romain ;-) mais dans le contexte, la référence à la ville artistique me semblait mieux appropriée que la capitale des Cesar!
J'en profite pour réparer ton oubli, en souhaitant la bienvenue à Benoist et pour le remercier de son message qui me parait trés convaincant et nous promet de bon moments de lecture !
Mj

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