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#1 25-06-2008 20:31

Laegalad
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Symbolique du Saule chez Tolkien

Faire remonter les fuseaux des saulaies (ici et ) ce matin n'était pas innocent ;) Voici donc une partie d'un de mes travaux en court, en guise de mathom des 10 ans ;)
(j'espère que rien ne boguera dans le code html...)

Le saule

Sing we now softly, and dreams let us weave him!
Wind him in slumber and there let us leave him!
The wanderer sleepeth. Now soft be his pillow!
Lullaby! Lullaby! Alder and Willow!

Tissons ses rêves, chantons doucement maintenant !
Bordons-le dans le sommeil, bien paisiblement,
et laissons-le là ! Que doux soit son oreiller !
Le vagabond dort. Aulne et Saule! Bercez ! Bercez !

J.R.R. Tolkien, The Hobbit, « Elvish lullaby »

L'arbre chantourneur

Connaissant l'importance que Tolkien apportait aux noms, une incursion dans l'étymologie du saule est incontournable.

Les mystères de l'indo-européen font remonter les termes français « saule » et anglais “willow” (ou “sallow”) à une même racine, “wel”. Le TLF indique pour le saule :

Étymol. et Hist. Ca 1225 (Péan Gatineau, S. Martin, éd. W. Söderhjelm, 4445). De l'a. b. frq. *salha fém. « saule », cf. l'a h. all. salaha, all. Salweide. Le genre masc., qui est aussi celui de nombreux autres n. d'arbres, a remplacé le fém., att. en m. fr. et dans qq.s pat. Saule a éliminé en fr. l'anc. forme sauz, issue du lat. salix, -icem « saule », att. dep. la 1re moit. du xiie s. ds Psautier Oxford, 136, 2 ds T.-L.
et qui s'est maintenue dans les pat.; cf. aussi saussaie. FEW t. 17, pp. 10-11; ibid. t. 11, pp. 100-103. Fréq. abs. littér.: 941. Fréq. rel. littér.: xixe s.: a) 1 584, b) 1 833; xxe s.: a) 1 533, b) 744.

Delamarre, dans son Vocabulaire indo-européen, relie (avec quelques précautions) la racine *saliks à celle *welikâ:

*saliks : 'saule' (lat.) salix 'saule', (v. irl.) sail Gén. sailech 'id.', (gall.) helyg (bret.) halek 'id.', (vha.) salaha (ags.) sealh > *salk- 'id.' pt ê. rapport avec (gr.) helikê 'id.', voir plus bas à *welikâ.

*welikâ : 'saule' (gr.) helikê welikôn 'id.', (ags.) welig, (vba.) wilgia 'id.'.

Xavier DELAMARRE, Le vocabulaire indo-européen. Lexique étymologique thématique.

Ainsi, une même racine indo-européenne relierait deux mots en apparence si différents que sont saule et willow.

Car en anglais, nous avons pour étymologie de Willow un moyen-anglais wilowe, venu d'un vieil anglais welig, lui-même issu d'une racine indo-européenne wel. Pour celle-ci, les annexes du American Heritage® Dictionary of the English Language
indique :

wel-2 DEFINITION: To turn, roll; with derivatives referring to curved, enclosing objects. Derivatives include waltz, willow, wallow, revolve, valley, and helix. 1a. waltz, from Old High German walzan, to roll, waltz; b. welter, from Middle Low German or Middle Dutch welteren, to roll. Both a and b from Germanic *walt-.[...] 3. Perhaps Germanic *wel-. willow, from Old English welig, willow (with flexible twigs). [...]

The American Heritage® Dictionary of the English Language: Fourth Edition.  2000. (http://www.bartleby.com/61/27/W0162700.html)

Le saule est donc lié à tout ce qui tourne, tout ce qui roule, ou ce qui peut être courbé... Vieil Homme Saule, le saule le plus emblématique de la Terre du Milieu, est présenté comme un arbre de forme torturée, à l'écorce trouée, aux racines noueuses comme des « dragons tordus ». On retrouve l'idée d'entretissage de ramilles présente dans le Tournesaule, et dans toute la toponymie des lieux rencontrés au long de la rivière (Withywindle, Windle-reach...).

Cette symbolique sous-jacente renforce donc l'appartenance du saule au régime galadhéen de l'arbre : l'arbre hydrique, s'étendant par l'extension verticale de ses racines et ramilles, contournant les obstacles — voire éroutant qui s'en approche trop : Voronwë en quête oubliera sa mission à Tasarinan, les Hobbits en fuite iront à l'opposé de leur route pour atteindre, bien involontairement, le Vieil Homme Saule.

L'arbre du sommeil et des larmes

Arbre torse, figure retorse, le saule a plus d'un tour dans ses racines pour perdre autrui. Le Vieil Homme Saule est capable de tracer un chemin vers lui pour attirer ses proies, mais son arme maîtresse est le chant dont il se sert pour les endormir. Car la valeur la plus marquante du saule tolkienien est celle du sommeil. Chaque saulaie, chaque saule un tant soit peu symbolique renvoie aussitôt au sommeil de celui qui ère autour.

Il n'est d'ailleurs pas anodin que les saules se plaisent en Lórien, le domaine d'Irmo et Estë :

The maidens of Estë tended the body of Míriel, and it remained unwithered; but she did not return. Then Finwë lived in sorrow; and he went often to the gardens of Lórien, and sitting beneath the silver willows beside the body of his wife he called her by her names.

Les suivantes d’Estë embaumèrent le corps de Míriel, qui resta intact, mais elle ne revint pas. Finwë vécut alors dans la tristesse ; et il allait souvent dans les jardins de Lórien, et s’asseyant près du corps de son épouse sous les saules aux feuilles d’argent, il l'appelait par ses noms.

Silm., « Of Fëanor and the Unchaining of Melkor » (1) (je modifie la traduction)

Irmo est en effet le seigneur des songes et des visions, et son domaine est un lieu de repos, « a place of rest and shadowy trees and fountains, a retreat from cares and griefs » (U.T., « The History of Galadriel and Celeborn », Note 5), où même les Valar viennent se délasser parfois. Si le sommeil qui saisit les visiteurs de Lórien peut être dû aux fumellar, les « Fleurs du sommeil », ces pavots rouges dont Irmo se sert pour ses enchantements (2), il ne faut pas oublier le pouvoir des saules.

Car le saule aussi fait montre d'une magie propre. Ainsi, les plus fameuses saulaies de la Terre du Milieu, les saulaies de Tasarinan, encharmillent qui ère sous leurs ombres, faisant oublier les quêtes ou soulageant les tracas :

(iv) Noldorin in the Land of Willows

‘Did not even after the days of Tuor Noldorin and his Eldar come there seeking for Dor Lómin and the hidden river and the caverns of the Gnomes' imprisonment; yet thus nigh to their quest's end were like to abandon it? Indeed sleeping and dancing here . . . they were whelmed by the goblins sped by Melko from the Hills of Iron and Noldorin made bare escape thence’.

[TRADUCTION]

HoME2, « The Fall of Gondolin » (p. 154)

Voronwë oubliera tout de sa mission en Tasarinan, se plaisant à vivre simplement dans l'ombre des arbres. Les saules ont même le pouvoir d'apaiser le désir de la Mer (on le sait, l'un des désirs les plus poignants de la Terre du Milieu, et c'est un Elfe qui le dit) :

Lovely to heart's enchantment is that and, Tuor, as you shall find, if ever your feet go upon the southward roads down Sirion. There is the cure of all sea-longing, save for those whom Doom will not release.

[TRADUCTION]

U.T., « Of Tuor and his coming to Gondolin »

Ce pouvoir somnifère n'est pas propre à Tasarinan. Ainsi trouve-t-on dans une berceuse elfique, chantée à Rivendell, une association aulnes / saules pour endormir le voyageur :

The wanderer sleepeth. Now soft be his pillow!
Lullaby! Lullaby! Alder and Willow!

Que doux soit son oreiller !
Le vagabond dort. Aulne et Saule ! Bercez ! Bercez !

The Hobbit, « Elvish lullaby » (ma traduction)

Mais les saules ne font pas qu'endormir. Encore une fois rapprochés des aulnes, les saules pleurent dans le poème La Cloche Marine  :

Alders where sleeping, and willows weeping
by a slow river of rippling weeds;

Les aulnes dormaient, et les saules pleuraient
le long d’une lente rivière dont les herbes ondulaient

The Adventures of Tom Bombadil,« The Sea-Bell »

de même que dans le poème angoissant des Miaulabres  :

Beside the rotting river-strand
The drooping-willows weep

The Adventures of Tom Bombadil,« The Mewlips »

Faire pleurer des saules — le saule pleureur est de loin le plus connu de son espèce — n'est peut-être pas très original, mais, ils reflètent l'atmosphère du lieu. Dans la Vallée de Rivendell où les Elfes rieurs vivent en paix, aulnes et saules bercent paisiblement le voyageur ; mais quelle joie peut-on avoir dans des paysages aussi lugubres que ceux rencontrés dans La Cloche Marine ou Les Miaulabres ? Les saules alors pleurent...

L'arbre du printemps et du renouveau

Les saulaies assoupies sont lieu de régénération : pendant le sommeil, les corps se délassent et connaissent une seconde jeunesse, un second printemps.

Le Chant de Fangorn, dans le Seigneur des Anneaux, associe les saulaies (de Tasarinan) au printemps, saison du renouveau :

In the willow-meads of Tasarinan I walked in the Spring.
Ah! the sight and the smell of the Spring in Nan-tasarion!
And I said that was good.

Dans les saulaies de Tasarinan, je me promenais au Printemps
Ah! la vue et la senteur du Printemps à Nan-tasarion!
Et je disais que c'était bon.

LotR, B4C3

Les descriptions de Tasarinan montre qu'il s'agit d'une vallée verdoyante, où l'herbe est riche et les eaux tranquilles. D'ailleurs, Tasarinan est toujours décrite au printemps. C'est un pays où l'on se repose, où l'on guérit :

Yet came they at last to the great pools and the edges of that most tender Land of Willows; and the very breath of the winds thereof brought rest and peace to them, and for the comfort of that place the grief was assuaged of those who mourned the dead in that great fall. There women and maids grew fair again and their sick were healed, and old wounds ceased to pain; yet they alone who of reason feared their folk living still in bitter thraldom in the Hells of Iron sang not, nor did they smile.

[TRADUCTION]

HoME2,« The Fall of Gondolin »

Même si le saule n'est jamais spécifiquement lié à une fécondité particulière, il n'en reste pas moins que le paysage dans le quel il se situe est verdoyant, et que les saulaies de Tasarinan régénèrent corps et esprit.

A la fin de l'hiver, les saulaies du Rohan sont aussi une image de douceur et de paix :

The land was green: in the wet meads and along the grassy borders of the stream grew many willow-trees. Already in this southern land they were blushing red at their fingertips, feeling the approach of spring.

La terre était verdoyante dans les prairies humides et, le long des rives herbeuses de la rivière, croissaient de nombreux saules. Dans cette terre méridionale, ils rougissaient déjà au bout de leurs doigts, sentant l'approche du printemps.

LotR, B3C6

A contrario, on pourra évoquer la saulaie du Tournesaule, que Merry, Pippin, Sam et Frodo « rencontreront » involontairement sur leur chemin, en traversant la Vieille Forêt pour se rendre à Bree :

A golden afternoon of late sunshine lay warm and drowsy upon the hidden land between. In the midst of it there wound lazily a dark river of brown water, bordered with ancient willows, arched over with willows, blocked with fallen willows, and flecked with thousands of faded willow-leaves. The air was thick with them, fluttering yellow from the branches; for there was a warm and gentle breeze blowing softly in the valley, and the reeds were rustling, and the willow-boughs were creaking.

L'or d'un soleil tardif s'étendait, chaud et lourd, sur le terrain caché entre les deux parois. Au milieu, une rivière aux eaux brunes traçait de paresseux méandres, elle était bordée de vieux saules, recouverte d'une voûte de saules, obstruée de saules tombés et mouchetée de milliers de feuilles de saule flétries. L'atmosphère était épaissie de ces feuilles qui descendaient en voletant, jaunes, des branches, car une douce et chaude brise soufflait mollement dans la vallée, les roseaux bruissaient, et les rameaux de saules grinçaient.

LotR, LIC6

Certes, la saison n'est pas la même, mais à la verdoyante vallée de Tasarinan s'oppose à présent une rivière entravée par les saules, à l'ombre encombrée de feuilles, une atmosphère étouffante qui prélude des mésaventures de nos Hobbits avec le Vieil Homme Saule.

L'arbre chanteur

Les saules de la Terre du Milieu ont un langage bien à eux, perceptible non seulement des Elfes (qui entendent même pleurer les pierres), mais de toute créature vivante : Ents aussi bien que Humains.

Les Saulaies de Tasarinan sont habité d'un esprit de murmure :

Now there dwelt in these dark places a spirit of whispers, and it whispered to Tuor at dusk and he was loth to depart; and at morn for the glory of the unnumbered buttercups he was yet more loth, and he tarried.

Maintenant demeurait en ces lieux sombres un esprit de murmures, et il chuchota aux oreilles de Tuor au crépuscule et il ne voulut point partir ; et au matin devant la splendeur des renoncules innombrables il lui répugna d'autant plus, et il s'attarda.

HoME2, « The Fall of Gondolin »

Tout est susurrement léger : le bourdonnement des insectes, le chant des feuilles, le murmure de l'herbe... Le pouvoir des saules a gagné la Vallée et ses habitants. La voix des saules s'oppose à la voix d'Ulmo — qui devra se révéler pour réveiller Tuor et le remettre en route.

Tous les saules, et non seulement ceux de Nan-Tathren, ont un chant doux de chuchotis :

I knew some good old willows down the Entwash, gone long ago, alas! They were quite hollow, indeed they were falling all to pieces, but as quiet and sweet-spoken as a young leaf.

J'ai même connu de bons vieux saules au bout de l'Entalluve, depuis longtemps partis, hélas!  Ils étaient entièrement creux, en vérité, ils tombaient presque en morceaux, mais ils étaient aussi tranquilles qu'une jeune feuille, et leur langage était aussi doux.

LotR, B3C4

Mais le saule chanteur le plus remarquable est bien le Vieil Homme Saule : « Le vieil Homme-Saule gris est un rude chanteur » (3) (LotR, B1C7).

Ses talents sont bien entendus particulièrement développés en ce qui concerne les berceuses :

Only a gentle noise on the edge of hearing, a soft fluttering as of a song half whispered, seemed to stir in the boughs above. [...]  They looked up at the grey and yellow leaves, moving softly against the light, and singing. They shut their eyes, and then it seemed that they could almost hear words, cool words, saying something about water and sleep. They gave themselves up to the spell [...]

Seul un doux son à peine audible, un faible bruissement comme d'une chanson murmurée parut voleter dans les branches au-dessus de lui. [...] Leurs yeux se fermèrent et il leur sembla alors entendre des mots, des mots frais, parlant d'eau et de sommeil. Ils s'abandonnèrent au sortilège [...]

LotR, B1C6

Mais il ne se contente pas de pousser la chansonnette : Vieil Homme Saule parle aussi, et sa voix est comme son tronc, « une horrible voix sèche et rinçante » (LotR, B1C7) qui se rit des pauvres Hobbits qu'il a capturé. Ses feuilles, non contentes de susurrer ses sorts, expriment aussi ce que ressent l'arbre. Quand Sam voudra lui mettre le feu pour libérer ses compagnons :

The leaves seemed to hiss above their heads with a sound of pain and anger.

Les feuilles semblèrent émettre au-dessus de leurs têtes un sifflement de souffrance et de colère.

LotR, B1C6

Le saule (ou du moins, le Vieil Homme Saule, car les saules dont parle Fangorn ont eux un parler doux) a donc deux voix : la voix des feuilles, chuchotement et murmures, et la voix du tronc, craquèlement et rudesse.

L'arbre d'ombre

Il est temps à présent d'aborder le rapport à la lumière du saule. Arbre lunaire, au feuillage vert et gris, le saule est associé à la lumière argentée, et sa partie lumineuse est portée par sa frondaison. Ainsi, décrivant le Vieil Homme Saule, Tolkien écrit :

The leaves fluttering against the bright sky dazzled him, and he toppled over, lying where he fell upon the grass. [...]

They looked up at the grey and yellow leaves, moving softly against the light, and singing.

Les feuilles qui s'agitaient devant le ciel brillant éblouissaient Frodon ; il s'écroula, et il resta étendu là où il était tombé dans l'arbre. [...]

Ils regardèrent vers les feuilles grises et jaunes qui chantaient en se mouvant doucement devant la lumière.

LotR, B1C6

Les feuilles grises et jaunes du saule font écran à la lumière du ciel brillant, et le reflète ; regarder le ciel à travers le feuillage du saule n'estompe pas la luminosité, mais au contraire, éblouit.

Cependant, cette luminosité s'arrête au feuillage : tout ce qui est sous le saule est plongé dans l'ombre dans un ombre qui invite au sommeil et au repos, qui mène à l'oubli — voire à la mort.

Le saule renvoie à l'ombre à ses pieds. Sam, lors de l'ascension du Mont du Destin, mourant de soif et laissant la dernière gorgée d'eau à Frodo, se remémorera de « chaque ruisseau, chaque rivière, chaque source qu'il avait jamais vus, sous les ombrages verts des saules ou scintillant au soleil, dansait et gazouillait pour son tourment derrière la cécité de ses yeux. » (LotR, B6C3).

Sébastien Mallet, dans une étude sur les saulaies et la figure saulaire (4), conclut son étude ainsi :

Il me semble que le trait qui relie la plupart des saules du Légendaire est que le saule a rapport à une eau ombrée, c’est-à-dire une eau qui entoure, qui enveloppe, voire qui brouille.

A Tasarinan comme au Tournesaules, le saule, proche de l’eau dormante, finit par en devenir une à son tour. L’image se déplace : celui qui s’adosse à un saule est englouti dans son ombrage vert ou argenté. Autrement dit, le déplacement de l’image est une inversion : le feuillage devient le reflet de l’eau dormante à ses pieds : il noie la personne qui s’y arrête. Cet enveloppement s’avère enchanteur et égénérant à Tasarinan ; il est perverti et dangereux chez le Vieil-Homme-Saule, qui va jusqu’à  engloutir littéralement ses victimes (tout son être y participe : feuillage, branches, racines et tronc).

La rêverie saulaire de Tolkien est donc assez originale : le saule auprès de l'eau dormante  endort et berce, doucement, celui qui s'y repose. La voûte feuillée devient berce d'eau, et le sommeil régénère l'endormi : les plaies cicatrisent, la beauté renaît, la fatigue disparaît, et les corps sont reposés.

Pourtant, les saules n'ont pas pouvoir de guérir les maux de l'âme. Leur pouvoir est, pour cet aspect, fallacieux : en oubliant le monde, on permet à l'ennemi de s'approcher. Les saulaies de Tasarinan ne sont donc pas un refuge sûr, car à trop s'y plaire, on en oublie le danger qui menace. Il faudra même l'intervention d'Ulmo pour en faire repartir Tuor, dans les versions primitives de la Chute du Gondolin.

Le Vieil Homme Saule

Les saules ont donc un aspect quelque peu négatif, quoique pas nécessairement volontaire. Du moins pour les saulaies rencontrées dans le Légendaire. Car il en est tout autrement pour le Vieil Homme Saule du Tournesaule.

Vieil Homme Saule a toujours perturbé ma rêverie arbesque. Pourquoi avoir masculinisé un arbre qui, dans sa jeunesse, a tout d’un arbre féminin : souplesse, chevelure dorée, fermeté et courbes ? L’âge ferrait-il des arbres, être androgynes de nature, des êtres masculins ? Ou est-ce la vision de celui qui les regarde qui leur donne un genre ?

Plantons d’abord notre réflexion. L’arbre est double. Oniriquement double. Androgyne, puisque selon son âge, selon la lumière, il peut sembler femme ou homme ; trait d’union, il plonge dans la terre pour s’élancer dans le ciel, puise dans l’eau son souffle vital ; s’il conserve son équilibre entre ces apports, il reste neutre… mais vient-il à s’enraciner plus profondément qu’il ne grandit, vient-il à s’élancer plus qu’il ne creuse, alors son symbolisme change.

La chose est particulièrement frappant dans le Seigneur des Anneaux, en ce qui concerne le Vieil Homme Saule. Pour avoir grandit non loin du Rhône, j’ai vu maints saules, de différents âges, de différentes croissances. Mais jamais je n’ai pu les voir comme êtres masculins. Toujours leur chevelure blonde qu’ils mirent inlassablement dans l’eau me les faisait paraître féminin. Toujours la grâce de leur port me les faisait paraître Fennettes. Mais c’est un Vieil Homme Saule qui vient perturber cette image douce et reposante. Arbre d’eau, le saule y retourne, se penchant inlassablement vers ce miroir troublé, y retrouvant jouvence à chaque printemps. Mais pas le Vieil Homme Saule. Le Vieil Homme Saule détourne la rêverie aquatique, détourne la fraîcheur de la jeunesse. Ses feuilles sont déjà grises et jaunes. Le Vieil Homme Saule n’a comme douceur que son chant destiner à endormir, endormir les autres pour rester seule conscience éveillée. Le saule a changé de nature en devenant Vieil Homme. D’aquatique, il est devenu minéral. Ce n’est plus une frêle dame qui échevelle ses rameaux. C’est une caverne monstrueuse. Monstrueuse car vivante, animée. Monstrueuse car animé du seul désir de dévorer, quand chaque ramille s’étend pour saisir la terre, quand chaque branche se soulève pour envahir le ciel, chaque racine courre vers l’eau pour la boire. (5)

[...] his heart was rotten, but his  strength was green; and he was cunning, and a master of winds, and his song and thought ran through the woods on both sides of the river. His grey thirsty spirit drew power out of the earth and spread like fine root-threads in the ground, and invisible twig-fingers in the air, till it had under its dominion nearly all the trees of the Forest from the Hedge to the Downs.

[...] son cœur était pourri, mais sa force verte, et il était rusé, il commandait aux vents, et son chant et sa pensée couraient les bois des deux côtés de la rivière. Son esprit gris et assoiffé tirait la force de la terre, et il s'était répandu comme un réseau de racines dans le sol et comme d'invisibles doigts de brindilles dans l'air, jusqu'à ce qu'il eût acquis la domination sur presque tous les arbres de la Forêt entre la haie et les Hauts.

LotR, B1C6

Toute la description qui en est faite montre son aspect pierreux : Vieil Homme Saule est gris, vieux, énorme. Son tronc est ouvert de cavernes :

[Frodo] lifted his heavy eyes and saw leaning over him a huge willow-tree, old and hoary. Enormous it looked, its sprawling branches going up like reaching arms with many long-fingered hands, its knotted and twisted trunk gaping in wide fissures that creaked faintly as the boughs moved. The leaves fluttering against the bright sky dazzled him, and he toppled over, lying where he fell upon the grass.

Merry and Pippin dragged themselves forward and lay down with their backs to the willow-trunk. Behind them the great cracks gaped wide to receive them as the tree swayed and creaked. They looked up at the grey and yellow leaves, moving softly against the light, and singing. They shut their eyes, and then it seemed that they could almost hear words, cool words, saying something about water and sleep. They gave themselves up to the spell and fell fast asleep at the foot of the great grey willow.

[…] Half in a dream he wandered forward to the riverward side of the tree, where great winding roots grew out into the stream, like gnarled dragonets straining down to drink. [...]

[Frodon] leva ses yeux alourdis et vit, penché sur lui, un énorme saule, vieux et chenu. L'arbre paraissait immense ; ses branches  étalées s'élevaient comme des bras tendus, aux mains pourvues de longs et multiples doigts ; son tronc noueux et tordu s'ouvrait en larges fissures qui grinçaient faiblement au mouvement des branches. Les feuilles qui s'agitaient devant le ciel brillant éblouissaient Frodon ; il s'écroula, et il resta étendu là où il était tombé dans l'arbre.

Merry et Pippin se traînèrent en avant pour s'allonger le dos contre le tronc du saule. Derrière eux, les grandes fissures béèrent pour les accueillir, tandis que l'arbre se balançait en grinçant. Ils regardèrent vers les feuilles grises et jaunes qui chantaient en se mouvant doucement devant la lumière. Leurs yeux se fermèrent et il leur sembla alors entendre des mots, des mots frais, parlant d'eau et de sommeil. Ils s'abandonnèrent au sortilège et tombèrent dans un profond sommeil au pied du grand saule gris.

[...] Dans un demi-rêve, il gagna en titubant le côté de l'arbre tourné vers la rivière, où de grandes racines noueuses s'avançaient dans l'eau comme des dragons tordus qui s'étireraient pour boire. [...]

Ibid.

D'ailleurs, il tire sa force de la terre (6) :

His grey thirsty spirit drew power out of the earth [...]

Son esprit gris et assoiffé tirait la force de la terre [...]

Ibid.

Ses racines sont tordues, son tronc craquelé, mais ses branches, a contrario, sont raides :

The wind puffed out. The leaves hung silently again on stiff branches.

Le vent lança une dernière bouffée. Les feuilles pendirent de nouveau silencieuses aux branches raides.

Ibid.

On peut donc raisonnablement supposer que le Vieil Homme Saule est un Crack Willow, un saule fragile (salix fragilis), et non un saule pleureur dont les branches ne sont pas raides.

Mais revenons à la rêverie végétale. L’arbre est double. En tant que tel, il est juste qu’il y ait deux rêveries végétales. Celle qui regarde vers le ciel, celle qui plonge dans la roche. Et dans l’optique tolkienienne, la première est positive, la deuxième négative. Gollum perd son âme aux racines de la montagne : que la faute soit à l’Anneau n’enlève pas le fait que cette perte soit liée à l’enfouissement. Les racines grouillantes du Vieil Homme Saule n’inclinent pas à la confiance. L’appétit dévorant qui anime Shelob la conduit à étendre ses toiles, prolongement de son corps monstrueux, dans toutes les cavernes de son domaine. Le Mordor est un lieu de pierre qui rend négative même l’eau, qui pourtant seule pourra le purifier. Toute rêverie qui n’est centrée que sur l’enfouissement, sur l’engloutissement — de nourriture pour Shelob, de « secrets » pour Gollum — et plus encore, sur l’engloutissement égocentrique ne peut être que noire et négative. (7)

Abordons maintenant un autre point étonnant de la rêverie végétale, à celle liée au Vieil Homme Saule : s’il ne vit que par ses racines, il ne partage pas la rêverie du passé. La conscience éveillée ne comprend guère cela : pour elle, les racines renvoient aux temps premiers, et s’il y a une rêverie des racines, elle doit être tournée vers l’arrière, vers l’achevé, vers ce qui ne reviendra pas. Mais pas dans ce cas : Vieil Homme Saule est tourné vers le présent, vers le futur aussi, mais pas vers le passé. Vieil Homme Saule n’a pas de mémoire, sa conscience n’est tournée que sur son expansion.

Vieil Homme Saule, dans son appétit solitaire, dévore pour lui-même, gouverne son espace, exerce ses charmes pour lui seul, pour dévorer, encore, toujours… Comment dès lors arrêter son expansion dévastatrice ? Que lui enjoint Tom ? « Eat earth! Dig deep! Drink water! Go to sleep! ». Étonnamment, de faire ce qu’on lui reproche… du moins à ce qu’il semble. La nuance est dans l’adjonction à dormir. Dormir… c’est-à-dire suspendre la conscience. Suspendre la conscience, donc supprimer l’intention. L’intention de l’engloutissement. Vieil Homme Saule peut bien continuer à manger la terre, à creuser profond, à boire l’eau, pourvu qu’il dorme, que sa conscience négative soit en sommeil. Retournement de charme : Vieil Homme Saule endort ses proies pour les ingérer, Tom lui ordonne de dormir à son tour pour qu’il cesse de le faire. Tom n’est pas dupe, Tom est le maître. Tom répare ce qui n’aurait pas du être : « You should not be waking ». Et la conscience maléfique réduite au sommeil, Vieil Homme Saule redevient arbre, redevient naturel, non plus arbre minéral pensant, mais saule tranquille et silencieux : « Then with a loud snap both cracks closed fast again. A shudder ran through the tree from root to tip, and complete silence fell ».

Les valeurs saulaires

Pour conclure cette partie sur le saule, on peut trouver deux valorisations du saule chez Tolkien.

En groupe, en saulaie, il renvoie à l'eau, au sommeil, au murmure, au printemps et au renouveau : paix et douceur.

Isolé et solitaire, le saule renvoie certes aussi à l'eau, au sommeil et au murmure, mais surtout à une mort par engloutissement, peut-être même par pétrification, si l'on étend son aspect minéral à ses proies.

Le chant de la saulaie invite au sommeil et à l'oubli, il est réparateur, même s'il n'empêche pas l'écoulement du temps au dehors. Le chant du Vieil Homme Saule est doux, mais sa douceur est fallacieuse : il invite à un sommeil lourd, pour mieux engloutir le malheureux prisonnier de ses racines ou de son tronc. Et la voix enchanteresse de ses feuilles ne peux faire oublier la voix grinçante de son tronc.

(1) Il est intéressant de noter que Míriel est associée à la lune, et à la lumière argentée. Cf. l'article de Didier Willis, « Míriel, ou la confrontation de la lune et du soleil », Hiswelókë, Quatrième Feuillet. Disponible en ligne :     https://forum.tolkiendil.com/thread-6243.html.

(2) « There too grew the poppies glowing redly in the dusk, and those the Gods called fumellar the flowers of sleep — and Lorien used them much in his enchantments. » (HoME1, « The Coming of the Valar and the Building of Valinor »). [TRADUCTION]

(3) La v.o. utilise le terme « mighty singer », qui serait mieux traduit par « puissant chanteur », avec une idée de pouvoir.

(4) Sébastien Mallet, sur le fuseau « Tasarinan ».

(5) Rappelant ainsi Ungoliant, l'araignée monstrueuse, qui cherche à dévorer toute lumière, toute chose, pour combler son propre vide (cf. Silm., « Of the Silmarils and the Unrest of the Noldor »).

(6) Peut-être ne faut-il pas s'étonner, dès lors, si celui qui résiste le mieux à ses enchantements est Sam, le jardinier, lui-même baille « comme une caverne » (LotR, B1C6) — et dort comme une souche (LotR, B1C7).

(7) Il n’en va pas de même pour le peuple Nain, qui, s’il est intrinsèquement lié au minéral, ne rejoint pas cette rêverie néfaste : il y a de la beauté dans la terre, et leur rêverie rend grâce de cette beauté, la fait partager. La nuance essentielle est dans le partage de la connaissance, dans le fait de montrer au monde la beauté de la rêverie terrestre, minérale. Ainsi, la  description que Gimli fait à Legolas des Cavernes Scintillantes est une véritable envolée lyrique et amoureuse — et permet de prouver que le peuple Nain n'est pas le peuple grossier et fruste que beaucoup se plaisent à imaginer.

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#2 25-06-2008 20:34

Laegalad
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

Ouf, rien de cassé !

Comme les [TRADUCTION] vous l'indiquent, je n'ai ni les HoME, ni les UT en français (enfin, les UT, je suis sensée l'avoir, mais perdu...). Si une âme charitable avait la vf de ces extraits, je suis preneuse :)

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#3 26-06-2008 13:04

sosryko
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

Pour la première citation, il me semble que ton propos serait plus fort si tu citais le texte de La Chute de Gondolin et non pas seulement l’extrait qu’en propose Christopher Tolkien dans sa note « Noldorin au Pays des Saules »

(iv) Noldorin in the Land of Willows

‘Did not even after the days of Tuor Noldorin and his Eldar come there seeking for Dor Lómin and the hidden river and the caverns of the Gnomes' imprisonment; yet thus nigh to their quest's end were like to abandon it? Indeed sleeping and dancing here . . . they were whelmed by the goblins sped by Melko from the Hills of Iron and Noldorin made bare escape thence’ (p.154)

[Les] Noldoli (…) Eux non plus ne pouvaient résister face à la magie de ce lieu aux saules, car très grand était son enchantement]. Ne se fit-il pas que même après les jours de Tuor, Noldorin et ses Eldar vinrent là à la recherche de Dor Lómin et la rivière cachée et les cavernes de l’emprisonnement [p. 447 : la réclusion] des Gnomes ; et pourtant si près de la fin de leur quête furent proches de l’abandon ? En vérité dormant et dansant ici[, et faisant de belles musiques des sons de la rivière et du murmure de l’herbe, et tissant de riches étoffes de fils arachnéens et de plumes d’insectes ailés,] ils furent submergés par les Goblins dépêchés par Melko depuis les Collines de Fer et Noldorin s’échappa avec peine de l’endroit.

HoME II, p. 219

Le Livre des Contes Perdus, « La Chute de Gondolin », Notes, §3, « (iv) Noldorin au Pays des Saules », p. 514 ; les crochets restituent le texte de la Chute, p. 447 / Bourgois, édition compacte, 2001

Dans la seconde citation non traduite, lire « that land » et non « that and » :

Lovely to heart's enchantment is that land, Tuor, as you shall find, if ever your feet go upon the southward roads down Sirion. There is the cure of all sea-longing, save for those whom Doom will not release.

Belle à ravir le Coeur est cette terre, Tuor, comme toi-même le découvriras, si jamais tes pas te mènent sur les routes du sud qui descendent le cours du Sirion. Là guérit-on de tout languir de la mer, sinon pour ceux que la Malédiction ne veut point lâcher

U.T., « Of Tuor and his coming to Gondolin »

SCLI, p. 408 / Bourgois, edition compacte, 1993

Yet came they at last to the great pools and the edges of that most tender Land of Willows; and the very breath of the winds thereof brought rest and peace to them, and for the comfort of that place the grief was assuaged of those who mourned the dead in that great fall. There women and maids grew fair again and their sick were healed, and old wounds ceased to pain; yet they alone who of reason feared their folk living still in bitter thraldom in the Hells of Iron sang not, nor did they smile.

Pourtant ils vinrent enfin aux vastes étangs et aux bords du si tendre Pays des Saules ; et le souffle même des vents de cette région leur amena paix et repos, et grâce au réconfort de cet endroit la douleur de ceux qui étaient en deuil des morts de cette grande chute fut calmée. Là, femmes et jeunes filles devinrent belles à nouveau et leurs malades furent guéris, et de vieilles blessures cessèrent de les tourmenter : pourtant eux seuls qui avec raison craignaient que leurs familles vécussent encore en esclavage amer dans les Enfers de Fer ne chantèrent point, et non plus ne sourirent.

HoME II,« The Fall of Gondolin », p. 196

Le Livre des Contes Perdus, « La Chute de Gondolin », p. 488 / Bourgois, édition compacte, 2001

There too grew the poppies glowing redly in the dusk, and those the Gods called fumellar the flowers of sleep -- and Lorien used them much in his enchantments.

Là poussèrent aussi les coquelicots qui rougeoyaient dans le crépuscule, et ceux-là les Dieux les nommaient fumellar, les fleurs du sommeil – et Lórien en usa grandement pour ses sortilèges.

HoME1, « The Coming of the Valar and the Building of Valinor »

Le Livre des Contes Perdus, « La venue des Valar et la construction de Valinor », p. 92 / Bourgois, édition compacte, 2001

S. :o)

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#4 26-06-2008 15:59

Laegalad
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

Merci beaucoup Sosryko ! :D

Oserais-je abuser ?... j'ai quelques autres citations vf manquantes... Pas beaucoup, j'ai pu dénicher certains passages sur le web. Mais pourrais-je te les envoyer ? Histoire de fignoler quelques détails... ;)

Les trados sont vraiment bonnes ! Il va falloir que je songe à quelques acquisitions... mais il me faudrait un mur supplémentaire pour caser une autre bibliothèque :D

Et pour les coquelicots : voilà à quoi ressemblait le jardin d'Irmo ;)

S. -- gentils coquelicots mesdames gentils coquelicots nouveaux...

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#5 26-06-2008 16:10

Silmo
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien


Sliourp.  Merci Laegalad :-)

j'imprime pour lire ce soir (c'est pas l'heure ni le lieu pour les opiacées)

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#6 26-06-2008 16:51

Laegalad
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

Surtout que le mélange aspirine / fumellar... ;)

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#7 26-06-2008 20:29

sosryko
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

@ Laegalad : pas de problème ;-)

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#8 27-06-2008 19:09

Silmo
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

Je me suis régalé et vite endormi la nuit dernière en rêvant de saules... Encore merci Laegalad.
"Saulaire"... j'adore!

Deux petites remarques, puisque tu les sollicites :-)

1°) à propos de ta note n° 7

Il n'en va pas de même pour le peuple des Nains...

un petit développement sur la rivière noire de Mirkwood serait peut-être bienvenu car une fois que Bombur y est tombé, il écrase dur et il y prend plaisir!
Est-ce la rivière qui a un pouvoir hypnotique où y a-t-il des saules alentour?

2°) Lorsque tu dis :

Vieil Homme Saule a toujours perturbé ma rêverie arbresque. Pourquoi avoir masculinisé un arbre qui, dans sa jeunesse, a tout d’un arbre féminin : souplesse, chevelure dorée, fermeté et courbes ? L’âge ferait-il des arbres, être androgynes de nature, des êtres masculins ? Ou est-ce la vision de celui qui les regarde qui leur donne un genre ? ...

je me demande si tu ne réponds pas toi-même à ta question; car n'est-ce pas toi - observatrice - qui considère la souplesse et la fermeté comme l'apanage de la féminité ?

Je ne dis rien sur la chevelure dorée... sans être convaincu que c'est plus féminin que masculin, je crois qu'on parle trop souvent ici des cheveux et de leur couleur :-)) - c'est déjà bien d'en avoir encore et ça m'amène plutôt à une autre réflexion : j'ai l'impression que - souplesse ou fermeté - c'est plutôt des privilèges de la jeunesse dont il est question :-) pas de ceux de la féminité.
Autrement dit, le VIEIL-Homme-Saule plus que le Vieil-HOMME-Saule.

Sur ce point, peut-être faut-il explorer la relation Ent et Ent-femmes par rapport à la longévité ?

Qu'en penses-tu ?

Silmo

PS: je n'ai rien dit non plus des courbes car il est vrai qu'on les associe plus volontiers à la féminité... encore que cette notion évolue sans cesse et selon les cultures : en occident, le mannequin des défilés est osseux et filiforme (sans courbes); en orient, Buddha (un mâle) rassure par le galbe ondulé de sa ronde bedaine.

*voix off*
Obélix: « Il vaut mieux être un peu enveloppé que rabougri; N'est-ce pas Astérix ? »

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#9 27-06-2008 23:23

Laegalad
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Re : Symbolique du Saule chez Tolkien

Merci Silmo :)

Silmo a écrit :

"Saulaire"... j'adore !

L'expression n'est pas de moi, mais de Fangorn ;)

Concernant ta remarque 1. : je ne pense pas que la rivière de Mirkwood soit entourée de saules... du moins, il n'en ai jamais fait mention. Medw... heu, Beorn, pardon, les mets en garde avant qu'ils ne partent en leur disant que cette rivière est enchantée. Et noire. Je pense que cet épisode s'inscrit dans une autre poétique, celle du passage du monde des Hommes au monde enchanté: on retrouve tous les éléments "classiques" de ce passage : la Forêt, la Rivière, la barque, la chasse à la biche blanche, les Elfes mystérieux (et inquiétants)... En fait, ce passage me semble plus à relier au "testament poétique" de Tolkien, Smith de Wootton Major, qu'à une interprétation saulaire...
Les rares descriptions que l'ont a des arbres autour d'eux ne sont pas très indicatifs... Ce n'est que quelques jours après avoir passé la rivière que l'on sait que la forêt devient composée majoritairement de hêtres, ce qui n'était pas le cas avant... Même le grand arbre sur lequel grimpe Bilbo n'est pas décrit (à part qu'il est grand et gros...)

Pour la 2. : hi hi :) Je pense que la rêverie bachelardienne m'a un peu déteint dessus ;)

Quelle est donc la fonction sexuelle de la rivière ? C'est d'évoquer la nudité féminine. Voici une eau bien claire, dit le promeneur. Avec quelle fidélité elle refléterait la plus belle des images ! Par conséquent la femme qui s'y baignerait sera blanche et jeune ; par conséquent elle sera nue. L'eau évoque d'ailleurs la nudité naturelle, la nudité qui peut garder une innocence. [...]
Pour certaines rêveries, tout ce qui se reflète dans l'eau porte la marque féminine.

G. Bachelard, L'eau et les Rêves — Essai sur l'imagination de la matière, ch.1, VIII

Un peu plus loin :

Innombrables sont les légendes où les Dames des fontaines peingent sans fin leurs longs cheveux blonds (cf. Sébillot, loc. cit., II, p.200). {...} Tout s'allonge au fil de l'eau, la robe et la chevelure; il semble que le courant lisse et peigne les cheveux. [...] il suffit qu'une chevelure dénouée tombe — coule — sur des épaules nues pour que se réanime tout le symbole des eaux.

G. Bachelard, id. ch.3, VI

Pour ma rêverie du moins (mais les rêveries sont personnelles ; ainsi, notre ami Fangorn vo(ya)it les bouleaux comme des "adolescent dégingandés", alors que pour moi, le bouleau est aussi une figure féminine... puisque mince, souple, ferme et blanc ;)), les saules sont féminins, puisqu'au bord de l'eau, puisque penchée vers elle, puisqu'au long feuillage tombant... la blondeur, je te l'accorde, n'est pas nécessaire : c'est la longueur qui est importante.
Ceci dit, tu as raison sur le caractère de la jeunesse.  Car la nymphe à la rivière est forcément jeune

Heureux celui qui est réveillé par la fraîcheur de la nature vivante. Chaque jour nouveau a pour lui la dynamique de la naissance. A l'aurore, le chant du ruisseau est un chant de jeunesse, un conseil de jouvence. Qui nous rendra le réveil naturel, le réveil dans la nature ?

G. Bachelard, id., ch.1, VII

C'est l'inconvénient de partir sur un aspect "rêverie", car c'est éminemment personnel... Je retravaillerai donc ce passage, en insistant plus sur la jeunesse ; mais je ne puis me défaire de l'image féminine que j'associe spontanément au saule :)

Silmo, avec raison, a écrit :

PS: je n'ai rien dit non plus des courbes car il est vrai qu'on les associe plus volontiers à la féminité... encore que cette notion évolue sans cesse et selon les cultures : en occident, le mannequin des défilés est osseux et filiforme (sans courbes); en orient, Buddha (un mâle) rassure par le galbe ondulé de sa ronde bedaine.

Le mannequin des défilés est hideux, et je ne parle même pas des mannequins des pubs, rognés, difformes et inhumains (il faudrait enlever des os pour arriver à ce résultat...). Mais en cours de dessin anatomique (où l'on croque des sujets normaux), c'est très flagrant : le trait même change selon le modèle, plus nerveux pour les sujets masculins, plus souple pour les sujets féminins.
Quant au Buddha... je ne qualifierai pas ses rondeurs de "galbées", puisque le terme à pour moi une idée de... fermeté ;) 

Silmo a écrit :

*voix off*
Obélix: « Il vaut mieux être un peu enveloppé que rabougri; N'est-ce pas Astérix ? »

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S.

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