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Ce fuseau, ne serait-ce que pour renvoyer à celui de Tolkiendil sur l'ordinaire de la messe en quenya.
Fuseau ouvert aussi, ne serait-ce que pour garder à l'esprit l'appel à la collaboration (n'ayant pas de compte Tolkiendil)
Bravo par avance Elendil !
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Bonne idée ce fuseau qui fait le lien avec le formidable travail d'Elendil.
C'est aussi l'occasion de rappeler que plusieurs prières sont disponibles dans de nombreuses langues construites et historiques sur l'excellent site partenaire de JRRVF, Glaemsrafu.
On y trouve particulièrement le Pater Noster dans des versions en quenya et sindarin, bien sûr, mais aussi en vieil et moyen anglais, en gotique, en norrois, en finnois et en gallois.
Et puis vous y trouverez aussi plusieurs prières en latin.
https://glaemscrafu.jrrvf.com/french/index.html
I.
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Hello Damien,
Tu me pardonneras de passer par ici finalement pour te faire des retours.
Le fuseau de référence reste bien celui de Tolkiendil, mais il est beaucoup plus simple pour moi d'échanger ici, maîtrisant notamment l'éditeur.
Rien à redire sur le Kyrie.
Je commence à regarder le Gloria.
Deux premières réactions (outre bravo ;)) et une question.
1. ar mára indómë
J'entends bien ton explication :
En bleu, la partie rédigée par Tolkien. Ce dernier a certainement hésité quant à la manière de traduire εὐδοκία ou εὐδοκίας. La première variante correspond au type byzantin des manuscrits. C'est la plus répandue et c'est celle qui est devenue la base du texte liturgique. Cette version se traduit normalement par "paix aux hommes de bonne volonté", mais on trouve aujourd'hui des variantes plus éloignées de l'original, comme "paix aux hommes qu'Il aime". La seconde variante correspond au type alexandrin des manuscrits, moins répandu, mais généralement considéré comme plus proche du texte d'origine. Cela se traduirait approximativement par "paix (et) bonne volonté envers les hommes". J'ai opté pour cette dernière option pour différentes raisons, dont la moindre n'est pas la plus grande facilité à traduire cette formulation.
Et pourquoi pas, en effet, opter pour la variante alexandrine, rendue en français par « aux Hommes qu'Il aime ».
Mais je suis gêné par plusieurs choses :
- est-on sûr que la deuxième phrase n'était pas complète dans l'esprit de Tolkien auquel cas rainë embrasserait à la fois « la paix et la bienveillance (bonne volonté) » de Dieu, ce qui simplifierait grandement les choses ?
- à compter que ce ne soit pas le cas, le syntagme de la « bonne volonté » doit-il absolument être traduit littéralement ? Ne serait-il pas plus prudent d'être moins précis, comme en français qui rend par « qu'Il aime » ?
- en transposant le cas échéant le syntagme tel quel, mára ne désigne-il pas plutôt le bon en tant qu'utile ? ne conviendrait-il pas mieux de chercher du côté de mána ?
- et, toujours dans ce dernier cas, ne serait-il pas plus lisible d'écrire Ar mi cemen rainë ar mána indómë i hínin ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas proposer une traduction alternative pour la première variante : i failë hínin ?
2. hasta
Pour moi, la traduction de très loin la plus évidente ou en tout cas la plus proche du péché serait úcarë ou hrúcarë tout simplement.
Le péché connote l'offense (CEC, n° 1849), la faute (CEC, n° 1850) et l'acte personnel (CEC, n° 1868).
Je serais surpris que Tolkien en eût fusionné le sens avec celui du marrissement, par ailleurs réservé à Melkor et qui est de toute façon distinct de celui du mal agir de chaque acte.
À la rigueur le lien serait selon moi le suivant : le Marrissement est le principe du péché, le péché d'origine en Arda.
3. arca
Arca ne l'a-t-il pas cédé à hyam- / kyermë ?
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2. hasta
Pour moi, la traduction de très loin la plus évidente ou en tout cas la plus proche du péché serait úcarë ou hrúcarë tout simplement.
Le péché connote l'offense (CEC, n° 1849), la faute (CEC, n° 1850) et l'acte personnel (CEC, n° 1868).
Je serais surpris que Tolkien en eût fusionné le sens avec celui du marrissement, par ailleurs réservé à Melkor et qui est de toute façon distinct de celui du mal agir de chaque acte.
À la rigueur le lien serait selon moi le suivant : le Marrissement est le principe du péché, le péché d'origine en Arda.
Je vois après-coup dans le fichier que tu m'as partagé ce commentaire que je ne retrouve pas tel quel sur Tolkiendil :
On pourrait mettre úcarë « offense », mais les offenses étant un acte, celles-ci ne peuvent guère être ôtées après avoir eu lieu.
Et pourtant, les péchés sont très exactement des actes (cf. ref du CEC ;)).
Et nous demandons bien à Dieu d'enlever les péchés.
Ce faisant, nous ne lui demandons pas de faire que les actes n'aient pas eu lieu, mais d'enlever leurs maux.
Par ailleurs úcarë traduit certes « offense » mais pas que, à mon avis. Littéralement c'est « mal agir ».
Ce qui convient assez idéalement, car s'il peut traduire l'offense à l'égard de Dieu, le lien avec le péché est donc garanti (pécher étant avant tout mal agir contre Dieu).
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D'abord, merci pour cette attentive relecture. Pour répondre dans l'ordre inverse de tes remarques :
3) Le radical arca- est attesté tant dans la Litanie de Lorette que dans le Sub Tuum. Il est exact que dans l'Ave Maria, dont les dernières versions sont postérieures à ces deux prières, Tolkien a employé le verbe hyam- en remplacement d'arca-, pour traduire la même notion. Toutefois, ce verbe n'a pas de correspondant nominal attesté, si ce n'est possiblement -kyermë dans Erukyermë. Or dans la Quenya Phonology, Tolkien indique que le quenya ne comportait pas de radical avec ky- initial (mais il y a là matière à débat) : je soupçonne donc une hésitation de sa part entre hyam-, kyer- > *tyer- (vu que ky- primitif initial, si on admet son existence, donnerait nécessairement ty- en quenya), voire *hyer-. Dans le doute, j'ai préféré opter pour un terme attesté (et non rejeté dans deux des trois textes où il apparaît).
Cela dit, les solutions *tyermelmar ou *hyamelmar seraient effectivement envisageables.
2) J'entends bien les remarques, et je soutiendrais volontiers que dans la conception tolkienienne, le Marrissement est le véritable péché originel (non de l'humanité, mais de la Création dans son ensemble), à la source de tous les autres. Par voie de conséquence, me semble-t-il, guérir Arda reviendrait à y remédier et à ôter tous les péchés à leur racine. Mais je suis preneur d'autres avis.
1) J'y répondrai cet après-midi.
E.
[EDIT : Quelques précisions sur le point 3.]
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Pour le point 1, je pense qu'il y a incompréhension à la base. La variante byzantine, qui correspond au texte liturgique orthodoxe, se traduit très précisément par « paix et bonne volonté envers les hommes » (i.e., tous les hommes, sans distinction), tandis que l'alexandrine se traduit suivant l'ancienne version française « paix aux hommes de bonne volonté » (cf. lat. bonae voluntátis, au génitif). La variante « paix aux hommes qu'Il aime » n'a aucun fondement dans les textes et n'est qu'une édulcoration de la version latine. (Et je m'aperçois que j'ai interverti version byzantine et alexandrine dans mon explication sur Tolkiendil... ça n'arrange rien.)
Pour répondre aux questions subséquentes :
Est-on sûr que la phrase n'était pas complète dans l'esprit de Tolkien ?
Nous ne sommes évidemment sûrs de rien, puisque le texte n'est pas même glosé, mais c'est l'opinion des éditeurs. L'hésitation de Tolkien à ce point précis est parfaitement naturelle. De plus, le mot sívë, que remplace rainë dans la version finale est ailleurs glosé « paix » et rien de plus (cf. VT 44, p. 34-35). Aucun de ces deux termes n'est jamais lié à la volonté ou à toute notion en lien avec ce terme dans les textes publiés de Tolkien. Enfin, il n'existe à ma connaissance (très limitée, certes), aucune base textuelle où les deux concepts seraient mélangés dans quelque tradition textuelle chrétienne que ce soit. Soit la prière demande à Dieu sa paix et sa bienveillance pour tous les hommes, soit elle demande la paix pour ceux qui la méritent, selon le texte grec auquel on se réfère. (J'avoue ne pas connaître le sens précis des versions coptes, éthiopiennes ou syriaques, cela dit.)
Faut-il rendre le syntagme « bonne volonté » tel quel ?
J'avoue ne pas voir quelles raisons justifieraient qu'il faille s'éloigner des textes primitifs pour extrapoler quelque chose qui n'y figure pas. (Mais je suis ouvert à tout argument dans ce sens. Cela dit, si l'on invoque l'actuelle traduction française, il faudrait alors la comparer a minima avec toutes les traductions catholiques modernes dans les principales langues européennes. Les traductions françaises ont une fâcheuse tendance à s'éloigner du texte.)
Faut-il employer mána ?
Ce terme est attesté comme nom signifiant « bénédiction », pas comme adjectif. Il existe assurément l'adj. manna, mais il signifie « béni » et il n'est attesté que dans l'Ave Maria, où il est remplacé par aistana. Il existe aussi manaitë, mais il n'est pas traduit et doit exprimer l'aptitude, l'habitude de faire, conformément à tous les adjectifs en -itë. Reste donc l'adjectif primitif *manrā, qui donne... mára (cf. PE 17, p. 162) et se confond donc avec son homonyme dérivant de MAG... ce qui m'arrange bien.
Quid de la syntaxe ?
En l'occurrence, la syntaxe du type « paix sur les hommes et bonne volonté », qui est absolument étrangère au français, est en revanche très caractéristique du latin. Et c'est précisément celle qu'adopte Tolkien dans sa traduction du Sub Tuum : alcarin Vendë ar manaquenta, soit « Vierge glorieuse et bénie », mais littéralement « glorieuse Vierge et bénie ». Et en plus, ça m'évite de modifier le texte de Tolkien de quelque manière que ce soit, ce qui m'aurait gêné.
Quoi qu'il en soit, je peux réfléchir à une traduction de bonae voluntátis (suivant la version alexandrine, donc), mais ce sera nettement plus complexe à construire que simplement i failë hínin « aux hommes justes ».
E.
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Merci pour les retours !
2) J'entends bien les remarques, et je soutiendrais volontiers que dans la conception tolkienienne, le Marrissement est le véritable péché originel (non de l'humanité, mais de la Création dans son ensemble), à la source de tous les autres. Par voie de conséquence, me semble-t-il, guérir Arda reviendrait à y remédier et à ôter tous les péchés à leur racine. Mais je suis preneur d'autres avis.
Oui mais ... j'ai le sentiment que ça coince.
Pour exprimer mon idée autrement, par exemple, si je veux dire que Melkor pèche contre Eru, de ces deux assertions :
- Melkor úcarë Erun me paraît possible
- Melkor hasta Eru(n) pas
Faut-il rendre le syntagme « bonne volonté » tel quel ?
J'avoue ne pas voir quelles raisons justifieraient qu'il faille s'éloigner des textes primitifs pour extrapoler quelque chose qui n'y figure pas.
Oh je ne souhaitais pas m'éloigner des textes d'origine, ma crainte ici se situait au niveau du quenya : notre syntagme a-t-il vocation à s'y retrouver transposé tel quel ? Mais en y revenant à tête reposée ça ne me choque pas tant que ça (reste que mára me semble connoter un côté d'utilité, de praticité, de convenance matérielle)
Merci pour tous les éclairages par ailleurs.
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Merci pour les retours !
Elendil a écrit :2) J'entends bien les remarques, et je soutiendrais volontiers que dans la conception tolkienienne, le Marrissement est le véritable péché originel (non de l'humanité, mais de la Création dans son ensemble), à la source de tous les autres. Par voie de conséquence, me semble-t-il, guérir Arda reviendrait à y remédier et à ôter tous les péchés à leur racine. Mais je suis preneur d'autres avis.
Oui mais ... j'ai le sentiment que ça coince.
Pour exprimer mon idée autrement, par exemple, si je veux dire que Melkor pèche contre Eru, de ces deux assertions :
- Melkor úcarë Erun me paraît possible
- Melkor hasta Eru(n) pas
Je vais plus loin.
Si nous lisions :
Melkor a marri Arda : il a péché contre Eru
HOME XIII
Je pense qu'il faudrait lire dans l'original : « Melor ahastië Arda : úcarië Erun ».
Et non pas : « Melor ahastië Arda : ahastië Eru(n) »
Melkor n'a pas marri Eru ...
(ce faisant je ne dis pas que úcarë = pécher, c'est pour moi une approximation ; ici je simplifie pour montrer en quoi je suis gêné par l'usage de hasta)
[édit : plusieurs hésitations sur la construction du parfait de mes verbes ... tu corrigeras ;)]
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Je vois ce que tu veux dire. J'admets volontiers que i aucolë hastar Ambarello ne peut guère se traduire que par « (toi) qui emportes les marrissements du Monde » et non « les péchés ». D'un autre côté, sur le plan étymologique, je persiste : peccatum est une faute, le résultat de l'action de peccare « fauter », alors que úcarë ou hrúcarë sont les actions elles-mêmes. Il m'a semblé qu'on pouvait s'éloigner de la lettre du texte en ce point précis, de même que Tolkien a préféré traduire « aux cieux » non par meneldë, traduction directe, mais par i ëa han ëa « qui existe par-delà ce qui existe » pour mieux s'accorder avec sa propre conception subcréative (ainsi que notre connaissance scientifique de l'Univers).
Mais j'entends que cette solution peut ne pas être satisfaisante pour tous. Je vais réfléchir à une proposition alternative.
E.
P.S. : « contre Eru » ne se dirait sans doute pas Erun, car on traduirait plutôt cela par « pour Eru, vers Eru ». L'expression de l'opposition est difficile à formuler, à moins de dériver une préposition quenya du q. pr. anak (ce qui donnerait vraisemblablement *anca, terme que j'emploie faute de mieux). Sinon, les parfaits exprimés me semblent corrects, exceptés **úcarië que j'écrirais plutôt úcárië.
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P.S. : « contre Eru » ne se dirait sans doute pas Erun, car on traduirait plutôt cela par « pour Eru, vers Eru ». L'expression de l'opposition est difficile à formuler, à moins de dériver une préposition quenya du q. pr. anak (ce qui donnerait vraisemblablement *anca, terme que j'emploie faute de mieux).
En fait (et c'est pour cela que je parlais d'approximation), úcar- se construit avec le datif (dans l'Átaremma) donc bien entendu la traduction littérale ne serait pas contre, mais, sans doute : « a mal-agi vis-vis d'Eru ».
Sinon, les parfaits exprimés me semblent corrects, exceptés **úcarië que j'écrirais plutôt úcárië.
Je m'étais abstenu du fait que cela nous fait enchaîner deux voyelles longues et la prononciation tonique me paraît ensuite difficile, mais tu penses que c'est bon ? (c'est toi le chef ;))
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L'enchaînement de deux voyelles longues est rare, totalement absent des radicaux primitifs, mais possible en composition (cf. únótimë, mais aussi úcárima « difficile », PE 22, p. 156, et il y en a d'autres), d'où ma supposition (car je n'ai pas en tête d'exemple attesté) que ce soit également possible en conjuguant un verbe.
Cela dit, le verbe úcar- reste problématique au parfait, car parfaitement analysable dans sa structure, cas de figure où Tolkien indique que l'augment devrait venir s'interposer entre le verbe de base et le préfixe (d'où etutūliē « est sorti »), mais Tolkien n'indique pas la manière dont cela fonctionnerait avec un préfixe se terminant par une voyelle. Personnellement, je pars du principe qu'il n'y aurait pas d'augment, comme dans les cas où le préfixe n'est plus analysable (ex : aumata- « ronger, corroder »), mais cela reste une hypothèse en l'absence d'éléments probants.
E.
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