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#1 02-03-2002 16:08

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

La perception de la mort chez Tolkien

Je pose cette question ici, parce qu'elle n'est pas sans lien, bien sûr, avec l'article d'Eruvike: "L'ombre de la mort" chez Tolkien

Cependant, ce fuseau est d'abord l'excroissance d'un sujet né sur la question "pourquoi aimez-vous Tolkien" dans la rubrique Divers

La question était "Et Cirdan en parlant de l'espoir me fait encore penser à une chose unique en littérature: il me semble qu'en plus de toutes les qualités du roman, Le SdA & Co est le seul roman qui ne se révolte pas contre la vie, qui ne la présente pas comme un fardeau, et qui va jusqu'à faire de la mort une étape belle et essentielle de l'humanité. Il n'est pas en révolte face à la mort !!

Cirdan voulait modérer mes propos ultérieurement, mais ce n'est pas venu... Peut-être ici et maintenant ? :-)

Pour commencer à répondre à une intervention de Beruthiel, je rapellerais que je n'ai pas voulu dire par là que la mort ne psoait pas problème pour les hommes chez Tolkien, mais que l'auteur (et lui seul) essayait de la présenter comme un événement qui peut être magnifié, qui peut devenir beau, plutôt que de se révolter. L'auteur, et lui seul toujours, est un des seuls que j'ai lu dont le message ne soit pas: "la vie est absurde, la mort est absurde, vivez avant de mourir", mais "la vie est belle pour qui sait la voir belle, et la mort idem !"

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#2 03-03-2002 19:59

Beruthiel
Lieu : Ile de France
Inscription : 2002
Messages : 168

Re : La perception de la mort chez Tolkien

Je comprends bien ce que tu veux dire. C'est vrai que par exemple Aragorn nous donne l'exemple d'une mort acceptée sereinement, mais comme tu le dis toi même, Tolkien montre aussi comment la mort peut "poser problème" aux hommes, et je suis simplement plus sensible à cet aspect là parce c'est plus proche de moi. D'ailleurs contrairement à Lothiriel je ne suis pas agacée par  la réaction d'Arwen à la mort d'Aragorn, je trouve même cette scène très émouvante.

Beruthiel

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#3 04-03-2002 11:27

Semprini
Inscription : 2000
Messages : 612

Re : La perception de la mort chez Tolkien

Effectivement, la mort chez Tolkien est perçue, et c'est particulièrement vrai pour le cas d'Aragorn choisissant de mourir dans son sommeil, comme l'acceptation d'un destin, l'acceptation de l'inéluctable. On voit bien Aragorn dire, au rebours d'Ar-Pharazon et à l'instar d'un Saint Paul, "Mort où est ta victoire?".

Pour le reste, je suis en désaccord avec toi Vinyamar. Il est toujours dangereux en littérature de dire d'un livre qu'il est seul de son espèce, à moins d'avoir tout lu. :) J'ai en tête quantité de livres où la mort est acceptée, voire bienvenue. Au hasard, le Prince André mourant dans Guerre et Paix en disant, "la mort c'est le reveil" ou encore "tout est bien", le Prince Salina attendant la mort sereinement dans le Guépard de Lampedusa, Jean-Valjean mourant heureux, près des chandeliers de Mgr Miriel, et réconcilié avec Cosette et Marius, dans Les Misérables (voir le poème qui clôt le livre), ou encore Oblomov, dans le grand roman russe du même nom, s'éteignant lui aussi dans son sommeil, le sourire aux lèvres, satisfait de sa "vie".

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#4 04-03-2002 14:06

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : La perception de la mort chez Tolkien

:-) Semprini, tu as raison, bien entendu. Disons que c'était une entrée en matière (les introductions sont toujours hypertrophique :-)  )
(je parlais d'ailleurs moi-même dexception dans le véritable fuseau).

Cependant les romens que tu cites ne me semblent pas relever de ce dont je veux parler. Bon, je ne les ai pas lu (même pas les misérables, misérable que je suis !). Il ne manque pas de personnages qui meurent, satisfaits de la vie qu'ils ont mené (d'ailleurs à peu près à chaque fois qu'un auteur fait mourrir son héros).

Non, mais le propre de tolkien est de présenter la mort elle-même comme une étape belle. Ce n'est pas assez de montrer qu'on peut mourir heureux, en acceptant ce destin parce que la vie qu'on a vécu a été bien remplie. Ce n'est pas ainsi que meurt Aragorn, ni les rois de Numenor au temps où ils étaient nobles. Non plus que le cas de Théoden qui part au combat en sachant déjà presque qu'il n'en reviendra pas. Ce n'est pas qu'il veuille finir sa vie noblement avant la mort, mais qu'il sait que la mort n'est rien, et que son réveil ne saurait être repoussé à cause d'un si maigre danger.

La vie n'est achevée que par la belle mort. On a un peu l'impression que les hommes qui peurent mal (Denethor surtout) ont mal vécu. La mort n'est pas chez lui un aml que certains peuvent accepter sereinement, mais un Bien que certains n'acceptent pas (cf. art. l'ombre de la mort).

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#5 04-03-2002 15:02

Semprini
Inscription : 2000
Messages : 612

Re : La perception de la mort chez Tolkien

Tu es bien un misérable, va donc t'acheter le chef-d'oeuvre d'Hugo séance tenante! :) Mais je suis tout aussi misérable puisque j'ai écorché le nom de mgr Myriel. Il y a un 'y' je crois. Je ne crois pas que les romans que j'ai cités procèdent de la dichotomie mort acceptée - mort non acceptée de manière aussi évidente que chez Tolkien, mais je maintiens que la mort de Jean Valjean est une belle mort ("l'ange, dans l'ombre, les ailes déployées, attendait l'âme"), dans le sens que tu viens de définir, et qu'il y a d'autres exemples.

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#6 05-03-2002 17:28

Cirdan
Inscription : 2001
Messages : 440

Re : La perception de la mort chez Tolkien

Excusez-moi de ne pas avoir repondu plus tot, mais je suis malheureusement dans une periode qui me laisse beaucoup moins de temps pour frequenter le forum ;-( je vais malgre tout tenter de donner un bref apercu de mon idee sur cette question.

Je crois, Vinyamar, que j'aime beaucoup mieux quand tu parles de la mort chez Tolkien comme un evenement "qui peut etre magnifie" que lorsque tu ecris de maniere trop globale qu'il s'agit d'une "etape belle et essentielle", puisque de toutes evidences, toute mort n'est pas semblable a celle de Thingol. Les tetes tranchees et balancees par dessus les murs de Minas Tirith lors du siege, le corps du messager Hirgon trouve par les Rohirrim lors de leur chevauchee sont quelques exemples de ce qui ne me semble guere "magnifie". Doit-on accepter la mort de Saeros pour la jalousie dont il fait preuve a l'egard de Turin? Je trouve le prix cher paye, et la maniere elle-meme n'est guere "belle" et encore moins "essentielle". Il ne faut pas oublie que la mort est une etape souillee par Morgoth dans la tres grande majorite des cas. l'Athrabeth Finrod Ah Andreth est, a mon avis, le texte le plus important sur ce sujet. Ce qui est significatif: l'ambiguite du statut de la mort comme "don d'Iluvatar" me semble maintenu jusqu'a la fin du debat, et bien que la plupart des Tollkiendili se rangent a l'opinion de Finrod, il me semble que Tolkien a egalement tenu a garder une legitimite a la tradition humaine qui veut que les Atani n'etaient pas originellement voues a la mort, mais que celle-ci est en soi mauvaise car intimmement lie a Morgoth. Evidemment, si comme Finrod on peut avec quasi-certitude rejeter la capacite de Morgoth a etre le createur de la mort (ca semble clairement au-dessus de la condition d'un Valar), cela ne signifie pas qu'il ne soit pas lie a l'origine de celle-ci. Rien n'empeche de croire que les hommes n'etaient pas prevu pour ce destin, ce qui nuance l'appelation de "don d'Iluvatar" - si c'est un cadeau, il est d'un statut tres special: ce don est une CONSEQUENCE de la chute de Melkor et c'est aussi une punition pour avoir succomber a son charme.
Apres tout, cela convient bien a une vision chretienne qui veut que la chute de l'homme soit la seconde (Si Satan ne s'etait pas rebelle, personne n'aurait croquer le fruit). Tolkien maintient volontairement un flou sur la maniere dont se produit la chute des Atani dans son univers, mais les traditions que rapporte Andreth evoquent clairement qu'ils se sont compromis avec le Vala Maudit   
Il me semble que la mort est toujours fruit de cette ambiguite don/punition. Et si l'on a d'un cote Aragorn et Thingol, a l'oppose, le  destin de Turin et de ceux qui l'entourent est un contre-exemple particulierement interessant (et bien que le conte de Beren et Luthien soit la legende preferee de notre auteur, c'est bien celle de Turin qui - parmi tous ses ecrits - sera l'objet du travail le plus long et le plus attentif). Ici la mort est bien une malediction qui s'abat sur les personnages. Ici, desole Vinyamar, je crois, qu'effectivement, la mort est absurde et ceratinement pas magnifiee, car elle est controlee par Morgoth: il pourrait etre pertinent de faire un un commentaire comparatif de la mort de Thingol avec celle de Saeros, dont la jalousie envers Turin est chere payee et dont la maniere ne porte aucune noblesse, simplement l'absurdite d'etre les jouets de Morgoth (il a ete deja dit sur ce forum, combien son emprise dans la Narn, est sans commune mesure avec les autres legendes).
Enfin, on ne peut passer sous silence combien le SdA, s'il est en partie acceptance de la Mort, est plus encore l'archetype du combat contre celle-ci. La aussi, tout est construit autour de ce double visage qu'offre la Camarde.
Et puis, il y a aussi cette troublante mort d'Arwen, qui, n'en deplaise a Lothiriel, est tres reussie en ce qu'elle montre (entre autres, car on pourrait developper de nombreuses idees sur ce court passage; T.A. Shippey l'evoque d'ailleurs dans son dernier livre)combien l'ambiguite du statut n'est pas ecartee de maniere systematique chez les plus sages malgre la plenitude de la fin  d'Aragorn.

Cirdan

PS:
pour Silmo:
il est agreable, comme dirait Bernard Levin, de savoir que les humbles heriteront de la terre et que les sombres presages n'ont pas reussi a entamer l'espoir, le courage et l'admirable ferocite des peuplades d'Eriador face aux hordes trop fieres d'Ar-Wikinzon. Ce match etait "comme un eclair dans un ciel serein"... Grandiose.

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#7 05-03-2002 21:23

Cirdan
Inscription : 2001
Messages : 440

Re : La perception de la mort chez Tolkien

j'ecris mes posts vraiment n'importe comment! Je viens de m'apercevoir avec horreur que je radote sur Saeros (ca vient de la sale habitude de ne pas ecrire mes paragraphes dans l'ordre). N'y prenez pas garde. Desole.

Cirdan

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#8 07-03-2002 16:54

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : La perception de la mort chez Tolkien

Cirdan -> il me semble que Tolkien a egalement tenu a garder une legitimite a la tradition humaine qui veut que les Atani n'etaient pas originellement voues a la mort

ma foi, si cela est vrai, j'avoue que je préfère sans conteste une telle version. C'est effectivement pus proche d'une vision chrétienne. Faire de la mort un don, et une étape belle, en soi, me gênais.

La mort est en soi mauvaise car intimmement lie a Morgoth. Evidemment, si comme Finrod on peut avec quasi-certitude rejeter la capacite de Morgoth a etre le créateur de la mort

Alors c'est encore mieux que tout ce que j'espérais, et cela rejoint avec profondeur la théologie catholique, dans laquelle St Thomas découvre que l'homme a été fait mortel (pour les même raison qui empêche Satant de modifier la nature humaine), mais à qui a été donné en même temps le don de l'immortalité, come pour couvrir sa mortalité, don qu'il ne gardait qu'en étant attaché à la Vie : Dieu. Sa chute lui a fait perdre ce don (et d'autres), et l'homme s'est retrouvé mortel. c'est en cela que l'avertissement de Dieu se réalise :"si tu en mange, tu mourras", car en soi l'homme ne meurt pas après avoir mangé du fruit.

Il reste que Tolkien a imaginé cette idée de don, qui est difficile à cerner s'il expose en même temps que la mort n'est pas seulement une vision pervertie par malkor, mais encore que la mort ne leur était pas destinée au départ. Si ce don est lié à une "chute", ce peut-il qu'en fait ce soit l'inverse qui soit vrai: la mort est un retour à un état mauvais, provoqué par Melkor, mais il est possible de regarder la mort avec paix et sérénité, dans la mesure où 'on a confiance au destin qu'Eru réserve à l'homme, et que la mort n'est plus vu come un mal, mais comme le moyen de retourner au créateur (e opposition complète à l'idée que la mort est un don bon, dont la vision a été pervertie par Melkor.)

Concernant Turin, je rangerais volontiers tout ce qui le concerne à part dans l'univers de Tolkien. Je ressens une grande rupture de cette histoire avec tout le reste de son univers (cf. les questions sur les épées qui parlent). C'est un drame terrible, qui ne laisse aucune place à l'espoir, ce qui ne va pas dans le sens de ses autres récits. Utrin à mon avis est une oeuvre d'abord poétique, qu'l faut considérer ainsi, et non pas forcément une oeuvre où tolkien a pu librement poursuivre le lien avec ses autres exposés.

Par contre je ne peux pas écarter l'argument d'Arwen, pour qui la mort est effectivement un fardeau. Son destin rejoint pourtant celui des hommes, dorénavant. Peut-être n'a-t-elle pas l'occasion de s'y préparer comme son époux. Mais quelque part elle meurt parce qu'Aragorn est parti. Elle meurt abandonnée, seule, mais je ne crois pas qu'elle meurt tristement dans le sens où elle n'aurait pas l'espoir.

Bon, je ne sais plus très bien ce que je voulais dire.
Sinon que je suis content de voir la pensée de Tolkien retrouver celle des plus grands auteurs catholiques sur des questions tout à fait difficiles.

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