JRRVF - Tolkien en Version Française - Forum

Le forum de JRRVF, site dédié à l'oeuvre de J.R.R. Tolkien, l'auteur du Seigneur des Anneaux.

Vous n'êtes pas identifié(e).

Annonce

Bienvenue sur le nouveau forum JRRVF ! En cas de problème avec votre login / mot de passe, n'hésitez pas à me contacter (webmaster@jrrvf.com)

#1 12-04-2003 11:55

Moraldandil
Lieu : Paris 18e
Inscription : 2001
Messages : 887
Site Web

Le chant d'Eärendil

[Édit (Yyr) 2021 : ce fuseau est l'un des nombreux rejetons de l'arbre initial de la traduction des poèmes]

Voici un autre travail assez long : le chant d’Eärendil composé par Bilbon à Fondcombe.

L’original est un long poème narratif en octosyllabes, avec une construction très compliquée et difficile à décrire. On observe en particulier un jeu de rimes batelées (les finales des vers impairs sont reprises à l’intérieur des vers pairs) et de rimes finales, parfois approximatives, ainsi que de fréquentes assonances et allitérations. S’y ajoutent de fréquentes variations de syntaxe (qui est souvent inhabituelle), avec de nombreux chiasmes. On ne perçoit pas vraiment de structure bien définie, mais plutôt le retour incessant de variations sur un motif que l’on n’arrive jamais à percevoir tout à fait clairement. A mon sens, ce poème est un de ceux qui gagnent le plus à être récités.

Si vous avez The Road Goes Ever On écoutez Errantry qui est apparenté, vous verrez ce que je veux dire – sauf qu’Errantry encore « pire » en son genre, du point de vue de la difficulté de traduction bien sûr ;-)

Il m’a paru indispensable de garder l’octosyllabe afin de conserver la rapidité du poème. J’ai tenté de reproduire un tant soit peu les effets sonores de l’original, sans que ce soit systématique, et les variations de syntaxe. Quelques détails sont malheureusement passés à la trappe, d’autres ont été réorganisés : il n’y a pas toujours de correspondance stricte de vers à vers. Je pense néanmoins que l’essentiel y est.

Je remercie Círdan, Iarwain et Laegalad  pour leurs avis et remarques, et Yyr pour son aide à formater ce message ;-)

Song of Eärendil

Chant d’Eärendil

Eärendil was a mariner
that tarried in Arvernien ;
he built a boat of timber felled
in Nimbrethil to journey in ;
her sails he wove of silver fair,
of silver were her lanterns made,
her prow was fashioned like a swan
and light upon her banners laid.

Eärendil fut un marin
Qui s’attarda en Arvernien ;
Il bâtit un bateau de bois
De Nimbrethil pour voyager ;
Les voiles fit de bel argent,
Dans l’argent forgea les fanaux,
Façonna la proue comme un cygne,
Hissa ses enseignes brillantes.

In panoply of ancient kings
In chainéd rings he armoured him ;
his shining shield was scored with runes
to ward all wounds and harm from him ;
his bow was made of dragon horn,
his arrows shorn of ebony,
of silver was his habergeon,
his scabbard of chalcedony ;
his sword of steel was valiant,
of adamant his helmet tall,
an eagle-plume upon his crest,
upon his breast an emerald.

Dans l’armure des anciens rois
Se cuirassa de mailles fines ;
Le gardait des maux et des torts
Son écu d’or gravé de runes.
Dans l’ébène tailla ses flèches,
Son arc en corne de dragon ;
Son haubergeon était d’argent,
De calcédoine son fourreau,
Son épée vaillante d’acier,
Son heaume élevé d’adamant,
Une plume d’aigle au cimier,
Sur sa poitrine une émeraude.

Beneath the Moon and under star
he wandered far from northern strands,
bewildered on enchanted ways
beyond the days of mortal lands.
From gnashing of the Narrow Ice
Where shadow lies on frozen hills,
from nether heats and burning waste
he turned in haste, and rowing still
on starless waters far astray
at last he came to Night of Naught
and passed, and never sight he saw
of shining shore nor light he sought.
The winds of wrath came driving him
and blindly in the foam he fled
from west to east and errandless
unheralded he homeward sped.

Sous la Lune et sous les étoiles
Erra loin des grèves du Nord
Perdu sur des voies enchantées
Au-delà des terres mortelles.
Du détroit de glaces grinçantes
Où l’ombre noie des monts gelés,
Des enfers brûlants du désert
Se détourna en hâte ; enfin,
Errant sur des eaux sans étoiles,
Atteignit la Nuit du Néant
Et passa sans voir la lumière
Des rivages qu’il recherchait.
Les vents de colère le prirent
Et d’ouest en est, sans but, chez lui,
Aveugle il fuit dans les embruns
Et revint sans être annoncé.

There flying Elwing came to him,
and flame was in the darkness lit ;
more bright than light of diamond
the fire upon her carcanet.
The Silmaril she bound on him
and crowned him with the living light
and dauntless then with burning brow
he turned his prow ; and in the night
from Otherworld beyond the Sea
there strong and free and storm arose,
a wind of power in Tarmenel ;
by paths that seldom mortal goes
his boat him bore with biting breath
as might of death across the grey
and long forsaken seas distressed :
from east to west he passed away.

Là Elwing, volant, vint à lui,
Et dans la nuit jaillit la flamme ;
De son collier le feu brillant
Du diamant surpassait l’éclat.
Du Silmaril le couronna,
Le coiffa de lumière vive.
Lors intrépide, le front ardent,
Il tourne sa proue ; dans la nuit
De l’Autre Monde d’outre Mer
Se lève une forte tempête,
Un vent puissant de Tarmenel,
Souffle mordant, force de mort
Portant son navire en détresse
Sur des mers grises délaissées,
Voies fermées d’usage aux mortels ;
Et d’est en ouest il disparaît.

Through Evernight he back was borne
on black and roaring waves that ran
o’er leagues unlit and foundered shores
that drowned before the Days began,
until he heard on strands of pearl
where ends the world the music long,
with ever-foaming billows roll
the yellow gold and jewels wan.
He saw the Mountain silent rise
where twilight lies upon the knees
of Valinor and Eldamar
beheld afar beyond the seas.
A wanderer escaped from night
to haven white he came at last,
to Elvenhome the green and fair
where keen the air, where pale as glass
beneath the Hill of Ilmarin
a-glimmer in a valley sheer
the lamplit towers of Tirion
are mirrored on the Shadowmere.

Ramené dans le Nuit sans Fin
Par les flots obscurs qui grondaient
Sur des lieues noires et des rives
Noyées avant le premier Jour,
Il ouït enfin sur les grèves
De perles où finit le monde
Le son des vagues écumantes
Roulant l’or et les gemmes pâles ;
Et la Montagne silencieuse,
Sa pénombre sur les genoux
De Valinor et d’Eldamar
Depuis les mers il contempla.
Vagabond sorti de la nuit,
Il vint enfin au havre blanc,
Au beau et vert pays des Elfes
À l’air vif, où dans une combe
Sous la colline d’Ilmarin
Brillotent pâles comme verre
Les lampes des tours de Tirion
Reflétées dans le Lac aux Ombres.

He tarried there from errantry,
and melodies they taught to him,
and sages old him marvels told,
and harps of gold they brought to him.
They clothed him then in elven-white,
and seven lights before him sent,
as through the Calacirian
to hidden land forlorn he went.
He came unto the timeless halls
where shining fall the countless years,
and endless reigns the Elder King
in Ilmarin on Mountain sheer ;
and words unheard were spoken then
of folk of Men and Elven-kin,
beyond the world were visions showed
forbid to those that dwell therein.

Là il arrêta son errance
Et apprit d’eux des mélodies ;
Des harpes d’or ils apportèrent,
Lui contèrent maintes merveilles.
En blanc elfique ils l’habillèrent,
Et sept lumières devant lui,
Il passa le Calacirya,
Marcha vers le pays caché.
Il vint dans les salles sans âge
Où tombent les années sans nombre
Et sans fin règne l’Ancien Roi
Sur la Montagne en Ilmarin ;
Et des mots alors furent dits
Inouïs des Hommes et des Elfes,
Montrées des visions d’au-delà
Inaccessibles à ce monde.

A ship then new they build for him
of mithril and of elven-glass
with shining prow ; no shaven oar
nor sail she bore on silver mast :
the Silmaril as lantern light
and banner bright with living flame
to gleam thereon by Elbereth
herself was set, who thither came
and wings immortal made for him,
and laid on him undying doom,
to sail the shoreless skies and come
behind the Sun and light of Moon.

Une nef neuve alors lui firent
De mithril et de verre elfique,
À la proue brillante, sans rame
Ni voiles à son mât d’argent :
Le Silmaril comme lanterne
Et bannière, vivante flamme,
Pour resplendir y fut placé
Par Elbereth même, qui vint,
Lui fit des ailes immortelles,
Fixant, éternel, son destin :
Voguer dans les cieux sans rivage
Après la Lune ou le Soleil.

From Evereven’s lofty hills
where softly silver fountains fall
his wings him bore, a wandering light,
beyond the mighty Mountain Wall.
From World’s End then he turned away,
and yearned again to find afar
his home through shadows journeyiing,
and burning as an island star
on high above the mists he came,
a distant flame before the Sun,
a wonder ere the waking dawn,
where grey the Norland waters run.

Des collines du Soir sans Fin
D’où tombent des sources d’argent
Il prit son vol, lumière errante,
Passa le puissant Mur des Monts.
Se détournant du Bout  du Monde,
Il voulut retrouver sa terre
Au loin, voyageant par les ombres,
Île ardente comme une étoile
S’élevant au-dessus des brumes,
Merveilleuse flamme lointaine
Sur les ondes grises du Nord
Avant l’aurore ou le Soleil.

And over Middle-earth he passed
and heard at last the weeping sore
of women and of elven-maids
in Elder Days, in days of yore.
But on him mighty doom was laid,
till Moon should fade, and orbéd star
to pass, and tarry never more
on Hither Shores where mortals are ;
for ever still a herald on
an errand that should never rest :
to bear his shining lamp afar,
the Flammifer of Westernesse.

En Terre du Milieu enfin
Il plana, entendit les pleurs
Des femmes et filles des Elfes
Aux temps jadis, aux Jours Anciens.
Mais sur lui pesait son destin :
Jusques à la fin de la Lune,
Tourner sans plus jamais cesser,
Passer sur ces rives mortelles ;
Éternel héraut désormais
D’une mission sans nul repos :
Porter au loin sa flamme claire,
Le Flammifer de l’Occident.

Moraldandil

Hors ligne

#2 27-05-2003 13:09

greenleaf
Inscription : 2000
Messages : 156

Re : Le chant d'Eärendil

Chapeau ! L'art poétique m'est tout à fait étranger, et je suis béat d'admiration devant les traductions présentées ici. Selon moi, le chant d'Earendil présenté ici se compare avantageusement à la version publiée (c'était facile, direz-vous), malgré les omissions et les pertes, nécessairement nombreuses dans ce genre d'exercice (une approche qui comporte de NETS avantages également). Les essais qui se trouvent dans [les] autre[s] fuseau[x], lus il y a longtemps, m'avaient également fait bonne impression. Je reviendrai vous lire, en espérant que vous continuerez à prendre plaisir à la traduction des poèmes, et à nous donner des traduction d'une telle qualité... à première vue, en tout cas ; mais sur un forum, on n'en demande même jamais autant ! Évidemment, quand il s'agit de JRRVF...

greenleaf, admiratif.

Hors ligne

#3 27-05-2003 13:12

greenleaf
Inscription : 2000
Messages : 156

Re : Le chant d'Eärendil

Excusez les fautes et les maladresses. J'ai été secoué, apparemment. ;-)

Hors ligne

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB 1.5.10