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J'ai vu que mercredi dernier était sorti un film censé être, selon Allociné, une "relecture du mythe de Conan le barbare au féminin".
Bande annonce : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_ … 95634.html
Il me semble que l'on est vraiment très très loin de Howard...
Personnellement, j'avais vu le film de Milius qui m'avait laissé très indifférente. Suite à vos échanges, j'ai lu il y a quelques année le premier tome de l'édition recommandée par Hyarion. J'ai bien aimé certaines nouvelles mais j'ai laissé tombé sur la fin, en particulier bien agacée par les personnages féminins... J'ai acheté les tomes suivants. Je m'y mettrai prochainement.
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Il me semble que l'on est vraiment très très loin de Howard...
J'avoue que, de mon point de vue, ça ne donne pas envie...
Bertrand Mandico, le réalisateur (français) de ce long métrage (luxembourgeois pour la majorité de son financement) a visiblement voulu faire un film très personnel, expérimental, dans lequel il entend proposer une réinterprétation "au féminin" du "mythe Conan" dans un contexte narratif de voyage à travers le temps et de réincarnations...
Howard est certes cité parmi les références du cinéaste mais, en fait, simplement et seulement comme un élément parmi beaucoup d'autres à partir desquels Mandico a imaginé son histoire, censée évoquer avant tout sa propre vision "post-moderne" (?) de la figure archétypale du "barbare" déclinée au féminin, et prétendant prendre le contre-pied du film de Milius... De fait, il me semble également que l'on est là très très loin de Howard, même si accessoirement celui-ci croyait aux vies antérieures.
J'avoue que la bande annonce du film me donne l'impression que Conann de Mandico a autant de rapport avec l'univers littéraire de Howard que le film Beowulf de Graham Baker (avec Christophe Lambert, pour ceux qui s'en souviennent) en a avec Beowulf, le poème original en vieil anglais...
Personnellement, j'avais vu le film de Milius qui m'avait laissé très indifférente. Suite à vos échanges, j'ai lu il y a quelques année le premier tome de l'édition recommandée par Hyarion. J'ai bien aimé certaines nouvelles mais j'ai laissé tombé sur la fin, en particulier bien agacée par les personnages féminins... J'ai acheté les tomes suivants. Je m'y mettrai prochainement.
Tu feras bien. :-)
Le premier tome (Conan 1. Le Cimmérien) contient d'excellentes nouvelles, dont La Fille du Géant du Gel et La Reine de la Côte Noire, mais aussi des récits écrits seulement pour des raisons commerciales et donc d'un intérêt nettement plus faible, notamment en matière de personnages féminins.
Les tomes suivants (Conan 2. L'Heure du dragon et Conan 3. Les Clous rouges) dont tu parles, Beruthiel, contiennent précisément certaines des meilleures histoires de Conan de Howard, avec notamment justement des personnages féminins intéressants et forts dans certains de ces récits (Le Peuple du Cercle noir, L'Heure du dragon, Une sorcière viendra au monde, Le Maraudeur noir, et bien sûr Les Clous rouges).
Amicalement,
B.
[EDIT: correction de fautes.]
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Certes, bien loin de Howard, bigre ! ... Mais wow... Moi elle me donnerait presque envie cette bande annonce... furieuse... Du subtil génie ou du grand nanard, pas d'entre-deux mou là... et la BA tend quand même bien fort vers le second, absolu et ultime... Ça intrigue, tant même le jeu des acteurs semble être un pastiche de mauvais cinéma... Au risque d'un nanard grand cru, mon cœur pourrait balancer... Paske bon, le précédent Conan avec Momoa, il lorgnait quand même plus vers le navet, à part quelques rare fulgurances nanardesques...
D.
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Le site du cinéma associatif toulousain American Cosmograph (ex-Utopia), où le film est actuellement projeté jusqu'au 19 décembre, résume ainsi l'intrigue du film de Mandico : « Conann, la reine-barbare, se voit condamnée à retrouver la mémoire et à revivre les atrocités qu’elle a commises. Guidée par le chien Rainer, larbin des enfers et paparazza [sic], elle replonge aux sources de sa rage, recroise les cadavres de ses idéaux, de son enfance et de son statut d’esclave jusqu’aux sommets de sa cruauté et de son accession au trône. »
Le premier paragraphe d'une critique dudit film, par Thomas Grignon pour le site Critikat.com, précise un peu les choses : « Contrairement à ce que laisse croire son titre en trompe‑l’œil, Conann ne constitue pas vraiment une relecture du roman de Robert E. Howard ou encore un remake du long-métrage de John Milius. Si Bertrand Mandico se réapproprie bien le décorum de l’heroic fantasy, c’est pour y remplacer le minotaure Schwarzenegger par un cerbère nécrophile, Rainer (Elina Löwensohn), guidant le spectateur comme Virgile à travers les cercles de l’Enfer. Reprenant de loin le canevas de La Divine Comédie de Dante, le cinéaste y donne à « voir le spectacle de la barbarie » (selon les mots du narrateur) à travers l’histoire de Conann : élevée par sa mère, avant d’être enlevée par Sanja et ses guerrières sanguinaires, l’héroïne suit un apprentissage au gré d’une série de métamorphoses (le personnage est joué par six actrices différentes), tandis que le récit s’étale de la préhistoire à l’année 1998 en passant par les grandes guerres du XXe siècle. »
Conan le Cimmérien, tel que conçu par Howard, n'a pas de biographie : on ne sait ainsi presque rien sur son passé familial et sur sa jeunesse, ce qui est volontaire de la part de son créateur. Le Conan de Howard n'a jamais été esclave et n'aurait sans doute jamais pu l'être. Et Howard n'a jamais conçu non plus son personnage de manière téléologique : insister sur son ascension sociale vers la royauté était une lubie de Sprague de Camp, pas du tout de Howard. Voila pourquoi le propos du film de Milius, rien que du simple fait d'être une histoire de vengeance remontant à l'enfance, était déjà, en son temps, clairement en décalage par rapport au personnage littéraire original, le film de Nispel (avec Momoa) étant resté dans la même veine, celle de l'origin story sans rapport avec la création howardienne.
Une déclinaison originale de Conan au féminin (d'inspiration howardienne, loin donc des excès passés des concepteurs de Red Sonja) située dans un monde secondaire de fantasy pourrait être intéressante, de même qu'une histoire de fantasy d'inspiration howardienne qui serait centrée sur un personnage féminin fort créé par Howard (Atali, Bêlit, Yasmina, Zenobia, Salomé, Belesa, Valeria... il y a plein de possibilités). Ce pourrait être une manière pertinente et originale d'aborder la dichotomie barbarie/civilisation telle que mise en scène par Howard dans ses écrits.
Avec Mandico, qui ne situe même pas son propos dans un monde secondaire de fantasy, on est vraiment très, très loin de tout cela... jusque dans sa vision, semble-t-il très basiquement "inhumaine", de la notion de barbarie. Peut-être cependant avons-nous effectivement affaire à un nanard de compétition...
Peace and Love,
B.
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Merci pour le repérage des meilleures nouvelles, Hyarion, je m’y mettrai quand j’aurai fini ma relecture de l’Éducation Sentimentale, le changement va être un peu brutal...
Quant au film, je vais trop rarement au cinéma pour prendre le risque d’aller le voir...
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Merci pour le repérage des meilleures nouvelles, Hyarion, je m’y mettrai quand j’aurai fini ma relecture de l’Éducation Sentimentale, le changement va être un peu brutal...
Oui, évidemment, cela sera très différent... mais ceci dit, je pense que le changement serait nettement moins accentué si tu finissais de relire Salammbô. Il y a sans doute matière à comparaison entre cet autre roman de Flaubert et au moins certains récits de Howard. Ce dernier a-t-il lu Flaubert ? Au moins en avait-il entendu parler... Je repense à cette lettre de Lovecraft adressée à Howard, écrite à Providence le 7 novembre 1932, dans laquelle le créateur de Cthulhu écrit, entre autres, que “Flaubert is a genuine master” et que “Maupassant is probably the greatest short story writer of all time”...
Par ailleurs, mais toujours s'agissant de références littéraires françaises et plus largement européennes du XIXe siècle (et du tout début du XXe), comme je l'avais écrit dans mon article sur La Fille du Géant de Gel, paru en 2019 dans la revue Fantasy Art and Studies n°6 (p. 9-24), on sait que Howard connaissait notamment des œuvres d'auteurs tels que Algernon Charles Swinburne, Oscar Wilde, Joris-Karl Huysmans et Pierre Louÿs.
Dans un registre "classique" américain, on pourra aussi noter que l'écriture de la nouvelle de Howard Le Maraudeur noir (dans le volume Conan 3. Les Clous rouges, déjà cité) a été pour partie très clairement influencée par la lecture du célèbre roman La Lettre écarlate (1850) de Nathaniel Hawthorne.
Tout cela simplement pour rappeler que les écrivains nés dans les années 1890 et 1900 ont naturellement été tributaires, d'une manière ou d'une autre, de l'immense flot littéraire qu'a apporté le XIXe siècle en Occident... mais que cela n'empêche certes pas de constater bien des différences plus ou moins importantes en matière de styles et de sujets, d'un livre à l'autre et/ou d'un auteur à l'autre ! ^^
Quant au film, je vais trop rarement au cinéma pour prendre le risque d’aller le voir...
Je te comprends, Beruthiel : quitte à aller rarement au cinéma, autant bien choisir ce que l'on va aller voir... et ne pas prendre le risque de tomber sur un film dont on sent qu'il a de bonnes chances de ne pas nous plaire et/ou de ne pas être mémorable...
Personnellement, depuis l'automne de l'année dernière, je me suis décidé à retourner de temps en temps dans les salles obscures, et jusqu'en octobre dernier, après quoi la motivation a de nouveau fondue, face à une offre d'aujourd'hui qui continue à ne pas beaucoup me parler, l'accumulation des soucis s'arrangeant rien (même si je n'ai pas renoncé, pour autant et par ailleurs, mais lorsque j'ai encore le temps, aux visites de musées, aux concerts classiques [tant que je peux], et au visionnage de films en DVD)...
Je viens justement de retrouver les tickets de séances de cinéma pour les quelques films récents que j'ai vus sur grand écran depuis novembre 2022... mais il vaut mieux que j'en parle dans un autre fuseau.
Pour en revenir à Robert E. Howard, le dernier projet d'adaptation au cinéma d'une partie de son œuvre littéraire était celui de Christophe Gans, « Dark Agnès », d'après les récits d'aventure historique mettant en scène Agnès de Chastillon, personnage féminin (et même féministe) créé par Howard en 1934, et qui avait à l’époque enthousiasmé Catherine L. Moore (créatrice de Jirel de Joiry). Comme pour de nombreux autres projets abandonnés ou suspendus de Gans, on n'en a plus entendu parler, depuis 2011... À la place, on a donc droit à la Conann de Mandico, mais franchement, comme je l'ai déjà écrit précédemment, ça ne donne pas envie.
Peace and Love,
B.
[EDIT: ajout d'un lien hypertexte, vers un fuseau dédié à l'audiovisuel]
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J’ai achevé ma lecture des deux derniers recueils consacrés à Conan. C’est effectivement beaucoup mieux que la deuxième moitié du premier volume que j’avais fini par abandonner. Les scènes d’action sont efficaces, les décors bien plantés, les intrigues (en général) bien construites.
Dans le deuxième volume, j’ai préféré L’Heure du dragon, sans doute pas le récit le plus personnel de Howard cependant. J’ai été un peu déçue par Une sorcière viendra au monde. La tirade de Salomé au début de l’histoire est forte :
« Je suis, moi aussi, Salomé. Cela a toujours été Salomé, la sorcière. Ce sera toujours Salomé, la sorcière, même lorsque les glaciers seront descendus du pôle en grondant pour écraser les civilisations et les réduire à l'état de ruines et qu'un monde nouveau sera né sur les cendres et la poussière du précédent. À cette époque encore, il y aura des Salomé à la surface de la terre, pour asservir le cœur des hommes avec leurs sortilèges, pour danser devant les monarques de ce monde et pour voir tomber les têtes des sages selon leur bon plaisir... »
Après cela, on s’attend à ce que Salomé en fasse voir de toutes les couleurs à Conan ! Mais non… Le personnage de Salomé est un peu raté, me semble-t-il. Elle ne dégage pas d’impression de puissance comme Tascela dans Les Clous rouges. Il n’y a pas d’affrontement avec Conan, le monstre qu’elle conjure se fait rapidement expédié... Le plus intéressant de la nouvelle est plutôt ce qui se passe en dehors de la cité.
Le dernier volume est mon préféré (sauf Les mangeurs d’hommes de Zamboula). Dans Le maraudeur noir, j’ai apprécié le duo formé par Belesa et Tina. Belesa est un personnage réussi de femme « normale ». J’ai aimé la noirceur d’Au-delà de la rivière noire et surtout des Clous rouges (ma préférée, la plus marquante), quand Howard est au cœur de son sujet sur la confrontation civilisation-barbarie et la décadence de la civilisation.
Je continue cependant à trouver pénible cette insistance permanente sur le corps des femmes et la force des hommes, même si j'ai compris que cela faisait partie du cahier des charges imposé à Howard pour vendre ses nouvelles. Par ailleurs je préfère les héros ou héroïnes qui sont moins sûrs de leur force...
Mais cela aurait été dommage de passer à côté du meilleur de Howard. Je te remercie donc, Hyarion, pour m’avoir incitée à cette découverte.
Céline
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J’ai achevé ma lecture des deux derniers recueils consacrés à Conan. C’est effectivement beaucoup mieux que la deuxième moitié du premier volume que j’avais fini par abandonner. Les scènes d’action sont efficaces, les décors bien plantés, les intrigues (en général) bien construites. [...]
...cela aurait été dommage de passer à côté du meilleur de Howard. Je te remercie donc, Hyarion, pour m’avoir incitée à cette découverte.
You're welcome, Céline. Je suis ravi que cette découverte ait été intéressante et agréable pour toi.
Dans le deuxième volume, j’ai préféré L’Heure du dragon, sans doute pas le récit le plus personnel de Howard cependant. J’ai été un peu déçue par Une sorcière viendra au monde. La tirade de Salomé au début de l’histoire est forte :
« Je suis, moi aussi, Salomé. Cela a toujours été Salomé, la sorcière. Ce sera toujours Salomé, la sorcière, même lorsque les glaciers seront descendus du pôle en grondant pour écraser les civilisations et les réduire à l'état de ruines et qu'un monde nouveau sera né sur les cendres et la poussière du précédent. À cette époque encore, il y aura des Salomé à la surface de la terre, pour asservir le cœur des hommes avec leurs sortilèges, pour danser devant les monarques de ce monde et pour voir tomber les têtes des sages selon leur bon plaisir... »
Après cela, on s’attend à ce que Salomé en fasse voir de toutes les couleurs à Conan ! Mais non… Le personnage de Salomé est un peu raté, me semble-t-il. Elle ne dégage pas d’impression de puissance comme Tascela dans Les Clous rouges. Il n’y a pas d’affrontement avec Conan, le monstre qu’elle conjure se fait rapidement expédié... Le plus intéressant de la nouvelle est plutôt ce qui se passe en dehors de la cité.
En effet, s'agissant de la narration, les meilleurs moments de ce récit se passent surtout à l'extérieur de Khauran.
Le personnage de Salomé est intéressant en ce qu'il convoque tout l'imaginaire attaché à ce nom, du personnage antique auquel il ait fait allusion dans les Évangiles jusqu'à la figure de femme fatale qui en a découlé et qui a inspiré, notamment dans la deuxième moitié du XIXe siècle et au début du XXe siècle, de nombreux artistes comme Gustave Moreau, Oscar Wilde, Franz von Stuck, Gaston Bussière, etc. (tout un chapitre dans mon projet de livre était consacré à cela...). Le crucifiement de Conan, dans le même récit, même s'il rappelle factuellement le martyre de saint André (de par la forme de la croix), est une autre allusion volontairement transparente à la Bible, et dans ce cas-là évidemment à la Crucifixion de Jésus de Nazareth. Ces références peuvent apparaître comme une manière d'associer l'héritage mythique de la Bible, notamment des Évangiles (soit, au passage, ce que Tolkien considérait, lui, comme un « mythe vrai »), à l'ensemble des mythes de l'humanité trouvant, d'une manière ou d'une autre, une origine dans les récits de ce passé alternatif qu'est censé être l'Âge hyborien (la tirade de Salomé, que tu cites, va d'ailleurs dans ce sens).
Il est vrai que Salomé est, chez Howard, un personnage qui aurait pu être davantage développé comme antagoniste direct de Conan, un peu comme c'est le cas avec Atali dans La Fille du Géant du Gel. Tu auras pu cependant remarquer un autre personnage de sorcière, dans le même volume, celui de Zelata dans le roman L'Heure du dragon, également intéressant en ce qu'il ne ressemble pas du tout à Salomé ni d'ailleurs à aucun autre personnage féminin que l'on peut trouver dans les histoires de Conan de Howard.
Le dernier volume est mon préféré (sauf Les mangeurs d’hommes de Zamboula). Dans Le maraudeur noir, j’ai apprécié le duo formé par Belesa et Tina. Belesa est un personnage réussi de femme « normale ». J’ai aimé la noirceur d’Au-delà de la rivière noire et surtout des Clous rouges (ma préférée, la plus marquante), quand Howard est au cœur de son sujet sur la confrontation civilisation-barbarie et la décadence de la civilisation.
On est effectivement, dans ces récits (Le Peuple du Cercle noir, Le Maraudeur noir, Au-delà de la rivière noire, Les Clous rouges), au coeur de la maturité créative de Robert Howard s'agissant de Conan et de son univers, même si de très bon récits avaient déjà été écrits auparavant et figurent dans les deux premiers volumes.
Concernant le duo féminin formé par Belesa et Tina, on pourra noter que Tina est un des très rares jeunes personnages, encore enfant, mis en scène par Howard dans son oeuvre, avec dans ce cas-ci, une scène de "punition" très dure, en intérieur, dans le cours du récit. De façon générale, à de très rares exceptions près, on ne trouvera pas chez Howard ni d'évocations, « à la Tolkien », d'intérieurs de logis plus ou moins familiaux qui seraient à la fois confortables et rassurants, ni non plus d'évocation méliorative de figures paternelles. Il n'est pas impossible que cela ait pu avoir un rapport avec un trauma personnel, comme Patrice (Louinet) en a formulé l'hypothèse dans sa thèse de doctorat sur l'écrivain, soutenue à La Sorbonne en 2019 (j'y avais fait allusion ailleurs, à l'époque).
Je continue cependant à trouver pénible cette insistance permanente sur le corps des femmes et la force des hommes, même si j'ai compris que cela faisait partie du cahier des charges imposé à Howard pour vendre ses nouvelles. Par ailleurs je préfère les héros ou héroïnes qui sont moins sûrs de leur force...
Il y a effectivement, dans ces récits, des éléments récurrents en matière d'altérité sexuelle. Howard, à mon sens, au-delà même du cahier des charges du marché éditorial dans lequel il devait effectivement exerçer son métier, insistait trop régulièrement sur la force physique de ces personnages masculins, et pour le coup, cela fait clairement partie des choses qui m'intéressent le moins dans son œuvre.
Mais Howard est un auteur qui était aussi capable de dépasser les clichés, les poncifs et ses propres habitudes en la matière. À cet égard, je recommande les nouvelles Agnès la Noire (Sword Woman), mettant en scène Agnès de Chastillon dont j'ai déjà parlé, et La Pierre Noire (The Black Stone), un récit lovecraftien par Robert Howard mais qui est digne des meilleures histoires de Lovecraft lui-même et qui met en scène un personnage intellectuel très éloigné des hommes « forts » physiquement habituellement associés à la fiction howardienne (ce personnage intellectuel se révélant même proche de l'écrivain et peut-être plus qu'il n'aurait osé l'avouer lui-même, notamment dans sa correspondance).
Ces deux récits figurent dans un autre recueil paru dans la collection du Livre de poche, Le Royaume des chimères, qui contient également une (très bonne) histoire de Kull de Valusie ayant ce titre : https://www.noosfere.org/livres/niourf. … 2146618016
Peace and Love,
Benjamin.
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Tu auras pu cependant remarquer un autre personnage de sorcière, dans le même volume, celui de Zelata dans le roman L'Heure du dragon
Oui, effectivement, le personnage de Zelata est atypique et intéressant.
Merci pour toutes ces précisions et conseils supplémentaires, en particulier pour la Pierre Noire . J’avais bien aimé la touche « lovecraftienne » dans les premiers récits de Conan, qui se fait moins sentir après. Je suis donc curieuse de découvrir cette histoire.
Céline
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Quelques mois plus tard...
Merci pour toutes ces précisions et conseils supplémentaires, en particulier pour la Pierre Noire . J’avais bien aimé la touche « lovecraftienne » dans les premiers récits de Conan, qui se fait moins sentir après. Je suis donc curieuse de découvrir cette histoire.
Maintenant que j'y repense tout-à-coup, je me permets de demander : as-tu finalement pu lire cette nouvelle, Céline ?
Amicalement,
B.
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Oui, j’ai lu les nouvelles du recueil Le Royaume des chimères. J’ai apprécié La Pierre noire mais sans trouver, comme tu le disais, qu’elle arrive au niveau des meilleures histoires de Lovecraft. Ce que j’aime, chez Lovecraft, c’est l’atmosphère qu’il arrive à créer, la manière dont il instille progressivement les éléments horrifiques avant des « pics » dans l’horreur pure. Je ne trouve pas que cela soit aussi réussi dans La Pierre noire. J’ai en particulier trouvé que la description de la cérémonie autour de la pierre est trop longue et détaillée, cela fait plutôt descendre la tension dramatique (pour moi en tout cas).
Dans Agnès la Noire, l’évolution du personnage est intéressante. Howard décrit bien la manière dont Agnès prend progressivement conscience de sa force. Au niveau de l’histoire elle-même, j’ai aimé le début (jusqu’à la fuite du village) mais la suite m’a paru un peu faible.
Mes nouvelles préférées sont plutôt Les Pigeons de l’horreur (très efficace et lovecraftienne aussi il me semble), Les Vers de la Terre (dont j’ai bien aimé l’atmosphère : la lande, les marécages, la brume…) et L’Homme Noir.
Merci encore pour les conseils !
Céline
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Oui, j’ai lu les nouvelles du recueil Le Royaume des chimères. J’ai apprécié La Pierre noire mais sans trouver, comme tu le disais, qu’elle arrive au niveau des meilleures histoires de Lovecraft. Ce que j’aime, chez Lovecraft, c’est l’atmosphère qu’il arrive à créer, la manière dont il instille progressivement les éléments horrifiques avant des « pics » dans l’horreur pure. Je ne trouve pas que cela soit aussi réussi dans La Pierre noire. J’ai en particulier trouvé que la description de la cérémonie autour de la pierre est trop longue et détaillée, cela fait plutôt descendre la tension dramatique (pour moi en tout cas).
Disons que dans mon esprit, et même si tout n'est pas parfait, Howard a réussi avec cette histoire à se hisser à la hauteur des grands récits de Lovecraft dans lesquels un point de vue intellectuel se voit confronté à un surnaturel qui le dépasse. Mais ce n'est pas la seule histoire dans ce cas, et tu as pu le constater avec les autres nouvelles figurant dans ce recueil-florilège Le Royaume des Chimères, notamment celles, très bonnes, que tu cites, et en particulier Les Pigeons de l'enfer.
Dans Agnès la Noire, l’évolution du personnage est intéressante. Howard décrit bien la manière dont Agnès prend progressivement conscience de sa force. Au niveau de l’histoire elle-même, j’ai aimé le début (jusqu’à la fuite du village) mais la suite m’a paru un peu faible.
Chaque lecteur ou lectrice a son regard, bien sûr, mais même sans vouloir trop généraliser, disons qu'une des caractéristiques de Robert Howard en littérature, et un de ses points forts, c'est de placer très rapidement la narration au cœur de l'action et des enjeux de celle-ci, en limitant les scènes d'exposition et en recourant volontiers au procédé in medias res couramment utilisé dans l'épopée. À cette aune, le moteur de la fiction howardienne est ainsi tel que la conclusion d'un récit pourra parfois peut-être paraître moins forte que l'ouverture et/ou le cœur dudit récit. Toujours est-il que s'agissant d'Agnès de Chastillon, après avoir écrit Agnès la Noire (Sword Woman), Howard a eu du mal à rédiger par la suite d'autres récits (deux autres nouvelles, dont une restée inachevée) mettant en scène ce personnage qui soient aussi forts que le premier, comme si l'intensité au cœur de celui-ci devait finalement lui rester propre.
À mes yeux, Agnès la Noire est un récit célébrant, au fond, la liberté individuelle, une valeur cardinale pour Howard, et sa force vient du fait que le personnage principal est une femme, qui refuse de subir sa condition sociale a priori et le fait savoir avec violence dans une société violente (située en France au XVIe siècle dans le récit, mais la portée du propos dépasse le contexte spatio-temporel choisi). Peut-être cette nouvelle, écrite en juin ou juillet 1934, était-elle un peu trop avant-gardiste pour le marché éditorial populaire de l'époque, ce pourquoi sa publication fut refusée par les magazines auxquelles elle fut alors proposée. Cependant, et j'y avais déjà fait allusion précédemment l'année dernière, Catherine L. Moore, créatrice du personnage de Jirel de Joiry (autre héroïne guerrière rousse, Howard et Moore ayant imaginés indépendamment leurs héroïnes respectives à peu près à la même époque), avait lu Agnès la Noire, dont Howard lui avait envoyé le texte, et lui avait exprimé, dans une lettre de janvier 1935, son enthousiasme après la découverte de ce récit — c'est d'ailleurs précisément par un extrait de cette lettre que commence un article de Bobby Derie consacré aux lettres de Moore envoyées à Howard, mis en ligne en septembre 2021 sur son très riche et très lovecraftien blog anglophone “Deep Cuts in a Lovecraftian Vein” :
https://deepcuts.blog/2021/09/29/her-le … lle-moore/
Mes nouvelles préférées sont plutôt Les Pigeons de l’horreur (très efficace et lovecraftienne aussi il me semble), Les Vers de la Terre (dont j’ai bien aimé l’atmosphère : la lande, les marécages, la brume…) et L’Homme Noir.
La nouvelle Les Pigeons de l'enfer (Pigeons from Hell), écrite en novembre et décembre 1934, est effectivement très lovecraftienne, et c'est un autre exemple, avec la Pierre noire (écrite plus tôt, en novembre 1930), d'un récit avec lequel Howard réussit à se hisser à la hauteur des grands récits de Lovecraft, comme je l'ai écrit plus haut. Sa spécificité est qu'il s'agit d'un récit d'épouvante ou d'horreur dont l'action se déroule dans le Sud des États-Unis : il constitue en fait une réponse de Howard à Lovecraft, lequel pensait et lui écrivait que la Nouvelle-Angleterre était l'endroit idéal où situer un récit de ce type, d'où notamment le fait que les personnages du début de l'histoire de Howard soient justement originaires de ce coin-là des États-Unis.
Les Vers de la Terre, écrit vers la fin de 1931 (peu de temps avant la création de Conan le Cimmérien), et L'Homme noir, écrit en février 1930, sont des récits historiques évoquant les Pictes, ce peuple panchronique dans l'univers fictif howardien, que l'on retrouve aussi bien dans les histoires de fantasy mettant en scène de Kull et Conan que dans ces nouvelles historiques dont nous parlons (leur caractère panchronique, mais aussi « marginal » vis-à-vis de la « civilisation », m'a toujours semblé être un point commun significatif avec les Drúedain ou Woses chez Tolkien). Les Vers de la Terre, dont l'action se situe dans le contexte antique de l'affrontement entre les Romains et les Pictes (menés par le roi Bran Mak Morn) au nord de l'actuelle Grande-Bretagne, est une histoire vraiment saisissante, un « chef d'œuvre d'horreur macabre » disait Lovecraft, et dont je vois que tu as apprécié l'atmosphère, éminemment lovecraftienne tout en se situant dans un contexte historique éminemment howardien avec sa fameuse dichotomie barbarie/civilisation (sachant que Howard détestait ce symbole de l'impérialisme qu'était pour lui l'Empire romain). La description de l'intervention des êtres qui donnent son titre au récit est vraiment terrifiante. Quant à L'Homme noir, récit situé au Moyen Âge (au début du XIe siècle), dans un contexte plus gaélique (le personnage principal s'appelle Turlogh Dubh O'Brien, un renégat gaël), mais où les Pictes (et Bran Mak Morn) se rappellent au bon souvenir du lecteur, c'est une nouvelle où l'on sent présent le pessimisme de l'auteur, notamment quant au caractère absurde des actions humaines, particulièrement celles faisant couler le sang dans la violence : les propos sobrement échangés entre Turlogh Dubh et le prêtre Jérôme, survivants à la fin de l'aventure, sont en ce sens éloquents, dans un décor et un contexte rudes mais évoqués avec une certaine poésie dramatique digne du romantisme noir.
Parmi les récits du recueil, j'apprécie aussi celui qui lui donne son titre, Le Royaume des Chimères, écrit en 1926 et 1927, sans doute une des meilleures histoires du roi atlante Kull de Valusie (certaines de ces histoires de Kull figurent également dans deux autres recueils howardiens de la collection Fantasy du Livre de Poche — Les Rois de la nuit et Les Guerriers du Valhalla —, mais pas toutes puisque j'aurai préféré que l'on intègre aussi dans la sélection Le Coup de Gong, récit court mais excellent, déjà évoqué ici plusieurs fois par le passé). Et je trouve par ailleurs assez intéressant un autre récit du recueil Le Royaume des Chimères, la nouvelle Le Sang des Dieux (Blood of the Gods), publiée en 1935 et dont l'action mettant en scène l'aventurier américain Francis Xavier Gordon dit « El Borak » se situe au Moyen-Orient, mais l'intérêt est surtout pour une raison bien précise : le titre désigne de précieux rubis, très convoités mais sources de crimes et de souffrances, et le traitement dont ils font l'objet par la volonté d'Al Wazir, un des personnages dont l'esprit a été un temps perturbé, me fait irrésistiblement penser à ce que ferait probablement, à mon avis, n'importe quel héros howardien, y compris Conan, s'il tombait sur l'Anneau Unique (C'est vrai, quoi, à la fin : fussent-ils précieux, s'ils n'apportent au fond que du malheur, pourquoi s'embêter avec de tels objets ?)... ;-) ... quoique dans le cas de Conan confronté spécifiquement à l'Anneau Unique, comme je l'avais déjà écrit dans un autre fuseau l'année dernière, je crois qu'il identifierait comme un objet de sorcellerie, en soi très suspect et dont son instinct de barbare l'inciterait naturellement à se méfier.
Merci encore pour les conseils !
You're welcome, Céline !
Peace and Love,
B.
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J’ai lu Le Coup de Gong (trouvé ici). Nouvelle très atypique. Comme pour Agnès la Noire, j’ai surtout aimé le début, moins le dialogue mystique entre Kull et le mystérieux deuxième personnage, sans doute pour les raisons que tu as fournies.
le traitement dont ils font l'objet par la volonté d'Al Wazir, un des personnages dont l'esprit a été un temps perturbé, me fait irrésistiblement penser à ce que ferait probablement, à mon avis, n'importe quel héros howardien, y compris Conan, s'il tombait sur l'Anneau Unique
Au conseil d’Elrond, c’est Glorfindel qui propose la solution utilisée par Al Wazir, cela fait-il de Glorfindel un héros howardien ?
Merci de nouveau pour avoir pris le temps de fournir toutes ces informations, c’est un plaisir de te lire !
Céline
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Merci de nouveau pour avoir pris le temps de fournir toutes ces informations, c’est un plaisir de te lire !
Merci à toi pour ton intérêt. ^^
Au conseil d’Elrond, c’est Glorfindel qui propose la solution utilisée par Al Wazir, cela fait-il de Glorfindel un héros howardien ? ;)
Disons que, s'agissant de ce point précis, Glorfindel est « Howard-compatible »... ;-)
En y réfléchissant, on peut peut-être trouver une légère correspondance de principe au côté « revenant » de Glorfindel dans la réapparition du roi Kull de Valusie, surgi d'un très lointain passé, lors d'une bataille opposant les Pictes dirigés par Bran Mak Morn et des troupes romaines (Kull combattant naturellement du côté des Pictes), dans la nouvelle Les Rois de la nuit (Kings of the Night, écrite vers mars 1930 et publiée dans Weird Tales en novembre de la même année), figurant dans le recueil du même nom déjà cité précédemment. Ceci dit, globalement, le « trip elfique » très spécifique et très sophistiqué de Tolkien limite fortement par nature les comparaisons... mais ce qui ne veut pas dire pour autant que ce soit impossible, notamment dans le cas des peuples panchroniques que sont aussi bien les Pictes howardiens et les Drúedain/Woses tolkieniens, déjà évoqués précédemment.
On pourrait aussi parler, à cette aune, des arbres effrayants et s'animant de façon menaçante auxquels est confronté le roi Kull chevauchant seul vers la mer, dans le poème de Howard Le Roi et le Chêne (The King and the Oak), figurant lui aussi dans le recueil Les Rois de la nuit : ces arbres peuvent volontiers en rappeler d'autres, tout aussi dangereux et s'animant également chez Tolkien, à savoir, dans le Seigneur des Anneaux, les Huorns de la forêt de Fangorn, ainsi que le Vieil Homme Saule (Old Man Willow) et les autres arbres de la Vieille Forêt (Old Forest), contre lesquels le peuple des Hobbits a lutté en Pays de Bouc ou Pays-de-Bouc (Buckland), ce dont peut d'ailleurs notamment témoigner la toponymie de cette région du Comté (notre ami JR/Isengar en parle dans le septième itinéraire de ses fameuses Promenades au Pays des Hobbits, dont il nous reste en ces lieux, pour mémoire, une ancienne version en ligne dans la rubrique « Précieux héritage » de JRRVF).
À noter que l'on trouve tout de même des allusions à des elfes dans certains récits howardiens de fantasy, notamment dans certaines histoires de Kull. Le personnage de l'ambassadeur picte Ka-nu est ainsi comparé à un elfe — dans un sens féérique traditionnel, voire plus exactement dans le sens du terme « elfe » tel qu'il s'applique dans la mythologie nordique — dans les nouvelles Le Royaume des Chimères (The Shadow Kingdom), déjà citée, et Le Chat et le Crâne (The Cat and the Skull, aussi connue sous le titre Delcardes' Cat). Du reste, concernant cette dernière, que tu as peut-être lue aussi Céline, il s'agit encore d'une nouvelle qui commence bien et avec une conclusion intéressante, s'agissant du chat, ou plus précisément de la mystérieuse chatte nommée Saremes et censée avoir la faculté de parler, dont il est question dans le récit (avec une introduction d'une part de fantastique, au sens todorovien du terme, dans un contexte de fantasy), mais c'est un texte qui souffre malheureusement d'un traitement un peu hasardeux du récit par l'auteur, Howard ayant cru, semble-t-il, qu'il pouvait changer le rôle du principal antagoniste de l'histoire en cours de route sans que cela se voit... alors que si, justement, ça se voit. ^^'
Incidemment (©Elendil), cette histoire de Kull, Le Chat et le Crâne, écrite par Robert E. Howard à l'âge de 22 ans (en 1928), m'avait en partie inspiré une parabole pour définir la fantasy, que j'appelle la « parabole de la chatte » (dont j'avais parlé en introduction lors de ma conférence sur Tolkien et Howard, dans le cadre du Séminaire Tolkien à l'ENS en 2017), et qui s'inspirait en partie aussi d'une idée du critique Denis Guiot, lequel propose lui-même depuis longtemps une « parabole du chat » régulièrement diffusée sur le site du festival des Imaginales d'Épinal, mais d'une manière assez plate et peu poétique à mon goût :
https://web.archive.org/web/20170410035 … maginaires
Même si le propos est globalement le même sur le fond (distinguer fantastique, fantasy et science-fiction), j'avais préféré essayer d'être plus immersif, et donc de partir d'une scène s'inspirant directement du texte de la nouvelle de Howard, dans laquelle apparaîtrait cette belle jeune femme, nommée Delcardes dans le récit : « elle était étendue nonchalamment sur une couche de soie, ressemblant elle-même à quelque splendide créature féline », avec auprès d'elle « le chat, une femelle du nom de Saremes, nonchalamment étendu sur un coussin de soie qui lui était réservé »...
Delcardes et Saremes, illustration par Justin Sweet de la nouvelle de Robert E. Howard The Cat and the Skull, pour le recueil Kull: Exile of Atlantis (Del Rey Books / Ballantine Books), 2006 (publié en français sous le titre Kull le roi atlante, Bragelonne, 2010.
À comparer peut-être avec Berúthiel chez Tolkien, avec ses chats ? ;-)
J'avoue cependant ne pas avoir beaucoup creusé la question dans le cadre de mes recherches, mais cela faisait partie des pistes restant à explorer.
Me vient, en passant, une idée de fan-fiction assumée pour showrunners en mal d'inspiration : « Delcardes ou la jeunesse de Berúthiel »... Au point où on en est en matières d'adaptations, pour l'un comme pour l'autre des deux écrivains, pourquoi pas ? On pourrait même aller plus loin en mettant dans l'équation quelques références antiquisantes et orientalisantes communes à la poésie des deux auteurs, de la “girl of magic” rencontrée sur la route vers Babel (Babylone) qu'évoque Howard dans son poème The Road to Babel (figurant dans une lettre de septembre 1927 adressée à son ami Tevis Clyde Smith) jusqu'à la reine de Babylone (“Queen of Babylon”) mise en scène par Tolkien dans son poème The Ruined Enchanter (écrit initialement vers 1919, puis révisée pour la dernière fois vers 1927)...
Along the road to Babel
When dawn was in the sky
I met you, girl of magic,
A morn of sorcery.
[...]
Like some far constellation
Beyond the human ken
You turned your eyes upon me —
I saw you truly then.
Too deep your eyes for loving
Too deep for sin or mirth;
I saw you then as Woman
The Woman of the Earth.
Like husks slipped down your vestry
The naked soul to leave
I saw you then as Woman
From Thais unto Eve.
Dian you were and Ishtar
Europa, Jezebel,
The fundamental Woman
For whom all mankind fell.
[...]
You laughed among the planets
When Lucifer was hurled
From out the starry realms
To haunt a bestial world.
You sat enthroned by Sargon
You reigned by Nero's side
You knew the couch of Ptolemy
You were a pharaoh's bride.
[...]
Ah, Lilith, Phryne, Thais,
I hale you in my rime;
Woman of all world's women,
The woman of all Time.
Long have I dwelt in Belmarye,
And fair my garden is to see.
For walls of magic ring it round,
And rooted deep in enchanted ground
There grows a dark enchanted tree.
[...]
What voices murmur at my gates?
Behold! with a trump a herald waits,
And blows a fanfare proud thereon:
‘Bow down, ye walls, and ope, ye gates!
I serve the Queen of Babylon.’
My eyes are dim — but through the bars
I see a thousand throngéd cars
By lions drawn; a host untold
Of dark-haired men with scimitars
And elephants and spears and gold.
Ah me! the Queen of Babylon,
The gleaming glory she hath on!
No magic doth she seek of me,
A wizard wild whose craft is gone;
She comes to wonder at my tree.
‘I bid thee wealth of treasures old,
I bid thee towers of hoarded gold
And silver flowing like the sea!’
‘No lady, it may not be sold.’
And still she lusteth for my tree.
[...]
Robert E. Howard (1906-1936), The Road to Babel, poème extrait d'une lettre à Tevis Clyde Smith, vers le mi-septembre ou la fin de septembre 1927, in Rob Roehm et John Bullard (éd.), The Collected Letters of Robert E. Howard, volume 1 (1923-1929), 2e édition, The Robert E. Howard Foundation Press, 2021 (1re édition : 2007), Lettre 054, p. 132-135 (lettre p. 125-136).
J. R. R. Tolkien (1892-1973), The Ruined Enchanter, poème in Christina Scull et Wayne G. Hammond (éd.), The Collected Poems of J.R.R. Tolkien, volume 1 (1910-1919), HarperCollinsPublishers, 2024, poème 62 (?1919-c. 1927), version C (finale), p. 434-445 (version C p. 440-442).
Mais j'arrête là avec mes associations d'idées littéraires particulières...
S'agissant de la « parabole de la chatte » en question plus haut, je devais en tout cas la faire figurer en introduction de mon livre et Emmanuelle Ramberg en avait fait une illustration (parmi d'autres) pour ce projet, dont l'aboutissement est aujourd'hui suspendu sine die. Il faudra que je réfléchisse à quoi faire éventuellement, malgré tout, de tout cela... mais si j'arrive à mener à bien cet autre petit projet pour JRRVF dont j'ai parlé ailleurs, disons que ce sera déjà ça.
Pour en revenir à Howard et à la place de peuples et créatures imaginaires dans ses récits de fantasy, certains textes de l'auteur apprennent ou rappellent au lecteur que Conan le Cimmérien, comme d'autres personnages howardiens, est un homme imaginatif, voire superstitieux, et qu'il croit notamment en l'existence des goules, des gobelins, des hobgobelins (“hobgoblins”), des nécromanciens, des mages et des nains (“dwarfs”) : Howard évoque notamment les goules (“ghouls”), les gobelins (“goblins”) et les nécromanciens (“necromancers”) comme faisant partie de ce qu'il appelle explicitement la mythologie (“mythology”) de Conan dans la nouvelle Chimères de Fer dans la clarté lunaire (Shadows in the Moonlight / Iron Shadows in the Moon), seule nouvelle howardienne et seule histoire de Conan dont on soit à peu près sûr, du reste, qu'elle a été lue par Tolkien dans les années 1960. Cela tend à expliquer, entre autres (car il y a évidemment aussi l'expérience vécue du personnage), que l'aventurier barbare devenu roi soit notamment viscéralement méfiant face à tout ce qui est assimilable à de la sorcellerie ou à de la magie... d'où sa réaction très probable, à mon avis, face à un objet comme l'Anneau Unique.
Peace and Love,
B.
En ligne
La nouvelle The Cat and the Skull figure dans le « recueil » que j’ai récupéré en ligne. J’avais été intriguée par le titre mais je ne l’avais pas encore lue, c’est chose faite maintenant. Je suis contente que cet animal cher à mon cœur soit mis à l’honneur par Howard ! Je tape d’ailleurs ces lignes avec mon chat ronronnant sur mes genoux (petite anecdote : Berúthiel avait neuf chats noirs et un chat blanc, j’ai un seul chat…noir et blanc ;-)). Effectivement la fin de cette nouvelle est intéressante.
Dans le contexte actuel, en effet, pourquoi pas une fan-fiction « Delcardes ou la jeunesse de Berúthiel »... Cela pourrait commencer ainsi : Delcardes n’a finalement pas pu épouser Kulra Thoom mais a été contrainte à se marier avec un homme de sang royal, comme le voulait Tu. Elle en conçoit un ressentiment croissant….
Je crois que j’avais déjà entendu la parabole du chat. J’espère que tu pourras nous faire partager ta version sous une forme ou sous une autre.
Céline
Hors ligne
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