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Ma question rebondit un peu sur celle de la "Corruption" et de savoir si oui ou non, le Mal qui guide Melkor et Sauron est absolu.
Mon souci est donc de savoir si à un moment ou un autre, Melkor et/ou Sauron ont fait preuve de compassion ou de pitié voire, chose improbable, de remords.
Je ne pense pas avoir jamais rien lu quelque chose qui laisse penser que cela ait pu arriver. Mais peut-être avez-vous lu un texte qui y faisait mention ?
Cédric
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oui en effet je crois quil est dit dan le silmarillon que lorsque le tangodrim tomba sauron expia ses acts mais quil retomba dans le mal par peur d'un jugement des ainurs car le heraut de manwe voulait ramener sauron a valinor
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Tolkien a précisé dans la lettre 153 à Peter Hastings de septembre 1954 en quel sens il entendait la pitié : "La pitié doit empêcher d'agir selon ses désirs immédiats et apparemment profitables" (Letters, p. 191). Il abordait la question car son correspondant pensait voir une manifestation de pitié chez le Troll William, dans le Hobbit, lorsqu'il s'exclame "pauvre petit bonhomme !" en voyant Bilbo. En réponse, Tolkien lui dit qu'il n'y a pas plus de pitié chez ce Troll que chez une bête qui ne dévore pas sa proie simplement parce qu'elle n'a plus faim.
Dans cette même lettre, Tolkien revient sur le mal chez Sauron :
"Sauron n'était évidemment pas "mauvais" à l'origine. Il était un "esprit", qui fut corrompu par le Seigneur de l'Ombre (le Prince Rebelle sous-créateur), Morgoth. Il eut l'occasion de se repentir, lorsque Morgoth fut vaincu, mais il ne put faire face à l'humiliation de l'abjuration en demandant le pardon ; et sa conversion temporaire au bien et à la "bonne volonté" s'acheva dans une rechute considérable jusqu'à ce qu'il devienne le principal représentant du Mal dans les âges suivants. Mais au début du Second Age, il avait encore belle apparence - ou pouvait encore s'en parer - et n'était pas entièrement mauvais, à moins que tous les "réformateurs" qui veulent se hâter de reconstruire et réorganiser ne soient entièrement diaboliques, avant même que l'orgueil et le désir de déployer leur volonté ne les dévorent" (Letters, p. 190).
Ce passage commente l'épisode rapporté par Beren (Silm., éd. Pocket, p. 371). On peut y lire que "certains tiennent que ce ne fut pas [fait] mensongèrement, que Sauron avait réellement des remords, ayant été terrorisé par la chute de Morgoth et par l'immense colère des Valar".
Reste à savoir de quelle sorte de remords il s'agit. On peut regretter une action par peur des conséquences, et non parce qu'elle était mauvaise. Cela correspond à la "peur du mercenaire", qui agit toujours dans son intérêt : les bonnes actions elles-mêmes ne sont pas réalisées par pure bonne volonté, mais par peur d'une sanction si elles n'étaient pas faites. D'ailleurs, cette mauvaise forme de repentir conduirait tout autant à regretter une bonne action parce que les conséquences nous ont été défavorables.
Sauron ne semble donc éprouver ni pitié, ni véritable remords, car il ne se soucie que de son propre intérêt. C'est la raison de sa (re)chute.
L'analogie que fait Tolkien dans la lettre 153 met en relief le procédé de cette chute (que Loki a restitué en détail dans l'une de ses interventions sur la corruption) : comme tout réformateur, Sauron emploie toutes ses forces à développer son pouvoir. Le mal advient lorsque cette fin supplante toutes les autres, cad lorsque la personne use de sa liberté pour n'agir que dans son intérêt, à l'exclusion puis contre les autres.
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En fait, dans l'oeuvre de Tolkien, et plus particulièrement chez ses "méchants", l'origine du mal ou de la chutte se trouve souvent dans l'un (ou plusieurs) des 7 péchés capitaux.
* L'orgueil: on en a déjà disserté.
* La colère: elle est à l'origine de l'exil des Noldor. Colère iraisonnée envers Melkor et volonté de se venger. De plus, Fëanor comme Fingolfin meurent cause de leur colère. Idem pour Turin (mais je ne pense pas qu'il doive être comptabiliser parmi les êtres mauvais).
* La luxure: d'une certaine façon, elle est à l'origine de la chutte de Maëglin.
* L'envie / la jalousie : Melkor est envieu des Silmarils, et ils arrive à corrompre les Noldor en rendant Fëanor et Fingolfin jaloux.
* L'avarice : on touche là au principal travers des Nains. Les conséquences furent nombreuses, du meurtre d'Elu Thingol à la mort de Thorin Oakenshield, en passant par Fëanor (qui décidément cumule!) et les Dragons...
* Il n'y a guère que la gloutonnerie et la parresse qui sont peu représentée. Je n'ai à l'esprit que des exemples tirés de Bilbo: Galion l'échanson et son joyeux compère ainsi que le nain Bombur. Et leurs conséquences ne sont pas réellement maléfiques, mais simplement désagréables ou ennuyeuses.
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Je remonte l'un des plus vieux fuseaux de JRRVF pour vous demander si nous avons depuis, quelque part, traité plus en détail du thème de la pitié dans le Seigneur des Anneaux (cette pitié qui permet « le « salut » du monde et le propre « salut » de Frodo » Lettres, p.332) ? Ce que je croyais, mais je ne parviens pas à remettre le doigt dessus ... À tout hasard donc, si cela parle à quelqu'un :) ...
Et oui, Isengar, j'ai fait appel au moteur de recherche ;)
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En usant des synonymes, la recherche avec le mot "compassion" donne plus de résultats qu'avec "pitié"...
mais c'est sans garantie sur le contenu, je n'ai pas exploré les fuseaux proposé par le moteur.
(et chou blanc pour "miséricorde").
As-tu exploré la synthèse de Palantir?
Silmo
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C'est déjà plus riche que ma recherche, bien vu :)
Mais pour la synthèse de Tar, est-elle toujours accessible ? Je ne la retrouve pas ...
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Eh bien force est de reconnaître que c'est un sujet qui n'a pas été complètement exploré sur JRRVF...
En ce qui concerne l'excellente synthèse du Légendaire, de notre camarade Tar-futur-papalantir, la seule occurrence sur la pitié nous ramène... au présent fuseau :)
Pas mieux que Silmo pour le moteur de recherche, je n'insisterai donc pas sur ce point ;p
A noter que le terme pitié revient beaucoup sur les fuseaux du forum adaptation, mais plutôt sur un registre : "ce film fait pitié", ou "par pitié, pas Peter Jackson", ce genre de chose...
Sur certains forums voisins, le sujet n'est pas traité en tant que tel, mais - comme sur JRRVF - ce sont surtout les discussions liées à la personnalité ou au rôle de Frodon qui abordent le thème de façon sporadique.
Un vrai sujet à creuser, dirait-on :)
I.
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A part consulter les fuseaux proposés par le moteur de recherche pour les différentes recherches (pense à l'anglais, du temps où le serment du Zimmer n'avait pas été prononcé ;-)...), voici un fuseau qui abordait une manifestation de la pitié dans l'écriture même du SdA (mais tu y avais déjà pensé peut-être...) :
S.
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Yyr, Isengar, Silmo et Sosryko,
même pas dans un bâteau
mais sur le forum
un 9 août
-- il fait vraiment un temps pourri les amis ;-)
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Je découvre avec intérêt ce fuseau grâce à l'utile action d'Yyr.
Je ne suis pas véritablement d'accord avec Loki, le dernier à avoir posté il y a quelques douze ans de cela : la gloutonnerie apparaît de façon évidente chez Ungoliant, et est assortie des conséquences les plus néfastes qui soient, tant pour l'environnement (dans les deux sens du terme et je doute que ce soit un hasard) que pour le pécheur lui-même. N'oublions pas qu'Ungoliant finit par se dévorer elle-même, ce qui est certainement l'une des fins les plus horribles qu'on trouvera chez Tolkien.
Quant à la paresse, n'est-elle pas présente chez Fangorn avant que les Hobbits ne lui ouvrent les yeux ? Et que dire des Hobbits de la Comté qui ont toléré les ravages des hommes de Saruman alors qu'ils auraient été capables de les chasser s'ils avaient agi de concert. Dans les deux cas, les conséquences sont véritablement néfastes et ne cessent que lorsque les protagonistes choisissent enfin d'agir.
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On peut voir Morgoth épargner ses ennemis, je pense notamment à Hurin, mais cela ne fait que reporter et énormément amplifier sa vengeance.
De même, on parle de prisonniers elfes relachés "volontairement" d'Angband, mais toujours dans un but mauvais.
Idem pour les "libérations" de Gollum par Sauron ou Arachné, qui sont calculées.
Il faudrait peut-être voir du côté des Contes Perdus où l'on voit Melko œuvrer à la construction des lampes, agit-il alors dans un acte de remord non feint ?
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Merci beaucoup pour le lien vers cette très belle œuvre d'archiviste ! (et pour la recherche dans le forum adaptation ;))
Pour rebondir sur l'intervention de notre ami archiviste justement, intervention qui ne sera pas sans déplaire à Sosryko (qui s'intéressait aux paroles de l'Ennemi visant à se substituer à Eru), on peut, par rapport à Húrin, rappeler le texte :
Et Morgoth de rire, et il dit : « Peut-être me supplieras-tu un jour de t'accorder la mort comme un bienfait ! » Alors il emmena Húrin au Haudh-en-Nirnaeth qui venait d'être érigé, et la puanteur de la mort y flottait ; et Morgoth enchaîna Húrin au sommet et lui enjoignit de regarder vers l'Ouest, en direction du Hithlum, et de penser à sa femme et à son fils et à ses autres parents. « Car ils vivent à présent sous ma loi, dit Morgoth, et ils sont à ma merci. »
« Tu n'en as aucune, répondit Húrin. Et tu n'atteindras pas Turgon à travers eux, car ils ne savent rien de ses secrets. »
Les Enfants de Húrin, p. 58-59 (trad. modifiée)
J'avais sinon effectivement déjà reparcouru avec intérêt le fuseau 'Richesse et Pauvreté', Sosryko, où tu as bien montré combien la pitié est inscrite dans l'histoire ;)
Voici ce que ce thème m'inspire de mon côté : si les blessures d'Arda Marrie et celles du Mal en général sont dans le Conte d'Arda en général et dans le SdA en particulier réparées par le sacrifice de quelques-uns — ce que j'appellerai l'Amour de Guérison — alors la compassion manifeste, révèle et accomplit cet Amour de Guérison.
Le roi Aragorn (Envinyatar « le Guérisseur ») n’est « pas trop doux en paroles […] mais il a un cœur d’or » (SdA, livre VI, chap. 5) dira dans sa simplicité Ioreth. Et en effet, alors qu’il supporte la plus grande lassitude de tous, c’est la pitié qui vient à son cœur lorsqu’une partie de son armée, démoralisée, ne peut plus avancer devant le col de Cirith Ungol : pas un mot de reproche alors ne passe ses lèvres, mais des paroles de guérison. De même, siégeant à la fin dans le Palais des Rois pour y prononcer ses jugements, ceux-ci sont emprunts de justice et de miséricorde. Il libère les esclaves, il fait la paix, et au plus haut, il pardonne et libère : le pardon est alors (jusque dans son étymologie) la perfection du don — et de la guérison.
C’est la grande « leçon » du Seigneur des Anneaux :
Le « salut » du monde et le propre « salut » de Frodo sont permis par la pitié et le pardon qu’il avait précédemment accordés à celui qui l’a blessé. À tout moment toute personne prudente aurait pu dire à Frodo que Gollum allait certainement le trahir, et pouvait finir par le voler. Avoir « pitié » de lui, s’abstenir de le tuer, est un exemple de folie, ou de croyance mystique en la valeur en soi, ultime, de la pitié et de la générosité, même si elles sont désastreuses dans le monde temporel. Gollum a effectivement fini par le voler et le blesser — mais en raison d’une « grâce », la trahison finale s’est produite au moment précis où ce dernier acte malfaisant était la chose la plus bénéfique que l’on pouvait faire pour Frodo ! Grâce à une situation créée par son « pardon », il a été sauvé lui-même, et libéré de son fardeau.
Lettres (n°181), p. 332
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La pitié a une histoire dans le Conte d’Arda, elle naît avant la fondation du monde (), dans les « régions du firmanent » (heavenly regions, LR, p. 158 = Route perdue p. 183), lors de l’irruption de la Discordance melkorienne dans la Grande Musique :
Si la pitié n’est pas la guérison (ainsi, les larmes de Nienna sont sans effets contre « les blessures mortelles » des arbres ; QS, ch. 11, SCLI, p. 95 = S, p. 99), elle participe de l’amour. Pour Tolkien, elle est une des manifestations de l’amour, la Faërie représentant
S.
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Désolé pour les cafouillages html :-(
[édit (Yyr) 2020 : c'est réparé ;)]
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Merci Sosryko pour ce joli conte du « cœur de Nienna » :)
J'avais d'ailleurs recherché en vain le tout premier passage (inscrit dans ma mémoire, mais celle-ci n'est pas paginée ;)) ...
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Me voici de retour après mes hospitalisations, même si je dispose de peu de temps. Je donne donc quelques réflexions un peu à la volée :
- Je pense qu’il serait intéressant de faire une recherche entre « pity » et « mercy » que l’on peut tous deux traduire par « pitié » mais avec une connotation différente
- autre remarque beaucoup de personnage se voient offrir une seconde chance grâce à la pitié d’autre protagonistes mais il est très rare chez Tolkien qu’ils la saisissent (Melkor, Sauron, …). Et même ceux qui le font n’ont en général pas la possibilité d’en profiter (Thorin, Boromir). En fait le seul contre exemple que je trouve est Ossë. Une étude sur ce sujet de la difficulté de la rédemption en TdM
- je suis presque certain d’avoir vu un jour un essai intitulé « I pity even his slaves » mais je ne sais plus ni ou ni quand
- Il y a au sein de la Tolkien Society un « education secretary » chargé de renseigner les personnes qui font des recherches sur Tolkien ou au moins de transférer la demande sur les personnes les plus compétentes. Cette personne s’appelle Ian Collier. C’est un ami et si quelqu’un veut le contacter je pourrais vous mettre en relation.
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La Rédemption, chez Tolkien, dit-elle nécessairement passer par la mort ? Pour moi, c'est "oui"... malheureusement. Et c'est une question qui me tracasse depuis un bout de temps.
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Si c'est le cas dans le Légendaire, ce n'est pas forcément une généralité ou une fatalité dans la vraie vie.
La rédemption par la vie, c'est aussi un beau sujet, non ?
I :)
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Je rejoins Is', et puis Galadriel ne meurt pas, lors de sa rédemption (ben c'est un peu ça, quand elle refuse l'Anneau, et qu'après elle part : les Valar lui pardonnent et lui offre un aller simple pour les Terres Immortelles, et non pour les Cavernes de Mandos :)).
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>offrent. Grumpf.
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Je ne pense pas que la rédemption chez Tolkien passe nécessairement par la mort. En revanche, je ne crois pas me tromper en estimant que la rédemption possède une très forte connotation chrétienne dans le Légendaire. Elle se compose nécessairement de repentir et de pénitence.
L'une des plus belles rédemptions du Silm. est celle de Finarfin : n'ayant pas été coupable de meurtre et seulement de désobéissance, son retour en Aman et sa demande de pardon sont suffisantes. De même, le changement d'attitude de Thingol envers Beren suffit à effacer sa faute antérieure. (Il faut se souvenir que l'histoire de la chute de Doriath publiée dans le Silm. n'est pas de Tolkien, et les quelques brouillons authentiques dont on dispose ne semblent pas suggérer une deuxième chute de Thingol.)
En revanche, pour tous ceux des principaux Noldor qui passèrent outre l'ordre de Mandos, le pardon (si pardon il y a) ne passe que par leur sacrifice, car leur faute est bien plus grande. Les deux meilleurs exemples de ce type sont ceux de Felagund et de Glorfindel. Dans le cas de Glorfindel, Tolkien précise que son sacrifice est l'une des raisons qui lui valurent de revenir plus vite des cavernes de Mandos. Cela me semble correspondre assez précisément à la vision chrétienne des martyrs. On observe une idée semblable lorsque Tolkien explore dans une de ses lettres ce qui aurait pu arriver si Gollum s'était effectivement repenti.
Il ne faut pas non plus ignorer la présence d'une certaine éthique médiévale (et pas nécessairement chrétienne) dans le SdA, selon laquelle il était glorieux d'effacer une faute en se sacrifiant. Bien que ce ne soit pas explicite, on peut lire ainsi la mort de Hama, bien que sa faute ait été mineure et qu'il ait été pardonné par son seigneur.
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A toute fin utile, si la demande fait toujours sens aujourd'hui, je voudrais mentionner que le moteur de recherche offrira probablement davantage de résultats que celui du précédent forum.
Sans préjuger de leur pertinence, une recherche du mot "Pitié" dans le Légendaire renvoie déjà plusieurs dizaines de fuseaux.
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