JRRVF - Tolkien en Version Française - Forum

Le forum de JRRVF, site dédié à l'oeuvre de J.R.R. Tolkien, l'auteur du Seigneur des Anneaux.

Vous n'êtes pas identifié(e).

Annonce

Bienvenue sur le nouveau forum JRRVF ! En cas de problème avec votre login / mot de passe, n'hésitez pas à me contacter (webmaster@jrrvf.com)

#1 23-05-2025 07:55

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Ordinaire de la messe en quenya

Ce fuseau, ne serait-ce que pour renvoyer à celui de Tolkiendil sur l'ordinaire de la messe en quenya.
Fuseau ouvert aussi, ne serait-ce que pour garder à l'esprit l'appel à la collaboration (n'ayant pas de compte Tolkiendil)

Bravo par avance Elendil !

Hors ligne

#2 23-05-2025 10:47

ISENGAR
Lieu : Tuckborough près de Chartres
Inscription : 2001
Messages : 5 028

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Bonne idée ce fuseau qui fait le lien avec le formidable travail d'Elendil.

C'est aussi l'occasion de rappeler que plusieurs prières sont disponibles dans de nombreuses langues construites et historiques sur l'excellent site partenaire de JRRVF, Glaemsrafu.

On y trouve particulièrement le Pater Noster dans des versions en quenya et sindarin, bien sûr, mais aussi en vieil et moyen anglais, en gotique, en norrois, en finnois et en gallois.
Et puis vous y trouverez aussi plusieurs prières en latin.
https://glaemscrafu.jrrvf.com/french/index.html

I.

Hors ligne

#3 01-06-2025 01:45

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Hello Damien,
Tu me pardonneras de passer par ici finalement pour te faire des retours.
Le fuseau de référence reste bien celui de Tolkiendil, mais il est beaucoup plus simple pour moi d'échanger ici, maîtrisant notamment l'éditeur.

Rien à redire sur le Kyrie.
Je commence à regarder le Gloria.

Gloire à Dieu
 
Gloria in excelsis Deo
Alcar mi Tarmenel
Gloire à Dieu, au plus haut des cieux,
 
Gloria in excelsis Deo,
Alcar mi Tarmenel na Erun,
Et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté / qu'Il aime.
 
et in terra pax hominibus bonae voluntatis.
Ar mi cemen rainë i hínin ar mára indómë,
Nous te louons, nous te bénissons, nous t'adorons, nous te glorifions,
 
Laudamus te, benedicimus te, adoramus te, glorificamus te,
Laitalmë lyë, manyalmë lyë, ainalmë lyë, alcaryalmë lyë,
Nous te rendons grâce, pour ton immense gloire,
 
gratias agimus tibi propter magnam gloriam tuam,
quetilmë hantalë lyen rá tára alcarelyan,
Seigneur Dieu, Roi du ciel, Dieu le Père tout-puissant.
 
Domine Deus, Rex cælestis, Deus Pater omnipotens.
(A) Heru Eru, Erumano Aran, Eru ilúvala Atar.
Seigneur, Fils unique, Jésus Christ.
 
Domine Fili Unigenite, Iesu Christe,
(A) Heru Ernóna Yondo, Yésus Hrísto,
Seigneur Dieu, Agneau de Dieu, le Fils du Père ;
 
Domine Deus, Agnus Dei, Filius Patris,
(A) Heru Eru, Eruo Eulë, Ataro Yondo,
Toi qui enlèves les péchés du monde, prends pitié de nous.
 
qui tollis peccata mundi, miserere nobis ;
i aucolë hastar Ambarello, alyë órava omessë ;
Toi qui enlèves les péchés du monde, reçois notre prière ;
 
qui tollis peccata mundi, suscipe deprecationem nostram ;
i aucolë hastar Ambarello, alyë cavë arcandelmar ;
Toi qui es assis à la droite du Père, prends pitié de nous ;
 
qui sedes ad dexteram Patris, miserere nobis.
i harë formanna Ataro, alyë órava omessë.
Car toi seul es saint. Toi seul es Seigneur.
 
Quoniam tu solus Sanctus, tu solus Dominus,
An lyë rëa Ainu, lyë rëa Heru,
Toi seul es le Très-Haut : Jésus Christ,
 
tu solus Altissimus, Iesu Christe,
lyë rëa Arata, Yésus Hrísto,
avec le Saint-Esprit, dans la gloire de Dieu le Père. Amen.
 
cum Sancto Spiritu, in gloria Dei Patris. Amen.
yó Airefëa, alcaressë Eru Ataro. Násië.

Deux premières réactions (outre bravo ;)) et une question.

1. ar mára indómë
J'entends bien ton explication :

En bleu, la partie rédigée par Tolkien. Ce dernier a certainement hésité quant à la manière de traduire εὐδοκία ou εὐδοκίας. La première variante correspond au type byzantin des manuscrits. C'est la plus répandue et c'est celle qui est devenue la base du texte liturgique. Cette version se traduit normalement par "paix aux hommes de bonne volonté", mais on trouve aujourd'hui des variantes plus éloignées de l'original, comme "paix aux hommes qu'Il aime". La seconde variante correspond au type alexandrin des manuscrits, moins répandu, mais généralement considéré comme plus proche du texte d'origine. Cela se traduirait approximativement par "paix (et) bonne volonté envers les hommes". J'ai opté pour cette dernière option pour différentes raisons, dont la moindre n'est pas la plus grande facilité à traduire cette formulation.

Et pourquoi pas, en effet, opter pour la variante alexandrine, rendue en français par « aux Hommes qu'Il aime ».
Mais je suis gêné par plusieurs choses :
- est-on sûr que la deuxième phrase n'était pas complète dans l'esprit de Tolkien auquel cas rainë embrasserait à la fois « la paix et la bienveillance (bonne volonté) » de Dieu, ce qui simplifierait grandement les choses ?
- à compter que ce ne soit pas le cas, le syntagme de la « bonne volonté » doit-il absolument être traduit littéralement ? Ne serait-il pas plus prudent d'être moins précis, comme en français qui rend par « qu'Il aime » ?
- en transposant le cas échéant le syntagme tel quel, mára ne désigne-il pas plutôt le bon en tant qu'utile ? ne conviendrait-il pas mieux de chercher du côté de mána ?
- et, toujours dans ce dernier cas, ne serait-il pas plus lisible d'écrire Ar mi cemen rainë ar mána indómë i hínin ?
Par ailleurs, pourquoi ne pas proposer une traduction alternative pour la première variante : i failë hínin ?

2. hasta
Pour moi, la traduction de très loin la plus évidente ou en tout cas la plus proche du péché serait úcarë ou hrúcarë tout simplement.
Le péché connote l'offense (CEC, n° 1849), la faute (CEC, n° 1850) et l'acte personnel (CEC, n° 1868).
Je serais surpris que Tolkien en eût fusionné le sens avec celui du marrissement, par ailleurs réservé à Melkor et qui est de toute façon distinct de celui du mal agir de chaque acte.
À la rigueur le lien serait selon moi le suivant : le Marrissement est le principe du péché, le péché d'origine en Arda.

3. arca
Arca ne l'a-t-il pas cédé à hyam- / kyermë ?

Hors ligne

#4 01-06-2025 02:12

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Yyr a écrit :

2. hasta
Pour moi, la traduction de très loin la plus évidente ou en tout cas la plus proche du péché serait úcarë ou hrúcarë tout simplement.
Le péché connote l'offense (CEC, n° 1849), la faute (CEC, n° 1850) et l'acte personnel (CEC, n° 1868).
Je serais surpris que Tolkien en eût fusionné le sens avec celui du marrissement, par ailleurs réservé à Melkor et qui est de toute façon distinct de celui du mal agir de chaque acte.
À la rigueur le lien serait selon moi le suivant : le Marrissement est le principe du péché, le péché d'origine en Arda.

Je vois après-coup dans le fichier que tu m'as partagé ce commentaire que je ne retrouve pas tel quel sur Tolkiendil :

On pourrait mettre úcarë « offense », mais les offenses étant un acte, celles-ci ne peuvent guère être ôtées après avoir eu lieu.

Et pourtant, les péchés sont très exactement des actes (cf. ref du CEC ;)).
Et nous demandons bien à Dieu d'enlever les péchés.
Ce faisant, nous ne lui demandons pas de faire que les actes n'aient pas eu lieu, mais d'enlever leurs maux.

Par ailleurs úcarë traduit certes « offense » mais pas que, à mon avis. Littéralement c'est « mal agir ».
Ce qui convient assez idéalement, car s'il peut traduire l'offense à l'égard de Dieu, le lien avec le péché est donc garanti (pécher étant avant tout mal agir contre Dieu).

Hors ligne

#5 01-06-2025 09:43

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
Messages : 1 127
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

D'abord, merci pour cette attentive relecture. Pour répondre dans l'ordre inverse de tes remarques :

3) Le radical arca- est attesté tant dans la Litanie de Lorette que dans le Sub Tuum. Il est exact que dans l'Ave Maria, dont les dernières versions sont postérieures à ces deux prières, Tolkien a employé le verbe hyam- en remplacement d'arca-, pour traduire la même notion. Toutefois, ce verbe n'a pas de correspondant nominal attesté, si ce n'est possiblement -kyermë dans Erukyermë. Or dans la Quenya Phonology, Tolkien indique que le quenya ne comportait pas de radical avec ky- initial (mais il y a là matière à débat) : je soupçonne donc une hésitation de sa part entre hyam-, kyer- > *tyer- (vu que ky- primitif initial, si on admet son existence, donnerait nécessairement ty- en quenya), voire *hyer-. Dans le doute, j'ai préféré opter pour un terme attesté (et non rejeté dans deux des trois textes où il apparaît).

Cela dit, les solutions *tyermelmar ou *hyamelmar seraient effectivement envisageables.

2) J'entends bien les remarques, et je soutiendrais volontiers que dans la conception tolkienienne, le Marrissement est le véritable péché originel (non de l'humanité, mais de la Création dans son ensemble), à la source de tous les autres. Par voie de conséquence, me semble-t-il, guérir Arda reviendrait à y remédier et à ôter tous les péchés à leur racine. Mais je suis preneur d'autres avis.

1) J'y répondrai cet après-midi.

E.

[EDIT : Quelques précisions sur le point 3.]

Hors ligne

#6 01-06-2025 14:17

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
Messages : 1 127
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Pour le point 1, je pense qu'il y a incompréhension à la base. La variante byzantine, qui correspond au texte liturgique orthodoxe, se traduit très précisément par « paix et bonne volonté envers les hommes » (i.e., tous les hommes, sans distinction), tandis que l'alexandrine se traduit suivant l'ancienne version française « paix aux hommes de bonne volonté » (cf. lat. bonae voluntátis, au génitif). La variante « paix aux hommes qu'Il aime » n'a aucun fondement dans les textes et n'est qu'une édulcoration de la version latine. (Et je m'aperçois que j'ai interverti version byzantine et alexandrine dans mon explication sur Tolkiendil... ça n'arrange rien.)

Pour répondre aux questions subséquentes :

  • Est-on sûr que la phrase n'était pas complète dans l'esprit de Tolkien ?
    Nous ne sommes évidemment sûrs de rien, puisque le texte n'est pas même glosé, mais c'est l'opinion des éditeurs. L'hésitation de Tolkien à ce point précis est parfaitement naturelle. De plus, le mot sívë, que remplace rainë dans la version finale est ailleurs glosé « paix » et rien de plus (cf. VT 44, p. 34-35). Aucun de ces deux termes n'est jamais lié à la volonté ou à toute notion en lien avec ce terme dans les textes publiés de Tolkien. Enfin, il n'existe à ma connaissance (très limitée, certes), aucune base textuelle où les deux concepts seraient mélangés dans quelque tradition textuelle chrétienne que ce soit. Soit la prière demande à Dieu sa paix et sa bienveillance pour tous les hommes, soit elle demande la paix pour ceux qui la méritent, selon le texte grec auquel on se réfère. (J'avoue ne pas connaître le sens précis des versions coptes, éthiopiennes ou syriaques, cela dit.)

  • Faut-il rendre le syntagme « bonne volonté » tel quel ?
    J'avoue ne pas voir quelles raisons justifieraient qu'il faille s'éloigner des textes primitifs pour extrapoler quelque chose qui n'y figure pas. (Mais je suis ouvert à tout argument dans ce sens. Cela dit, si l'on invoque l'actuelle traduction française, il faudrait alors la comparer a minima avec toutes les traductions catholiques modernes dans les principales langues européennes. Les traductions françaises ont une fâcheuse tendance à s'éloigner du texte.)

  • Faut-il employer mána ?
    Ce terme est attesté comme nom signifiant « bénédiction », pas comme adjectif. Il existe assurément l'adj. manna, mais il signifie « béni » et il n'est attesté que dans l'Ave Maria, où il est remplacé par aistana. Il existe aussi manaitë, mais il n'est pas traduit et doit exprimer l'aptitude, l'habitude de faire, conformément à tous les adjectifs en -itë. Reste donc l'adjectif primitif *manrā, qui donne... mára (cf. PE 17, p. 162) et se confond donc avec son homonyme dérivant de MAG... ce qui m'arrange bien. wink

  • Quid de la syntaxe ?
    En l'occurrence, la syntaxe du type « paix sur les hommes et bonne volonté », qui est absolument étrangère au français, est en revanche très caractéristique du latin. Et c'est précisément celle qu'adopte Tolkien dans sa traduction du Sub Tuum : alcarin Vendë ar manaquenta, soit « Vierge glorieuse et bénie », mais littéralement « glorieuse Vierge et bénie ». Et en plus, ça m'évite de modifier le texte de Tolkien de quelque manière que ce soit, ce qui m'aurait gêné.

Quoi qu'il en soit, je peux réfléchir à une traduction de bonae voluntátis (suivant la version alexandrine, donc), mais ce sera nettement plus complexe à construire que simplement i failë hínin « aux hommes justes ».

E.

Hors ligne

#7 01-06-2025 19:18

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Merci pour les retours !

Elendil a écrit :

2) J'entends bien les remarques, et je soutiendrais volontiers que dans la conception tolkienienne, le Marrissement est le véritable péché originel (non de l'humanité, mais de la Création dans son ensemble), à la source de tous les autres. Par voie de conséquence, me semble-t-il, guérir Arda reviendrait à y remédier et à ôter tous les péchés à leur racine. Mais je suis preneur d'autres avis.

Oui mais ... j'ai le sentiment que ça coince.
Pour exprimer mon idée autrement, par exemple, si je veux dire que Melkor pèche contre Eru, de ces deux assertions :
- Melkor úcarë Erun me paraît possible
- Melkor hasta Eru(n) pas

Faut-il rendre le syntagme « bonne volonté » tel quel ?
J'avoue ne pas voir quelles raisons justifieraient qu'il faille s'éloigner des textes primitifs pour extrapoler quelque chose qui n'y figure pas.

Oh je ne souhaitais pas m'éloigner des textes d'origine, ma crainte ici se situait au niveau du quenya : notre syntagme a-t-il vocation à s'y retrouver transposé tel quel ? Mais en y revenant à tête reposée ça ne me choque pas tant que ça (reste que mára me semble connoter un côté d'utilité, de praticité, de convenance matérielle)

Merci pour tous les éclairages par ailleurs.

Hors ligne

#8 01-06-2025 19:29

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Yyr a écrit :

Merci pour les retours !

Elendil a écrit :

2) J'entends bien les remarques, et je soutiendrais volontiers que dans la conception tolkienienne, le Marrissement est le véritable péché originel (non de l'humanité, mais de la Création dans son ensemble), à la source de tous les autres. Par voie de conséquence, me semble-t-il, guérir Arda reviendrait à y remédier et à ôter tous les péchés à leur racine. Mais je suis preneur d'autres avis.

Oui mais ... j'ai le sentiment que ça coince.
Pour exprimer mon idée autrement, par exemple, si je veux dire que Melkor pèche contre Eru, de ces deux assertions :
- Melkor úcarë Erun me paraît possible
- Melkor hasta Eru(n) pas

Je vais plus loin.
Si nous lisions :

Melkor a marri Arda : il a péché contre Eru

HOME XIII

Je pense qu'il faudrait lire dans l'original : « Melor ahastië Arda : úcarië Erun ».
Et non pas : « Melor ahastië Arda : ahastië Eru(n) »
Melkor n'a pas marri Eru ...

(ce faisant je ne dis pas que úcarë = pécher, c'est pour moi une approximation ; ici je simplifie pour montrer en quoi je suis gêné par l'usage de hasta)

[édit : plusieurs hésitations sur la construction du parfait de mes verbes ... tu corrigeras ;)]

Hors ligne

#9 01-06-2025 21:18

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
Messages : 1 127
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Je vois ce que tu veux dire. J'admets volontiers que i aucolë hastar Ambarello ne peut guère se traduire que par « (toi) qui emportes les marrissements du Monde » et non « les péchés ». D'un autre côté, sur le plan étymologique, je persiste : peccatum est une faute, le résultat de l'action de peccare « fauter », alors que úcarë ou hrúcarë sont les actions elles-mêmes. Il m'a semblé qu'on pouvait s'éloigner de la lettre du texte en ce point précis, de même que Tolkien a préféré traduire « aux cieux » non par meneldë, traduction directe, mais par i ëa han ëa « qui existe par-delà ce qui existe » pour mieux s'accorder avec sa propre conception subcréative (ainsi que notre connaissance scientifique de l'Univers).

Mais j'entends que cette solution peut ne pas être satisfaisante pour tous. Je vais réfléchir à une proposition alternative.

E.

P.S. : « contre Eru » ne se dirait sans doute pas Erun, car on traduirait plutôt cela par « pour Eru, vers Eru ». L'expression de l'opposition est difficile à formuler, à moins de dériver une préposition quenya du q. pr. anak (ce qui donnerait vraisemblablement *anca, terme que j'emploie faute de mieux). Sinon, les parfaits exprimés me semblent corrects, exceptés **úcarië que j'écrirais plutôt úcárië.

Hors ligne

#10 01-06-2025 23:43

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Elendil a écrit :

P.S. : « contre Eru » ne se dirait sans doute pas Erun, car on traduirait plutôt cela par « pour Eru, vers Eru ». L'expression de l'opposition est difficile à formuler, à moins de dériver une préposition quenya du q. pr. anak (ce qui donnerait vraisemblablement *anca, terme que j'emploie faute de mieux).

En fait (et c'est pour cela que je parlais d'approximation), úcar- se construit avec le datif (dans l'Átaremma) donc bien entendu la traduction littérale ne serait pas contre, mais, sans doute : « a mal-agi vis-vis d'Eru ».

Sinon, les parfaits exprimés me semblent corrects, exceptés **úcarië que j'écrirais plutôt úcárië.

Je m'étais abstenu du fait que cela nous fait enchaîner deux voyelles longues et la prononciation tonique me paraît ensuite difficile, mais tu penses que c'est bon ? (c'est toi le chef ;))

Hors ligne

#11 02-06-2025 07:53

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
Messages : 1 127
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

L'enchaînement de deux voyelles longues est rare, totalement absent des radicaux primitifs, mais possible en composition (cf. únótimë, mais aussi úcárima « difficile », PE 22, p. 156, et il y en a d'autres), d'où ma supposition (car je n'ai pas en tête d'exemple attesté) que ce soit également possible en conjuguant un verbe.

Cela dit, le verbe úcar- reste problématique au parfait, car parfaitement analysable dans sa structure, cas de figure où Tolkien indique que l'augment devrait venir s'interposer entre le verbe de base et le préfixe (d'où etutūliē « est sorti »), mais Tolkien n'indique pas la manière dont cela fonctionnerait avec un préfixe se terminant par une voyelle. Personnellement, je pars du principe qu'il n'y aurait pas d'augment, comme dans les cas où le préfixe n'est plus analysable (ex : aumata- « ronger, corroder »), mais cela reste une hypothèse en l'absence d'éléments probants.

E.

Hors ligne

#12 Hier 11:27

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Merci pour les précisions qui sont maintenant dévidence.
En plus en me relisant úcarië passe mal je trouve, l'accentuation étant plus difficile ...

Ce weekend nous avions le plaisir d'avoir Bertrand à la maison.
Weekend très sympathique, avec une bonne dose de bonne compagnie, de nature et de musique ... et de chamailleries des enfants ;/.
— Et du quenya. Entre autres, nous avons regardé l'ensemble jusqu'au Credo exclu.
J'en partage les retours suivant :

  • c'est beaucoup plus facile avec Bertrand à côté de soi :) (avec Damien aussi mais il n'était pas à côté de moi ;)) ;

  • je ne connaissais pas toutes les richesses d'Eldamo, je m'en servirai mieux désormais — quel travail extraordianaire ;

  • pour le péché, plus d'hésitation pour úcarë : nous n'y avions pas songé toi et moi mais Bertrand a tout de suite renvoyé à úcarindor pour « les pécheurs » dans l'Aia Mária ;

  • hésitation pour ainalmë lyë car aina- sembler davantage signifier « sanctifier » que « adorer », mais l'alternative aista- « bénir » sera tout autant discutable ;

  • une remarque sur le Sanctus, à suivre (le temps que je mette en forme le message) ;

  • c'est vraiment du bel ouvrage Damien !! :)

Hors ligne

#13 Hier 11:46

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Saint le Seigneur
 
Sanctus
Airë Heru
Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur, Dieu de l'univers !
 
Sanctus, Sanctus, Sanctus Dominus Deus Sabaoth.
Airë, Airë, Airë Heru Eru Savaot.
Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire.
 
Pleni sunt caeli et terra gloria tua.
Eruman yo cemen (pen)quantë alcarelyanen.
Hosanna au plus haut des cieux
 
Hosanna in excelsis.
Hósanna mi Tarmenel.
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur
 
Benedíctus qui venit in nomine Domini.
Aistana i tulë Heruo essessë.
Hosanna au plus haut des cieux
 
Hosanna in excelsis.
Hósanna mi Tarmenel.

Heruo essessë
Le cas paraît discutable, quoique ce n'est pas est évident.
Celui qui vient au Nom du Seigneur l'est davantage par voire depuis plutôt que dans son Nom.
Certes tel est bien le cas grammatical du latin, mais le quenya n'appellerait-il pas plutôt l'instrumental essessen ?
L'ablatif aurait, lui, du sens théologiquement, mais grammaticalement ça ferait bizarre, sauf à le mettre sur Heru.

Hors ligne

#14 Hier 13:48

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
Messages : 1 127
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Yyr a écrit :

Heruo essessë
Le cas paraît discutable, quoique ce n'est pas est évident.
Celui qui vient au Nom du Seigneur l'est davantage par voire depuis plutôt que dans son Nom.
Certes tel est bien le cas grammatical du latin, mais le quenya n'appellerait-il pas plutôt l'instrumental essessen ?
L'ablatif aurait, lui, du sens théologiquement, mais grammaticalement ça ferait bizarre, sauf à le mettre sur Heru.

C'est une très bonne question (que je m'étais posée wink).

Je ne pense pas que l'ablatif fonctionnerait (sauf éventuellement pour le Christ lui-même), car il s'entend généralement d'un mouvement physique. J'exclurais aussi l'ablatif, car il implique une venue « au moyen » de l'instrument considéré. Donc là, à moins d'avoir une apparition (mariale ?), ce n'est pas trop le sujet. Le génitif pourrait se comprendre ici comme désignant celui qui appartient au cœur de Dieu et en provient, ce qui pourrait se concevoir pour un apôtre ou un prophète. J'ai aussi pensé à employer un adverbe pour signifier « avec », puisqu'il n'existe pas de cas comitatif en quenya (à ma grande déception, d'ailleurs), mais outre que les choix possibles sont discutables, j'ai crains de trop interpréter la phrase.

J'ai donc préféré pour une traduction directe du latin, après avoir vérifié que le grec signifiait exactement la même chose (ἐν ὀνόματι Κυρίου, lit. « dans nom-DAT Seigneur-GEN », sachant que ἐν exige le datif, lequel dérive ici du locatif indo-européen). Et je laisse aux théologiens le soin de décortiquer le sens précis de la phrase. smile

Pour le reste, si Bertrand te rejoint sur úcarë, je sens que je vais me laisser convaincre. J'ai en effet évité aista-, parce que ça traduirais mieux « nous te bénissons » que « nous t'adorons » (mais j'aurais pu l'employer à la place de manya-, par contre).

E.

Hors ligne

#15 Aujourd'hui 09:11

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Ok pour moi :).

On passe au gros morceau ;).
Dont nous fêtons les 1700 ans.

Je crois en un seul Dieu
 
Credo in unum Deum
Savin Eru Er
Je crois en un seul Dieu,
 
Credo in unum Deum,
Savin Eru Er,
le Père tout-puissant,
 
Patrem omnipoténtem,
Ilúvala Atar,
Créateur du ciel et de la terre,
 
factórem cæli et terræ,
tamo Eruman yo cemen,
de l'univers visible et invisible.
 
visibílium ómnium et invisibílium.
ascénima ilúvë ar lacénima.
Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ,
 
Et in unum Dóminum, Jesum Christum,
Ar Heru Er, Yésus Hrísto,
le Fils unique de Dieu,
 
Fílium Dei unigénitum,
Eruo Ernóna Yondo,
né du Père avant tous les siècles :
 
et ex Patre natum ante ómnia sǽcula.
ar Atarello ontanwa nó ilyë haranyer.
Il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu,
 
Deum de Deo, lumen de lúmine, Deum verum de Deo vero,
Eru Eruo, linquë linqueo, nanwa Eru nanwa Eruo,
Engendré, non pas créé, consubstantiel au Père,
 
génitum, non factum, consubstantiálem Patri :
nóna, lacarinwa, imya nassë vë Atar :
et par lui tout a été fait.
 
per quem ómnia facta sunt.
ter issë illi carinwa (nár).
Pour nous les hommes, et pour notre salut,
 
Qui propter nos hómines et propter nostram salútem
Rá mé fírimain ar rá etelehtalvan
il descendit du ciel ;
 
descéndit de coelis.
núnyes menello.
Par l'Esprit Saint, il a pris chair
 
Et incarnátus est de Spíritu Sancto
Ar mirröanwë nás Airefëanen
de la Vierge Marie, et s'est fait homme.
 
ex María vírgine, et homo factus est.
et María Vendello, ar fírima carinwa.
Crucifié pour nous sous Ponce Pilate,
 
Crucifíxus étiam pro nobis sub Póntio Piláto ;
Së sarwetienwa entë rámen nu Pontius Pilatus,
il souffrit sa passion et fut mis au tombeau.
 
passus et sepúltus est,
nahtienwa ar caitayenwa hauranna,
Il ressuscita le troisième jour, conformément aux Écritures,
 
et resurréxit tértia die, secúndum Scriptúras,
ar enoronyes nelya réssë, epë i Parma,
et il monta au ciel ; il est assis à la droite du Père.
 
et ascéndit in coelum, sedet ad déxteram Patris.
ar oronyes menelda, hares formanna Ataro.
Il reviendra dans la gloire,
 
Et íterum ventúrus est cum glória,
Ar entuluvaila (nás) alcaressë,
pour juger les vivants et les morts ;
 
judicáre vivos et mórtuos,
namien veor yo vanwar,
et son règne n'aura pas de fin.
 
cujus regni non erit finis.
aranusserya nauva ú metto.
Je crois en l'Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ;
 
Et in Spíritum Sanctum, Dóminum et vivificántem :
Ar Airefëa, Heru ar kuitaila :
il procède du Père et du Fils ;
 
qui ex Patre Filióque procédit.
i Atar yo Yondollo etementas.
Avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ;
 
Qui cum Patre et Fílio simul adorátur et conglorificátur :
I vë Atar yo Yondo olumë ainina ar yómalcarina :
il a parlé par les prophètes.
 
qui locútus est per prophétas.
i quétiéla ter apaquensor.
Je crois en l'Église, une, sainte, catholique et apostolique.
 
Et unam, sanctam, cathólicam et apostólicam Ecclésiam.
Ar er, aina, casolica ta apostolica Ocombë.
Je reconnais un seul baptême pour le pardon des péchés.
 
Confíteor unum baptísma in remissiónem peccatórum.
Náquetin pá er vaptimma apsenien hastar.
J'attends la résurrection des morts
 
Et exspécto resurrectiónem mortuórum,
Ar palantirin enoryandë vanwaron,
et la vie du monde à venir. Amen
 
et vitam ventúri sǽculi. Amen.
ar coivië tuluvaila oia(la). Násië.

C'est beau :).
Et des fois on a l'impression que le quenya se prête mieux encore que le latin à exprimer certains choses, non  ?

En attendant d'autres commentaires éventuels, ces quelques questions :

  • Eruman yo cemen : pourquoi n'avoir pas décliné ? (parce que le génitif en quenya marque l'origine, ce qui ne convient pas pour la terre et le ciel qui s'originent dans le Créateur et non l'inverse ?)

  • haranyer : pourquoi l'avoir préféré à yéni par ailleurs employé dans la formule de VT 44 p.33 ? (il me semble que Tolkien se place d'un point de vue elfique plutôt que numénórëen en composant ses prières)

  • fírimar : pourquoi l'avoir préféré à híni par ailleurs employé dans le Gloria (même centrage) ? (pour être raccord avec l'occurrence suivante « Il s'est fait homme » ?)

  • etelehta : comme tu l'indiques sur Tolkiendil ce mot désigne la délivrance, la libération, et non le salut à strictement parler (qui est une libération particulière, celle du mal) ; j'imagine que rehtië désigne quant à lui davantage le secours que le salut ... resterait le néo-quenya þámë ?

  • nu Pontius Pilatus : gêné par l'importation tel quel de cette tournure qui fait sens en latin ou en français (sous = sous l'ère de ...) mais en quenya ? mais je me rends compte que je n'ai pas d'alternative à proposer ;)

  • réssë : la voyelle longue ne doit-elle pas se raccourcir devant la double consonne ?

  • aranussë : pourquoi l'avoir préféré à aranië par ailleurs employé dans l'Átaremma ?

  • kuitaila > cuitaila

  • hastar : cf. supra

Hors ligne

#16 Aujourd'hui 10:06

Elendil
Lieu : Velaux
Inscription : 2008
Messages : 1 127
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Yyr a écrit :

Et des fois on a l'impression que le quenya se prête mieux encore que le latin à exprimer certains choses, non  ?

Parfois, cela fonctionne de manière assez étonnante, en effet.
Plein de bonnes remarques dans ton message. Je me permets de les reprendre une à une :

  • Eruman yo cemen : pourquoi n'avoir pas décliné ? (parce que le génitif en quenya marque l'origine, ce qui ne convient pas pour la terre et le ciel qui s'originent dans le Créateur et non l'inverse ?)
    Non, j'avoue, il y a un souci. De mémoire, je voulais reformuler comme « qui a créé... », parce que j'ai un doute sur la règle du dernier mot décliné dans cette formulation, ou l'on a deux couples d'éléments (ciel et terre, univers visible et invisible), avec en plus un adjectif en position finale. Faut que je revois ça.

  • haranyer : pourquoi l'avoir préféré à yéni par ailleurs employé dans la formule de VT 44 p.33 ? (il me semble que Tolkien se place d'un point de vue elfique plutôt que numénórëen en composant ses prières)
    J'ai hésité. Tu me convaincs que l'autre option est meilleure.

  • fírimar : pourquoi l'avoir préféré à híni par ailleurs employé dans le Gloria (même centrage) ? (pour être raccord avec l'occurrence suivante « Il s'est fait homme » ?)
    Oui. Et je me place dans une perspective franchement humaine, car la Rédemption n'est directement nécessaire que pour les Atani.

  • etelehta : comme tu l'indiques sur Tolkiendil ce mot désigne la délivrance, la libération, et non le salut à strictement parler (qui est une libération particulière, celle du mal) ; j'imagine que rehtië désigne quant à lui davantage le secours que le salut ... resterait le néo-quenya þámë ?
    « Pour notre délivrance » me semble une formulation acceptable, mais pourquoi pas rehtië, en effet ? Je ne souscris pas à þámë, car si je perçois bien les récurrences des différents suffixes en quenya, ce ne serait pas -më qui viendrait ici. Mais je n'ai pas envie de m'aventurer à proposer un néologisme si un terme acceptable existe.

  • nu Pontius Pilatus : gêné par l'importation tel quel de cette tournure qui fait sens en latin ou en français (sous = sous l'ère de ...) mais en quenya ? mais je me rends compte que je n'ai pas d'alternative à proposer ;)
    Pas vraiment de solution idéale non plus. Pour moi, j'entendais plutôt cela comme « sous l'autorité de », sans quoi j'aurais traduit ríssen « aux jours de », ce qui reste malgré tout une option, qu'en penses-tu ?

  • réssë : la voyelle longue ne doit-elle pas se raccourcir devant la double consonne ?
    Pas dans ce cas, apparemment, vu que rénna est attesté (VT 49, p. 45).

  • aranussë : pourquoi l'avoir préféré à aranië par ailleurs employé dans l'Átaremma ?
    J'ai voulu faire la distinction (sans doute vétilleuse) entre le règne et le royaume, mais j'avais oublié que c'était aranië dans le Pater. Je vais changer. :)

  • kuitaila > cuitaila
    C'est un détail orthographique, mais je te donne raison.

  • hastar : cf. supra
    OK.

Bon, ça va faire une grosse mise à jour (et un point à trancher), tout ça...
Merci pour ton attentive relecture, en tout cas. Et merci à Bertrand aussi. :)

E.

P.S. : modifications faites sur tous les points sur lesquels nous nous sommes retrouvés (je ne crois pas en avoir oublié). Reste donc quelques détails à creuser.

Hors ligne

#17 Aujourd'hui 18:59

Yyr
Lieu : Reims
Inscription : 2001
Messages : 3 033
Site Web

Re : Ordinaire de la messe en quenya

Merci pour le retour et les éclairages !

Oui carrément pour ríssen, excellente idée !

Pour fírimar vs. híni peut-être Tolkien aurait-il tout de même souhaité conserver híni (dans le Conte d'Arda tous attendent le salut ; par ailleurs le Conte en entier fait miroir vers notre chute à nous) mais cela aurait commencé à coincer pour « Il s'est fait Homme » : on voit mal « Il s'est fait Enfant (d'Eru) » et il aurait dû se ranger à ton avis ;).

Hors ligne

Pied de page des forums

Propulsé par FluxBB 1.5.10