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Bonjour à tous !
Je suis très intéressée par l’étude des sources littéraires de Tolkien et plus particulièrement par le rapprochement entre le mythe de Platon « L’anneau de Gyges » (dans « La République ») et l’Anneau Unique du « Seigneur des Anneaux ». Ce mythe a inspiré de nombreuses histoires mentionnant l’usage par les protagonistes d’un anneau d’invisibilité mais leurs auteurs ne retiennent souvent de l’anneau que son pouvoir magique et l’intérêt qu’il peut avoir pour le héros. Il me semble que Tolkien revisite le mythe en insistant plus particulièrement sur le pouvoir corrupteur de l’anneau. En effet chez Platon le berger Gyges découvre la propriété de l’anneau par hasard et aussitôt cela déclenche chez lui une soif de pouvoir qui le mènera jusqu’au meurtre du roi de Lydie. On peut retrouver la même thématique dans « Le Seigneur des anneaux » où tour à tour Frodo, Boromir, Galadriel et Sam voient leur instinct de pouvoir réveillé par la proximité de l’anneau. L’anneau devient alors la métaphore du mal qui existe en chaque homme de manière latente.
Je voudrais savoir si cette théorie a été déjà développée par des critiques. Par ailleurs je me demande si ce mythe platonicien est la première mention dans l’histoire de la littérature d’un anneau d’invisibilité. Je crois savoir que Tolkien s’est aussi inspiré de la littérature scandinave, j’ai lu à ce sujet une étude sur l’Anneau Lieur sur Hiswelokë mais je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. Quelqu’un pourrait-il me renseigner ? Que pensez-vous de cette théorie ?
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Il existe quand même une différence fondamentale entre l'Anneau Unique et l'anneau de Gygès : l'Anneau de Sauron est maléfique en soi et corrompt les meilleurs par son propre pouvoir malveillant, alors que l'anneau de Gygès (ou de son ancêtre, selon les leçons) n'a d'autre pouvoir que de rendre invisible.
Platon se sert de cette légende dans son dialogue intitulé La République pour illustrer la thèse selon laquelle les hommes ne respectent la justice que sous la contrainte des autres. S'ils avaient la possibilité d'échapper au regard d'autrui, ils ne suivraient que leur intérêt particulier.
Si l'on donnait un anneau d'invisibilité au meilleur des hommes, il finirait par commettre des injustices, car il pourrait échapper aux jugements des autres. En définitive, il n'y a pas de bien en soi : on ne choisit la justice que pour préserver son intérêt particulier (par peur de la punition, ou par désir d'une récompense).
Comme Platon ne partage pas cette conception, il la met dans la bouche de Glaucon, un interlocuteur de Socrate dans ce dialogue ; ce dernier aura en charge de contredire cette thèse, en expliquant que la justice est un bien en soi.
Bref, selon Glaucon, le mal vient des hommes (et le bien n'est que le renoncement au mal par peur des conséquences) ; chez Tolkien, le mal vient de l'anneau.
Mais, comme tu le dis, on pourrait voir dans l'Anneau Unique le symbole de la tentation, qui éveille en chacun sa part d'ombre. Cela reste toutefois une interprétation, car Tolkien refusait toute allégorie explicite.
Quant aux lectures qu'aurait pu faire Tolkien de Platon, je n'en ai aucune idée... Il rappelle la source platonicienne de l'Atlantide dans The Notion Club Papers (Home IX, 249, 289), mais apparemment il n'y a rien sur Gygès.
Enfin, à ma connaissance, Platon donne la première occurrence de la légende de l'anneau de Gygès (Hérodote fait mention d'un Gygès, mais ne parle pas d'un quelconque anneau ; on ignore d'ailleurs s'il s'agit du même Gygès).
Sébastien
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On pourrait tenter une mise en parallèle avec d'autres artefacts de la Terre du Milieu. Je pense notamment aux Silmarils.
Il est bien entendu que l'Anneau Unique :
- suscite le réveil de la part d'ombre de son porteur
- instaure la corruption chez son porteur (je penche pour cette solution)
mais les Silmarils, eux, ne sont porteur d'aucun maléfice. Ils sont les plus beaux joyaux de la Terre du Milieu, ont été consacrés par Varda et aucun être maléfique ne peut les toucher.
Pourtant, les Silmarils ont attisés la convoitise de bien des personnages parmi les plus grands de la Terre du Milieu. Ce sont peut-être davantage les Silmarils que l'Anneau Unique qui corrompt ceux qui s'en approchent.
En quelque sorte, le mal engendré par les Silmarils l'est volontairement (pour les récupérer) alors que pour l'Anneau, il est plutôt subi par ses victimes (le mal qu'ils engendrent est suscité par l'Anneau). En ce sens, et en accord avec certaines des remarques de Fangorn, je mettra plus volontiers les Silmarils que l'Anneau en rapport avec l'anneau de Gygès.
Cédric.
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Il me semble que ce qui différencie essentiellement l'Anneau Unique de l'anneau de Gygès, davantage que leur différence de nature, c'est le sort qui leur est fait. A cet égard, Gollum, lorsqu'il acquiert l'anneau, n'agit pas autrement que Gygès, en ceci qu'il instrumentalise l'anneau à ses fins, et l'on pourrait dès lors avancer que Gygès est un Gollum qui n'a pas encore rencontré son Bilbo. La différence essentielle entre les deux anneaux serait alors que Frodon choisit de détruire l'Anneau Unique, et donc de condamner l'usage de cet instrument de pouvoir, tout comme dans la Tempête de Shakespeare, Prospero renonce aux pouvoirs magiques de l'esprit ayant parti liée avec les croyances médiévales pour épouser l'humanisme de la renaissance. Cette renonciation souligne la modernité de l'épopée Tolkienienne.
Mais comme le disait Fangorn, c'est affaire d'interprétation de ce qu'est l'Anneau - que j'envisage donc ici comme un instrument de pouvoir révélateur de la part d'ombre des êtres -, ou plutôt, pour reprendre le mot de Tolkien, affaire "d'applicabilité".
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Merci pour toutes ces remarques qui approfondissent la relation entre l’anneau de Gyges et l’anneau Unique et en même temps la nuancent.
J’ai bien aimé la comparaison de Semprini entre Gyges et Gollum qui me paraît très judicieuse et à laquelle je n’avais pas pensé.
Les remarques de Fangorn sont éclairantes mais je suis bien consciente que Platon et Tolkien poursuivaient deux buts différents. Je voulais juste jeter un pont entre ces deux auteurs et chercher surtout à comprendre en quoi l’Anneau Unique pouvait être relié à une certaine « tradition » littéraire.
Voilà pourquoi je réitère ma demande :
Y a-t-il d’autres occurrences d’anneaux similaires dans les écrits antiques ou plus récents ?
Connaissez-vous des critiques qui se soient penchés sur le sujet ?
Merci à tous pour votre collaboration.
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Désolé, Nikita, je ne vais pas répondre à tes questions, mais simplement donner quelques informations sur la postérité littéraire de cette histoire de Gygès (tant qu'on y est...;-)).
Elles sont extraites de l'article « Gygès » rédigé par Michel Potet, dans le Dictionnaire des mythes littéraires, publié sous la direction de Pierre Brunel aux Editions du Rocher/Jean-Paul Bertrand éditeur, 1988, pp. 677-687.
J'ai eu la surprise de constater que ce n'est pas l'anneau d'invisibilité qui a inspiré les textes suivants mais le récit donné par Hérodote dans son Historia (I, 8-13), qui est antérieur au texte de la République de Platon.
Pour faire très bref, Gygès a eu l'occasion de voir l'épouse de Candaule (roi de Lydie) sans son voile : celle-ci lui laisse le choix entre être dénoncé ou tuer Candaule pour devenir ensuite son époux et s'emparer du trône... Gygès fondera alors une nouvelle dynastie (dont Crésus sera l'un des descendants).
C'est en fait le thème de l'adultère et du mari trompé que la tradition retient principalement. L'anneau n'est pas systématiquement évoqué.
Il en est fait mention chez Nicolas de Damas, qui reprend une œuvre perdue de Xanthos (Les Lydiaques), chez Plutarque (Questiones convivalium, I, 5), chez Cicéron, chez Justin, chez Denys d'Halicarnasse, puis chez un bon nombre d'auteurs mineurs : Ptolémée Chennos (alias Héphestion), Aelius Aristide, Nikolaos le Sophiste, Johannès Tzétzès (polygraphe byzantin du XIIème)...
Les conteurs exploitent également cette figure du mari trompé et du complot organisé par sa femme. Voici quelques références :
Boccace, De Casibus illustrium vivorum, II (XIVème siècle)
William Painter, The Pallace of Pleasure, VIème nouvelle
Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, 1566
Hans Sachs, Die nackat königin aus Lidia, 1538
Brantôme, Les Dames galantes
La Fontaine, Contes, 1674
Fontenelle
Dubois, Femmes galantes de l'Antiquité (6 vol. ; t. III - 1726-1732)
Fénelon, L'Anneau de Gygès, 1690
Le théâtre et l'opéra suivent le mouvement :
Adriano Morselli, Candaule, 1679, opéra en 3 actes
Jose de Canizares, El Anillo de Giges, y maximo Rey de Lidia, 1764, comédie.
Théophile Gautier, avec le Roi Candaule (nouvelle en feuilleton dans La Presse, 1844), redonne un véritable essor à cette histoire — tout en maintenant l'accent sur la relation entre les trois personnages — et nomme (pour la première fois ?) la reine Nyssia.
Petite interrogation : je me demande si ce nom a influencé les Eddings pour nommer le royaume de Nyissie décrit dans la Belgariade et la Mallorée.
Suivront un certain nombre de parodies, dont je tairais pudiquement les auteurs...;-)
Le texte de Gautier a notamment inspiré les auteurs suivants :
Robert Lytton, Gyges and Candaules, 1868
Keats, Vigile de Sainte Agnès
texte anonyme : The Folly of King Candaules. A Lay of the ancient World, 1880
Rupert Hughes, Gyges'Ring, a dramatic monologue, 1901.
En revanche, Friedrich Hebbel accorde une place importante à l'anneau, dans son Gyges und sein Ring (5 actes en vers, 1854). Gygès a peur de son anneau, et préfère l'offrir à Candaule. Le roi s'amuse avec cet anneau, malgré les avertissements de Rhodope l'Indienne, à qui Candaule a également proposé de le lui offrir si elle quitte son voile. L'anneau apparaît à la fois comme gage d'amitié (tiens, ça me rappelle l'anneau de Barahir ;-)) et comme auxiliaire de permissivité. Hebbel déploie le récit en prenant comme perspective la philosophie de l'Histoire de Hegel, pour qui le conflit permet l'avènement d'une nouvelle époque.
André Gide modifie l'histoire dans le Roi Candaule (3 actes, 1899) : Gygès pêche un poisson qui avait avalé cet anneau (Gide synthétise donc l'anneau de Gygès et celui de Polycrate). Puisqu'il avait offert ce poisson à Candaule, ce dernier le comble de bienfaits en remerciement de cette surprise. Le roi va jusqu'à proposer au jeune homme de passer une nuit dans la chambre de Nyssia... Les choses tourneront mal, puisque Gygès sera découvert et que Nyssia exigera la mort de Candaule.
Bref, étant donné l'étendue de cette liste (non exhaustive), il n'est pas utile d'aller chercher seulement chez Platon une lecture de cette histoire par Tolkien. Quant à savoir s'il s'en est inspiré, mes doutes sont encore plus grands...
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Merci Fangorn! C'est très intéressant. :)
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Dans "Tolkien's Ring", David Day expose plusieurs exemples mythiques ou littéraires d'anneaux magiques, mais je ne sais plus s'il traite de celui de Gyges.
Pour ce qui est des sagas scandinaves, moi j'ai toujours vu Gollum comme un avatar du nain aquatique Andvari (ou Alberich pour les Allemands, y paraît même que Aubéron serait la variante française devenue Oberon chez Shakespeare...). On lui a volé à lui aussi son précieux anneau, mais je ne crois pas qu'il rendait invisble. Par contre je pense que dans une version (Nibelungenlied ?) ce vilain nain possédait un manteau le rendant invisible. ;)
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Merci Fangorn pour toutes ces références qui laissent rêveur… Apparemment la version d’Hérodote a plus influencé la littérature que la version platonicienne du mythe : il faut dire que le thème de l’adultère et du mari trompé a de quoi inspiré les auteurs. Cela dit, comme tu le rappelles, la version d’Hérodote ne fait pas mention de l’anneau or c’est l’objet en lui-même ainsi que ses pouvoirs qui m’intéressent plus particulièrement. Je reste tout de même sur l’idée qu’il y a un lien entre la vision de l’anneau selon Platon et selon Tolkien. Le mythe de Gyges est un des plus connus de Platon et je vois mal Tolkien, éminent professeur d’université et connaisseur de langues anciennes (en plus de toutes les autres…), méconnaître cette histoire. De là à en conclure qu’il s’en est inspiré consciemment, il y a un pas que je n’ose franchir sans l’aval d’autres lecteurs ou critiques qui auraient eu la même intuition que moi, d’où l’intérêt de ce fuseau…
@ Freagarthach (J’ai pas fait de fautes ?) : J’ai eu effectivement en main l’étude de David Day mais faute de temps je n’ai fait que parcourir le chapitre consacré à la mythologie grecque et je n’y ai trouvé aucune référence au mythe de Gyges à mon grand étonnement ! Il faudra de toute manière que je le lise en entier avant d’en tirer des conclusions.
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J'ajoute une référence assez savoureuse. Le Capucin Zacharie de Lisieux (1582-1661) a publié sous le pseudonyme de Pierre Firmian (un parmi bien d'autres) un "Gyges Gallus ... accessere somnia sapientis", Paris, Dionysius Thierry, 1658.
Précisons que Zacharie est aussi l'auteur de "Jansénie", une utopie bien connue ;-)
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La liste continue, mais je m'en veux vraiment de ne pas avoir pensé plus tôt à deux des trois références suivantes...
Erasme, Adages, Chiliade I, cent. I, 96.
Montaigne mentionne l'anneau dans ses Essais, pour dire que rares sont ceux qui en useraient pour ne pas être glorifiés :
Et qui aurait l'usage de l'anneau platonique, rendant invisible celui qui le portait au doigt, si on lui donnait le tour vers le plat de la main, assez de gens souvent se cacheraient où il se faut présenter le plus, et se repentiraient d'être placés en lieu si honorable, auquel la nécessité les rend assurés".
Essais, II, 16 « De la gloire »
Dans la Sixième promenade de ses Rêveries du promeneur solitaire, J.-J. Rousseau songe à ce qu'il aurait fait s'il avait eu l'anneau de Gygès...
Si j'étais resté libre, obscur, isolé, comme j'étais fait pour l'être, je n'aurais fait que du bien : car je n'ai dans le cœur le germe d'aucune passion nuisible ; si j'eusse été invisible et tout-puissant comme Dieu, j'aurais été bienfaisant et bon comme lui. C'est la force et la liberté qui font les excellents hommes. La faiblesse et l'esclavage n'ont fait jamais que des méchants. Si j'eusse été possesseur de l'anneau de Gygès, il m'eût tiré de la dépendance des hommes et les eût mis dans la mienne. Je me suis souvent demandé, dans mes châteaux en Espagne, quel usage j'aurais fait de cet anneau ; car c'est bien là que la tentation d'abuser doit être près du pouvoir. Maître de contenter mes désirs, pouvant tout sans pouvoir être trompé par personne, qu'aurais-je pu désirer avec quelque suite ? Une seule chose : c'eût été de voir tous les cœurs contents. L'aspect de la félicité publique eût pu seul toucher mon cœur d'un sentiment permanent, et l'ardent désir d'y concourir eût été ma plus constante passion. Toujours juste sans partialité et toujours bon sans faiblesse, je me serais également garanti des méfiances aveugles et des haines implacables ; parce que, voyant les hommes tels qu'ils sont et lisant aisément au fond de leurs cœurs, j'en aurais pu trouver d'assez aimables pour mériter toutes mes affections, peu d'assez odieux pour mériter toute ma haine, et que leur méchanceté même m'eût disposé à les plaindre par la connaissance certaine du mal qu'ils se font à eux-mêmes en voulant en faire à autrui. Peut-être aurais-je eu dans des moments de gaieté l'enfantillage d'opérer quelquefois des prodiges : mais parfaitement désintéressé pour moi-même et n'ayant pour loi que mes inclinations naturelles, sur quelques actes de justice sévère j'en aurais fait mille de clémence et d'équité. Ministre de la Providence et dispensateur de ses lois selon mon pouvoir, j'aurais fait des miracles plus sages et plus utiles que ceux de la légende dorée et du tombeau de saint Médard.
Il n'y a qu'un seul point sur lequel la faculté de pénétrer partout invisible m'eût fait faire chercher des tentations auxquelles j'aurais mal résisté, et une fois entré dans ces voies d'égarement où n'eussé-je point été conduit par elles ? Ce serait bien mal connaître la nature et moi-même que de me flatter que ces facilités ne m'auraient point séduit, ou que la raison m'aurait arrêté dans cette fatale pente. Sûr de moi sur tout autre article, j'étais perdu par celui-là seul. Celui que sa puissance met au-dessus de l'homme doit être au-dessus des faiblesses de l'humanité, sans quoi cet excès de force ne servira qu'à le mettre en effet au-dessous des autres et de ce qu'il eût été lui-même s'il fût resté leur égal.
Tout bien considéré, je crois que je ferai mieux de jeter mon anneau magique avant qu'il m'ait fait faire quelque sottise. Si les hommes s'obstinent à me voir tout autre que je ne suis et que mon aspect irrite leur injustice, pour leur ôter cette vue il faut les fuir, mais non pas m'éclipser au milieu d'eux. C'est à eux de se cacher devant moi, de me dérober leurs manœuvres, de fuir la lumière du jour, de s'enfoncer en terre comme des taupes. Pour moi qu'ils me voient s'ils peuvent, tant mieux, mais cela leur est impossible; ils ne verront jamais à ma place que le Jean-Jacques qu'ils se sont fait et qu'il ont fait selon leur coeur, pour le haïr à leur aise. J'aurais donc tort de m'affecter de la façon dont ils me voient : je n'y dois prendre aucun intérêt véritable, car ce n'est pas moi qu'ils voient ainsi.
Rousseau semblerait donc avoir eu peur de devenir un Gandalf terriblement bienveillant mais mateur...;-)
Sébastien
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Superbe! merci Sébastien pour ces trouvailles!
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hello? Y a quelqu'un?
non, serieux... Je trouve que c'est cool de pouvoir discuter avec des gens qui ont les memes centres d'interet, mais j'ai pas non plus envie de me prendre trop la tete dans des discussions trop intellos. Je m'explique : j'aimerai beaucoup en savoir plus sur Tolkien, mais d'un autre cote j'ai pas envie de decortiquer completement son oeuvre, de savoir exactement a quoi il a fait reference dans tel ou tel passage ou ou il a puise son imagination. Ca gacherai un peu ses ecrits, cela ferai trop reference a notre monde... Alors que l'image que j'en ai maintenant est totalement differente... C'est un monde a part...un monde fantastique ou les droits et les devoirs sont autres, avec d'autres principes et d'autres systemes de fonctionnement alors pourquoi se borner a toujours vouloir tout ramener a notre mesure, a notre systeme de raisonnement...? A la fin, ces livres perdent tout leur charme et leur originalite... (et bien, moi qui voulais pas me faire chier question voc... :-) )
Bref, bref, voila mon point de vue, si vous le partagez, j'aimerai beaucoup en discuter avec vous, mais svp ecrivez-moi a violeta.d@isuisse.com
a+!
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@ Cixi : J’ai beau ne pas partager ton point de vue, je ne peux m’empêcher de te répondre ! Si la lecture de nos post t’ennuient voire te dépassent, tu peux aussi t’en abstenir ! J Après tout tu es maître de ta souris !J J
Secundo : De quoi se nourrit l’imagination d’un auteur ? De la vie ? De ses rêves ? Certes mais aussi de ses lectures ! Peut-on faire abstraction quand on écrit et qu’on est publié de tout ce qui a nourri notre imaginaire individuel et collectif ? La réponse est non ! Les livres nous parlent d’autres livres, ils poursuivent une longue histoire qui a débuté il y a bien longtemps…
En étudiant ces liens entre eux (pour ceux que ça intéresse, c’est ce qu’on appelle l’intertextualité), je n’ai pas l’impression de nuire à l’originalité de l’œuvre ni de détruire un mythe (on est en plein dans le sujet J) Au contraire, en comparant Tolkien t Platon, je souligne mieux le fait que Tolkien a repris un thème connu en lui donnant un tout autre relief. C’est le propre des grandes œuvres ; leur étude les rendent plus merveilleuses encore !
Voilà, je ne t’ai peut-être pas convaincue, tu as dû me trouvée bien ennuyeuse voire compliquée mais je tenais à l’affirmer haut et fort !
@ Fangorn : Merci pour ces références et en particulier celle de Rousseau où on le retrouve fidèle à lui-même : « Je suis bien plus pur que la majorité des hommes ; c’est pour cela que je suis incompris. Cela dit j’ai mes travers mais en cela je suis comme tous les hommes ! » Sacré Jean-Jacques ! Tu nous étonneras toujours !
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Voilà quatre ans que ce fuseau est resté invisible... ;-)
Simone Weil (philosophe et mystique du XXème s.) poursuit la lecture platonicienne, en insistant sur le mal comme acte de (se) mettre à part, de s’abstraire de la lumière :
L’anneau de Gygès devenu invisible, c’est précisément l’acte de mettre à part. Mettre à part soi et le crime qu’on commet. Ne pas établir la relation entre les deux.
(...) Gygès. Aucun rapport entre ces deux choses. Voilà l’anneau.
Un patron d’usine. J’ai telles et telles jouissances coûteuses et mes ouvriers souffrent de la misère. Il peut avoir très sincèrement pitié de ses ouvriers et ne pas former le rapport.
Car aucun rapport ne se forme si la pensée ne le produit pas. Deux et deux restent indéfiniment deux et deux si la pensée ne les ajoute pas pour en faire quatre.
Simone Weil, La pesanteur et la grâce (10/18, p. 139)
L’invisiblité désigne le fait de vouloir s’abstraire du monde, des autres, voire de soi-même (« je ne me vois pas faire »). Il suffit même de fragmenter ses actes ou simplement de « cloisonner » les domaines pour participer de cette machinerie du mal.
Le pouvoir d’invisibilité de l’anneau de Gygès est porteur de ce danger, qui menace le quotidien. Cette hideuse puissance de Lewis souligne d’ailleurs parfaitement les rouages de ce mal abstrait, d’autant plus pernicieux qu’il semble banal.
Du coup, l’Unique a ce terrible pouvoir de lier dans les ténèbres tous ceux qui se sont eux-mêmes détournés de l’Un. Mais il s’agit désormais de chaînes, de rouages, et non plus d’une unité organique, naturelle.
Les neuf humains qui se sont aliénés à leur désir en acceptant les anneaux de Sauron sont devenus ses Nazgûl, spectres ab-straits. L’horreur confusément ressentie par ceux qui les rencontrent provient de leur déshumanisation.
Sébastien
PS : Une petite Pensée entico-stoïcienne pour la route ;-)
Un rameau ne peut pas être coupé d’un rameau contigu sans être aussi coupé de l’arbre tout entier. De même, l’homme séparé d’un seul homme est aussi détaché de la communauté tout entière. Néanmoins, si le rameau est détaché par quelqu’un, c’est l’homme lui-même qui se sépare lui-même de son prochain, en le prenant en haine et en aversion, tout en ignorant qu’il s’est en même temps retranché lui-même de la collectivité tout entière (...).
Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, XI, § 8
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Je reste dubitatif devant la pertinence du discours de Marc Aurèle, mais sinon bravo pour cette trouvaille :
le mal comme acte de (se) mettre à part, de s’abstraire de la lumière.
que tu lies avec l'invisibilité (et cela me fait presque penser à Hollow Man; ce film sans génie aurait-il en fait quelque vertu allégorique ??
Le mal : ne plus être vu, ne plus être jugé, ne plus se voir soi même, ne plus se juger soi-même ?
Y aurait-il dans le SdA un débat inaudible entre les Nazgûl et Gollum : savoir si le mal est lié au fait d'être invisible ou s'il est lié au fait d'une autre volonté en nous qui parle parfois plus fort !
Deux visions du mal (héritées ?) chez Tolkien ?
Est-ce que le mal chez les Nazgûl c'est leur invisibilité qui les rend séparés de la lumière et d'eux-même, ou ce pouvoir qui les rend inhumain ? Ce n'est pas la même chose selon moi.
Du coup, l’Unique a ce terrible pouvoir de lier dans les ténèbres tous ceux qui se sont eux-mêmes détournés de l’Un. Mais il s’agit désormais de chaînes, de rouages, et non plus d’une unité organique, naturelle.
Ceci n'est pas clair du tout pour moi, si tu peux expliciter...
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Oui, Hollow Man est un navet de grande envergure :-)
le mal comme acte de (se) mettre à part, de s’abstraire de la lumière.
Je suis tout de meme curieuse de savoir si cette mise a part est volontaire et consciente ou si c'est simplement une consequence logique de l'acte...
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Je crois bien que ce fuseau des plus intéressants m'avait échappé.
Merci à cette autre réflexion sur les rapprochements à faire entre mythologie gréco-latine & mythologie tolkienienne que de l'avoir fait ré-émerger ;)
La dernière intervention de Fangorn m'a le plus éclairé, et un lien peut certainement être fait avec la Machine (en particulier ici).
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