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Au cours des discussions passées, quelques malentendus et quiproquos divers sont nés de ce qui m' apparait comme une confusion de genre...Ou plutôt, d' une position de lecture particulière. Ces positions différenciées, que je qualifie d' interne , ou d' externe , peuvent être complémentaires, superposables, voire, plus rarement, contradictoires...Mais, dans mon esprit, non hiérarchisées !
La lecture interne permet de répondre à une question donnée en se basant, principalement, sur la seule logique du roman, en ne prenant en compte que des seules données disponibles par la lecture du livre, et/ou en se plaçant à l' intérieur de l' ouvrage...
La lecture externe, a contrario, s' appuiera sur la connaissance de la biographie de l' auteur, de son oeuvre, voire, des réflexions, critiques, essais, et autre paralittérature...
L' utilisation de cette double lecture permet de mettre en évidence la logique première des personnages, d' apporter, ou plutôt, de souligner une cohérence, une rationnalité qui peut être écartée, ou ignorée, dans notre volonté à expliquer, d' un point de vue externe, tel ou tel discours, agissement, occurrence, du récit...
Prenons l' exemple de Tom Bombadil, et de son identité...
La position externe prendra en compte la correspondance de Tolkien, l' existence d' une poupée homonyme, les différentes hypothèses échaffaudées par tel ou tel...Et en tirera une explication quant à son effacement dans le récit de la guerre de l' anneau ( le SdA )...
La position interne s' attachera à trouver à l' intérieur du récit les raisons qui peuvent pousser le Conseil et la Communauté à exclure le brave Tom de la suite des événements, cherchant éventuellement, à souligner les incohérences, ou les incongruités, des prétextes/justifications données par Gandalf ou/et Elrond...
Un autre exemple fera intervenir le fameux " ..il me faut tenir la voie étroite.., phrase prononcée par Gandalf peu avant son combat avec le Balrog de la Moria...
Une vision externe s' appliqua à en démontrer la logique en s' appuyant sur les choix religieux de Tolkien...Je n' y reviendrai pas !
J' avais tenté, alors, d' exprimer l' option interne, en soulignant le caractère emphatique du verbe habituellement utilisé par Gandalf...Sans que celà vienne contredire une explication plus en rapport avec l' auteur qu' avec les circonstances du récit !
Pour finir, je ne saurais trop recommander de dissocier, autant que faire se peut, les deux types d' analyses, afin d' éviter une certaine confusion...
De mon point de vue, il peut être génant d' expliquer, par exemple, événements, actions et paroles d' un personnage du SdA en allant chercher des références dans le Sil ou les HoMEs...Glorfindel au Gué de Bruinen étant un exemple idéal ! D' un point de vue interne, sa présence ne soulève aucun problème, alors qu' une vision externe soulève la question de son âge et/ou d' une ennuyeuse homonymie...!
Voilà, grossièrement, ce que recouvrent les qualificatifs d' interne et d' externe...Bien sûr, cette précision donnée sur le lieu d' où l' on s' exprime sert, avant tout, à délimiter le champ de l' analyse que l' on entend privilégier !
TB
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Mmmm. Je crois que je comprends mieux : Interne est tout ce qui concerne le roman, non seulment ce qui est intérieur à l'histoire, mais aussi les aspects "techniques", le découpage en livres ou l'impression que l'écrivain veut produire sur le lecteur.
Externe, la bio de l'auteur, sa mentalité, ses sources d'inspiration et tout ce qu'il a pu écrire par ailleurs, y compris les autres histoires qui se passent en Terre du Milieu.
Mais alors...?
Si le mélange Home Sil avec le SdA est une une erreur, ou en tout cas une source de confusion, je comprends que, dans un autre fuseau, ma question sur l'incompatiblité entre le don de guérisseurs des Elfes et leur statut de guerrier était mal posée . Effectivement, j'ai mélangé deux sources, comme dans l'"affaire Glorfindel".
Mais ça me fait une impression bizarre de considérer le Sil comme une source externe alors qu'il est le passé du SdA et que les personnages du SdA font souvent référence à ce qui s'est passé dans le Sil (Ex: Poèmes de Sam sur Gil Galad, et bien sur d'Aragorn sur Luthien)
De même pour Bilbo. Après tout, tout ça c'est la même histoire!
De ce fait, ça ne doit pas toujours être facile de différencier le point de vue interne/externe. Par exemple si l'on veut analyser un personnage et que dès qu'on aborde son passé hors SdA,il faut préciser qu'on change de point de vue.
Je continue à réfléchir, merci de tes explications en tout cas!
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Snif ... pas le temps sur un sujet qui me tient à coeur, c'est dur ...
interne = tu te places dans la Terre-du-Milieu pour en parler, avec pour seules références ce que tu connais de la Terre-du-Milieu (un peu comme quelqu'un compulsant les archives de la bibliothèque de Minas Tirith en début de Quatrième Age)
externe = tu te places dans notre réalité (primaire) pour en parler, en faisant usage de tes connaissances de notre monde.
En hâte,
Yyr ;)
PS : Et le fait qu'il y ait différents textes (Sil, SdA ...) n'empêche pas une étude strictement interne le cas échéant
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TB
je suis assez d'accord avec ta définition de interne/externe, mais il me semble que devrait être compris dans la vision interne toute l'oeuvre romanesque publiée de Tolkien, qui correspond à la vision qu'il nous donne de la Terre du Milieu
J'exclue par conséquent de la vision intrne à la fois HOME et les lettres.
Le Silmarillion pose un problème particulier étant donné sa publication posthume et la façon dont Christopher l'a conçu. D'après ce que j'ai compris, il n'a pas forcément pris les dernières versions de son père, mais les plus achevées et les plus cohérentes, ce qui peut entrainer des erreurs dans l'interprétation. mais pour moi, il doit cependant être inclu dans la vision interne des terres du milieu
Un autre écueil arrive dans la vision interne de l'oeuvre qui est celle de l'exactitude des informations dans les romans. On peut prendre en exemple l'origine des orcs. Les romans n'étant pas écrit par un narrateur omniscient, mais par des êtres vivants (les hobbits ou les sages elfes) il est possible qu'ils se trompent, où ne connaissent pas toute ;la vérité...
Keren, vengeur nain
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Dwarwen..., hormis les Letters (et encore cette exclusion peut même se discuter, si l'on fait de Tolkien le transmetteur d'une tradition ;-) ), tous les textes de Tolkien sur la Terre du Milieu, y compris HoME, peuvent être étudiés selon un point de vue interne/interniste. Le fait que Christopher ait publié HoME est un simple fait externe. :)
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Tout à fait d'accord avec ton dernier paragraphe, noble Nain.
Lorsqu'on s'applique à une lecture interne, on prend l'Oeuvre dans son ensemble, tel quel, et au-dela du seul SdA. (On se trouve dans la même situation que celle d'un passionné d'histoire de France qui lirait Michelet et Alain Decaux - soit des visions différentes de faits identiques - sauf que dans le sujet qui nous passionne, l'auteur est effectivement le même ce qui complique les choses).
Se placer en position de lecteur "totalement interniste" revient donc à se convaincre que les Tolkien, père et fils, ne sont pas des "auteurs" mais seulement des compilateurs d'histoires anciennes rédigées par d'autres : le Livre rouge et ses différentes versions, mais aussi tout le reste du Légendaire provenant tantôt des Elfes, de Numéror, des Hobbits...(en l'occurence, HoME peut en faire partie,comme le dit Semprini - quelles que soient les contradictions entre les différentes versions - puisque l'on admet alors que les auteurs ou plutôt les archivistes et recopieurs - elfes, hobbit, hommes, professeurs d'Oxford,...etc... - n'étaient pas impartiaux par rapport aux faits qu'on se plait à considérer comme "réels" en étant interniste)
.. pour les "Letters", c'est effectivement plus complexe.
Je ne suis pas sûr d'être très clair... et (comme je l'ai écrit ailleurs) Philippe Garnier décrit tout cela très bien dans les Cahiers de Pengolodh qui sont hébergés par JRRVF : cf. notamment le chapitre "premières balises" (en accès sur la page d'accueil)
et Semprini, Yyr ou d'autres ont déjà largement traité de ce sujet (le moteur de recherche sera donc précieux à ceux qui voudront en savoir plus)
Avoir une lecture strictement interne, cela revient à poursuivre (parce que ça nous fait bien plaisir de temps en temps et sans aucun respect pour le professeur) ce que JRRT avait pourtant lui-même renoncé à faire à partir de 1950 en se plaçant définitivement dans une position externiste.
Ceci dit, on est pas obligé d'avoir toujours ce système de lecture : on peut passer de l'un à l'autre...
... mais l'important (je l'ai appris après quelques interventions malheureuses lors de mon arrivée sur ce forum) c'est de ne pas mélanger les deux genres dans une même discussion car on se place sinon dans un dangeureux numéro d'équilibriste.
Silmo (pas certain que Romaine va pouvoir s'y retrouver dans tout ça)
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Je m'y retrouve à peu près...sauf que chacun de vos posts me pose des questions nouvelles!
Par exemple, le choix de Tolkien de prendre une position externiste. J'ai été lire l'article que tu cites, mais...comment fait Tolkien pour se placer volontairement dans une position externiste? Seulement en enlevant l'allusion à ses contacts avec les hobbits? S'il se présente quand même comme le compilateur des sources hobbites, effiques et humaines, ne reste t il pas quand même à l'intérieur? A la fois dehors et dedans, comme Eru avec Arda (si la comparaison n'est pas trop osée).
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This name [= Glorfindel] is in fact derived from the earliest work on the mythology : The Fall of Gondolin, composed in 1916-17 in which the Elvish language that ultimately became that of the type called Sindarin was in a primitive and unorganized form, and its relation with the High-elven type (itself very primitive) was still haphazard. It was intented to mean ‘Golden-tressed’, and was the name given to the heroic ‘Gnome’ (Ñoldo), a chieftain of Gondolin, who in the pass of Cristhorn (‘Eagle-cleft’) fought with a Balrog, who he slew at the cost of his life.
Its use in The Lord of the Rings is one of the cases of the somewhat random use of the names found in the older legends, now referred to as The Silmarillion, which escaped reconsideration in the final published form of The Lord of the Rings. This is unfortunate, since the name is now difficult to fit into Sindarin, and cannot possibly be Quenyarin. Also in the now organized mythology, difficulty is presented by the things recorded of Glorfindel of The Lord of the Rings, if Glorfindel of Gondolin is supposed to be the same person as Glorfindel of Rivendell.
Dans ce passage entier, ou presque, nous voyons l’écrivain Tolkien “composer” (et non pas ‘compiler’), au fil du temps, une œuvre, avec toutes les ébauches et tâtonnements que cela comporte. Seule une portion de phrase participe de la Créance Secondaire (« [Glorfindel] was the name given to the heroic ‘Gnome’ (Ñoldo), a chieftain of Gondolin, who in the pass of Cristhorn (‘Eagle-cleft’) fought with a Balrog, who he slew at the cost of his life »).
Autre exemple :
En août 1967, dans une un brouillon d’une lettre, réponse destinée à 'Mr Rang', Tolkien introduit la distinction entre interne/externe à propos du type de recherche que l’on peut faire sur l’origine des noms apparaissant dans le Seigneur des Anneaux [L297, Letters, p.379-387] :
Les investigateurs, d’ailleurs, semblent principalement faire la confusion entre (a) le sens des noms à l’intérieur de mon histoire – [noms] adaptés à [cette histoire], appartenant à une construction ‘historique’ imaginaire, et (b) les origines ou les sources, dans mon esprit, extérieur à l’histoire, des formes de ces noms.
En ce qui concerne (a) ils ont bien entendu suffisamment d’information, bien qu’ils négligent souvent ce qui est à disposition. Je le regrette, mais il n’existe pas de remplaçant de ma personne, puisque je suis vivant. J’ai rédigé un commentaire sur la nomenclature pour l’usage des traducteurs ; mais il est destiné surtout à indiquer quels mots et noms peuvent et devraient être traduits dans la L(angue) de la T(raduction), laquelle prend le relais pour remplacer l’anglais dans la représentation du P(arlé) C(ommun) de l’époque, étant entendu que les noms qui ne sont pas ou ne dérivent pas de l’anglais moderne devraient être retenus sans changement dans la traduction, puisqu’ils sont étranger à la fois au P.C. et à la L.T.
(…)
Pour illustrer mes critiques, je vais fournir quelques commentaires sur vos requêtes et conjectures particulières.
(…)
Comme affirmé dans les Appendices, les noms publics ‘extérieurs’ des Nains du nord furent dérivés de la langue des hommes de l’extrême Nord, non pas de cette variété représentée par l’A.-S., et se voient en conséquence donné une forme scandinave, en tant qu’équivalents grossiers de la royauté et de la divergence des dialectes contemporains. A.-S. n’aura rien à dire à propos de Gimli. En réalité le mot poétique gim dans l’archaïque poésie en V[ieux] N[orrois] n’est probablement pas relié à gimm (un emprunt ancien < Latin gemma) ‘gemme’, même s’il est possible qu’il ait été plus tard associé à ce dernier : sa signification semble avoir été ‘feu’.
(…)Moria. Vos remarques me font penser que vous confondez Moria avec Mordor : le dernier est un territoire désertique, le premier un magnifique complexe de galeries souterraines. Pour la Moria, on vous donne sa signification, III 415, et il s’agit d’un nom Elfique (Sindarin même) = Puits Noir [Black Chasm]. Ne contient-il pas manifestement la [racine] MOR ‘sombre, noir’, visible en Mordor, Morgoth, Morannon, Morgul etc. (techniquement,[la racine] MOR : *mori ‘sombre/obscurité’ [dark(ness)] = Q. more, S. môr ; adj. *mornā = Q. morna, S. morn ‘sombre’.) Le ia vient du Sind[arin] iâ ‘vide, abysse’ ([racine] YAG : *yagā > S. iâ).
En ce qui concerne la ‘terre de la Morīah’ (notez l’accent) : il n’y a pas de connexion (même de manière ‘externe’) quelle qu’elle soit. De manière interne il n’y a pas de connexion concevable entre la mine des Nains et l’histoire d’Abraham. Je réfute totalement toute signification ou tout symbolisme de ce genre. Mon esprit ne fonctionne pas ainsi ; et (à mon avis) vous vous égarez à cause d’une ressemblance purement fortuite, plus évidente dans l’orthographe que dans la prononciation, [ressemblance] qui ne peut être justifiée à partir de la signification réellement voulue de mon histoire.Ceci nous conduit à la question de l’histoire ‘externe’ : la manière exacte grâce à laquelle j’en suis venu à […] choisir certaines séquences de sons pour les utiliser en tant que noms, avant qu’il ne leur soit attribué une place dans l’histoire. je pense, comme je l’ai dit, que ça n’a pas d’importance : l’effort nécessaire à la recherche de ce que je sais et de ce dont je me souviens du processus, ou bien dans la recherche de conjectures pour le reste, serait bien plus coûteux que la valeur des résultats. Les formes parlées seraient des formes à peine audibles, et, une fois transférées dans la situation linguistique préparée dans mon histoire, elles recevraient un sens et une portée correspondant à cette situation, et à la nature de l’histoire racontée. Il serait totalement illusoire de se référer aux sources de combinaisons sonores pour découvrir de quelconques significations évidentes ou cachées. Je me souviens bien de ce processus – l’influence de la mémoire des noms ou des mots déjà connus, ou des ‘échos’ dans la mémoire linguistique, et peu ont été inconscients. Ainsi les noms des Nains dans Bilbo le Hobbit (et les additions dans le SdA) dérivent de listes dans la Völuspá de noms de dvergar ; mais ceci n’est pas une clef pour les légendes des nains dans Le SdA (…)
Rohan est un nom de Bretagne célèbre, porté par une ancienne famille fière et puissante. J’étais au courant de cela, et j’ai aimé sa forme ; mais j’avais également (longtemps auparavant) inventé le mot Elfique pour cheval, et j’ai vu que Rohan pouvait être adapté à la situation linguistique en tant que nom Sindarin tardif de la Marche (auparavant appelée Calenarðon ‘la (grande et) verte région’) après son occupation par les cavaliers. Rien dans l’histoire de Bretagne ne jettera une lumière sur les Eorlingas. Soit dit en passant, la terminaison -and (an), -end (en) dans les noms de contrées doit sans aucun doute quelque chose à des noms (romantiques et autres) comme Broceliand(e), mais reste en parfaite relation avec une structure déjà conçue de l’Elfique (commun) primitif (E.C.), sinon elle n’aurait pas été utilisée. L’élément (n)dor ‘terre’ doit probablement quelque chose à des noms comme Labrador (un nom qui aurait pu être Sindarin en ce qui concerne le style et la structure). Mais rien au biblique Endor. C’est un exemple à l’envers, montrant comment une ‘recherche’ sans connaissance des événements réels peuvent induire en erreur. Endor S. Ennor (cf. le pl[uriel] collectif ennorath I 250) fut inventé comme l’équivalent Elfique de La Terre-du-Milieu en combinant les [mots] déjà conçus en(ed) ‘milieu’ et (n)dor ‘terre (masse)’, produisant un composé soi-disant ancien Q. Endor, S. Ennor. Ceci fait, j’observai bien évidemment sa ressemblance accidentelle avec En-dor (I Sam. xxviii), mais l’équivalence est en fait accidentelle, et par suite, la nécromancienne que consulte Saul n’a aucune connexion avec ou signification en rapport avec Le SdA Comme c’est le cas avec Moria. En réalité ce [mot] apparut pour la première fois dans le chap[itre] 1 de Bilbo le Hobbit. Si je me souviens bien, il était à cet endroit [comme] un ‘écho’ sans importance du Soria Moria Castle d’un des récits scandinaves traduits par Dasent. (Le récit n’avait aucune importance pour moi : je l’avais déjà oublié et ne l’avais pas revu depuis. Il fut donc simplement la source de la séquence sonore moria, qui aurait pu être découverte ou composée ailleurs.) J’aimai la séquence sonore ; il y avait allitération avec ‘mines’, et connexion de la séquence avec l’élément MOR de ma construction linguistique.
Où l’on voit que la lecture externaliste peut-être très hasardeuse… ;-))
Sosryko
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