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"Durant le règne d'Argeleb II, la peste arriva en Eriador par le sud-est".
Nous voilà donc dans une situation bien inédite.
Comme l'a écrit avec finesse et doigté le rédacteur de l'arrêté du 14 mars 2020 "portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19", les salles d'auditions, de conférences, de réunions, de spectacles, les centres commerciaux, les restaurants et les bars, les salles de jeux, les bibliothèques, les musées et salles d'expos et les centres sportifs couverts, sont désormais et jusqu'au 15 avril 2020, fermés au public.
Mazette !
Prenant la mesure d'une telle décision, et de l'ennui potentiel que vont vite provoquer ces mesures de confinement, je vous propose de glisser dans ce nouveau fuseau vos suggestions de lecture du moment, fantasy ou autres.
Je commence ?
Eh bien, en ce moment, je suis en pleine lecture de Conan le Cimmérien, de Robert E. Howard.
C'est pour moi une découverte, je n'avais en fin de compte qu'une connaissance superficielle de Conan, pour avoir vu les films de Milius (82) et Fleischer (84).
J'avais longtemps repoussé la possibilité de découvrir l’œuvre d'Howard, tant elle me semblait touffue.
C'est par ce genre de fuseau, fort utile et instructif, que la compréhension de cette œuvre a fini par devenir plus aisée pour votre serviteur, puis que son exploration est devenue une évidence.
Grâce en soit rendue à son principal contributeur, qui se reconnaîtra ;)
Je m'y suis donc mis, en me faisant offrir les exemplaires de la collection "grand format" de chez Bragelonne.
J'ai commencé tranquillement Conan le Cimmérien pendant les vacances de février, et je poursuis ma lecture, toujours tranquillement, mais avec un intérêt grandissant.
Ensuite, quand j'en aurai fini avec cette première exploration dans l'univers howardien, il y a le livre de Rudolf Simek qui m'attend : La Terre du Milieu, Tolkien et la mythologie germano-scandinave.
J'ai hâte de me plonger dans ce livre dont l'ami Alkar est l'un des traducteurs.
Prenez soin de vous et Bonnes lectures !
I.
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Pour ma part, le travail ne s'arrête pas et avec deux nourrissons, il n'y a guère le temps de chômer à la maison.
Toutefois, en ce moment, j'ai attaqué la somme que constitue Indo-European Language and Culture: An Introduction, 2e éd., de Benjamin Fortson :
Je compte poursuivre dans la même veine avec le Vocabulaire des institutions indo-européennes (vol. 1 : économie, parenté, société ; vol. 2 : Pouvoir, droit, religion), d'Émile Benveniste :
E.
P.S. : Je n'arrive pas à redimensionner les images sur le forum. S'il y a un truc, je suis preneur.
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Belle idée Isengar.
& Merci à toi et à Elendil pour ces belles invitations.
Quant à moi, toutefois, je ne vais pas m'ennuyer ;)
(et je vous encourage tous, même s'il est bien tard, à observer un confinement le plus strict possible).
P.S. : Je n'arrive pas à redimensionner les images sur le forum. S'il y a un truc, je suis preneur. :)
Oui : il s'agit de rédiger en mode HTML. Si tu édites ton message, tu verras comment je me suis permis de procéder ;).
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Merci pour ce fuseau qui pourrait nous aider à faire de belles découvertes :-)
Personnellement, je relis rarement un même titre (sauf quelques-uns que vous imaginez bien :-)) mais je crois que je vais me relancer dans "Gagner la Guerre" de Jean-Philippe Jaworski. Voilà un roman qui mêle le sens de l'aventure, le cap et d'épée, des lieux qui inspirent, ça grouille de vie et d'images. Le tout laisse au lecteur de très bons souvenirs.
En bref, une lecture conseillée :-)
Portez-vous bien !
Cédric.
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Bonjour à tous.
Pour ma part j'avais commencé à relire le tryptique Silo de Hugo Howey. Roman de science-fiction racontant un peuple vivant confiné dans un silo enterré protégé d'un air extérieur toxique.
Pourtant certains continuent d'espérer. Contre ceux-là, la punition est simple, ils se voient accorder cela à quoi même ils aspirent : sortir.
Bizarrement d'actualité.
Bon courage à vous
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Des livres... J'en ai tellement autour de moi, dans mon modeste logis, que toute une année de confinement ne suffirait pas pour tout lire ou relire. Autant dire qu'il y a largement de quoi faire, durant bien des nuits et des jours, présents et à venir...
Or donc... voila qu'un peu plus d'un siècle après la grippe espagnole, de sinistre mémoire (400 000 morts en France et de 30 millions à 80 millions dans le monde, comme le rappelle Le Canard enchaîné de cette semaine), nous vivons à nouveau des temps historiques où l'humanité se retrouve confrontée, de plein fouet, à sa propre bêtise... À mes yeux, c'est un moment de vérité : on verra bien ce qu'il en sortira. En bien (peut-être). En mal (c'est toujours à craindre). Sans complaisance, en tout cas.
Toujours est-il qu'effectivement, c'est un moment pour lire, ou relire, et pour moi aussi un temps pour écrire et pour dessiner. Enfermés chez vous, sachez savoir quoi faire du temps qui vous est imparti : de toute façon, nous en avons pour un bon moment...
Eh bien, en ce moment, je suis en pleine lecture de Conan le Cimmérien, de Robert E. Howard.
C'est pour moi une découverte, je n'avais en fin de compte qu'une connaissance superficielle de Conan, pour avoir vu les films de Milius (82) et Fleischer (84).
J'avais longtemps repoussé la possibilité de découvrir l’œuvre d'Howard, tant elle me semblait touffue.
C'est par ce genre de fuseau, fort utile et instructif, que la compréhension de cette œuvre a fini par devenir plus aisée pour votre serviteur, puis que son exploration est devenue une évidence.
Grâce en soit rendue à son principal contributeur, qui se reconnaîtra ;)
Merci pour cet hommage, cher JR. ;-) Et tant mieux si ma participation au fuseau en question a pu avoir jusqu'ici quelque utilité. ^^'
Si tu as lu l'article consacré à la nouvelle The Frost-Giant's Daughter (La Fille du géant du gel, 1932) que j'avais écrit pour la revue Fantasy Art and Studies n°6, tu auras peut-être constaté que j'avais pris soin de ne pas raconter toute l'histoire. Aussi j'espère que la découverte directe de ce récit de Robert Howard t'aura plu, car c'est un des meilleurs.
Voici, du reste, un palmarès personnel des nouvelles de Conan (tant que j'y suis), d'après l'édition établie par Patrice (Louinet) :
- Volume I (1932-1933) : quatre nouvelles (sur treize) que j'estime être parmi les meilleures > Le Phénix sur l'Épée, La Fille du Géant de Gel, La Tour de l'Éléphant, La Citadelle Écarlate;
- Volume II (1934) : un roman et deux longues nouvelles, soit tout (ou presque) dans ce très bon volume > Le Peuple du Cercle noir, L'Heure du dragon, Une sorcière viendra au monde;
- Volume III (1934-1935) : trois nouvelles (sur cinq), que j'estime être aussi parmi les meilleures, et parmi les plus abouties > Au-delà de la rivière Noire, Le Maraudeur noir, Les Clous rouges.
Actuellement, pour ma part, je relis Les Essais de Montaigne. Un peu tous les jours, quelques pages, comme d'autres liraient la Bible. En cela je marche un peu dans les pas du cinéaste Orson Welles, dont le point de vue émouvant sur Montaigne est reproduit sur la quatrième de couverture de mon édition (LGF) :
Montaigne est le plus parfait écrivain que le monde ait produit. Je le lis littéralement chaque semaine, à la façon dont les gens lisent la Bible, pas très longtemps ; j’ouvre mon Montaigne, lis une page ou deux, au moins une fois par semaine, pour le plaisir, comme ça. Pour moi, il n’y a pas de plus grande joie au monde. En français, pour le plaisir d’être en sa compagnie. Ce n’est pas tellement pour ce qu’il raconte, mais c’est un peu comme d’attendre un ami, vous savez. Pour moi, c’est quelque chose de merveilleux, de très cher. J’ai de l’affection pour Montaigne. C’est un grand ami de ma vie.
Orson Welles
L'édition des Essais de Montaigne dont je dispose (Librairie Générale Française, 2001, coll. « La Pochothèque » [Le Livre de Poche]) est celle du texte de 1595 publié par Marie de Gournay, « fille d'alliance » de Michel de Montaigne, édition établie, présentée et annotée par Jean Céard avec la collaboration de Denis Bjaï, Bénédicte Boudou et Isabelle Pantin. C'est une très bonne édition, à la fois scrupuleuse et accessible.
En matière de (re)lecture, par les temps qui courent, j'avoue que je n'en vois point de meilleure que celle-ci, au quotidien, du moins pour ce qui me concerne. Bertrand Vergely a raison quand il écrit que Montaigne est « un maître de vie ».
Bon courage à toutes et tous (particulièrement bien sûr au personnel soignant) et bonnes lectures.
B.
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Petites suggestions a mon tour.
Hasard des choses j’ai commencé à lire la série Wild Cards, anthologie de science-fiction uchronique dirigé (et écrit pour certains textes) par George R. R. Martin.
En 1946 un virus extra-terrestre touche la terre. S’il tue la majorité des personnes qu’il contamine, les survivants développent divers mutations et une minorité acquièrent des pouvoirs.
L’origine de cette série provient de parties de jeux de rôle dirigé par Martin. Pour continuer de faire vivre leurs personnages ils ont développé un univers partagé. Parmi les auteurs on peut trouver Roger Zelazny et même un certain Chris Claremont.
Autre lecture (même si je triche puisque celle-ci date de quelques années) qui permet de voyager en cette période de déplacement limité, La fabuleuse odyssée des plantes de Lucile Allorge nous invite à suivre les grands botanistes dans leurs voyages au bout du monde ou au fond de leurs jardins.
bonnes lectures
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Merci pour vos suggestions
Oh ! C'est aujourd'hui le "Tolkien Reading Day".
le thème qui avait été proposé par la Tolkien society pour cette année était "nature et industrie".
J'en ai profité pour mettre l'actualité du site à jour.
Bonne journée de lecture(s) confinée(s)
I.
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Malheureusement, le confinement ne me donnera pas plus de temps pour lire, parce que je peux faire tout autant en télétravail que sur site Mais je ne désespère pas de rattraper mon retard de couture de lecture sur The Expanse, je me suis fais offrir le dernier tome traduit en français à Noël. Et aussi le dernier tome de la Passe-Miroir, que la Fée Rebeca m'a fait découvrir l'an dernier !
Et bon courage à Yyr l'Etoilé, qui fait déjà un métier pas simple, mais le fait maintenant en situation de crise. Promis, nous on reste bien sage à la maison (vivent les balcons !)
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Merci Dame Lægalad :)
Pour l'instant plus de stress que de mal en ce qui nous concerne à la maison.
Côté professionnel, nous avons la sinistre chance de bénéficier de l'épreuve de nos confrères alsaciens pour nous préparer, mais c'est vrai que ça reste compliqué ... et nous n'en sommes qu'au début :/
Profitez bien des bonnes choses que l'on peut peut-être plus facilement redécouvrir (sans trop alourdir le trafic internet non plus : on en a besoin aussi ;)).
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Tolkien disait s'adresser à « ceux qui ont soif » (Lettre 87), mais il ne faudrait pas pour autant oublier celles et ceux qui ont faim.
En marge de ma relecture des Essais de Montaigne (toujours en cours), je viens de relire quelques vieilles aventures, en bande dessinée, de l'agent Bill Baroud, par Emmanuel Larcenet, aventures parues jadis d'abord dans le magazine Fluide Glacial, puis publiées en albums entre 1998 et 2002.
Officiellement expert-comptable à la « Suckers Bank » (sic), Bill Baroud est en réalité un espion du FBI et un patriote américain spécialisé dans le contre-espionnage à l'étranger (oui, je sais, a priori c'est davantage le boulot de la CIA que celui du FBI, mais bon...), pour défendre le monde libre et civilisé en général et les États-Unis d'Amérique en particulier, son pays étant sa raison de vivre... et, si besoin, sa raison de mourir. Incidemment (©Elendil), à ses rares heures perdues, il est aussi spécialisé dans des « missions» que d'aucuns qualifieraient d'« infiltration » auprès de la gent féminine...
Après avoir affronté bien des dangers ainsi que toutes sortes d'adversaires redoutables, et avant qu'une ultime mission lui soit confiée par le pape en personne, Bill Baroud est amené un jour à devoir sauver le monde... d'un effroyable virus de provenance asiatique. Convoqué à la Maison Blanche par le président des USA, Baroud se voit aussitôt confronté à une épouvantable vérité (pour lui) : les principaux ministres de l'administration américaine, chacun à la suite d'un repas consommé dans le même restaurant, sont soudainement devenus des... êtres humains idéologiquement modifiés à tendance collectiviste. Baroud, horrifié, voyant là la manifestation d'une « véritable épidémie », le président lui confirme la chose, en lui révélant la source de la contamination, ainsi que la nature du virus en question...
Face à ce « virus de synthèse extrêmement dangereux », arme d'un plan diabolique pour tenter un coup d'État aux États-Unis afin d'y instaurer un gouvernement marxiste (projet, aux yeux du héros, particulièrement « odieux ! »), Bill Baroud est la dernière chance du monde libre selon le président des USA. Une très experte recherche d'informations ayant permis de localiser l'ennemi, l'espion se rend donc au Cambodge, dans la région de Battambang, où il échappe aux tirs d'une compagnie héliportée de Khmers rouges (survivants d'une sinistre époque que l'on croyait révolue), avant de se réfugier dans un mystérieux édifice ancien, rappelant un temple d'architecture khmère, et où des indices subtils l'amène bientôt à découvrir le repère industriel des ennemis de l'Amérique et du monde (supposé) libre...
Une fois arrivé à l'intérieur de ce qui se révèle être l'usine ultra secrète de riz contaminé, depuis une sorte de balcon où l'a mené une porte, c'est un spectacle visuel et sonore insoutenable (pour lui) qui attend Baroud : des Asiatiques en tenue prolétarienne, armés de faucilles et de marteaux, chantant l'Internationale au pied des antiques colonnes de l'édifice (« C'était plus que ce qu'un homme comme moi pouvait supporter !! » selon les propres mots de l'espion). Mais le pire restait à venir, quand surgit soudain, dans le dos de Bill Baroud, un adversaire inattendu...
On ne racontera pas ici les péripéties qui amenèrent l'agent Baroud, armé de son sens du devoir, de son abnégation, de son anti-marxisme, et de son pistolet mitrailleur, à finalement triompher des « Rouges » et à les anéantir.
De façon générale, qu'il suffise ici de citer Bill Baroud lui-même : « Encore une fois, Dieu avait été du côté des justes... »
Sauf que... précisément, le diable, lui, est dans les détails, et que l'histoire de l'humanité est traversée de ces cruelles manifestations d'ironie dont il est possible de douter que même le Dieu personnel des religions du Livre, s'Il existe, puisse en soi les justifier. Revenu faire son rapport à la Maison Blanche et y livrer le dangereux virus confisqué à Oncle Ben's, Bill Baroud sera en tout cas confronté à une très légère erreur d'inattention en présence du président, erreur lourde de conséquences pour la sainte cause de l'Amérique, du monde libre et du capitalisme... Cela inspirera à Baroud, de fait, face à une situation dont il se sent ô combien responsable, une pensée immortelle à la première personne du singulier... pensée immortelle que, du reste, au-delà de la situation du personnage, tout individu pris en flagrant délit d'hybris, d'excès d'ego et/ou d'abus de position « dominante » dans ce monde, se devrait peut-être de formuler pour lui-même et vis-à-vis de ses prétentions au savoir et au « pouvoir »... Simple suggestion (et vœu pieux) de ma part, évidemment.
L'aventure en question (« Cambodge virus ») a été publiée dans le tome 3 (« La dernière valse ») des missions de Bill Baroud, initialement paru en l'an 2000, et mérite d'être lue dans son intégralité (et dans son découpage original). Pour le reste, même en ces temps désolants si propices aux « fake news » et aux théories du complot en tous genres, la formule est connue :
Les personnages et les situations de ce récit étant purement fictifs, toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que purement fortuite.
Pensez-y, la prochaine fois que vous aurez besoin d'un paquet de riz. ;-)
À noter, pour celles et ceux qui se poseraient la question, que le riz « long grain » de chez Uncle Ben's, qui connait « toujours un succès » en France depuis de nombreuses années (et a fortiori par les temps qui courent), ne vient pas d'Asie (ni d'Amérique d'ailleurs) : https://www.francetvinfo.fr/replay-radi … 47889.html
Je vous laisse : comme de juste, tout cela m'a donné faim (et soif).
Peace and love, et à nouveau, bon courage à toutes et tous (et bonnes lectures).
B.
[EDIT: correction de fautes]
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Merci Benjamin — et bravo — pour ce compte-rendu très agréable à lire.
Ici, pas de grande originalité : les lectures en cours se bornent, avec Esteldil, à poursuivre sa découverte du Seigneur des Anneaux.
Nous sommes arrivés hier à l'Isengard.
Il y a quelques jours, après la bataille du Gouffre de Helm, mon fiston a conclu : « Gimli avec les Orques, c'est comme Obélix avec les Romains » ;).
Depuis quelques jours aussi, avant que je lui lise le SdA, il a pris sur lui de lire à Calandil Bilbo à partir de la BD de David Wenzel ; ils en sont actuellement aux Aigles.
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Je ne vais pas ouvrir un fuseau exprès pour cela car cela doit rester du plus haut niveau de confidentialité, mais hélas ! Le marrissement de ce monde atteind de nouveaux sommets :
La fin de cet Âge est proche ! Du beurre marri :'(
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Oooh non, pourquoi relancer cette polémique qui sent le beurre rance dans ce fuseau parfaitement huilé ? c'est mettre du sel sur de vieilles plaies !
Saine lecture, ceci-dit, que ce message. Mais je ne suis pas certain que les arguments médicaux tiennent la route. Est-ce du barattinage ou du barattage ?
Un expert pourrait-il s'exprimer sur le sujet ?
I
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Je n'ai plus de connexion ... Je n'ai plus de connexion ... :) :) :)
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Pour votre parfaite information - et sans vouloir faire de la publicité, sachez qu'Edouard Kloczko propose sur l'application Zoom (un service de conférence à distance dont l'usage a explosé durant ce printemps confiné), tous les soirs à 17h00 (sauf rares exceptions) des sortes de conférences/échanges sur différents thèmes relatifs à Tolkien et à son oeuvre.
Ces rendez-vous ont commencé le 18 mars. Après plusieurs semaines, la liste des sujets traités commence à être dense...
18/03 - pas de sujet particulier (essai)
19/03 - 30/40 minutes aurour de Tolkien
20/03 - spécial printemps
21/03 - spécial sindarin
22/03 - maladies et pandémies en Terre du Milieu
23/03 - analyse d'une phrase quenya célèbre
24/03 - la géographie et les noms des fleuves du Gondor
25/03 - l'inscription sur l'Anneau Unique
26/03 - Tolkien et vous
27/03 - le valarin, la langue des Valar
28/03 - la religion en Terre du Milieu
29/03 - on déchiffre la page de titre du Lord of the Rings
30/03 - spécial quenya
31/03 - les cartes de Tolkien et la géographie de la Terre du Milieu
1/04 - les animaux géants et les "monstres" de Tolkien
3/04 - Tolkien le poète
4/04 - les êtres maléfiques secondaires Carcharoth, Thuringwethil, Balrogs, Boldogs, etc
5/04 - les noms que les Elfes se donnent
6/04 - (pas de sujet annoncé)
7/04 - les relations avec le monde Arthurien
8/04 - "The Lost Road" et l'Atlantide de Tolkien
9/04 - l'alphabet de Rúmil
10/04 - l'alphabet de Fëanor
11/04 - l'usage des tengwar dans le mode de Beleriand
12/04 - l'usage des tengwar au Gondor (1)
13/04 - l'usage des tengwar au Gondor (2)
15/04 - l'usage des tengwar (suite)
16/04 - Runes (elfiques) ou Cirth
17/04 - le Livre de Mazarbul ("mazarboule") et les runes du mode d'Erebor
Le sujet du jour*, en général annoncé sur la page Facebook d'Edouard, n'a pas encore été communiqué (à ma connaissance).
I.
* PS : annoncé au moment où je publiais : le Livre de Mazarbul (suite)
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(re-)Lectures du moment :
Günther Anders, Sténogrammes philosophiques, Fario, 2015.
Un extrait qui développe une métaphore de circonstance :
«Allons donc, c'est pas si grave.»
Si grave que quoi ?
C'est un des faits les plus massifs de notre époque : la banalisation et minimisation du fait le plus massif de notre époque [Anders, qui écrit dans les années 1960, parle ici de la Bombe Atomique et des essais répétés]. Cette tendance est si forte, si générale, si inexorable que même parmi ceux qui critiquent cette tendance, fort peu sont armés contre elle : on ne sent que très rarement, dans le ton de la polémique, qu'on a vraiment affaire ici à un destin funeste.
[...]
Plus si grave que quoi ?
Minimiser les faits signifie : réprimer les faits.
Réprimer les faits signifie : opprimer les hommes qui (déjà parce que ces faits les mettent en danger) ont le droit d'en être informés, et qui pourraient peut-être regimber. Donc
La minimisation des faits signifie : privation de liberté ; signifie : oppression de l'homme.
[...]
L'action contraire de ceux qui relèvent les faits minimisés à hauteur de visibilité, restituant aux phénomènes réprimés leur format adéquat et redonnant à la chose déformée sa vraie forme, est qualifiée d' « exagération ». Ce terme est d'un usage si répandu que nous ne voyons aucune raison de ne pas l'adopter. Soit ;nous exagérons donc. L'exagération est une activité politique. Elle désigne une action de la liberté la libération des faits de la minuscule cellule dans laquelle la minimisation les a enfermés. Et avec elle, la libération de l'homme :rendu libre de regarder la vérité.
Lorsque des philosophes, accoutumés à travailler à l’œil nu, récusent l'exagération comme manquant de sérieux – et c'est naturellement ce que font la plupart d'entre eux –ils ne font pas mieux, c'est-à-dire :ils ne sont pas moins obsolètes et ridicules que le seraient des virologues qui refuseraient les microscopes et plaideraient donc pour une « virologie à l’œil nu ». Les virus sont-ils peut-être aussi grands qu'ils apparaissent à l’œil nu ? En ce cas, ils ne seraient pas. Ne sont-ils pas plutôt aussi grands qu'ils apparaissent dans leur agrandissement microscopique ? Ou même incomparablement plus grands [71] encore parce qu'incomparablement plus dangereux ? Si l'on présentait dans un film le travail dévastateur des virus grossis des millions de fois – la dangerosité de l'objet serait-elle exagérée dans la même mesure que sa taille en est agrandie ? Ou bien ne serait-elle pas alors seulement rendue visible ? C'est en ce sens que j'exagère.
G. Anders, Sténogrammes philosophiques, Fario, 2015, « Bibelots d'aujourd'hui », p. 68, 70-71
Pour contrebalancer, de la poésie, une dose préventive chaque jour.
Ainsi récemment :
« du soleil d’une claire vigueur à l’orage ténébreux, nous passons sans nous retourner, sans hésiter dans notre course, car, nous connaissons le prix, la beauté, de la persévérance », disent les oiseaux du chant. Entends-tu le bruissement de leurs ailes dans l’étendue ?
Nicolas Dieterlé, Ici, pépie le cœur de l’oiseau-mouche, Arfuyen, 2008, p. 78, 84, 90.
et aujourd'hui :
Le poète moderne est voué à la solitude, condamné qu’il est à vivre dans les couches souterraines de l’histoire. C’est un exilé, même si nul décret ne l’oblige à quitter son pays. En un certain sens, jamais Dante n’abandonna Florence, car l’ancienne société garda toujours une place au poète. Les liens avec sa ville ne se rompirent pas : ils se transformèrent et la relation ne cessa d’être vivante et dynamique. Être l’ennemi de l’État, perdre certains droits civiques; subir la vengeance ou la justice de sa ville natale n’a rien de commun avec la privation de l’identité personnelle. Car dans ce dernier cas la personne disparaît, devient une ombre. Le poète moderne n’a pas droit de cité, parce qu’effectivement il n’est « personne ». Ce n’est pas là une métaphore : la poésie n’existe pas pour la bourgeoisie ni pour les masses contemporaines. L’exercice de la poésie peut être une distraction ou une maladie, mais jamais une profession : le poète ne travaille ni ne produit. C’est pourquoi les poèmes ne valent rien : ils ne sont pas des produits d’échange. L’effort qu’exige leur création ne peut se traduire en valeur travail. La circulation commerciale est la forme la plus complète et active d’échange que connaisse notre [327] société et la seule qui mesure la valeur. Comme la poésie ne peut être un bien d’échange, elle n’est pas réellement une valeur. Et comme elle n’est pas une valeur, elle n’a pas d’existence réelle en notre monde. L’élimination s’opère doublement : ce dont parle le poète n’est pas réel, parce qu’il ne peut être assimilé à une marchandise ; et la création poétique n’est pas une occupation, un travail ou une activité définie, puisqu’on ne saurait la rémunérer. C’est pour¬quoi le poète n’a pas de statut social. La polémique sur le « réalisme » s’éclairerait sous un autre jour si ceux qui reprochent à la poésie moderne son dédain de la « réalité sociale » se rendaient compte qu’ils ne font que reconduire l’attitude de la bourgeoisie. La poésie moderne ne parle pas de « choses réelles », parce qu’on a décidé d’abolir toute une partie de la réalité : celle-là même qui, depuis toujours, est source de la poésie. […] Nul ne se reconnaît dans la poésie moderne, parce que nous avons été mutilés et que nous avons oublié ce que nous étions avant cette opération chirurgicale. Dans un monde de boiteux, quiconque assure qu’il existe des êtres à la démarche saine est un visionnaire, un homme qui s’évade du réel. En réduisant le monde aux données de la conscience et les œuvres à une valeur de travail-marchandise, on a du même coup rejeté de du sphère du réel le poète et ses œuvres.
Octavio Paz, L'Arc et la Lyre, Gallimard, 1993 (1965), p. 326-327.
S.
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En fin de compte, je dois bien dire que mes lectures n'ont guère avancé, les bébés et le jardinage leur livrant une concurrence sans merci. Néanmoins, la présente période aura tout au moins permis de nous remettre à regarder des films. Írimenya et moi explorons donc tour à tour la vidéothèque de l'autre. Parmi mes découvertes les plus intéressantes, je retiendrais volontiers Black book, de Verhoeven, d'une maestria remarquable, ainsi que La Pourpre et le Noir, de London, une belle réussite aussi.
E.
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Eh bien je ne pensais pas que ça se passerait aussi bien (sur le plan professionnel) : beaucoup de stress mais peu voire pas de mal pour mes collègues et moi (peut-être avions-nous bien anticipé les choses, d'autres ont eu moins de chance).
En outre, tous les médecins constatent une baisse vertigineuse des consultations (au moins de 50%). Si en plus on enlève les crises d'angoisse et le coronavirus lui-même, il nous reste bien peu de malades à soigner. Nous sommes quelques médecins à nous demander si ce ralentissement imposé depuis quelques semaines ne révélerait pas que le rythme habituel de notre société est délétère ... Ce n'est pas un scoop, certes. Cette réflexion, en tout cas, pour introduire cette courte vidéo qui m'y a fait repenser, et que je vous partage : https://www.youtube.com/watch?v=eiUsBW3YljY (excellente jusqu'à la moitié je trouve, après quoi je n'adhère pas lorsqu'il s'agit de moquer certaines personnes).
Yyr
@ Isengar : Bonne idée que celle d'Édouard ; je ne sais pas s'il a du monde ? À une époque cela m'aurait plu.
@ Sosryko : peu de mots mais « du lourd » comme dirait Esteldil ;)
@ Elendil : moi ça y est presque : le jardin est enfin désherbé (à la main) et la terre du potager retournée ; bientôt il n'y aura plus qu'à :).
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De nombreuses lectures de mon côté, ces six dernières semaines...
Je compte évidemment à part J. R. R. Tolkien et Robert E. Howard, puisque ces deux-là relèvent depuis longtemps, pour moi, plus ou moins de la lecture continue, avec ou sans confinement. Du reste, ils sont aujourd'hui, en littérature, un peu l'équivalent pour moi de Paul Verhoeven au cinéma : le degré de familiarité avec l'œuvre est devenu tel, me concernant, qu'il y aurait, pour le travail de chaque auteur, trop de choses à dire à chaque fois, même en tant que simple lecteur ou spectateur.
S'agissant de Verhoeven, il est de facto, chose rare, présent par ses films en intégralité dans ma vidéothèque, car je connais tous ses longs métrages et les apprécie beaucoup quasiment tous — même si son premier long métrage (Business is business, 1971), consacré à la prostitution aux Pays-Bas au début des années 1970, peut apparaître comme un simple coup d'essai de jeunesse, si j'ose dire, en comparaison de tout ce qu'il a filmé par la suite : s'il devait travailler à nouveau sur ce sujet aujourd'hui, le résultat serait sans doute différent, quoique toujours du Verhoeven ; quant à son dernier film hollywoodien, consacré au thème de l'homme invisible mais dont je tairais le nom, il l'a quelque peu renié (faute de liberté artistique à l'époque, en l'an 2000) et je ne lui donne pas tort, même si le résultat reste formellement correct. Bref, mis à part ces deux légers bémols dans sa filmographie (personne n'est parfait), j'adore son cinéma, notamment pour son sens profond de l'ironie, cette ironie qui est sans doute un art aujourd'hui perdu comme Verhoeven l'a souvent dit lui-même. Katie Tippel (Keetje Tippel, 1974), Soldier of Orange (Soldaat van Oranje, 1977), Le Quatrième Homme (De vierde man, 1983), La Chair et le Sang (Flesh + Blood, 1985), Total Recall (1990), Basic Instinct (1992), Starship Troopers (1997), Black Book (Zwartboek, 2006), Elle (2016), pour ne citer là que ceux que j'aime le plus : vraiment, j'aurai trop de choses à dire sur les films de ce grand cinéaste, tous intéressants et souvent excellents, Verhoeven sachant selon moi mettre en scène comme personne les grands sujets, essentiels, qui lui sont chers : la violence, le sexe et la religion.
Du reste, vu l'état actuel de l'industrie cinématographique, et le peu de goût que j'ai pour la majorité des films de cinéma sortis en salles depuis une douzaine d'années, il est encore un réconfort pour moi de savoir qu'un cinéaste comme Verhoeven, malgré son âge, n'a pas encore pris sa retraite : il vient ainsi de terminer un film sur la vie de la religieuse catholique italienne Benedetta Carlini (1591-1661), film que j'attends avec grand intérêt, et qui ne plaira certainement pas aux associations catholiques intégristes — le film devait sortir en salles cette année, et je ne peux qu'espérer, vu les circonstances actuelles (il était censé être présenté à Cannes), qu'il soit effectivement bientôt visible, d'une manière ou d'une autre.
Le cinéaste parlant volontiers de son travail, il existe plusieurs ouvrages consacrés à Verhoeven, particulièrement en français, la dernière partie de sa carrière (qui se poursuit actuellement en France, après les Pays-Bas des origines, puis Hollywood, puis à nouveau les Pays-Bas) ne s'intégrant toutefois, par la force des choses, que progressivement et récemment dans l'appréciation de son œuvre. L'un des meilleurs ouvrages en question, voire peut-être le meilleur jusqu'ici (même s'il mériterait, comme les autres, une petite mise à jour aujourd'hui) est, à mes yeux, sans doute celui de l'historien de l'art Nathan Réra, que je relis toujours de temps en temps : Au Jardin des délices. Entretiens avec Paul Verhoeven (Rouge Profond, 2010).
Et puisqu'il est donc censé être ici question de livres, il se trouve que, parmi mes relectures actuelles, figure un ouvrage très documenté de Paul Verhoeven lui-même, paru en néerlandais en 2008 et en français en 2015 : Jésus de Nazareth (Jezus van Nazaret), né d'un projet de film de fiction sur ce que Jésus a réellement dit et fait dans le contexte de son époque, sujet que le cinéaste a finalement préféré traiter par écrit et de façon documentaire à partir de ses recherches personnelles. Paul Verhoeven est quelqu'un qui, tout en étant profondément athée, est passionné par la figure de Jésus de Nazareth, dans sa dimension historique, au point de l'avoir longuement étudié de près au sein du Jesus Seminar, en s'efforçant d'éviter les écueils de la théologie. En faisant ainsi abstraction des certitudes religieuses, à relire son livre encore aujourd'hui, ce que Verhoeven y dit du message à retenir de Jésus, et de son importance au regard de l'histoire, me parait fort juste, que l'on soit athée ou simplement agnostique, voire même croyant sans être obsédé par les dogmes de l'Église (ou des Églises), Jésus de Nazareth pouvant être aussi bien Fils de Dieu, pour les chrétiens, que prophète pour les musulmans ou agitateur pour les juifs.
Ne citer, à cette aune, que des passages de ce livre passionnant est forcément très réducteur par rapport à l'ensemble du long travail de recherche de l'auteur. Tout au plus cela pourra-t-il donner une idée du point de vue général de Verhoeven, point de vue qui, en tout cas, ne relève pas plus de la fiction que celui des théologiens qui n'ont pas manqué de le critiquer :
Je vois en Jésus un homme. Je ne le considère pas comme le « fils de Dieu », mais plutôt comme un Jésus mythologique, né de notre aspiration à reconnaître en autrui l'image de Dieu. [...]
Dans cet ouvrage, j'ai essayé de jeter le regard le plus « pur » possible sur la vie de Jésus, de cerner le Jésus sans artifices. Je le regarde avec un intérêt qui s'apparente à une forme d'amour. Mais sur quoi cet amour débouche, je l'ignore : un sabotage du christianisme ? Mes conclusions suggèrent-elles qu'en Occident, nous vivons depuis deux mille ans déjà dans un gigantesque mensonge, ainsi que plus d'un philosophe l'a d'ailleurs affirmé au cours des derniers siècles ? Les Évangiles, avec leurs déformations, nous ont-ils bernés à propos de Jésus et de la personne qu'il était réellement ? Ou ce livre nous aide-t-il justement à reconstruire les fondations du christianisme, comme le pasteur Klaas Hendrikse, par exemple, a tenté de le faire dans son « manifeste » Geloven in een God die niet bestaat [Croire en un Dieu qui n'existe pas] ?
Paul Verhoeven, Jésus de Nazareth (Jezus van Nazaret, 2008), Avant-propos de Rob Van Scheers, traduction du néerlandais d'Anne-Laure Vignaux, Paris, Éditions Aux forges de Vulcain, 2015, p. 15-23.
Jésus est mort. Son esprit a été détruit, tout comme ceux d'Einstein et de Mozart. Jamais aucune résurrection physique ne s'est produite. Cela me ramène au début de ce livre : que reste-t-il alors du christianisme ? Paul a-t-il raison quand il dit : « Et si Christ n'est pas ressuscité, notre prédication est vide et vide aussi votre foi »(*) ?
Je ne pense pas. Je crois que nous devons regarder les choses autrement. Nous devons retourner à la vision du Royaume de Dieu propre à Jésus, telle qu'il l'a formulée dans le Sermon sur la montagne. L'utopie humaine qui y est proposée ne sera toutefois pas réalisée par Dieu comme acte autonome, ainsi que Jésus le pensait. Ce Royaume-là ne viendra pas. L'image de l'homme que Jésus imagine ne peut devenir réalité qu'à partir de l'homme lui-même : faire preuve de noblesse envers ceux qui n'ont pas reçu la chance de subvenir à leurs propres besoins, dépasser rancunes et rancoeur, accueillir à bras ouverts ceux qui reconnaissent avoir commis un méfait, traiter l'ennemi comme un égal lorsqu'il est à terre. Bref, avoir conscience que tout homme, sans exception, est aussi vivant que nous le sommes et a tout autant le droit de vivre. Même si l'amour de ses ennemis est quasi impossible à mettre en pratique (sauf peut-être dans quelques millions d'années... ?), le principe qui veut que l'on montre de la compréhension pour le point de vue de l'ennemi et que l'on parte du principe qu'il a autant de raisons pour le défendre que nous en avons pour défendre le nôtre pourrait permettre d'éviter bien des antagonismes.
(*) I Corinthiens, XV, 14. (NdA)
Paul Verhoeven, Jésus de Nazareth (Jezus van Nazaret, 2008), op. cit., p. 257-258.
Oui, selon moi, dans le sillage de Paul Verhoeven, et sans pour autant être « déloyal » comme pouvait le craindre Karl Jaspers, le message essentiel à retenir de Jésus de Nazareth est sans doute au moins celui-là : à défaut de pouvoir aimer ses ennemis, on doit pouvoir se montrer capable, même si c'est difficile, de respecter et d'essayer de comprendre celui ou celle qui ne pense pas comme nous au point, parfois, d'être devenu l'ennemi. Ce message me parait simplement à méditer, en songeant entre autres à l'évocation conjointe de « Ceux qui ont donné la mesure de l'humain » — Socrate, Bouddha, Confucius, Jésus — que propose Jaspers, et dont j'ai déjà parlé dans un autre fuseau.
Signalons d'ailleurs, au passage, que l'éditeur judicieux de ce livre de Verhoeven dans notre langue (Aux forges de Vulcain) se trouve être aussi celui qui a eu l'autre très bonne idée de publier en français les romances de William Morris. Coquilles mises à part, la traduction française proposée du texte de Verhoeven reprend fidèlement la version originale en néerlandais, ce qui n'est apparemment pas le cas, par contre, de la traduction en anglais, pour ce que j'ai pu en voir en ligne.
À part cela, j'ai relu (je relis) quelques textes d'un certain nombre d'auteurs de fiction et de poésie : Arthur Machen, William H. Hodgson (sorte de « chaînon manquant » entre Jules Verne et H. P. Lovecraft), Paul Valéry, Pierre Louÿs, José-Maria de Heredia, Leconte de Lisle, Baudelaire, Nerval, Prosper Mérimée, Théophile Gautier, Les Mille et Une Nuits, Jean de La Fontaine, Louise Labé, L'Arétin, L'Arioste (avec Yves Bonnefoy, préfacier du Roland furieux), Geoffrey Chaucer, Boccace (le début de son Décaméron, au moins par certains aspects, ne manque pas d'actualité), Ovide, Virgile... Je ne relis pas des volumes entiers, mais je puise simplement dans ma bibliothèque, un jour après l'autre, de quoi me nourrir en esprit, tout en ne négligeant pas le plaisir... ni le travail d'écriture et de dessin en parallèle (sans parler de la cuisine).
Paolo Calliari, dit Véronèse (1528-1588).
Allégorie de l'Amour, dit le Respect, vers 1575.
Huile sur toile, 186 x 194 cm.
Londres, The National Gallery.
Ces derniers jours, comme à l'accoutumée, j'ai également encore ouvert mon Montaigne... et j'y ai notamment retrouvé cette fois-ci le chapitre V du livre III, invitant à un long cheminement discursif dans le sillage des poètes antiques (Virgile en premier lieu), à une réflexion sur la vieillesse, la sexualité, l'amour, le plaisir, le mariage, la jalousie, les conditions féminine et masculine, les pouvoirs de la poésie... C'est un des meilleurs chapitres des Essais.
Michel de Montaigne semble, à première vue, accorder à la notion d'amour le simple sens attribuable au mot latin amor — « amour », « affection », « vif désir » —, soit le sens ordinaire d'affection réciproque entre deux personnes incluant aussi bien la tendresse que l'attirance physique.
Dans le contexte intellectuel du XVIe siècle, il semble toutefois avoir une conception de l'amour humain assez proche, sur un principe général, de celle d'Agostino Nifo (Cf. une autre de mes relectures : A. Nifo, De pulchro et amore [Du beau et de l'amour, 1531], traduit par Laurence Boulègue et publié dans une édition bilingue français-latin en deux volumes [en 2003 et 2011] par Les Belles Lettres), à savoir celle d'un amour humain conçu comme sentiment de désir, mêlant charme et affection à l'égard de l'être aimé, et s'accomplissant dans un plaisir sensuel mutuel concernant à la fois le corps et l'âme, en tenant compte de la force peu maîtrisable de l'énergie sexuelle mais sans pour autant que ces sentiment et plaisir, proprement humains, soient réductibles à une simple concupiscence « bestiale ».
Je ne vais pas me lancer dans une thèse sur le sujet (même s'il y aurait sans doute matière à le faire), mais toujours est-il que Nifo a une conception sensualiste de l'amour humain (il conteste en cela les hiérarchies néoplatoniciennes des sens et des amours, et réhabilite ainsi l'amour charnel) qui me parait plutôt compatible avec la conception de Montaigne, celle fut-elle moins élaborée dans le cadre des Essais, qui ne constituent certes pas un savant traité de philosophie en général, ni de philosophie de l'amour en particulier. Cependant, comme Nifo avant lui mais bien sûr à sa façon, Montaigne s'appuie sur une certaine tradition poétique antique, celles des poètes latins évoquant l'« amour-désir », cupido.
La réflexion de Montaigne sur l'amour tend en tout cas à un certain dépassement de la traditionnelle opposition philosophique entre l'égoïste amour-passion et l'amour-action altruiste, en ce sens que l'auteur des Essais est attaché à un bon usage des plaisirs, dont participe l'amour humain, lequel correspondant dans l'esprit de Montaigne, comme d'ailleurs dans celui de Nifo avant lui, aux relations des hommes avec les femmes.
À l'aune de la sagesse raisonnable dont il voit la possibilité au fil de ses réflexions, Montaigne entend s'écarter de deux excès : le refus du plaisir et la soumission à celui-ci. Montaigne parle donc d'amour, de sexualité, de façon simple et naturelle, semblant avoir trouvé un équilibre entre pudeur et liberté, dans le cheminement d'une pensée de l'action sans dogmatisme, mêlée à une sorte d'éthique du plaisir et de la joie, pour reprendre à peu près une formulation que j'ai pu lire ailleurs. Montaigne n'en reste pas moins un homme de son temps (comme l'était aussi Rabelais, par exemple), mais avec une pensée critique qui lui fait examiner le sujet avec un souci de vérité et sans ostentation. S'il ne nie pas des différences et des conflits, notamment autour de la question du mariage et de la diversité des attentes sexuelles dans ce cadre comme hors de celui-ci, l'auteur des Essais constate in fine peu de distinctions à faire entre les hommes et les femmes, sur fond d'identité humaine façonnée à l'aune d'un seul et même moule, d'où cette conclusion de chapitre, sur un ton ironique, sur ce qui réunit les hommes et les femmes, au fond largement semblables selon Montaigne jusque dans le ridicule et les reproches qu'ils peuvent mutuellement se faire : dans un âtre, pelle et tisonnier sont au service d'un même feu, en l'occurrence ici l'amour.
O le furieux avantage que l'opportunité ! Qui me demanderait la première partie(1) en l'amour, je répondrais, que c'est savoir prendre le temps : la seconde de même : et encore la tierce. C'est un point qui peut tout. J'ai eu faute de fortune(2) souvent, mais parfois aussi d'entreprise(3). Dieu garde de mal(4) qui peut encore s'en moquer. Il y faut en ce siècle plus de témérité : laquelle nos jeunes gens excusent sous prétexte de chaleur. Mais si elles y regardaient de près, elles trouveraient qu'elle vient plutôt de mépris. Je craignais superstitieusement d'offenser : et respecte volontiers, ce que j'aime. Outre ce(5) qu'en cette marchandise, qui en ôte la révérence(6), en efface le lustre.
(1) qualité. (2) manqué de fortune. (3) d'initiative. (4) Que Dieu protège (subjonctif optatif). (5) le fait. (6) le respect.
Montaigne, Les Essais, texte de 1595 publié par Marie de Gournay, édition établie, présentée et annotée par Jean Céard avec la collaboration de Denis Bjaï, Bénédicte Boudou et Isabelle Pantin, Paris, Librairie Générale Française, 2001, coll. « La Pochothèque » (Le Livre de Poche), Livre III, chapitre V, « Sur des vers de Virgile », p. 1355.
Ils font les poursuivants en Italie, et les transis, de celles mêmes qui sont à vendre(1) : et se défendent ainsi : Qu'il y a des degrés en la jouissance : et que par services(2) ils veulent obtenir pour eux, celle qui est la plus entière. Elles ne vendent que le corps : La volonté ne peut être mise en vente, elle est trop libre et trop sienne : Ainsi ceux-ci disent, que c'est la volonté qu'ils entreprennent(3), et ont raison. C'est la volonté qu'il faut servir et pratiquer. J'ai horreur d'imaginer mien, un corps privé d'affection(4). Et me semble, que cette forcènerie est voisine à(5) celle de ce garçon(6), qui alla saillir par amour, la belle image de Venus que Praxiteles avait faite : Ou de ce furieux Ægyptien(7), échauffé après la charogne d'une morte qu'il embaumait et ensuairait(8) [...]. Periander fit plus merveilleusement(9) : qui étendit l'affection conjugale (plus réglée et légitime) à la jouissance de Melissa sa femme trépassée. Ne semble-ce pas être une humeur lunatique de la Lune, ne pouvant autrement jouir d'Endymion son mignon, l'aller endormir pour plusieurs mois : et se paître de la jouissance d'un garçon qui ne se remuait(10) qu'en songe ? Je dis pareillement, qu'on aime un corps sans âme, quand on aime un corps sans consentement, et sans son désir. Toutes jouissances ne sont pas unes(11) : Il y a des jouissances étiques et languissantes : Mille autres causes que la bienveillance, nous peuvent acquérir cet octroi des dames : Ce n'est suffisant témoignage d'affection : Il y peut échoir de la trahison, comme ailleurs : elles n'y vont parfois que d'une fesse ;
tanquam thura merumque parent :
absentem marmoreamue putes(12).
[comme si elles préparaient l'encens et le vin pur : — on dirait qu'elle est absente ou de marbre.]
(1) les courtisanes, que Montaigne a pu voir à Rome. (2) en achetant leurs services. (3) tâchent de gagner. (4) de désir. (5) cette folie furieuse est voisine de. (6) D'après Valère Maxime, VIII, XI, ext. 4. (7) D'après Hérodote, II, 89. (8) enveloppait dans un suaire. (9) fit quelque chose de plus étonnant. Toujours d'après Hérodote, V, 92. (10) n'avait de mouvement. (11) de même sorte. (12) Martial, XI, CIV, 12, et LX, 8.
Montaigne, Les Essais, op. cit., Livre III, chapitre V, « Sur des vers de Virgile », p. 1383-1384. Annotation originale partiellement aménagée par votre serviteur.
Or c'est(1) un commerce qui a besoin de relation et de correspondance : Les autres plaisirs que nous recevons, se peuvent reconnaître par récompenses de nature diverse : mais cettui-ci ne se paye que de même espèce de monnaie. En vérité en ce déduit(2), le plaisir que je fais, chatouille plus doucement mon imagination, que celui qu'on me fait. Or cil n'a rien de généreux, qui(3) peut recevoir plaisir où il n'en donne point : c'est une vile âme, qui veut tout devoir, et qui se plaît de nourrir de la conférence(4), avec les personnes auxquels(5) il est en(6) charge.
(1) l'amour. (2) ce délectable passe-temps. (3) Or il n'a rien de noble, celui qui. (4) d'entretenir des relations. (5) auxquelles. (6) à.
Montaigne, Les Essais, op. cit., Livre III, chapitre V, « Sur des vers de Virgile », p. 1402-1403. Annotation originale partiellement aménagée par votre serviteur.
Je dis, que les mâles et femelles, sont jetés en même moule, sauf l'institution(1) et l'usage, la différence n'y est pas grande : Platon(2) appelle indifféremment les uns et les autres, à la société(3) de tous études, exercices, charges et vacations guerrières et paisibles(4), en sa république. Et le philosophe Antisthenes(5), ôtait toute distinction entre leur vertu et la nôtre. Il est bien plus aisé d'accuser l'un sexe, que d'excuser l'autre. C'est ce que l'on dit, Le fourgon(6) se moque de la pelle(7).
(1) l'éducation. (2) Dans La République, V, 452a-457a. (3) au partage. (4) professions du temps de guerre et du temps de paix. (5) D'après Diogène Laërce, VI, 12 (« À l'homme et à la femme appartient la même vertu », trad. M.-O. Goulet-Cazé). (6) tisonnier. Fourgonner est une métaphore courante de l'acte sexuel dans les récits facétieux du temps (J. Starobinski). (7) « La pelle se moque du fourgon. Se dit en parlant de deux personnes, également ridicules, qui se moquent l'une de l'autre » (Le Roux, Dict. comique).
Montaigne, Les Essais, op. cit., Livre III, chapitre V, « Sur des vers de Virgile », p. 1407. Annotation originale partiellement aménagée par votre serviteur.
Lambert Sustris (v.1515-1520-v.1568)
Vénus et l'Amour, vers 1550.
Huile sur toile, 132 x 184 cm.
Paris, Musée du Louvre.
De mes fenêtres, chaque jour (et même une partie de la nuit), j’entends le concert des oiseaux, si présents en ville en ce printemps confiné, dans les arbres et les jardins, sur les pelouses, les balcons, les toits et les lignes électriques, dans les murs et les corniches des bâtiments, et sur les eaux du canal non loin duquel j'habite... Ils ont aussi été l'occasion, en parallèle d'observations personnelles, d'une relecture à caractère ornithologique dont je reviendrai peut-être parler ici, le sujet ayant également sa place en ces lieux, à lire notamment une partie du partage poétique de Sosryko.
B.
[EDIT (15/07/2020): correction des espacements et séparations entre paragraphes]
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Aucun avancement en lecture, je n'arrive pas à trouver le temps de me plonger dans les livres... mais toujours pour ne pas ouvrir un fuseau rien que pour ça, une image qui m'a fait rire :
J'attend toujours l'arrivée des Aigles moi, on a un grand balcon, ils peuvent se poser tranquilles !
Yyr, contente que vous échappiez au gros de la vague !
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Warfff ! Excellent :)
C'est tellement calme depuis quelques jours que je me suis retrouvé seul et inoccupé devant mon ordi pendant certaines gardes.
Du coup, je les ai passées à raccommoder certains fuseaux qui devraient, à toi Lægalad et à quelques autres vieux complices, « remind [you] of ... » ;).
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Le fuseau me paraît approprié pour annoncer une petite mise à jour - très littéraire - de la page d'actualité, avec des nouvelles sympa du Prix Imaginales (en actualité), et des nouvelles de John Garth (dans les news)
I.
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Ah merci Stéphanie d'avoir posté cette image et nous attendons tous impatiemment l'arrivée des Aigles, au dernier moment.
Ils son actuellement occupés dans les hôpitaux mais ce sont toujours eux qui sauvent à la fin.
Merci à Hyarion de nous encourager à relire Montaigne (et un peu de Rabelais ne ferait pas de mal).
De mon côté, j'en profite pour retourner aux classiques à commencer par Hugo 'Les Châtiments" et "Les Misérables" car je crains aujourd'hui pour le grignotage des libertés et Hugo me permet toujours d'espérer et lutter.
Je me dis aussi que nous nous focalisons sur notre confinement quand tant d'autres sont plus en danger, en guerre, comme en Afrique ou en Syrie et relisant Hugo, je me dit que son "Souvenir de la nuit du 4" reste d'actualité et me fera toujours pleurer. Un des plus beaux vers de la poésie française "Il avait dans sa poche une toupie en buis.".
Et puis, plus léger, pour se détendre, "L'Expiation" avec ces vers inoubliables : "soudain joyeux il dit Volfgangamadéus'! C'était Astérix".
ps : j'ai rajouté un lien vers ce tragique poème d'Hugo qui aurait écrit la même chose aujourd'hui en remplaçant Napoléon par Bachar.
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Superbes images et superbe relais Silmo & Isengar ! :)
Oui, le déconfinement est là. Le bruit de fond, constant, même de nuit, est de retour. Le silence, avec sa plénitude, s'est de nouveau exilé.
Avec en prime des risques liberticides, en effet.
— Seule consolation : j'ai bousillé mon téléphone portable.
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Or donc, depuis hier matin, nous sommes passé d'une étape à une autre... Est-ce le début de la fin ou la fin du début ? Ma foi, nous verrons bien...
Avant l'achèvement officiel du confinement général en France, la semaine dernière a été l'occasion pour moi de quelques relectures supplémentaires, en sus de celles déjà signalées dans mon message précédent : Lord Dunsany, Paul Lafargue, Jorge Luis Borges, François Rabelais, Jules Verne, et le recueil des Errances en Faërie (éditions Skiophoros, 2006) que je n'avais pas rouvert depuis longtemps...
J'ai relu en particulier avec beaucoup de plaisir Vingt Mille Lieues sous les mers, un de mes livres de chevet depuis l'âge de 10 ans, et qui est sans doute le meilleur roman de Jules Verne. C'est d'ailleurs une histoire qui a pris pour moi un relief un peu particulier à l'occasion du confinement : quand on est enfermé avec une bibliothèque (la mienne en l'occurrence), tout en ayant la possibilité de sortir un peu notamment pour observer les nombreux oiseaux des environs (et même un hérisson à l'occasion), on n'est certes pas captif comme dans un sous-marin, mais cependant pas moins conscient d'une privation de liberté que les hôtes du Nautilus, malgré l'intérêt permanent qu'offre la lecture, l'écriture, le dessin et l'observation de la nature, en sus des activités relevant du quotidien domestique le plus prosaïque.
De mes fenêtres, chaque jour (et même une partie de la nuit), j'entends le concert des oiseaux, si présents en ville en ce printemps confiné, dans les arbres et les jardins, sur les pelouses, les balcons, les toits et les lignes électriques, dans les murs et les corniches des bâtiments, et sur les eaux du canal non loin duquel j'habite... Ils ont aussi été l'occasion, en parallèle d'observations personnelles, d'une relecture à caractère ornithologique dont je reviendrai peut-être parler ici, le sujet ayant également sa place en ces lieux, à lire notamment une partie du partage poétique de Sosryko.
Il est à présent un peu tard pour parler ici de cette relecture à caractère ornithologique et de ces observations que j'avais précédemment évoquées, mais on ne peut pas parler de tout... Toutefois, le sujet mériterait bien d'être abordé à une autre occasion, tant il dépasse de toute façon un contexte de confinement, même si celui-ci a été favorable à son appréhension. Je reviendrai donc peut-être là-dessus plus tard et ailleurs.
Le dernier jour du confinement, dimanche 10 mai, qui marquait le dixième anniversaire de la mort de Frank Frazetta, aura aussi été l'occasion de parcourir quelques artbooks consacrés à l'œuvre de ce grand illustrateur, dessinateur et peintre, œuvre dont j'aurai peut-être aussi l'occasion de reparler ailleurs dans quelques temps.
Mais pour finir, revenons donc à nouveau à cette période qui, pour certains, rappelle la nôtre en raison des crises multiples qui les caractérisent toutes deux (crises du rapport au réel, crise religieuse, crise économique, crise éducative, crise politique) : je veux parler de la période de la Renaissance et en particulier du XVIe siècle français, avec ses grands auteurs.
Merci à Hyarion de nous encourager à relire Montaigne (et un peu de Rabelais ne ferait pas de mal).
Montaigne nous réunit, cher Silmo, et c'est aussi le cas de Rabelais, que j'ai donc également relu un peu la semaine dernière, en français moderne et accompagné des magnifiques illustrations de Gustave Doré. Voici, offert au plaisir du partage, ce passage drôlatique du Gargantua qui m'était déjà revenu en mémoire l'année dernière, à l'occasion d'un autre évènement important, quoique d'une autre nature que celle d'une pandémie :
Quelques jours après qu'ils furent rafraîchis, Gargantua visita la ville et fut vu de tout le monde en grande admiration, car le peuple de Paris est si sot, si badaud, si inepte de nature, qu'un bateleur, un porteur de rogatons, un mulet avec ses cymbales, un vielleur au milieu d'un carrefour, assembleront plus de gens que ne le fera un bon prédicateur évangélique.
On le poursuivit avec tant d'importunité qu'il fut contraint de se reposer sur les tours de l'église Notre-Dame, du haut desquelles, voyant tant de peuple autour de soi, il s'écria d'une voix claire:
« Je crois que ces maroufles veulent que je leur paye ici ma bienvenue et ma gratification. Ils ont raison. Je vais leur donner le vin, mais ce ne sera que par ris. »
Lors, en soubriant, destacha sa belle braguette, et, tirant sa mentule en l'air, les compissa si aigrement qu'il en noya deux cent soixante mille quatre cens dix et huit, sans les femmes et les petits enfants.
Quelques-uns, grâce à l'agilité de leurs pieds, purent éviter ce pissefort. Et lorsque suant, toussant, crachant, hors d'haleine, ils arrivèrent au plus haut de l'Université, ils se mirent à renier et à jurer: « Les blagues de Dieu! — Je renie Dieu! — Frandienne vez du ben! — La merdé! — Pro cab de bious! — Das dich Gots leyden schend! — Pote de Christo! — Ventre sant Quenet! — Vertus guoy! — Par saint Fiacre de Brie! saint Treignant! — Je fais vœu à saint Thibaut, pâque-Dieu! — Le bon jour Dieu! — Le diable m'emporte! — Foi de gentilhomme! — Par saint Andouille! — Par saint Guodegrin qui fut martyrisé de pommes cuites! — Par saint Foutin l'apôtre! — Par saint Vit! — Par sainte Mamye! — Nous sommes baignés par ris! » C'est ainsi que la ville fut nommée Paris. (Auparavant, comme le dit Strabon, on l'appelait Leucece, c'est-à-dire, en grec, blanchette, pour les blanches cuisses des dames de ce lieu.) À cette nouvelle appellation de leur ville, les assistants jurèrent par tous les saints de leur paroisse. Car le peuple de Paris, composé de toutes sortes de gens, est, par nature, bon jureur, bon juriste et quelque peu téméraire, ainsi que l'estime Joaninus de Barranco, qui dit que Parrhesien en grec, signifie fier en parler.
Rabelais, Gargantua — Pantagruel — les cinq Livres, version intégrale en français moderne, illustrations de Gustave Doré, Paris, SACELP, 1980, Tome I, Livre 1 (Gargantua), Chapitre 17 « Comment Gargantua paya sa bienvenue aux Parisiens et comment il prit les grosses tours de Notre-Dame », p. 62-64.
Lors de l'incendie de Notre-Dame de Paris, en avril de l'année dernière, une fois le premier moment d'émotion passée, je m'étais rappelé de ce passage du Premier Livre, notamment alors que Donald J. « FakeNews » Trump n'avait rien trouvé de mieux à faire que de suggérer, via Twitter comme d'habitude, l'utilisation d'avions bombardiers d'eau pour éteindre les flammes. Ce jour-là, on aurait bien eu besoin de nôtre géant Gargantua pour éteindre l'incendie, comme il a arrosé la foule harceleuse parisienne : au prix d'un flux ajusté, un peu de « French Touch » rabelaisienne, eut été ici de bon aloi, la nécessité, comme on le sait, faisant, du reste, loi.
«Je crois que ces maroufles veulent que je leur paye ici ma bienvenue et ma gratification. Ils ont raison. Je vais leur donner le vin...»
Planche hors texte pour illustrer les Œuvres de François Rabelais illustrées par Gustave Doré (Paris, Garnier, 1873), Livre I [Gargantua], chapitre XVII.
Bon déconfinement à toutes et tous, en sachant toujours rire de nous-mêmes, et en n'oubliant pas que prudence est mère de sureté.
B.
[EDIT: correction de fautes]
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Ah j'avais oublié ce passage pour Notre-Dame :-D Excellent !
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J'ai passé tout le confinement le nez dans un nombre tel de livres qu'il serait difficile d'en rendre compte ici. Disons simplement, pour résumer que cela tournait essentiellement autour de la littérature norroise, en particulier pour les dernières pages de mon second mémoire de maîtrise qu'il me reste à rédiger, mais aussi pour la constitution de mon projet de thèse, et d'une candidature à l'obtention d'un contrat doctoral, sans compter un certain nombre d'autres lectures, en littérature française, pour quelques travaux à rendre ici ou là. J'espère pouvoir souffler un peu en fin de semaine, car ces derniers temps furent prenant - j'ai attrapé ledit virus, mais heureusement avec des symptômes plutôt légers -, et c'était sans compter sur la reprise cette semaine de mon petit job d'étudiant, dont le contrat s'achève heureusement à la fin du mois.
Bien à vous chers amis,
A.
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Bonjour Alkar, content de savoir que tu es en forme et que tu as pu garder ton souffle
I.
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Oh, je découvre ton message Alkar, et comme Isengar, je suis content d'apprendre dans la foulée ton rétablissement.
S.
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