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#1 09-07-2003 12:53

Cedric
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Messages : 5 764
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Une mythologie pour l'Angleterre

Je reprends ici une question intéressante reprise d'une liste de diffusion (Ardalië) que je vous soumets ici :
On le sait, Tolkien a dit vouloir écrire une mythologie pour l'Angleterre. Mainteant que nous avons une vue (presque) globale de son oeuvre, pensez-vous qu'il ait réussi son entreprise ?
On peut d'ailleurs se poser la question de savoir si cela était réaliste (toute proportion gardée, bien entendu).
Quels "ingrédients" devaient-être réunis pour réussir ?

Cédric.

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#2 09-07-2003 16:00

Claire
Inscription : 2003
Messages : 78

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

bonne question...
je sais que cela n'y répond pas mais voici un extrait d'un article que j'ai écrit il y a quelques années. Le passage concerne l'Angleterre.
Ma réponse à ta question est induite dedans, je crois... Mais la discussion reste à venir.

a- Avec le Livre des Contes Perdus: l'Angleterre

Les récits de Tolkien se situent presque toujours dans le Nord-Ouest de la Terre du Milieu, ce qui rend aisé un rapprochement géographique entre le Beleriand archaïque et l'Angleterre. C'est plus que tentant, comme je vais essayer de le démontrer plus loin, mais ça ne l'est véritablement que pour les écrits les plus anciens de Tolkien, ceux des années 1915-1920, principalement réunis dans "Le Livre des Contes Perdus ". Par la suite, dans le Silmarillon (années 1940), la plupart des références ont disparu, et le monde élaboré durant toute une vie a pris son envol, et son existence "séparée". En d'autres termes, le Beleriand ne peut être vu comme une Angleterre parallèle que dans le cadre très restreint des "Book of Lost Tales" originels.

J'étais depuis longtemps chagriné par la pauvreté de mon propre pays bien-aimé: il ne possédait pas d'histoires propres (liées à sa propre langue et à son propre sol), pas de la qualité que je recherchais, et trouvais (comme ingrédient), dans les légendes d'autres pays. Il y en avait de grecques, et de celtes, et de romanes, d'allemandes, scandinaves et finlandaises (qui me touchèrent grandement); mais rien d'anglais, hormis des choses d'une qualité appauvrie de "légendes romancées" populaires

Le marin Eriol, dans les Contes Perdus, parvient sur l'île elfique Tol Eressea au terme d'un long voyage vers l'Ouest, où lui sont racontées les légendes et les histoires d'Elfinesse, qu'il rapportera ensuite chez les hommes. Il semble que ce personnage ait un rôle plus important qu'il n'y paraît: dans l'un des innombrables carnets de Tolkien, intitulé " Histoire de la Vie d'Eriol ", ce personnage est mis en relation directe avec l'un des sujets favoris de l'auteur (en tant que professeur): l'invasion des îles britanniques par Hengest et Horsa au Vè siècle après JC. Tolkien a donné des cours sur ce sujet à l'Université d'Oxford, s'intéressant au conte Beowulf dans lequel apparaît Hengest. Il ressort de cette étude que le personnage d'Eriol aurait des origines britanniques et/ou scandinaves. Or, s'il a navigué depuis sa terre natale comme le récit le sous-entend, et qu'il vient bien d'Angleterre, l'île sur laquelle sont partis les elfes, Tol Eressea, qui s'est littéralement arrachée au monde ancien, cela donne un sens plus qu'intéressant bien que contesté à la géographie de Tolkien: l'Angleterre et les îles britanniques des Jours très Anciens où l'Homme n'était ni seul, ni prépondérant, ni même adulte, serait une Angleterre parallèle à celle connue par Tolkien.

Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre. Une terre à la fois imaginaire et perdue.

Alors Lindo dit: "que narreront les contes ce soir ? Narreront-ils les Grandes Terres, et les demeures des Hommes ; les Valar et Valinor; l'Ouest et ses mystères, l'Est et sa gloire, le Sud et ses contrées sauvages qui n'ont jamais été foulées; le Nord et son pouvoir et sa force; ou bien cette île et son peuple; ou les jours anciens de Kôr où demeura auparavant notre peuple ?"

La Terre du Milieu connue par la trilogie du Seigneur des Anneaux ou par le Silmarillion s'est tout à fait éloignée de cette conception première, et il est impossible, désormais, d'établir un parallèle avec l'Angleterre. D'ailleurs, cette dernière est une île, alors que la Terre du Milieu est un vaste continent. Les îles originelles (in "Book of lost Tales ") ont disparu, sinon dans les légendes que se racontent les personnages, pour laisser place à des terres typiquement continentales, comme la Lorien ou le Mordor pour lesquels nous avons des cartes précises. Elles sont la lointaine histoire, les mythes, les Mondes Perdus des habitants de la Terre du Milieu. Ainsi, il n'y a pas de cartes sérieuses et exploitables de Tol Eressea ou d'Aman, des terres originelles dont parlent les légendes elfiques. Tolkien n'a laissé que des schémas confus et illisibles, parfois même contradictoires.

b- A partir du Silmarillon: l'Europe et l'Afrique du Nord

Pourtant, et cela est confirmé par Tolkien lui-même dans ses lettres, s'il faut établir un parallèle entre son monde imaginaire et le nôtre, il faut laisser de côté l'Angleterre et les îles britanniques pour s'intéresser à l'Europe et à ses environs. La comparaison reste hasardeuse, mais Umbar, sur la carte que l'on a dans le Seigneur des Anneaux, ressemble vraiment beaucoup à la côte africaine, et la mer d'Helcar peut, dans certains passages, évoquer la Méditerranée, bien qu'elle disparaisse dans les récits les plus tardifs (à partir du SDA). Par ailleurs, si j'ai signalé plus haut une forte inspiration d'origine scandinave dans les textes anciens de Tolkien, il n'en est plus de même pour la suite, et notamment au niveau de la sémantique. Alors qu'il fabriquait ses histoires en puisant dans les mythes scandinaves, et ses noms dans l'anglais ancien ou le vieux nordique, il élabore par la suite de véritables langages qui sont de nos jours affaire de spécialistes au même titre que les langues "historiques": ainsi, les langues des Nains et des Numenoréens sont typologiquement des langues de type sémitique, du genre de l'Arabe ou de l'Hébreu, ce qui conforte l'idée Européenne et Africaine de la localisation d'origine.

Par ailleurs, je signale que les plus célèbres de ces langues "inventées", le quenya et le sindarin, langues elfiques, sont typologiquement plus proches du gallois ( ce qui nous ramène à la Grande Marche vers l'Ouest qui aurait amené les Elfes archaïques en Arda..)

c- Ce qu'en a dit Tolkien

A kind of legendary and history of a " forgotten epoch "

L'oeuvre de JRRT, telle que nous la connaissons, est celle de toute une vie. Lorsque l'on se pense sur la multitude d'écrits et autres études parues sur lui et sur son monde, ou à la lecture de son abondante correspondance, on peut être étourdi par les nombreuses incohérences qui apparaissent quant à sa conceptualisation d'Arda. C'est qu'il a écrit, réécrit, réinventé, affiné sans cesse cet univers, et la (les) mythologie(s) qui lui est attachée. Il y a d'énormes écarts en l'Histoire de la Terre du Milieu, relatée dans les années 1915-20, et celle que nous connaissons mieux, des années 1940 et suivantes (le Silmarillon et la trilogie du Seigneur des Anneaux ont bénéficié de cette lente et rigoureuse maturation, mais leur incroyable succès en librairie a aussi contraint l'auteur à se pencher sur des aspects qu'il n'avait peut-être pas consciemment explorés, à l'occasion des nombreuses lettres échangées avec ses admirateurs, des colloques et autres articles de journaux parlant de lui.).

L'engouement d'un public anxieux de se plonger davantage dans ce monde après avoir fermé la dernière page donne ainsi une dimension exceptionnelle supplémentaire à l'oeuvre de Tolkien. Ainsi, cette question des origines et des correspondances de la Terre du Milieu avec l'Angleterre et/ou la Scandinavie trouve plusieurs réponses paradoxales dans le courrier de l'auteur, suivant l'année de leur rédaction, comme si, à l'occasion du problème soulevé, Tolkien y avait réfléchi après coup et fabriqué sur pièce sa propre théorie. Parfois, il l'a admise et même, s'en est expliqué (lettre 211 datée du 14 oct. 1958), mais sur la fin, comme dans la lettre à Charlotte et Christopher Plimmer il affirme, après un exposé un peu compliqué, qu'on pourrait seulement imaginer une origine spirituelle de la Terre du Milieu en Europe du Nord, mais que ce schémas reste pour lui inapplicable, tant géographiquement que spirituellement. Pour ce qui est de la sémantique et de la linguistique, il dit qu'il regrette d'avoir été obligé d'utiliser certaines terminologies d'origine nordique (scandinave et/ou germanique) comme le mot elfe ou orc. Sa propre vision attachée à ces vocables correspondait en réalité à un folklore ancien et traditionnel, souvent sans équivalent en anglais, ou déformé. Pour les Elfes, par exemple, il dit qu'il était conscient - et le regrettait pour la compréhension de son monde tel qu'il l'a pensé - que ce terme (et les images associées) ait été détourné et déformé dans l'imaginaire des gens (des Anglais) par des auteurs tels que Shakespeare.

Pour Tolkien, finalement, la Terre du Milieu n'est pas un monde imaginaire. Il s'en explique dans plusieurs lettres, mais je n'évoquerais ici que celle qu'il écrivit en 1956 :

Le nom (de la Terre du Milieu) est la forme modernisée (apparue au XIII7 s et encore en usage) de " Midden-Erd " ou " Middel-Erd ", un nom ancien pour l'oikoumené, le lieu soumis aux Hommes, objectivement le monde réel, utilisé de façon spécifique en opposition aux mondes imaginaires (comme celui des Fées) ou aux mondes invisibles (comme le Paradis ou l'Enfer). Le théâtre de mon récit est cette terre, celle sur laquelle nous vivons maintenant, mais la période historique est imaginaire.

Lettres, n°183, p239

Ainsi, et il le répète dans une autre lettre, il préfère utiliser notre terre (géographie) dans un temps imaginaire plutôt que d'en créer une physiquement ou de déplacer son récit sur une autre planète. Il souligne d'ailleurs à l'occasion sa défiance face aux fictions se référant aux autres planètes et aux aliens,, bien qu'acceptant un parallèle créatif entre sa motivation et celle des auteurs de SF. Pour Tolkien, il est simplement fascinant de se retrouver dans un lieu familier si celui-ci est sublimé par « l'enchantement de la distance du Temps ».

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#3 09-07-2003 21:58

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Moi aussi je dirai TRES bonnes questions !Tolkien a-t-il réussi à construire une mythologie 1) pour l'Angleterre 2)
Je pense que Claire a ouvert le débat sur la seconde et si j'ai bien compris son propos sa réponse est négative au résultat d'analyses sémantiques ou géographiques.
Du point de vue sociologique il me semble que la question comporte également un réponse négative dans la mesure où la "mythologie" etant la somme ou le produit d'un imaginaire collectif elle ne saurait être construite à rebours pour une nation "réelle".
La première question est de savoir si Tolkien a réussi à construire une mythologie.
Quelques emprunts à Pierre Grimal:

« Les mythes sont essentiellement matière sociale et c'est les dénaturer que de les isoler du groupe humain dans lequel ils sont nés et pour lequel ils sont faits. »

« L'analyse des mythologies est affaire d'ethnologues ET de linguistes »

« Le mythe relève à la fois du langage ET de la science des sociétés »

Dans le monde clos de la Terre du Milieu, le Silmarillion, dans son intégralité, peut constituer une Mythologie pour le SDA. Il serait alors ls somme ou le produit de l'imaginaire collectif édifié par les générations d'humains au cours des premiers äges.
Mais pour savoir si Tolkien a réussi son entreprise, il faudrait extraire des attitudes ou des actions de ses personnages ce qui découle ou justifie les anciens mythes ou retrouver ces derniers dans le tissu social du Gondor, d'Edoras ou de la Comté.

Tolkien n'a eu je crois que très faiblement recours à l'introspection pour ses personnages et l'absence de rites ou de témoignages religieux ne devrait pas nous faciliter la tâche car qui dit Mythologie dit forcément rituels d'adoration ou de prière et fatalement, également, sorcier prêtre ou prêtresse.

Enfin si l'analyse des mythologies est affaire d'ethnologues mais aussi de linguistes( à fortiori de philologues) on peut penser effectivement que Tolkien était "armé".
Mj

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#4 16-07-2003 23:15

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

MJ a écrit :

qui dit Mythologie dit forcément rituels ...

Tiens donc ? Et pourquoi ça ?
La mythologie est d'abord une façon imagée de parler de choses fondamentales pour l'homme. La religion est une de ces choses, et s'inscrit donc fréquemment dans la mythologie, mais ce n'est pas obligatoire.

Certains auteurs catholiques reprochent toutefois à Tolkien une erreur théologique (pourrait-on dire), dont il n'est pas forcément responsable pour son époque, qui est celle de croire que l'on penser la religion ou le divin en dehors de tout culte. Ça n'est pas compatible (même pour une divinité animiste). Tu as donc raison si ce que tu voulais dire est que Tolkien aurait mieux fait d'inclure une vague mention de ces choses.

Pour ce qui est du sujet proprement dit, j'ai apporté une petite contribution dans le fuseau le sens du conte, (répondant non pas à la question a-t-il réussi mais pourquoi l'a-t-il voulu, ne complétant que minimement ce que Claire a déjà écrit (mais je n'ai pas tout lu - au fait, où fut publié cet article ?)

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#5 17-07-2003 14:14

Claire
Inscription : 2003
Messages : 78

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

il se trouve sur le site je pense (c'était aux débuts d'ardalie), mais je ne sais pas s'il est encore
il se trouve dans la revue FAERIES, le no1, puis en version corrigée dans le hors série special tolkien.

la première version (celle d'ardalie) se trouve sur mon site dans la section "tolkien : geographie", mais je crois que les notesn'y sont pas toutes.
http://panieralix.free.fr/

amitiés
claire

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#6 17-07-2003 12:10

ISENGAR
Lieu : Tuckborough près de Chartres
Inscription : 2001
Messages : 4 901

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Vinyamar a écrit :

...Tolkien aurait mieux fait d'inclure une vague mention [du culte]...

Et pourquoi aurait mieux fait ? C'est un point de vue de quelqu'un qui ne conçoit pas sa foi en dehors d'une pratique cultuelle rigoureuse (ou relachée, peu importe), ça.

On peut aussi tout à fait apprécier la conception d'un monde dans lequel un Dieu est présent, une mythologie élaborée, mais aucun culte contraignant imposé.
C'est à mon avis un des facteurs de la beauté du monde de Tolkien : Dieu est présent, mais il n'oblige personne à rien.

I. (qui s'est éloigné du sujet... sorry)

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#7 17-07-2003 13:47

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Isengar, je me disais bien que je prenais un risque en écrivant une chose pareille, mais en plus je l'ai mal explicité.

je susi très content moi aussi qu'il n'y ai pas de référence à aucun culte (disons plutôt que je m'en fiche, ça n'aurait rien apporté (ni enlevé) à l'oeuvre).

Ce que je voulais dire, et connaissant les questionnements de MJ sur d'autres fuseaux, c'est que d'un point de vue théologique, Tolkien s'est planté (selon les experts) sur ce sujet (c'est dommage que je ne me souvienne plus où j'ai lu cela). Il aurait dû (pour une plus grande justesse théologique) faire mention de culte quelconque (il ne s'agit pas de concevoir une "foi en dehors de pratique cultuelle rigoureuse, je n'ai jamais parlé (en l’occurrence les auteurs de ce que j'ai lu) de rigueur, ni de culte codifiés, mais d'une pratique, traduisons d'un acte religieux).
Je ne parle pas de ma lecture de son oeuvre, faisant la leçon à Tolkien !

Mais pour Mj, qui "reproche" à Tolkien (ailleurs) sa prétention à une oeuvre catholique tandis qu'il a en gommé toute référence, je répond qu'en effet, cette minime erreur théologique entraîne aujourd'hui bien des discussions (à voir les nombre de message sur les rapports entre l'oeuvre et la foi présents dans ce forum).

Bon, si ce que dis est encore embrouillé, oubliez-le, et reprenons sur la mythologie (on a déjà assez de sujets traitant de la foi pour ne pas recommencer une bataille rangée ici).

Pour répondre à la question de Cédric :

Maintenant que nous avons une vue (presque) globale de son oeuvre, pensez-vous qu'il ait réussi son entreprise ?
On peut d'ailleurs se poser la question de savoir si cela était réaliste

les lettres que j'ai citées dans le fuseau auquel je renvoie montrent que Tolkien lui-même avait eu conscience de l'aspect prétentieux d'un tel projet, et l'avait abandonné... tout en étant heureux de voir que certains lecteurs avaient perçue cette dimension dans son oeuvre.

Non, il n'a pas réussi son entreprise (pas encore) car dans son projet, il fallait que d'autres que lui se mettent à sub-créer dans son monde: musique, peinture, écriture.
Pourtant, on compose effectivement des musiques sur ce monde, on peint des peintures... mais il n'y a pas de véritable reprise (pour des question de droits d'auteur), même si on ne compte plus les imitations ou les légendes écrites dans un univers tout à fait semblable.
Ces points là ont bien été réalisés, et pourtant la terre du milieu n'est pas devenue une mythologie pour l'Angleterre (mais les hobbits, un peu). Je crois d'abord qu'aujourd'hui on a trop de méfiance envers la mythologie pour que cela prenne (on ne l'étudie ou on ne la visite que comme des touristes, mais personne ne décide de s'y plonger pour trouver des réponses à ses questions métaphysiques, ce qui est le but de la mythologie.

Était-ce réaliste ?... pas en 100 ans en tout cas. Peut-être dans 300 ans ? et si on oublie son auteur.

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#8 17-07-2003 19:46

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Nous pouvons donc écarté la mythologie pour l’Angleterre ?
Reste l’autre partie de la question : Tolkien a-t-il réussi à construire une mythologie ?
Vinyamar n’est pas d’accord sur le fait qu’une mythologie implique forcément des rituels d’adoration ou de prière, des sorciers ou des prêtres. « la Mythologie est pour l’homme une façon de parler des choses fondamentales »
Nous ne partageons pas la même conception de la mythologie il ne s’agit pas pour moi  que  de »parler » de choses fondamentales :1) l’homme n’a jamais accepté sa condition et n’a cessé de vouloir expliquer la finalité de son existence et son devenir 2)confronté aux forces de la Nature il a tenté de se les concilier ou de les conjurer 3) de la vie en communauté s’est imposée la nécessité d’établir des règles de vie « sociales » contraignantes.
Voilà pour moi (ce que j’ai appris !) l’origine des croyances dont la mythologie est un système évolué.
Pour établir un lien entre lui et l’inexplicable et justifier les contraintes l’Homme s’est désigné des intercesseurs et des juges (les sorciers les prêtres les druides ) qui exerçaient leurs talents en des lieux sacralisés (autels sanctuaires palais ou simples lieux consacrés) à des moments précis (calendriers) selon un ordonnancement  préétabli (rites, cérémonies)
C’est pourquoi, je crois, il ne peut y avoir de Mythologie sans  prêtres, sans autels, sans rites.
Les origines de la mythologie ne sont ni ludiques ni volonté artistique, elles sont sociales et elle implique un tissu, un support pour contraindre, penser et perpétuer. Elle détermine la vie sociale d’un peuple dont elle est issue et son système de pensée.

Je pensais que la démonstration dans le Conte d’Arda n’était pas évidente mais je n’ai  pas dit que pour moi tout ce qui précède n’était pas rassemblé . Il restait à en trouver les traces, à les extraire ou même à les déduire.
Ce qui me semblait irréalisable en ce qui me concerne car je ne connais pas suffisamment l’Oeuvre globale, me paraissait aisé pour les experts de ce forum !
L’absence de références religieuses manifestes s’adresse essentiellement à la religion catholique (….je suis d’accord : exclusivement pour les non-croyants !!! ) ,mais Tolkien ne peut avoir édifié le Silmarillion « gratuitement » pour ne bâtir qu’un catalogue de Divinités au pouvoirs divers et aléatoires.
S’il n’y a dans le SDA ni temples, ni oratoires, ni clochers, il existe des lieux sacrés. Le rôle des mages ne suggère-t-il pas le « druide » concentrant les savoirs et la connaissance jusqu’à la prééminence sur les »rois » N’avons-nous pas aussi la vénération des arbres exceptionnels comme l’ »Arbre Blanc » ou ordinaires mais protégés par les « Ents », les graines donnés à Sam par Galadriel,  etc…..
Il me semble qu’une multitude d’autres faits ou  symboles existent (que je ne connais pas) et figurent déjà dans les archives du forum.
A mon avis, Tolkien aura réussi son œuvre mythologique pour la TDM si les actes ou agissements des humains aussi bien Aragorn et Faramir que Boromir ou Denethor trouvent leur fondements dans les aventures de Fëanor , de Beren et de Turin (hommes et elfes) et leurs relations avec les Valar , les puissances lointaine et même Iluvatar.
Je ne connais pas assez l’œuvre, je n’ai même pas fini le Silmarillion, mais j’en ai « l ‘intime conviction ». Reste à prouver ! Une autre grille de lecture pour le SDA !
Puis de là à imaginer que cette légende s’intègre à notre « mythologie » comme elle a déjà envahi notre imaginaire, je suis d’accord avec Vinyamar (une fois n’est pas coutume !!!) si tous ceux qui apprécient le Conte d’Arda participent à sa construction en se l’appropriant !!!!!
Mj

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#9 17-07-2003 20:13

ISENGAR
Lieu : Tuckborough près de Chartres
Inscription : 2001
Messages : 4 901

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Vinyamar a écrit :

Bon, si ce que dis est encore embrouillé, oubliez-le...

Ne t'en fais pas, cette fois c'est plus clair. Je me sens moins perturbé et je vais pouvoir dormir sur mes deux oreilles ;o)

MJ a écrit :

Dans le monde clos de la Terre du Milieu, le Silmarillion, dans son intégralité, peut constituer une Mythologie pour le SDA.

A mon avis, Tolkien aura réussi son œuvre mythologique pour la TDM si les actes ou agissements des humains aussi bien Aragorn et Faramir que Boromir ou Denethor trouvent leur fondements dans les aventures de Fëanor , de Beren et de Turin (hommes et elfes) et leurs relations avec les Valar , les puissances lointaine et même Iluvatar.

Si je te résume, MJ, on peut alors lire la mythologie chez Tolkien de deux façons :
- soit au niveau interne : une mythologie pour les habitants de la Terre du Milieu  (mission qui semble tout à fait accomplie par Tolkien)
- soit au niveau externe : Une mythologie pour l'Angleterre et reconnue en tant que mythologie par nos contemporains (en cours d'accomplissement grâce à l'engouement des admirateurs de Tolkien pour son oeuvre)
Me trompé-je ? ou ai-je bien tourné ce que tu voulais dire ?

I.

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#10 18-07-2003 00:12

Vinyamar
Inscription : 2001
Messages : 1 813

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Mj, tu confond décidémment religion ou culte avec mythologie.
Quand nous parons de mythologie romaine, nosu ne parlosn mas nécessairement de culte romain.
Le culte peut s'appuyer sur la mythologie (qu'il peut forger aussi à sa convenance), mais ne résume pas la mythologie.

Je vais prendre l'exemple du mythe de Sisyphe (j'aurais voulu parler aussi de la différence entre mythe et mythologie, mais je n'ai plus mes sources, mais si Cathy met son museau par ici, on aura ça expliqué vite fait).

Le mythe se Sisyphe parle de cet homme (bon, un Titan, mais on s'en moque) condamné à monter au sommet d'une montagne une pierre qui toujours, avant le sommet, inélucatblement, glissera et retombera au pied de la colline. Et Sisyphe recommencera toujours et encore à la monter. C'est un supplice (car il est coupable d'avoir voulu tuer Zeus avec ses frères, si j'ai bonne mémoire).
Il n'y a jamais eu aucun culte à la pierre ou à sisyphe, et c'est pourquoi je prend cet exemple, qui fait bien partie de la mythologie grecque (ah oui tiens, c'est pas romain).
Ce mythe parle de l'état absurde de la vie de l'homme, état pénible et qui recommence toujours par sa fécondité. Il se reproduit encore et encore, et l'homme est condamné à une vie dure et pénible, qui ne le fera aboutir à rien... et pourtant cela ne cesse jamais.
Voilà ce que dit ce mythe, et c'est là ce que j'apelle les questions fondamentales (existentialistes) de l'homme. Le mythe le met en image, et parfois cherche des réponses (notamment dans les panthéons grecs et nordiques avec des dieux mauvais qui soit ont puni l'homme, soit se jouent de lui) , parfois se cnotente d'avertir l'homme de son destin, ou de ce qui arrive à une société si elle prend tel chemin (on peut ainsi parler du mythe de Babel). Le fait que le mythe ait été une histoire vraie est totalement sans importance. S'il l'a été, on ne l'utilise pas moins pour le même but que s'il ne l'a pas été.

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#11 18-07-2003 14:14

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Isengar: Tu as fort bien compris mon idée mais j’ai été un peu trop enthousiaste dans ma conclusion.
Donc oui au niveau interne, avec le Silmarillion comme mythologie pour la TDM sous réserve de le démontrer par ses prolongements dans le SDA.

Au niveau externe : «  une mythologie pour l’Angleterre »  Non : Tolkien  l’a lui-même déclaré  car certainement conscient  de ce qu’on ne peut construire une mythologie pour un peuple.

« Une mythologie susceptible d’être reconnue par nos contemporains (en cours d’accomplissement grâce à l’engouement des admirateurs de Tolkien pour son œuvre) » : oui et non bien que j’aie effectivement exprimé cette idée dans mon grand bonheur d’être d’accord avec Vinyamar :

Non pour les raisons que j’ai invoqué à propos de l’Angleterre. Mais… en tant que légende !

Ce qu’il a fait comme unique subcréateur  c’est la création de ce monde légendaire  qui s’intègre parfaitement dans l’imaginaire de nos contemporains quand ils adhérent au Conte d'Arda et pour lesquels il peut devenir un élément commun de leur culture d’où qu’ils soient issus en comblant vraisemblablement une carence en merveilleux .

Faut-il sous estimer la légende par rapport à la mythologie ? les deux sont des (faits ?) de sociéte dans des registres différents et souvent les termes se confondent par l’oubli des fondements de la seconde.
Et s’il paraît déraisonnable d’attribuer à Tolkien une nouvelle Iliade il ne me semble pas choquant de voir en Aragorn un nouvel Arthur ! ou dans Gandalf un nouveau Merlin !

Si donc on accepte d’étendre à Sa Légende les effets sur nos esprits d’une mythologie  on pourra admettre qu’il a réussi son entreprise et qu’il appartient comme il le souhaitait aux artistes et aux écrivains de compléter  son œuvre (ce qui s’est déjà bien en cours de réalisation)
Bon je ne suis pas si éloignée de Vinyamar !
Mj

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#12 18-07-2003 14:31

Mj du Gondor
Inscription : 2003
Messages : 574

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Désolé Vinyamar je n'avais pas lu ton message, il faut dire que celui faussement innocent d'Isengar m'a posé pas mal de problèmes!!
Donc pour en venir à Sisyphe je te rapelle que Camus ne m'est pas inconnu d'une part et d'autre part si on ne trouve pas d'autel à Sisyphe il n'en demeure pas moins que celui qui l'avait condamné était amplement honoré !!!! Tu parles là du mythe et moi de la mythologie!La mythologie étant un ensemble de mythes!
Mj

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#13 18-07-2003 02:05

Silmo
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Messages : 4 017

Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Vin' a écrit :

Le mythe se Sisyphe parle de cet homme (bon, un Titan, mais on s'en moque) condamné à monter au sommet d'une montagne une pierre qui toujours, avant le sommet, inéluctablement, glissera et retombera au pied de la colline. Et Sisyphe recommencera toujours et encore à la monter. C'est un supplice (car il est coupable d'avoir voulu tuer Zeus avec ses frères, si j'ai bonne mémoire).

En fait, Sisyphe (titan du Soleil, fondateur de Corinthe et papa d'Ulysse) n'a pas voulu tuer Zeus mais l'a dénoncé auprès d'Asope, le père d'une belle jeune fille envers laquelle le roi de l'Olympe aurait bien voulu manifester quelque concupiscence.... Condamné à aller aux enfers, Sisyphe y fut emmené par la mort (Thanatos) mais il l'enchaîna et s'enfuit à l'air libre (il tenait à la vie le bougre)... Du coup, la mort étant prisonnière, plus personne ne mourrait sur Terre, et là, ça a vraiment fâché les Dieux qui ont renvoyé Sisyphe illico chez le père Hadès... mais le rusé Titan(dont le nom pourrait, selon Robert Grave dériver de Se-Sophos : "le Très Sage") embobina Perséphone en expliquant qu'il n'avait pas eu de sépulture et qu'il fallait qu'il remonte à la surface pour s'en occuper. Les dieux, abusés, une fois de plus, se fâchèrent tout rouge et lui imposèrent le supplice que tu décris, qui pour le Titan du Soleil, pourrait simplement représenter le calendrier des saisons (le Soleil qui va vers son Zénith au solstice et redescend ensuite...).

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#14 18-07-2003 16:07

Claire
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

tiens... je croyais qu'il avait été condamné parce qu'il avait dévoilé le secret du feu (connaissance) aux Hommes ? je dois confondre...

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#15 18-07-2003 16:14

Silmo
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Non chère Claire, le voleur de feu, c'est Prométhée (ce pauvre homme dont tous les efforts pour juguler les maux de la Terre furent réduits à néant par la curiosité de Pandore).. La punition de Prométhée fut d'être enchaîné au sommet du Caucase, où un aigle lui dévorait le foie, qui repoussait sans cesse... (Prométhée / Hurin???)

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#16 18-07-2003 16:18

Vinchmor
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Silmo, tu veux plutôt dire je suppose, "ce pauvre Titan" ;-) Personnellement, j'avais plutôt fait un rapprochement Prométhée/Maedhros. Mais je plombe le fuseau là, excusez-moi, je me retire sur la pointe des pieds...

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#17 18-07-2003 16:29

Silmo
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Disons "fils de Titan" (le Titan Japet) si nous voulons être tout à fait précis :-)))
...et Prométhée/Maedhros.. oui, bien sûr, ça marche aussi ;-)

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#18 18-07-2003 17:00

Silmo
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

... Et j'allais oublier... histoire de tisser un lien (plutôt tenu, c'est vrai) avec l'Oeuvre qui nous intéresse ici... D'après la légende, lorsque Prométhée fut libéré de son supplice par Heraklès (qui passait par là en allant cueillir des pommes), il ne voulut pas prendre le risque d'offenser son bourreau Zeus.... c'est pourquoi, il fit fondre une partie de ses chaînes pour forger un ANNEAU sur lequel il sertit un morceau de pierre de la montagne sur laquelle il avait été emprisonné.... Ainsi fut créé le tout premier Anneau avec chaton de l'histoire de l'humanité, ce qui permit à Prométhée d'être libre tout en restant attaché en permanence au Caucase comme l'avait décidé Zeus...

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#19 18-07-2003 17:54

Claire
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

OUI  !
suis je bête !
je sentais bien que je confondais...

là j'ai très très honte...

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#20 20-07-2003 23:45

Ylla
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Peut-on dire qu'avec le Silmarillon Tolkien ait réussi à donner une mythologie à l'Angleterre ? Je répondrais cyniquement que dans notre monde obsédé par l'économie, la collectivité n'a aucune chance de s'approprier les légendes de Tolkien, sous peine de spolier de ses droits notre ami Christopher... et qu'avec la prolifération des sagas-univers dont beaucoup visent, en même temps qu'à recréer un passé mythique, à faire le beurre de grosses maisons d'éditions (je ne m'en prends qu'aux oeuvres les plus commerciales, notez bien), il devrait être difficile, même à supposer qu'on fasse l'impasse sur les droits d'auteur, de choisir le Silmarillon et le Seigneur des Anneaux comme la seule mythologie, de leur faire acquérir une place à part qui n'aurait vraiment rien à voir avec la fantasy lucrative... D'ailleurs, de mythologie, notre civilisation moderne en a déjà une, les mythes rattachés à la progression de la science et de la "raison" (les guillemets, c'est parce que je suis on ne peut plus sceptique) : on peut les considérer comme des mythes, bien que ce ne soient pas des histoires inventées. Aujourd'hui où un nombre croissant de gens admettent que les chiffres constituent l'ultime réalité métaphysique, les récits de Tolkien auraient déjà pour s'imposer à supplanter le "culte" (je sais que ce n'est pas un culte au sens propre mais bon) de la science. Je ne crois pas qu'on puisse remplacer une mythologie par une autre simplement parce qu'on l'a suggéré. Quand bien même la Terre du Milieu se taillerait dans l'imaginaire collective une place suffisante pour qu'on cesse de la considérer comme le domaine de chasse gardée de la famille Tolkien, je ne sais pas si elle pourrait acquérir le status de mythologie. Il faudrait une révolution des croyances et des mentalités trop considérable. Cela dit, sur le long terme...??

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#21 28-02-2004 13:26

Moraldandil
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Je remonte cet ancien fuseau qui commença sur cette formule de Cédric : " Tolkien a dit vouloir écrire une mythologie pour l'Angleterre. " Justement... est-ce aussi sûr ?

J’ai été frappé par le commentaire de Michael Devaux à ce sujet le 31 janvier dernier lors de la série de conférences sur Tolkien à la Bibliothèque Nationale de France. Il s’est montré très réticent vis à vis de l’expression « mythologie pour l’Angleterre » et fait remarquer qu’elle est fort peu attestée sous la plume de Tolkien lui-même. Bien entendu, on pense tout de suite à la lettre n° 131 à Milton Waldman qui sert de préface à la seconde édition du Silmarillion ; j’en extrais le passage pertinent (désolé, c’est un peu long) :

But an equally basic passion of mine ab initio was for myth (not allegory!) and for fairy-story, and above all for heroic legend on the brink of fairy-tale and history, of which there is far too little in the world (accessible to me) for my appetite. I was an undergraduate before thought and experience revealed to me that these were not divergent interests – opposite poles of science and romance – but integrally related. I am not 'learned' in the matters of myth and fairy-story, however, for in such things (as far as known to me) I have always been seeking material, things of a certain tone and air, and not simple knowledge. Also – and here I hope I shall not sound absurd – I was from early days grieved by the poverty of my own beloved country: it had no stories of its own (bound up with its tongue and soil), not of the quality that I sought, and found (as an ingredient) in legends of other lands. There was Greek, and Celtic, and Romance, Germanic, Scandinavian, and Finnish (which greatly affected me); but nothing English, save impoverished chap-book stuff. Of course there was and is all the Arthurian world, but powerful as it is, it is imperfectly naturalized, associated with the soil of Britain but not with English; and does not replace what I felt to be missing. For one thing its 'faerie' is too lavish, and fantastical, incoherent and repetitive. For another and more important thing: it is involved in, and explicitly contains the Christian religion.

For reasons which I will not elaborate, that seems to me fatal. Myth and fairy-story must, as all art, reflect and contain in solution elements of moral and religious truth (or error), but not explicit, not in the known form of the primary 'real' world. (I am speaking, of course, of our present situation, not of ancient pagan, pre-Christian days. And I will not repeat what I tried to say in my essay, which you read.)

Do not laugh! But once upon a time (my crest has long since fallen) I had a mind to make a body of more or less connected legend, ranging from the large and cosmogonic, to the level of romantic fairy-story-the larger founded on the lesser in contact with the earth, the lesser drawing splendour from the vast backcloths – which I could dedicate simply to: to England; to my country. It should possess the tone and quality that I desired, somewhat cool and clear, be redolent of our 'air' (the clime and soil of the North West, meaning Britain and the hither parts of Europe: not Italy or the Aegean, still less the East), and, while possessing (if I could achieve it) the fair elusive beauty that some call Celtic (though it is rarely found in genuine ancient Celtic things), it should be 'high', purged of the gross, and fit for the more adult mind of a land long now steeped in poetry. I would draw some of the great tales in fullness, and leave many only placed in the scheme, and sketched. The cycles should be linked to a majestic whole, and yet leave scope for other minds and hands, wielding paint and music and drama. Absurd.

Of course, such an overweening purpose did not develop all at once. The mere stories were the thing. They arose in my mind as 'given' things, and as they came, separately, so too the links grew. An absorbing, though continually interrupted labour (especially since, even apart from the necessities of life, the mind would wing to the other pole and spend itself on the linguistics): yet always I had the sense of recording what was already 'there', somewhere: not of 'inventing'.

Certes, on peut lire là la volonté de donner une mythologie à l’Angleterre, mais ce serait passer un peu vite sur le « absurd » et le « my crest has long since fallen ». Certes, il peut bien y avoir de la fausse modestie là-dedans, une manière de captatio benevolentiae qui vise à faire avaler au destinataire (à ce moment un éditeur possible, ce n’est pas anodin) l’audace folle du projet. Cependant, cela montre que si Tolkien avait peut-être bien eu antérieurement un véritable projet de création d’une mythologie, il avait alors pris quelque distance.

Il me semble que nous devrions creuser davantage la distinction entre mythologie et légendaire. Car ce second terme est également fréquemment employé pour qualifier l’œuvre de Tolkien, et il se peut qu’il convienne mieux. Il faut cependant bien admettre que dans ses Lettres, le terme de « mythology » est beaucoup plus fréquent que « legendarium ».

Nous avons donc d’une part la mythologie comme ensemble plus ou moins organisé de mythes propres à une tradition donnée, d’autre part le légendaire comme recueil de légendes entre-reliées, ce qui amène naturellement à rechercher la différence entre le mythe et la légende. Les deux sont des récits fabuleux propres à une tradition où interviennent des personnages d’échelon surhumain - soit par nature, soit par les actes - et sont relatés des hauts faits.

On pourrait envisager une différence d'inclination. Le mythe tend vers le symbolique, les personnages y incarnent souvent des aspects de la nature ou de la condition humaine. Par là il peut tendre vers l'allégorie (comme du mythe de la caverne de Platon par exemple). Les personnages du conte et de la légende sont souvent plus proches de nous, plus humains. Mais hommes et personnages non humains interviennent tant dans le mythe que dans le conte ou la légende, cette piste n'est donc guère fructueuse.

Alors que je discutais récemment avec Yyr là-dessus, il a évoqué une différence qui m'apparaît beaucoup plus fructueuse, et concerne la destination du mythe d'une part, des contes et légendes d'autre part. Le mythe a souvent un aspect religieux ou au moins explicatif, il est en tout cas conçu comme une vision de notre monde : en termes tolkieniens il est destiné au monde primaire. Le conte et la légende, au contraire, existent avant tout pour eux-mêmes, leur valeur dépend d'abord de celle de leur narration et de leur construction ; ils sont à apprécier à l'intérieur de leurs mondes secondaires respectifs. Un mythe réclamerait qu'on y ait foi, alors que le conte et la légende réclament la créance secondaire.

(Bien entendu, cette optique n'empêche pas qu'une mythologie à laquelle il n'est plus prêté foi puisse être en quelque sorte "reconvertie" en légendaire. C'est d'ailleurs ainsi que nous pouvons être sensibles aux mythologies grecque, scandinave, etc. de nos jours.)

Dans cette analyse, l'œuvre de Tolkien serait mieux décrite par le terme de légendaire que de mythologie. Selon son auteur même, elle est construite avant tout pour elle-même, pour le plaisir de conter une longue histoire, et point comme allégorie - il s'est assez souvent récrié là-dessus. Et s'il a lui-même plutôt employé "mythology", on peu y voir un abus de langage lié à la proximité sémantique des deux termes. Peut-être est-ce simplement dû à l'usage plus courant de "mythologie" que de "légendaire" (en est-il de même en anglais, cela dit ?), faisant que le premier terme devait être plus parlant à ses destinataires.

Bon, tout cela n'est vraiment qu'un fatras bien brouillon. D'autres idées ou développements ?

B.

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#22 29-02-2004 23:07

romaine
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Juste une petite remarque sur la "destination" du mythe et du conte et leur répartition monde primaire monde secondaire...Il me semble que parfois, la différence n'est pas aussi tranchée.

S'il y a des morales aux fables, ne serait ce que celles de La Fontaine, c'est que l'histoire (monde secondaire) préconise un comportement à avoir dans le monde primaire.

Et dans le conte de fées "normal", entendre Perrault Grimm, etc pour les enfants, il y a également parfois une conduite qui est mise en valeur et l'enfant comprend qu'il est préférable de l'adopter dans le monde primaire. (Si tu es pas gentil avec les vieilles dames, spécialement si elles sont à côté d'un puits, tu te retrouveras couvert de poix et tu cracheras des crapauds...:o))) )

La frontière ne me semble donc pas étanche...

Par contre, l'aspect religieux me semble très important pour définir une mythologie, il faut un ou des dieux, et surtout que des gens y croient ou y aient cru: Je crois qu'on appelle encore les légendes grecques mythologie, bien que personne n'y croie plus mais au delà du nom peut être as tu raison de faire la distinction, je ne sais pas.

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#23 02-03-2004 15:15

Moraldandil
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Tu as tout à fait raison, Romaine. Il est manifeste qu'il y a porosité entre les deux domaines - illustrée par l'enchevêtrement sémantique des termes que nous employons - c'est pourquoi j'avais évoqué plus haut une différence d' inclination. Au-delà des mots, il me semble bien pourtant percevoir une différence entre deux approches du récit fabuleux ou merveilleux. Peut-être n'ai-je pas trop bien formulé mon propos.

Je crois que nous disons la même chose en termes différents lorsque tu insistes sur l'aspect religieux attaché au mythe. Cela se rapproche de ma proposition précédente : "un mythe réclamerait qu'on y ait foi, alors que le conte et la légende réclament la créance secondaire". Au contraire, nous n'avons pas besoin de croire à la réalité objective des personnages d'un conte pour qu'il fonctionne.

Les morales que tu cites sont l'exemple même de l'applicabilité du conte, et s'il valent bien dans le monde secondaire du conte, de la fable, elles sont bien sûr à transposer dans notre monde primaire. Ce sont des illustrations. Mais je n'y vois pas là même chose que dans, par exemple, le mythe de la boîte de Pandore qui vise à expliquer l'origine des fléaux qui frappent l'humanité.

Les mots sont trompeurs et me semblent plus embrouiller qu'éclaircir notre domaine et cette différence que j'évoque. Est-il fait un usage plus précis des termes "mythe" et "légende" en critique littéraire ?

Beaucoup de débroussaillage à faire, là-dedans...

B.

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#24 02-08-2004 17:02

Lambertine
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Hum... hum... oserai-je ?

La mythologie est-elle donc vraiment aussi différente de la légende ? je veux dire, pour en revenur à ce que disait Bertrand, "un mythe réclame qu'on y ait foi, alors que la légende se réclame de la créance secondaire". Pouvons-nous réellement dire que les mythes ne participent pas eux aussi de cette créance secondaire, du moins pour nous, aujourd'hui ? Quelle est la différence fondamentale de notre créance en l'Odyssée par rapport à celle en la légende Arthurienne ? A mes yeux, aucune. Ulysse comme Arthur font partie des "histoires" fondatrice de notre civilisation, de notre "imaginaire collectif". Non seulement, il ne me semble pas que nous ayons été plus influencés par l'un que par l'autre, mais il me semble aussi que l'aspect "moral" et "religieux" est loin d'être absent des légendes.

Pour en revenir à Tolkien, a-t-il fondé une "mythologie" (pour l'Angle terre ou autres ? ). A vrai dire je n'en sais rien. mais il me semble que son "légendaire" commence lui aussi à faire partie de l'imaginaire collectif (des pays anglo-saxon - on en est loin dans la francophonie). Et je serais moins pessimiste qu'Ylla quant à notre monde "obsédé par l'économie". Il m'a l'air, ce monde, tout aussi obsédé par la recherche de "sens". Et, que Christopher Tolkien le désire ou non (il n'est d'ailleurs pas dit que ce soit ce "non" qui l'emporte), ou que les maisons d'éditions veuillent "surfer sur la vague" (ce n'est d'ailleurs pas parce que les maisons d'édition veulent avant tout faire du fric que c'est le cas des auteurs qui s'inspirent du légendaire. Ils peuvent tout simplement être REELLEMENT inspirés par ce monde ou ses déclinaisons, à l'instar des novellistes JRRVFiens.) Pour moi, le fait que l'on retrouve des inspirations tolkienniennes dans pas mal de livres, de films, de jeux, est justement le signe que le légendaire est passé dans l'imaginaire collectif, et que, quelque part, cette "mythologie" est en passe d'en devenir une.

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#25 03-08-2004 15:10

vincent
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

peut-être que la distinction entre mythe et mythe littéraire pourrait être utile ici.
je pense à une collection lancée il y a quelques années autour des "figures littéraires mythiques" (lancelot, carmen, don juan, etc.).
l'oeuvre de Tolkien pourrait en faire partie.

V

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#26 05-08-2004 14:10

Mj du Gondor
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Je vais oser tout comme Lambertine ;-)
En un an j’ai pas mal évolué , mais dans le bon sens ?
Comme le suggèrent Vincent  et Moraldandil, je pense que la grande difficulté quand il s’agit de se déterminer en matière de mythologie tient au terme lui-même aussi vaste et imprécis que ce qu’il désigne, d’une telle amplitude qu’il est utilisé dans des domaines habituellement très éloignés pour situer l’origine chronologique ou fondamentale.
Philosophes, religieux, sociologues, historiens, écrivains ou poètes se partagent le concept.
Points communs : les origines, les temps anciens, l’aube de l’humanité..
Les uns y verront l’âge d’or, les passions à l’état pur, le Paradis perdu, l’innocence ; les êtres disposeront de pouvoirs et de puissance aujourd’hui oubliés ou perdus ; l’imaginaire artistique intégrera la dimension des dieux.
D’autres y liront les bases de nos sociétés, l’édification de nos lois, de nos codes moraux, l’architecture progressive de nos états et de nos relations humaines.
D’autres encore y puiseront les fondements de la pensée religieuse et la preuve de la spiritualité de l’homme.
Il ne m’appartient pas de me prononcer sur l’aboutissement du projet de Tolkien au sens religieux.
Au sens littéraire, comme le dit Lambertine, il est évident que son œuvre a déjà marqué de son empreinte notre imaginaire collectif !
Toutefois si ce seul sens littéraire devait être retenu, je rejoindrai l’analyse de Moraldandil pour dire que le Conte d’Arda appartiendrait davantage au légendaire qu’à l’univers mythique à la faveur de ses arguments pour distinguer mythes et légendes.
Ne faut-il  pas précisément que l’objet pour être qualifié de mythologique soit  accessible aux différents domaines d’exploration de la nature de l’homme ou de l’humanité ?
Mj

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#27 16-02-2006 15:18

Moraldandil
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Je passe rapidement ajouter un lien vers un article de Verlyn Flieger sur ce sujet de la "mythologie pour l'Angleterre".

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#28 02-06-2006 16:54

lemminka
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Re : Une mythologie pour l'Angleterre

Diable ! pourquoi donc laisser tomber en désuétude un sujet aussi passionant ?!
les intrications mutuelles qui tissent en un maillage serré les termes de mythologie, mythe, légendes, et ceux qui leurs gravitent autour sont assurément une source féconde de dévellopements à recouper avec l'univers tolkiennien... Je me rattacherais tout d'abord aux distinctions fournies par Moraldandil quand au principe téléologique "explicatif " qui semble sous-tendre la matière du mythe, et que le conte ou la légende ne contient qu'en recours secondaire et altéré, en tant qu'ancrage dans la sphère pragmatique et morale...
Comme on l'a dit ici, le mythe semble fonder et cristalliser en lui l'identité d'un groupe social déterminé, et participe d'un sentiment collectif d'appartence qui s'y réfère alors comme une autorité originaire à laquelle on accorde effectivement sa foi... Il est en cela un modèle, relève de l'idéal, et en vient à former concept en tombant dans l'expression proverbiale...
La mythologie serait alors l'enchevêtrement systèmatique et cohérent de plusieurs mythes, et fonderait l'ancrage identitaire d'un peuple... Je ne puis m'avancer par manque de connaissances, mais il me semble que le mythe est chaque fois à rattacher à une mythologie particulière, en cela qu'un mythe isolé paraît inadéquat à remplir le rôle qu'on lui assigne au sein d'une mythologie développée... Peut-on extraire le mythe de la tour de babel du cadre chrétien qui tisse avec et autour de lui la structure explicative et téléologique de sa matière ? 
Par là, il me semble également que le conte ou la légende, bien que prenant part à une intersubjectivité particulière, se suffisent à eux-mêmes dans la mesure où ils s'enracinent dans une culture et un imaginaire, mais restent en deçà de la teneur fondatrice, existentielle qui constitue le mythe et appelle une foi en lui... Pas besoin de croire en une légende pour apprécier les héros et les hauts-faits qui bâtissent l'architecture du merveilleux, et dès lors que l'on s'aventure sur le terrain du mythe comme on explore une belle région avec un appareil photo, comme un bel objet, on lui retire toute sa matière proprement mythique, la part affective et subjective qu'elle recèle par essence... D'où une certaine perméabilité, le mythe pouvant dériver, dès lors qu'il perd son ancrage dans une intersubjectivité, vers la légende...
Dès lors, pour revenir à tolkien, si l'on s'en tient à la définition du mythe apportée par moraldandil, tolkien n'a pas construit une mythologie dans la mesure où son oeuvre est inachevée, incomplète, et surtout qu'elle réside dans la plupart des esprits comme un "bel objet", une prouesse de technicité quand aux langues et une merveille d'inventivité quand au récit... Il lui manque en ce sens la finalité anthropique et sociétale du mythe au sens strict... mais finalement, ne peut-on pas alors concèder à l'oeuvre de tolkien une dimension non mythologique mais mythique, seulement après avoir chargé ce dernier terme de son acception commune moins rigoureuse ? il me paraît que tolkien a bien fondé un mythe, non comme autorité thématique qui caractèrise une société, une culture, une religion et en identifie sociétalement les membre, mais bien plutôt à titre de modèle littéraire et légendaire (cf moraldandil et vincent ) qui ramène à lui, indifférement à toute détermination sociétale, culturelle, linguistique (propres au mythe au sens strict ), des individus qui s'identifient à une littérature transcendante à tout type de culture "objective"( qui contient sa morale, ses rites, ses pratiques comportementales, son art, sa technique...), et qui inaugure une sphère rassemblant des passionés... C'est pour ces derniers que l'oeuvre de tolkien est "mythique" car elle fonde une identité transcendante à tout type culturel déterminé, une identité métaculturelle... Je pense que l'on peut dire que certes tolkien a fondé un légendaire, mais que dans la mesure où ces légendes suffisent à identifier des individus à leur matière, elles mobilisent l'affectif, les passions ( ô combien tolkien aura déchaîné ses "adeptes", et le terme en dit long sur le sujet qui nous occupe ), et outrepassent alors le simple champ du légendaire... Le terme de mythologie apparaît bien trop surdéterminé et "abusé", mais celui de mythe semble correspondre à l'autorité affective métaculturelle dont procède la "sphère" Tolkien...

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