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Il était déjà probable que ce soit le cas, mais un livre faisant partie d'une vente aux enchères cet automne pourrait peut-être finir par le confirmer : J. R. R. Tolkien a sans doute pu lire au moins une des enquêtes d'Hercule Poirot écrites par Agatha Christie.
Comme je l'ai donc évoqué dans le fuseau de la revue de presse, a été tout récemment mis en vente un bel exemplaire, que j'ai particulièrement remarqué, de la première édition d'un roman portant une mention comme ayant été offert par Edith Tolkien à son mari en décembre 1959, Le Chat et les Pigeons (Cat Among the Pigeons), une enquête d'Hercule Poirot dont je recommande la lecture et qu'Oronzo Cilli pourra (peut-être) désormais faire figurer parmi les romans d'Agatha Christie que J. R. R. Tolkien a probablement lu (jusqu'à maintenant, Cilli n'avait pu référencer que le roman À l'hôtel Bertram [At Bertram's Hotel, 1965], mettant en scène Miss Marple).
Je recommande la lecture du roman, paru en 1959 et traduit en français dès 1960, mais aussi le visionnage de l'adaptation qui en a été proposé en 2008, dans le cadre la fameuse et excellente série télévisée Hercule Poirot (Agatha Christie's Poirot) avec David Suchet dans le rôle du détective (saison 11, épisode 2) : ladite adaptation prend des libertés avec le roman, mais plutôt pour le meilleur à mon sens, car elle fait notamment intelligemment apparaître Poirot dès le début de l'histoire plutôt que seulement dans la dernière partie de l'intrigue, qui se passe dans un pensionnat britannique pour jeunes filles « de bonne famille » nommé Meadowbank.
Pour l'anecdote, cette enquête de Poirot a la particularité de laisser entendre que le célèbre détective belge, qui pourtant partage avec Tolkien un mélange de pruderie victorienne et de piété catholique, serait un connaisseur en matière de genoux féminins :
[...]
‘I did ask,’ said Hercule Poirot, in a thoughtful voice, ‘as to whether anyone had noticed Shaista's knees. Knees are a very good indication of age. The knees of a woman of twenty-three or twenty-four can never really be mistaken for the knees of a girl of fourteen or fifteen. Nobody, alas, had noticed her knees.
[...]’
[...]
» J'ai demandé, poursuivit Hercule Poirot d'une voix pensive, si quelqu'un avait remarqué les genoux de Shaista. Les genoux donnent une très bonne indication de l'âge réel. Ceux d'une femme de vingt-trois ou vingt-quatre ans ne peuvent être confondus avec ceux d'une adolescente de quinze. Malheureusement, personne n'a prêté attention à ses genoux.
[...]
Agatha Christie, Cat Among the Pigeons, 1959, rééd. Londres, HarperCollins Publishers, 2002, chap. 23, p. 312.
Agatha Christie, Le Chat et les Pigeons (Cat Among the Pigeons, 1959), traduction révisée de Jean-Marc Mendel (légèrement modifiée par votre serviteur), Paris, Librairie des Champs-Élysées, 1960, rééd. éditions du Masque, 2011, chap. 23, p. 291.
Il se trouve que dans l'adaptation du roman en téléfilm pour la série, Poirot se renseigne discrètement lui-même sur ce point, par un coup d'œil attentif sous un pupitre, en prétextant de ramasser un objet qu'il a fait tomber par terre, durant l'interrogatoire de la suspecte en question, en jupe longue mais pouvant laisser voir ses genoux en étant assise.
C'est une curiosité amusante, pour qui connait l'univers généralement très policé, voire guindé, celui de la « bonne société » britannique, dans lequel évolue les enquêteurs mis en scène par Agatha Christie.
Peace and Love,
B.
P.S. (23/11/2025, 10h50) : des doutes ont été émis concernant l'authenticité de lots de la vente aux enchères évoquée en préambule et comme je l'ai écrit ailleurs, ce serait dommage, d'un point de vue documentaire (le seul qui m'intéresse), que l'exemplaire du roman Cat Among the Pigeons soit finalement aussi concerné, mais bon... que cela n'empêche pas de parler ici d'Agatha Christie et de son Poirot, le prétexte de cette vente en valant bien un autre.
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J’ai beaucoup lu et relu les romans d’Agatha Christie, surtout quand j’étais jeune. Le Chat et les Pigeons ne fait pas partie de mes préférés et je ne m’en souviens pas très bien, sauf précisément cette histoire de genoux ! A l’époque, cela m’avait laissée perplexe et je ne suis toujours pas convaincue par l’idée que l’observation des genoux serait un bon indicateur de l’âge réel. Mais cela fonctionne plutôt bien sur le plan narratif… C’est ce que j’aime chez Agatha Christie, les indices sont bien visibles mais ne révèlent leurs secrets que convenablement interprétés (je pense par exemple au visage d’une protagoniste qui se fige dans Le Miroir se brisa, ou la petite phrase « Elle n’était pas là !» dans Un meurtre sera commis le…).
Amicalement,
C.
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J’ai beaucoup lu et relu les romans d’Agatha Christie, surtout quand j’étais jeune.
Les livres d'Agatha Christie ont également surtout marqué ma jeunesse à la fin du siècle dernier, entre la fin du collège et la fin du lycée. Dans un de mes cartons de déménagement, j'ai retrouvé le catalogue que les éditions du Masque (maison d'édition attitrée d'Agatha Christie en France) avait diffusé à l'occasion de ses 70 ans (1927-1997) et dans lequel j'avais annoté au crayon, à l'époque, les mentions des livres que je lisais en indiquant l'année.
C'est peu de dire que la série télévisée Hercule Poirot (Agatha Christie's Poirot) avec David Suchet, commencée en 1989 (terminée en 2013) et diffusée en France à partir de 1991 (en particulier sur FR3 puis France 3), m'aura influencé et finalement incité à me plonger dans la source littéraire : au début, je ne m'étais pas rendu compte que ladite série était une adaptation de romans ou nouvelles, et ne pouvant que laborieusement garder trace des histoires vues à la télé (il fallait enregistrer les épisodes sur cassette VHS, à condition évidemment d'avoir un magnétoscope), j'ai été d'autant plus motivé pour me procurer et lire les livres, à partir de 1996 et jusqu'à l'an 2000, avec un fort pic de lectures en 1997, année de mon voyage à Londres dont j'ai déjà parlé ailleurs dans un autre contexte. J'avais commencé par Le Crime de l'Orient-Express, qui n'avait pas alors été encore adapté dans la série télévisée (ce sera le cas lors de la douzième saison en 2010).
Pour avoir une idée plus précise, voici mes lectures d'Agatha Christie (romans et recueils de nouvelles) classées par année :
1996 :
- Le Crime de l'Orient-Express
- La Mystérieuse affaire de Styles
- Le Crime du golf
- Le Train bleu
- La Maison du péril
- Le Couteau sur la nuque
- A.B.C. contre Poirot
- Mort sur le Nil
- Les Enquêtes d'Hercule Poirot
- Drame en trois actes
1997 :
- Les Quatre
- Mrs Mac Ginty est morte
- Meurtre en Mésopotamie
- Le Meurtre de Roger Ackroyd
- Cinq petits cochons
- Les Vacances d'Hercule Poirot
- Un, deux, trois...
- Le Vallon
- Le Flux et le reflux
- Les Indiscrétions d'Hercule Poirot
- Poirot joue le jeu
- Le Chat et les Pigeons
- Le Miroir du mort
- Rendez-vous avec la mort
- Les Travaux d'Hercule
- Les Écuries d'Augias
- Témoin à charge
- Allô ! Hercule Poirot ?
- Une mémoire d'éléphant
- Le Bal de la victoire
- Marple, Poirot, Pyne et les autres
1998 :
- Témoin muet
- Le Retour d'Hercule Poirot
- La Mort dans les nuages
- La Troisième fille
1999 :
- Cartes sur table
- Le Noël d'Hercule Poirot
- Les Pendules
- Poirot quitte la scène
2000 :
- Je ne suis pas coupable
- Pension Vanilos
- La Fête du potiron
Je reconnais que je n'étais pas beaucoup curieux des récits d'Agatha Christie mettant en scène des enquêteurs autres qu'Hercule Poirot. C'est sans doute un des signes de l'influence de la série télévisée, mais c'est aussi une histoire d'identification, au moins partielle. Le personnage de Poirot a beau avoir d'énormes défauts, en particulier son orgueil et son illéisme, mais aussi sa maniaquerie, son hygiénisme, etc., le fait qu'il soit un citoyen belge francophone expatrié en Angleterre, où il subit souvent, fut-ce de manière feutrée, une xénophobie très courante, peut permettre au lectorat non-britannique et a fortiori sans doute s'il est francophone, de se reconnaître au moins sur le principe dans le point de vue d'un personnage incarnant l'altérité de part sa condition d'étranger (initialement réfugié lors de la Première Guerre mondiale), même si, par ailleurs, Poirot de part sa sophistication, sa maîtrise des codes sociaux de « l'élite », s'adapte très bien au milieu très policé qui est celui de la bonne société britannique ayant une importante domesticité à son service, dans un contexte de distinction des classes sociales très marquée.
Le Chat et les Pigeons ne fait pas partie de mes préférés et je ne m’en souviens pas très bien, sauf précisément cette histoire de genoux ! A l’époque, cela m’avait laissée perplexe et je ne suis toujours pas convaincue par l’idée que l’observation des genoux serait un bon indicateur de l’âge réel. Mais cela fonctionne plutôt bien sur le plan narratif….
Je me demande encore si l'on a là un bon indicateur de l'âge véritable d'une femme, Agatha Christie étant la seule romancière que je connaisse y ayant eu recours... mais effectivement, dans le contexte de la narration, cela fonctionne assez bien.
C’est ce que j’aime chez Agatha Christie, les indices sont bien visibles mais ne révèlent leurs secrets que convenablement interprétés (je pense par exemple au visage d’une protagoniste qui se fige dans Le Miroir se brisa, ou la petite phrase « Elle n’était pas là !» dans Un meurtre sera commis le…).
C'est là effectivement ce qui fait une bonne part de la saveur de ce type d'histoire, le roman d'énigme « à l'anglaise », roman-problème, roman de détection ou “detective story”, genre dans lequel excelle Agatha Christie, avec ces « détails » dans le récit qui ne le sont qu'en apparence...
Amicalement,
B.
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hi, hi
je me souviens gamin ,accroupi, genoux croisés, avoir lu les Agatha Christie , dans la bibliothèque paroissiale, tous les jours possibles (mercredi et samedi), je ne saurais dire quelle édition, de mémoire des couvertures orange. J'y découvris aussi Gotlib et bien sûr tout Spirou et autres bd.
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Cher Hyarion,
J’ai lu la plus grande partie des livres que tu mentionnes (aucune date de lecture conservée de mon côté... mais c’était essentiellement au collège). J’ai évité pendant des années de lire Poirot quitte la scène, car je ne pouvais me résoudre à affronter ce qui y est raconté...
J’aimais autant les histoires de Miss Marple que celles de Poirot. Tu devrais peut-être leur donner une deuxième chance… J’étais moins convaincue par les aventures de Tuppence et Tommy Beresford.
J’étais aussi grande amatrice des histoires de Sherlock Holmes. Je crois que c’était aussi ton cas, mais je ne me souviens plus où tu aurais mentionné cela (pas dans ton portait chinois en tout cas, j’ai vérifié ;-)
Amicalement,
C.
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