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#1 20-10-2002 18:16

Laegalad
Lieu : Strasbourg
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Messages : 2 998
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Le lai de Nimrodel

[Édit (Yyr) 2021 : ce fuseau est l'un des nombreux rejetons de l'arbre initial de la traduction des poèmes]

Tadam!!! Enexclusivité sur ce forum... Non, là je m'y crois trop... Voici le Lai de Nimrodel:

The lay of Nimrodel

Le lai de Nimrodel

An Elven-maid there was of old,
A shining star by day:
Her mantle white was hemmed with gold,
Her shoes of silver grey.

Jadis vivait ici une elfe jeune encor,
Etoile brillante à la lumière du jour ;
Sa belle mante blanche était constellée d’or
Et de gris-argenté étaient ses atours

A star was bound upon her brows
A light was on her hair
As sun upon the golden boughs
In Lòrien the fair.

Une étoile blanche était posée sur son front,
Une lumière sur sa chevelure
Comme le soleil d’été sur les rameaux blonds
En la Lòrien aux belles ramures.

Her hair was long, her limbs were white,
And fair she was, and free;
And in the wind she went as light
As leaf of linden-tree.

Sa chevelure était longue, ses bras blancs,
Et belle était-elle, et libre de deuil ;
Et elle allait aussi légère dans le vent
Que va, l’automne, la feuille de tilleul.

Beside the falls of Nimrodel,
By water clear and cool,
Her voice as falling silver fell
Into the shining pool.

Sur la rive des chutes de la Nimrodel,
Aux abords de l’eau frissonnante et claire,
Son chant tombait tel de l’argent des ombelles
Dans le brillant bassin de la rivière.

Where now she wanders, none can tell,
In sunlight or in shade;
For lost of yore was Nimrodel
And in the mountains strayed.

Où erre-t-elle aujourd’hui, nul ne peut dire,
Sous la lumière du jour ou sous les ombres;
Car Nimrodel depuis n’est plus qu’un souvenir
Et dans les montagnes sa trace sombre.

The elven-ship in haven grey
Beneath the mountain-lee
Awaited her for many days
beside the roaring sea.

Le grand navire elfique dans les havres gris
Au vent violent des montagnes exposé
Durant de nombreux jours sur les quais l’attendit
Et l’Océan rugissait à ses côtés.

A wind by night in Northen lands
Arose, and loud it cried,
And drove the ship from elven-stands
Across the streaming tide.

Une nuit un vent des terres froides du nord
Vînt, et de sa voix il hurla fortement
Emportant le navire elfique loin du port
Traversant sans peine le courant puissant.

When dawn came dim the land was lost,
The mountains sinking grey
Beyond the heaving waves that tossed
Their plumes of blinding spray.

Quand l’aube terne vint, la terre s’éloignait,
Les montagnes plongeaient, couleur de brume
Derrière les hautes vagues qui projetaient
Leur jet d’écume aveuglants tels des plumes

Amroth beheld the fading shore
Now low beyond the swell,
And cursed the faithless ship that bore
Him far from Nimrodel.

Amroth entraperçu la côte évanouie
Derrière la houle mince liserai,
Et il maudit le navire perfide qui
Loin de sa belle Nimrodel l’emportait

Of old he was an Elven-king,
A lord of tree and glen,
When golden were boughs in spring
In fair Lothlòrien.

En des temps bien lointains il fut des Elfes un roi,
Un grand seigneur de l’arbre et de la vallée,
Quand au printemps les branches étaient d’or dans les bois
De la belle Lothlòrien enchantée.

From helm the sea they saw him leap,
As arrow from the string,
And dive into the water deep,
As mew upon the wing.

De la barre à la mer ils le virent s’élancer,
Tel la flèche de la corde dans le vent
et dans les profondeurs des eaux grises plonger,
Comme en son vol le goéland.

The wind was in his flowing hair,
The foam about him shone;
Afar they saw him strong and fair
Go riding like a swan.

Le vent soufflait dans ses beaux cheveux longs flottants,
L’écume blanche autour de lui scintillait ;
De loin les marins le virent, beaux et puissant
A la manière d’un cygne il nageait.

But from the West has come no word,
And on the Hither Shore
No tidings Elven-folk have heard
Of Amroth evermore.

Mais de l’Ouest aucun message n’est venu,
Et sur les larges Rivages Extérieurs
Aucuns mots le peuple Elfe n’a entendu
Du Prince Amroth en des temps ultérieurs.

Evidemment , j’ai du prendre quelques libertés par rapport au texte ; outre la forme (alexandrins au lieu d’octosyllabes, alternés avec des vers de 11 pieds au lieu de 6… Je ne suis pas arrivée à  garder la forme originale), j’ai parfois ajouté des mots et changés certains sens (par exemple, strophe 1 vers 4, j’ai remplacé chaussures par atours, beaucoup plus poétique à mon sens et en plus qui rimait).  Bon, cela dit, toute suggestion pour remplacer « Le vent soufflait dans ses beaux longs cheveux flottants », accumulation indigeste d’adjectifs (plus un angliscisme ;-D), sera la bienvenue.  Mais mon cerveau étant pressé comme un citron, il n’a pas pu produire mieux. J’espère ne pas m’être trompée en comptant les pieds sur mes doigts (je n’ai jamais été douée en maths, alors si en plus on rajoute du contorsionisme ;-p).

Suilannad
Laegalad

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#2 26-10-2002 19:54

Moraldandil
Lieu : Paris 18e
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Re : Le lai de Nimrodel

Hum... sans vouloir déprimer personne, il me semble qu’il y a là une faille : les vers choisis sont trop longs par rapport à l’original, qui alterne vers de 6 et 8 syllabes. C’est vrai que se donner plus de place rend la traduction plus confortable, on se sent moins enserré... mais la poésie s’en trouve diluée. Et il arrive un moment, comme ici, où l’on se voit obligé de « remplir », d’empâter en ajoutant des adjectifs notamment... ce qui aboutit parfois à bousculer assez sérieusement le sens du texte. Par ex. l. 10 : « de deuil », qui change vraiment trop la tonalité du début du poème, l. 15 « ombelles », qui me rendent perplexe à cet endroit, bien que j’aie quelque idée de leur provenance ;-) etc.

De plus, le sujet lui même n’est pas sans danger ici ; on ne peut pas dire qu’il soit franchement original... il est même passablement rebattu ! Ce qui expose à tomber dans le cliché : « sa belle Nimrodel » par exemple me semble un peu doucereux.

Je voudrais aussi signaler ceci :

Laegalad a écrit :

strophe 1 vers 4, j’ai remplacé chaussures par atours, beaucoup plus poétique à mon sens et en plus qui rimait

Là, je dis : attention ! « Shoes » est un terme on ne peut plus banal, et la traduction doit respecter le niveau de langue, sans « embellir », sans quoi l’effet d’origine risque de ne pas être restitué. A la limite, on aboutit à une « belle infidèle » à la mode du XVIIIe siècle, soigneusement expurgée de tout ce qui pourrait choquer les convenances du temps...

Maintenant, je soupçonne que c’est plutôt la rime qui posait problème :-) C’est vrai que les rimes sont un pousse-au-crime ; il est tentant de tordre le sens pour en dénicher. D’un autre côté, les supprimer enlève un des caractères essentiels de la musique et de la structure du poème, notamment ici où les rimes croisées viennent renforcer l’effet de l’hétérométrie.

Voici un essai dans une alternance de déca- et d’octosyllabes. Si j’ai moins eu besoin d’« étoffer », je ne me fais pas trop d’illusions : il y reste encore bien des défauts que je viens précisément de citer. Voyez plus haut pour le texte original.

Lai de Nimrodel

Une vierge des Elfes fut jadis
Dans le jour un astre brillant :
Son manteau blanc d’or pâle était garni,
Ses souliers étaient gris-argent.

Une étoile était posée sur son front,
Sa chevelure brillait telle
La lumière du soleil sur les troncs
Dorés de Lórien la belle.

Ses cheveux étaient longs et ses bras blancs,
Elle était belle et libre, et seule,
Vive et légère elle allait dans le vent
Comme la feuille de tilleul.

Au bord des chutes de la Nimrodel,
Auprès des eaux fraîches et claires,
Sa voix d’argent tombait en cascatelles
Dans le brillant bassin de pierre.

Nul ne sait où elle erre maintenant
Sous le soleil ou dans la nuit :
Nimrodel s’égara voilà longtemps,
Dans les montagnes se perdit.

La nef elfique dans le havre gris
De la montagne sous le vent
Pendant des jours patiente l’attendit
Près de l’océan rugissant.

Des terres du Nord, une nuit, un vent
Se leva et hurla sauvage,
Et drossa la nef dans le flot montant,
L’éloignant ainsi du rivage.

Au point du jour la terre était perdue,
Et les monts sombraient dans la brume
Des embruns que les vagues distendues
Lançaient en panaches d’écume.

Amroth vit que la rive s’effaçait
Derrière la houle cruelle,
Et maudit le bateau qui l’emportait
Traîtrement loin de Nimrodel.

Il fut jadis un roi Elfe régnant
Sur arbres et vallées sereines
Lorsque les branches doraient au printemps
Dans la belle Lothlórien.

De la barre on le vit sauter dans l’onde
Comme de la corde la flèche,
Et plonger, s’enfoncer dans l’eau profonde
Comme le goéland en pêche.

Ses cheveux dénoués flottaient au vent,
Les flots brillaient autour de lui ;
On le voyait de loin, beau et puissant,
Un cygne glissant sous la pluie.

Mais de l’Ouest nul message n’est venu,
Et sur ces rivages mortels
D’Amroth aucun Elfe n’a jamais plus
Entendu la moindre nouvelle.

Les écarts par rapport au sens littéral ne manquent pas ; j’ai néanmoins tenté d’en respecter l’esprit. « Seule », qui, je le confesse, a été amené par la rime avec « tilleul », s'ajoute au sens du texte ; il s’appuie toutefois sur une version de l’histoire d’Amroth et Nimrodel dans les Contes et légendes inachevés. Et je ne suis pas du tout satisfait par « cruelle », qui est très conventionnel. Je n’ai malheureusement pas pu trouver de meilleure solution... les propositions sont donc les bienvenues !

Moraldandil

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#3 30-10-2002 19:40

Laegalad
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Re : Le lai de Nimrodel

ET bam, ramasse tes billes Laegalad ;-) Heureusement qu'il en faut beaucoup pour me déprimer ! Tu sais que tu serais presque désespérant des fois? Parce qu'évidemment, ta trado est bien plus coulante et aisée que la mienne... J'aimerais bien trouver de quoi remplacer tes "cruelle" et "seule", mais j'ai bien peur que tu me surpasse de trop loin là-dessus... Bon, la prochaine fois, je m'attaque à un truc tout simple, s'il y en a un.
Ah, l'"ombelle" ! J'ai du chercher où tu voulais en venir: je l'avais trouvée toute seule! Ton travail est remarquable (je suis sincère : tu voudrais pas traduire TOUS les poèmes ? ;-D), mais je n'ai pas un tempérament de plagieuse ;-).
Et, heu... "cascatelle"? Pas courant comme mot... Je ne remets pas en cause ta maîtrise du français poétique ;o), mais c'est la première fois que je le lis.
Suilad
Laegalad
PS : toute ironie transparaissant n'est centrée que sur moi-même... En relisant certains mes post, je me rends compte qu'ils sont parfois un peu mordants, ce qui n'est pas l'objectif... Autrement dit, je ne fais pas de méchante critique ;-,

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#4 31-10-2002 04:28

Vinyamar
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Re : Le lai de Nimrodel

Bon, ben il ne reste plus qu'à imprimer ça dans la même police que le lvire, à couper et à coller à la place de l'original... :-)

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#5 03-11-2002 12:49

Moraldandil
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Re : Le lai de Nimrodel

Merci...

Et... mes excuses aussi ; mon objectif n’est certes pas de décourager quiconque. Je me suis attelé ce lai à plusieurs reprises avant d’obtenir ce résultat.

Pour ce qui est des ombelles... mes excuses encore ! Mais j’étais assez surpris de voir survenir ce mot à cet endroit, alors que rien ne le suggère dans l’original. Comme le lai emploie la même comparaison avec la feuille de tilleul que le chant de Beren et Lúthien, j’ai tout bêtement fait un lien... qui n’avait pas lieu d’être. Reprendre un mot me semble d’ailleurs difficilement constituer un plagiat :-)

Laegalad a écrit :

Et, heu... "cascatelle"? Pas courant comme mot...

Ça n’est pas faux, et c’est une critique pertinente : le style de l’original est plus simple. Et je viens précisément de souligner le danger de l’ « embellissement » stylistique... « Nef » est également critiquable à ce titre... mais je confesse que sa brièveté est bien commode. Je ne pense pas dénaturer par là le ton général, mais c’est vrai que ce point pourrait être amélioré.

En relisant certains mes post, je me rends compte qu'ils sont parfois un peu mordants, ce qui n'est pas l'objectif.

Je n’y avais rien vu de spécialement mordant. La critique peut aussi être une contribution constructive - comme ici - et il serait alors malvenu de s’en formaliser.

Moraldandil

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#6 04-11-2002 19:25

Laegalad
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Re : Le lai de Nimrodel

Moraldandil> J'accepte tes excuses ;-) et je t'explique mon ombelle : en fait, ce qui m'y a fait penser, ce sont les branches des mellyrn, mais à la réflexion, je ne sais plus si les mellyrn se trouvaient en Lorien au temps de Nimrodel. En tout cas, Nimrodel avait pour habitude de demeurer dans les arbres... Fait un amalgame de tout ça, et tu obtiens l'expliquation des ombelles : Nimrodel chantant du haut d'un talan au bord des cascades.
Bon, en ce moment, je lève un peu le pied (partielles se rapprochant à une vitesse dangereuse et encore des dizaines de pages de vocabulaire à apprendre...), mais je ferrais peut-être un essai avec le poème de Bilbo (quand il part de la Comté, repris plus tard par Frodo)... enfin, c'est pour dans quelques temps encore.

Vinyamar> Toi aussi? Mais moi j'ai du y imprimer en tout petit tout petit, parce qu'en français, je n'ai encore que l'édition Pocket avec les affreuses illustrations de Siudmak ;o)
Suilannad la compagnie ;-)
Laegalad

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#7 06-11-2002 21:14

Iarwain
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Re : Le lai de Nimrodel

Moraldandil> je n'aurais qu'une petite correction à faire (sinon, je trouve le reste admirablement rendu), sur l'adverbe "traître[use]ment", à la 9e strophe; mais se pose, alors, un problème de métrique...que je proposerais volontiers de résoudre ainsi (en empruntant un petit quelque chose à Laegalad:-)):

[...]
Et maudit le bateau qui l'emportait,
Perfide, loin de Nimrodel.

Sinon, si j'interviens moins souvent ici ces derniers temps, c'est que je suis en train de me lancer dans une traduction du "lay of Leithian" dans HoME III (au moins le premier "canto" pour commencer- que je voudrais tout de même terminer avant d'en soumettre ma modeste interprétation à la critique des Tolkiendili:-))

Iarwain

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#8 07-11-2002 11:32

Finrod
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Re : Le lai de Nimrodel

Bravo pour vos belles traductions Moraldandil et Laegalad. Bien sûr, on peut toujours discuter du rendu de tel ou tel passage particulier du poème mais traduire en français un poème anglais n'est pas une mince affaire. Pour ma part, je m'en sentirais bien incapable.

Bon courage Iarwain :-)
J'attends avec impatience le résutat de ton travail (on la tient peut-être enfin notre traduction de HoME 3 ! ;-))

Finrod.

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#9 09-11-2002 13:12

Moraldandil
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Re : Le lai de Nimrodel

Iarwain a écrit :

je n'aurais qu'une petite correction à faire (sinon, je trouve le reste admirablement rendu), sur l'adverbe "traître[use]ment", à la 9e strophe

Touché ! :-D

C’est ma foi vrai, « traîtrement » ne se trouve pas dans le dictionnaire. Voilà donc pourquoi le correcteur d’orthographe le refusait obstinément! Ayant consulté mon Petit Robert, j’ai bel et bien constaté que cet adverbe n’y figurait pas… mais "traîtreusement" s’y trouve, formé sur l’adjectif "traîtreux" aujourd’hui sorti de l’usage général (que je me souviens avoir découvert de façon significative chez Robert Merle).

Bref, j’avais procédé sans le savoir à une régularisation analogique. Pas d’une faute contre le système de la langue donc, mais contre une norme, et la question est de savoir si cet écart est acceptable. De mon point de vue, visiblement oui, puisque j’ai produit cette forme spontanément. A vrai dire, la proscrire m’apparaît en valeur absolue comme un purisme mal placé.  Néanmoins, je conçois qu’elle puisse gêner et, plus important, troubler par là l’effet produit. Ta solution est donc largement préférable, d'autant plus que "perfide" correspond de plus près à "faithless" que "traître".

Je te souhaite bon courage pour ta traduction du lai de Leithian… pour une entreprise de cette ampleur, je crois que tu en auras besoin, ne serait-ce que pour le premier chant !

Moraldandil

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#10 15-11-2002 14:43

Iarwain
Inscription : 2002
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Re : Le lai de Nimrodel

Moraldandil a écrit :

Bref, j’avais procédé sans le savoir à une régularisation analogique

Sauf que (si je me souviens bien de mes leçons de grammaire de collège...:-)) en règle générale* les adverbes en -ment se forment d'après le féminin de l'adjectif correspondant: ainsi, bonnement, grandement... et donc **traîtressement, ce qui me semble tout de même moins heureux que traîtreusement, et même que **traîtrement:-)

*mais peut-être y a-t-il des exceptions?

Iarwain

PS: Merci pour vos encouragements:-)

'Tis yet a bolder deed to sail
     Upon a stormy sea,
Or stand against a deadly foe
     With cunning mind and will...

tant pis j'ai osé:-)

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#11 16-11-2002 14:41

Moraldandil
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Re : Le lai de Nimrodel

Mmm... pour rester chez Robert Merle, il y a bien bougre/bougrement.... :-)

Peut-être en est-il ainsi parce que nous avons affaire à des noms employés comme adjectifs ? A creuser (mais pas ici).

Le fait que le mot me soit venu spontanément montre néanmoins qu’il y a certainement eu alignement inconscient sur un modèle de dérivation plus courant.

De toute façon, le problème ne se pose plus si l’on adopte ta solution, à mon avis nettement meilleure.

Moraldandil

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#12 19-03-2005 21:22

Laegalad
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Re : Le lai de Nimrodel

voulu voir ce que je pouvais, maintenant que j’ai pris de la graine, faire de ce très beau poème chanté par le Prince Legolas aux abords de l’eau rafraîchissante de la Nimrodel. J’avais tenté de le traduire à mes débuts (par pitié, n’y redescendez pas), et Moraldandil avait lui aussi fait un essai. J’ai voulu me tester, voir si je faisais mieux, et j’ai fait cette re-re-traduction sans regarder les anciennes re-traductions. Ce regard, je ne l’ai porté qu’à la fin, après avoir peaufiné et relu ma traduction (l’actuelle que je présente maintenant, pour ceux qui n’ont pas suivi :)).

L’original alterne tétramètres et trimètres iambiques : les vers impaires ont quatre pieds (tétramètres), les vers pairs en ont trois (trimètres) ; un iambe est un pied (c'est-à-dire une cellule rythmique) qui alterne accent faible et accent fort. Les rimes sont croisées (ABAB). Dans l’exemple, les pieds sont séparés par le signe « | », les accents forts sont en gras, et les rimes en vert et magenta.

An El | ven-maid | there was | of old,
A shi | ning star | by day:
Her man
| tle white | was hemmed | with gold,
Her shoes | of sil | ver-grey.

Ce qui donne huit syllabes pour les vers impairs, et six pour les pairs. Pas assez de place, donc, pour mettre autant d’idées en français que dans l’original. J’ai donc choisi d’agrandir un peu en alternant décasyllabes et octosyllabes (10 et 8), et j’ai bien entendu gardé le schéma de rimes.

Deux « problèmes » de traduction se sont présentés (du moins, persistent, je pense avoir réglé les autres :)). Le premier fut la traduction de « fair ». Très difficile à traduire en fait : en français, fair signifie « très beau », « magnifique »... ou « blond », mais par la proximité de fair et fairy, le mot se colore d’une idée de « sur-naturel ». Cette proximité n'est pas linguistique, c'est uniquement une association d'idée, qui peut très bien n'être que personnelle ; étymologiquement, fair vient du vieil anglais fæger "beautiful, pleasant," d’une racine germanique *fagraz d’une racine indo-européenne *fag-. ;  fairy vient du vieux français faerie "land of fairies, meeting of fairies, enchantment, magic," de fae "fay," du latin fata (pl.) "the Fates." Voir ce dictionnaire étymologique : http://www.etymonline.com/. Le mot apparaît quatre fois dans le poème : v.8 : In Lórien the fair ; v.10 : And fair she was and free ; v.40 : In fair Lothlórien ; et v.47 : Afar they saw him strong and fair . Deux fois appliqué à un Elfe, deux fois à un lieu. Je ne pense pas que l’utilisation de fair réponde systématiquement à un sens symbolique, puisque Tolkien l’utilise en rime avec hair à chaque fois qu’il a besoin de la rime. Pour le reste, fair est à l’intérieur du vers. Il n’empêche que chaque fois que quelque chose d’elfique et positif doit être décrit, c’est fair qui revient (le navire n’est pas positif, mais faithless, sans foi, perfide, unfair). Je ne suis pas totalement satisfaite de ma traduction de fair, puisque pour des raisons de rimes et de place, j’ai dû employer « enchantée » pour le vers 8, « trèsbelle » pour le vers 10, « enchantée » de nouveau au vers 40 (il s’agit du même lieu), et « beau » au vers 47. Pour bien faire, j’aurais dû employer le même mot à chaque fois.

Le deuxième problème de traduction, c’est The elven-ship in haven grey / Beneath the mountain-lee. J’ai mis du temps à comprendre que mountain-lee désigne le flanc de la montagne abrité du vent (in, under the lee of something : près de quelque chose, protégé du vent par cette chose). Mais « Sous le flanc de la montagne abrité du vent » reste indigeste. Il existe certainement un terme pour désigner un port protégé du vent dominant par une montagne, mais je ne le connais pas ; avis aux marins ou montagnards…

Il n’y avait guère d’autres effets à rendre, si ce n’est le parallélisme v.7-8 // v.39-40 :

As sun upon the golden boughs
   In Lórien the fair
.

When golden were the boughs in spring
   In fair Lothlórien.

Bizarrement, et même si j’avais complètement oublié ma première tentative, je suis retombée sur les « rameaux blonds » de la forêt enchantée.

Les allitérations et assonances sont trop peu nombreuses pour être strictement volontaires, je n’y ai donc pas prêté garde, si ce n’est au troisième quatrain, où le hasard de la traduction a fait que je me retrouvait naturellement avec beaucoup de liquides, ce qui m’arrangeait bien :

Her hair was long, her limbs were white,
And fair she was and free;
And in the wind she went as light
As leaf of linden-tree.

Ses cheveux étaient longs et ses bras blancs,
Et libre était-elle, et très belle ;
Et la feuille de tilleul dans le vent
Allait aussi légère qu’elle.

Song of Nimrodel

Chant de Nimrodel

An Elven-maid there was of old,
A shining star by day:
Her mantle white was hemmed with gold,
Her shoes of silver-grey.

Il fut jadis une Elfe demoiselle,
Etoile brillante en journée :
Portait brodée d’or sa blanche mantelle
Ses chausses de gris argenté.

[5] A star was bound upon her brows,
A light was on her hair
As sun upon the golden boughs
In Lórien the fair.

Une étoile était posée sur son front,
Sur ses cheveux un reflet doré
Comme le soleil sur les rameaux blonds
Dans la Lórien enchantée.

Her hair was long, her limbs were white,
[10] And fair she was and free;
And in the wind she went as light
As leaf of linden-tree.

Ses cheveux étaient longs et ses bras blancs,
Et libre était-elle, et très belle ;
Et la feuille de tilleul dans le vent
Allait aussi légère qu’elle.

Beside the falls of Nimrodel,
By water clear and cool,
[15] Her voice as falling silver fell
Into the shining pool.

Au pied des chutes de la Nimrodel,
Aux abord de l’eau fraîche et claire,
Sa voix d’argent brillait en cascatelles
Dans le bassin de la rivière.

Where now she wanders none can tell,
In sunlight or in shade;
For lost of yore was Nimrodel
[20] And in the mountains strayed.

Nul ne sait où elle erre maintenant,
Dans le soleil ou dans les ombres ;
Nimrodel fut perdue il y a longtemps
Et dans les monts sa trace sombre.

The elven-ship in haven grey
Beneath the mountain-lee
Awaited her for many a day
Beside the roaring sea.

Le navire elfique au havre gris
sous les monts protégés du vent,
Patienta bien des jours, et l’attendit
Près de l’océan rugissant.

[25] A wind by night in Northern lands
Arose, and loud it cried,
And drove the ship from elven-strands
Across the streaming tide.

Un vent vint de nuit des Terres nordiques
Eleva fort sa voix hurlante,
Chassa le navire des grèves elfiques
Au cœur de la marée puissante.

When dawn came dim the land was lost,
[30] The mountains sinking grey
Beyond the heaving waves that tossed
Their plumes of blinding spray.

Quand l’aube vint, les monts gris se perdaient,
La terre sombrait à présent
Loin des vagues hautes qui secouaient
Leurs plumets d’écume aveuglants.

Amroth beheld the fading shore
Now low beyond the swell,
[35] And cursed the faithless ship that bore
Him far from Nimrodel.

Amroth vit que la rive s’effaçait
Bien basse au-delà de la houle,
Et il maudit la nef qui l’emportait,
Perfide, loin de sa Nimrodel.

Of old he was an Elven-king,
A lord of tree and glen,
When golden were the boughs in spring
[40] In fair Lothlórien.

Il était roi elfique auparavant
Un seigneur d’arbre et de vallée
Quand les rameaux étaient blonds au printemps
En Lothlórien enchantée.

From helm to sea they saw him leap,
As arrow from the string,
And dive into the water deep,
As mew upon the wing.

De la barre à la mer il s’élança,
Comme la flèche de la corde,
Et dans les eaux profondes il plongea,
Comme la mouette vire en vol.

[45] The wind was in his flowing hair,
The foam about him shone;
Afar they saw him strong and fair
Go riding like a swan.

Le vent soufflait dans ses cheveux flottants,
L’écume autour de lui brillait ;
Ils le virent au loin, beau et puissant,
Nager comme un cygne, il glissait.

But from the West has come no word,
[50] And on the Hither Shore
No tidings Elven-folk have heard
Of Amroth evermore.

Mais depuis l’Ouest aucun mot n’est venu,
Et de ce côté-ci du Rivage,
Le peuple elfique n’a plus entendu
parler d’Amroth, pas un message.

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