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Cela doit faire maintenant une vingtaine d'années, j'ai découvert un morceau de musique qui n'a cessé de me plaire depuis. Seule déception, quelque part, son titre qui, si on peut le comprendre par rapport à l'œuvre complète, individuellement, en méritait un autre selon moi.
Et puis, bêtement - car il était évident - j'ai trouvé ce titre cette semaine. Alors que je goutais ce chef d'œuvre, allongé dans mon lit, la nuit, casque sur les oreilles avant de m'endormir : Eucatastrophe. Il est d'une évidence confondante... Ce titre lui va parfaitement, jamais je n'ai entendu une Musique qui s'en rapproche autant.
[...] avec sa fin apparemment triste puis son dénouement heureux et soudain, que l’on n’espérait plus, j’ai été profondément ému, et ai ressenti cette émotion particulière que nous connaissons tous – mais peu souvent. Qui ne ressemble en rien à aucune autre sensation. Et j’ai pris d’un seul coup conscience de ce qu’elle était : exactement ce que j’ai essayé de décrire et d’expliquer, dans cet essai sur le conte de fées que j’aimerais tellement que tu aies lu, au point de songer à te l’envoyer. J’ai forgé à ce propos le terme "eucatastrophe" : le soudain retournement heureux dans une histoire qui te transperce d’une joie provoquant les larmes [...]
Ces mots de Tolkien, nous les comprenons aisément quand, associés à cette musique, nous avons en tête la situation :
Frodon le regarda, comme s’il était maintenant très loin. « Oui, il faut que je continue, dit-il. Adieu, Sam ! C’est la fin au bout du compte. Sur la Montagne du Destin, le destin tombera. Adieu ! » Il se détourna et s’en fut, marchant lentement, mais le corps droit, sur le sentier montant.
[...] Il y eut un grondement et une grande confusion de bruits. Des flammes jaillirent et allèrent lécher la voûte. Le vrombissement crût jusqu’à devenir un grand tumulte, et la Montagne trembla. Sam courut à Frodon, le ramassa et le porta jusqu’à l’entrée. Et là, sur le seuil sombre de Sammath Naur, loin au-dessus des plaines de Mordor, il fut saisi d’un tel étonnement et d’une telle terreur qu’il resta planté là, oubliant toute autre chose, et il regarda comme mué en statue de pierre.
Il eut une brève vision d’un nuage tournoyant et, en son milieu, de tours et de remparts, hauts comme des collines, fondés sur un puissant trône de montagnes au-dessus de puits insondables, de grandes cours et des cachots, des prisons aveugles, escarpées comme des falaises, et des portes d’acier et de diamant béantes, puis tout passa. Les tours tombèrent et les montagnes glissèrent, les murs s’émiettèrent et fondirent, s’écroulant avec fracas, de vastes spires de fumée et des vapeurs jaillissantes montèrent, toujours plus haut jusqu’à ce qu’elles déferlent comme une vague irrésistible, dont la crête ondulante et impétueuse s’abattit en écumant sur la terre. Et enfin, sur les milles intermédiaires, vint un bruit sourd qui s’éleva jusqu’à devenir un fracas et un rugissement assourdissants, la terre trembla, la plaine se souleva et craqua. Les cieux éclatèrent en tonnerre strié d’éclairs. Un torrent de pluie noire tomba en une cinglante flagellation. Et au cœur de la tempête, avec un cri qui perçait tous autres sons, déchirant les nuages, jaillirent les Nazgûl, tels des traits enflammés, comme, pris dans la ruine embrasée de la montagne et du ciel, ils craquetaient, se desséchaient et s’éteignaient.
« Eh bien, c’est la fin, Sam Gamegie », dit une voix à son côté. Et voilà que Frodon se trouvait là, pâle et usé, et pourtant redevenu lui-même, et dans ses yeux, il y avait à présent la paix, et non plus une tension de la volonté, ni la folie, ni aucune peur. Son fardeau lui avait été retiré. C’était le cher maître du doux temps de la Comté.[...] « Maître ! » s’écria Sam, et il tomba à genoux. Dans toute cette ruine du inonde, il ne ressentait pour le moment que joie, une grande joie. Le fardeau était parti. Son maître avait été sauvé, il était de nouveau lui-même, il était libre.
[...] « ... Car la Quête est achevée, et tout est terminé à présent. Je suis heureux que tu sois ici avec moi. Ici, à la fin de toutes choses, Sam. »
[...] « Le royaume de Sauron est fini ! dit Gandalf. Le Porteur de l’Anneau a accompli sa Quête. »
[...] « Je suis heureux que tu sois ici avec moi, dit Frodon. Ici, à la fin de toutes choses, Sam. »
« Oui, je suis avec vous, Maître, dit Sam, portant doucement à sa poitrine la main blessée de Frodon. Et vous êtes avec moi. Et le voyage est achevé. Mais après tout ce chemin, je ne veux pas encore renoncer. Ce n’est pas mon genre, en quelque sorte, si vous voyez ce que je veux dire. »
« Peut-être pas, Sam, dit Frodon, mais ainsi vont les choses dans le monde. L’espoir n’aboutit pas. Une fin vient. Nous avons peu de temps à attendre, maintenant. Nous sommes perdus dans la ruine et l’effondrement, et il n’y a aucun moyen d’y échapper. »[...] ... comme ils allaient vers le pied ébranlé de la Montagne, le Sammath Naur rejeta une grande fumée et des vapeurs, le côté du cône s’ouvrit, et un énorme vomissement roula en une lente cascade tonnante le long du flanc oriental de la montagne.
Frodon et Sam ne purent aller plus loin. Leur dernière force d’âme et de corps déclinait rapidement. Ils avaient atteint une petite colline de cendres au pied de la Montagne, mais de là, il n’y avait plus de moyen d’échapper. C’était à présent une île, qui ne durerait plus longtemps au milieu du tourment de l’Orodruin. Tout autour, la terre s’ouvrait, et de profonds puits et crevasses jaillissaient de la fumée et des vapeurs. Derrière eux, la Montagne était en convulsion. De grandes déchirures s’ouvraient dans son flanc. De lentes rivières de feu descendaient vers elles le long des pentes. Elles furent bientôt englouties. Une pluie de cendre chaude tombait.
Ils se tenaient debout, à présent, Sam serrait la main de son maître et la caressait. Il soupira. « Dans quelle histoire nous avons été, hein, Monsieur Frodon ! dit-il. Je voudrais bien pouvoir l’entendre raconter ! Croyez-vous qu’on dira : Et maintenant, voici l’histoire de Frodon aux Neuf Doigts et de l’Anneau du Destin ? Et alors, tout le monde fera silence, comme nous le fîmes quand, à Fondcombe, on nous a raconté l’histoire de Beren à la Main Unique et du Grand Joyau. Je voudrais bien pouvoir l’entendre ! Et je me demande quelle sera la suite après notre partie. »
Mais, tandis qu’il parlait pour éloigner la peur jusqu’au dernier moment, ses yeux vaguaient toujours vers le nord, le nord froid, se muant en grand vent, repoussait l’obscurité et les nuages défaits.Et ce fut ainsi que Gwaihir les vit de ses yeux perçants et à longue portée, comme il venait sur le vent furieux et que, défiant le grand péril des cieux, il tournoyait dans l’air : deux petites formes sombres, perdues, main dans la main, sur une petite colline, tandis que le monde tremblait sous eux et haletait et que les rivières de feu approchaient. Et au sommet où, les ayant décelés, il fonçait sur eux, il les vit tomber, épuisés ou suffoqués par les fumées et la chaleur ou finalement abattus par le désespoir, et se cachant les yeux devant la mort.
Ils gisaient côte à côte, Gwaihir fonça, tandis que Landroval et Meneldor le rapide descendaient également, et, dans un rêve, sans savoir quel sort leur était échu, les voyageurs furent soulevés et emportés au loin hors de l’obscurité et du feu.
Sentiment de perte et de mort devant une situation désespérée. Mais l'espoir, vain, qui survient de nouveau. La résignation, et soudain... Je suis sûr que votre imagination fera le reste :
- Eucatastrophe (format MP3, 9.5Mo ; 3mn53s)
Je vous donnerai titre original, auteur & crédits après votre écoute.
Je vous curieux de lire vos retours ;-)
Cédric.
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Écouter très souvent de la musique dite classique, il faut bien le dire, ça aide à reconnaître un certain nombre d'œuvres quand on les entend même sans que l'on annonce le titre et/ou l'auteur au préalable... ;-) De fait, j'avoue avoir tout de suite identifié ce très beau morceau de musique, brillamment orchestré par le compositeur en 1911... Il se trouve qu'il s'agit d'un compositeur dont j'avais évoqué une autre de ses œuvres vis-à-vis d'un roman de Tolkien, il y a quelques années, dans un ancien fuseau du présent forum initié par Fangorn et consacré à un célèbre roman de Kenneth Grahame... ;-)
Dans le même registre d'ambiance musicale pouvant évoquer l'eucatastrophe, je citerai volontiers également d'autres œuvres symphoniques (écrites et/ou orchestrées à peu près à la même époque)... mais n'étant pas là pour "étaler" des références culturelles, je laisserai d'abord s'exprimer d'autres impressions. :-)
Amicalement,
Hyarion.
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Si c'est bien le compositeur que je pense, j'ai le sentiment que tu as dû être influencé par le titre du recueil ou celui du morceau en question, Cédric. J'avoue pour ma part y voir plus un sentiment élégiaque que désespéré pendant toute la première partie du morceau. C'est pour moi une pièce trop solaire pour être réellement dramatique et le thème final me semble plus être une apothéose qu'un renversement de situation.
Pour une telle impression eucatastrophique précédée d'inquiétude et de tension, j'avoue que j'aurais plus tendance à chercher dans le Nord ou l'Est de l'Europe. Des noms comme Sibelius, Dvořák, Mendelssohn ou Tchaikovski (oui, j'aime tout particulièrement la musique romantique) me sembleraient plus susceptibles de fournir des morceaux appropriés.
Elendil,
qui n'a pas le sentiment d'être hors-sujet en proposant des alternatives, mais acceptera volontiers d'être corrigé si c'est le cas
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Merci :)
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Merci pour vos retours et les références que vous citez (Elendil, évidemment que non, tu n'es pas hors-sujet - ma suggestion initiale était faite pour le partage , dès lors il est normal (et souhaité) d'en obtenir d'autres ;-) )
Il se trouve qu'il s'agit d'un compositeur dont j'avais évoqué une autre de ses œuvres vis-à-vis d'un roman de Tolkien, il y a quelques années, dans un ancien fuseau du présent forum initié par Fangorn et consacré à un célèbre roman de Kenneth Grahame...
Bien joué, oui, il s'agissait de Ravel, dans Ma Mère L'Oye. Et pour le tissage, le fuseau que tu mentionnes était : Le Vent dans les saules.
Cédric.
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Dans le même registre d'ambiance musicale pouvant évoquer l'eucatastrophe, je citerai volontiers également d'autres œuvres symphoniques (écrites et/ou orchestrées à peu près à la même époque)...
Plus d'un an après, voila que je me rappelle soudain de cette discussion lancée par Cédric... ;-)
Je partage donc à présent au moins une référence, maintenant que j'y repense : une des suites de concert (celle de 1919) du ballet L'Oiseau de feu d'Igor Stravinsky (initialement créé en 1910 à Paris), suite adaptée en musique de film d'animation pour la dernière partie de Fantasia 2000 (dernière partie - magnifique - du film qui a été réalisée et écrite par les artistes jumeaux français Gaëtan et Paul Brizzi).
Amicalement,
Hyarion.
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Merci de nous avoir partagé ce superbe passage que je ne connaissais pas. J'en profite pour vous mettre également un passage du fantasia de 1941. Lorsque j'avais lu pour la première fois le Silmarilion j'avais eu immédiatement une image en tête pour les Balrogs sans savoir d'où elle venait. Ce n'est que bien des années après quand j'ai revu Fantasia que j'ai su quelle était la référence qui a formaté mon imagination
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