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#226 15-10-2022 11:56

Mairon
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Cet entretien est particulièrement savoureux, notamment par le manque de modestie des showrunners. On a le droit de se référer aux classiques, aux films et aux séries les mieux accueillies (ce qui n'est guère le cas de TROP à la réception tout de même contrastée), mais le faire dans une visée apologétique de la sorte...
Milton ?
Chez Milton, Satan a de la grandeur : d'une part, le personnage est l'ange déchu par excellence, d'autre part, Milton est un immense écrivain, pas quelqu'un qui essaie ses gammes en matière de versification et de caractérisation.
Tolkien lui-même, lorsqu'il écrit à propos des Valar, de Melkor, de Sauron, s'inspire de différentes mythologies et des classiques, qui donnent le ton pour écrire un personnage de nature divine et le faire parler : chacun peut avoir en tête les propos de Morgoth face à Húrin, la façon de s'exprimer d'Eru lui-même dans l'Ainulindalë, les prises de parole de Manwë, d'Ulmo. C'est ce qui explique l'intérêt des lecteurs pour le panthéon tolkienien : une véritable aura de divinité entoure ces personnages.
C'est important à considérer. Sauron n'est pas un être humain, ni un elfe d'ailleurs. Il va bien sûr sombrer dans des péchés et des vices qui concernent aussi l'humanité, mais c'est en tant que dieu/ange déchu qu'il le fait et c'est une différence essentielle. Et je parle d'un "vrai" dieu/ange déchu, pas d'un personnage de comics hésitant entre l'anti-super-héroïsme ou de personnage dans un monde à l'imaginaire très mêlé et souvent à l'opposé de la recherche d'un Tolkien (cf. Stephen King et Neil Geiman comme points de référence, je crois, et pour ce qui concerne la télévision, les mondes à la Supernatural).
C'est pour cela que j'espérais que Halbrand ne fût pas Sauron, car vu le traitement d'Halbrand, cela ne pouvait conduire qu'à une seule chose : une nouvelle fois, le martyre du personnage de Sauron dans une œuvre dérivée.
Cette fois-ci, le pire, c'est qu'ils partent... d'une idée de Tolkien, pourtant présente en dehors de leurs droits d'adaptation - mais précisément, cela leur enlève le contexte de l'évolution du personnage chez Tolkien. Je pense à l'idée de pénitence et de rédemption. On sait dans quel contexte particulier elle est présente à la fin du Premier âge en ce qui concerne Sauron : ces éléments sont nécessaires à la compréhension du personnage (la scène devant Eonwë, la peur du jugement des Valar, la fuite, la volonté de Sauron d'agir pour le bien, sa rechute puisque son hybris reprend le dessus, ainsi que son habitude d'imposer sa volonté aux autres, puis le recours aux expédients maléfiques), mais la série n'en disposait pas.
Les scénaristes ont donc tricoté quelque chose qui peut difficilement avoir la même qualité, et qui s'avère difficile à suivre. Leur prologue était déjà confus : pourquoi faire mourir Finrod après le Premier âge ? Pourquoi dire que les orques se sont multipliés après la chute de Morgoth, donc sous influence sauronienne, alors que la suite indique précisément l'inverse ? Même si la narratrice du prologue n'est pas fiable (forcément, rien n'est fiable chez la "Galadriel" de la série, à part la certitude du public que cette Elfe fait beaucoup de bêtises), c'est dur à suivre. On est censé croire que Sauron aurait voulu changer et faire le bien, mais il le faisait tout de même en sacrifiant des orques à la recherche d'un pouvoir occulte ? Puis Sauron prend une forme humaine (?), est vaincu par Adar qui est celui qui va mettre en œuvre le projet initial de Sauron (créer le Mordor) ? Comment Sauron se retrouve-t-il en pleine mer ? Soit il voulait en finir, soit il avait la préscience de savoir que Galadriel allait rencontrer son esquif à un moment donné ? La série semble confondre plusieurs niveaux : le pur hasard (mais quel pur hasard permettrait à Galadriel de tomber sur Sauron en pleine mer puis de conduire Sauron successivement dans les lieux les plus intéressants à visiter pour lui ?), le plan divin (la providence d'Eru, donc : c'est très tolkienien comme idée, que Galadriel ait été complice involontaire de Sauron, évidemment, par Manwë !), le plan ourdi de longue date (Sauron connaît la Musique, mais bon, à ce point-là...).
Surtout, c'est traité comme dans une série B, tout ça. Je veux bien que les images soient belles, mais le résultat de cette mystery box d'Halbrand est plutôt affreux : c'est du lieu commun à la pelle et ça me fait penser à ce qu'on aurait dans un Marvel. Après, le personnage et les showrunners enrobent cela d'un discours qui fait comme si c'était très intéressant et réfléchi, mais franchement, non : l'exécution ne me donne pas l'impression qu'il s'agit de Sauron. C'est plutôt un personnage de méchant standard passé par le filtre d'une imagination qui n'est pas assez forte pour aller jusqu'à la sève mythique et qui essaie d'y suppléer en faisant passer l'affaire pour telle dans le discours d'escorte.

Le point le mieux réussi dans la série, c'est les Harfoots, parce qu'au moins leur histoire est relativement indépendante du reste. Mais leur inclusion a été motivée par la complaisance et ils sont liés à un autre point de scénario qui est encore plus complaisant : nous avons donc affaire à l'origin story de... Gandalf, évidemment. Et comment est-elle signifiée ? C'est ce que je trouve rigolo dans la fabrique de cette série : l'Étranger est désigné comme Istar, donc par une réplique easter egg destiné au public de lecteurs pro-adaptations (parce que je ne sais pas pour vous, mais moi, je me moque absolument de la présence d'easter eggs détail utilisés comme leurres lorsque l'esprit de l'œuvre n'est pas respectée et que l'essentiel est chamboulé voire nié), un easter egg complètement extrait de son contexte dans l'œuvre originelle. Mais qu'est-ce qui va désigner définitivement Gandalf pour les amateurs des films, en réalité ceux qui sont cajolés prioritairement par l'équipe ? Eh bien, la reprise d'une citation présente seulement dans le premier film de Jackson, avec juste un changement de prénom.

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#227 15-10-2022 20:27

Semprini
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Je m'étonne que personne ne donne la véritable raison du scénario de cette série : la découverte par les scénaristes d'un texte posthume de Tolkien retrouvé dans une valise oubliée et qui sera sans nulle doute rendu public d'ici peu. Selon les meilleures sources, son titre serait : "Galadriel & Sauron: A love story". Car le stade de la fan-fiction ou du jeu de rôle en Terres du Milieu a désormais été dépassé.

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#228 16-10-2022 02:15

Silmo
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Excellent  lol

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#229 16-10-2022 20:54

Yyr
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Hi ! Hi ! :)

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#230 17-10-2022 00:02

Hisweloke
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

N'ayant pas vu la série - encore faut-il se prendre l'abonnement adéquat - il y a quand même quelque chose que je ne suis pas bien dans les critiques sur Halbrand/Sauron...

L'idée même de vouloir montrer comment "un" Sauron devient "le" Sauron que nous avons au 3e âge - sans présumer, donc, de la réalisation effective dans ladite série, mais juste en lisant propos et spoilers - me parait, pour le moins, "couillue" - si vous me le permettez: tout au mieux, osée et bienvenue - quoique casse-gueule...
Les ressources convoquées par les showrunners, entre Shakespeare et Milton, sont plutôt judicieuses, au demeurant... Milton surtout, dont on a pu tisser, sinon des liens explicites, au minimum une parenté de surface avec le légendaire tolkiénien... Bienvenu, donc... Car là, clairement, Tolkien ne nous donne que peu de billes (mais voir infra, plus largement.)

Je m'explique un peu plus... Comment le "mal" apparaît et se développe, à l'absolu, est une question intéressante, non? Lucas s'y est frotté et s'y est (à mon sens) cassé les dents, assez pitoyablement. Le Darth Vader de sa "première" trilogie (au sens de la date de parution) est impressionnant, inquiétant, puissant, délétère... Et trouve son point d'achoppement juste dans le "Retour du Jedi", où l'Empereur est aussi bien campé, sombre et terrible à souhait - le Morgoth de Lucas en quelque sorte. Tout cela fonctionne "plutôt bien", efficacement... Mais je suis loin d'être satisfait de la seconde "trilogie", soit la "préquelle", où cet Anakin nouveau, un gentil gamin facétieux, doit devenir le Vader redouté et craint de tous... C'est laborieux, et pour le moins... Stupide.  Ou: Raté, je trouve. Peu impressionnant, guère inquiétant sinon dans l'acceptation la plus faible du terme - oh, il tue des gamins sans vraie raison, le vilain colérique que voilà... - faible et... peureux, comme un adolescent asocial découvrant la dureté de la vie et n'y comprenant rien, ne cessant de s'y chercher, ne sachant rien gérer alors qu'il a tout à sa disposition... C'est raté, que je dis... amené de façon inintéressante et déplaisante. Insuffisant, pour le moins, à l'aune du mythe qu'était sensé incarner Vader...

Mais plus largement, Morgoth même, chez Tolkien, peine à me convaincre... Le seul texte, que j'aime fondamentalement, où je le "sens" comme une présence implacable, une force de nuisance en mouvement, c'est les "Wanderings of Hurin". Ah, là, bigre... Chaque mot fait ou défait... Tout mot, tout acte, pèse son poids...

Bref, l'idée de montrer un Sauron en devenir, quand bien même Tolkien ne l'aurait pas ou peu fait, m’interpelle à plus d'un titre ; ce que l'acteur lui-même donne à voir en interview de ses lectures et questions est intéressant...

D.

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#231 17-10-2022 10:29

Semprini
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Montrer Sauron en devenir, pourquoi pas (bien que le sujet ne m'intéresse pas), même si c'est faire preuve de peu d'imagination que de vouloir imiter Star Wars. Mais montrer une love story entre Sauron et Galadriel, avec Sauron en anti-héros auquel Galadriel redonne confiance, comme le fait la série, c'est une autre histoire. Encore une fois, on ne peut pas parler de cette série ridicule et à cent lieues de Tolkien sans l'avoir vue sinon on raisonne hors sol.

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#232 17-10-2022 15:49

Silmo
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Cher Semprini,
afin de t'écouter, j'ai vu les 4 premiers épisodes (du temps perdu) mais m'en suis tenu là. Faut pas pousser (hors-sol). Je n'ai pas bu le calice jusqu'à la lie.
A propos de calice, j'ai préféré m'offrir en dvd "le Calice d'argent (the Silver Chalice)", tout premier film de Paul Newman, un péplum un peu long, décors en carton mais scénario correct - Jack Palance en Simon le Magicien fait le job) - le héros, orfèvre, est recruté par Luc et Joseph d'Arimathie pour réaliser un vase destiné à inclure  la coupe de la Cène en y ajoutant les portraits des apôtres, ce qui l'entraine à Jérusalem, Antioche, Rome. Un curieux film inégal (dvd rare à trouver en ligne) mais pas mauvais quoiqu'en disent les critiques sur le net qui ne connaissent pas les sources à l'origine du scénario.
Pour la scène culinaire, je ne t’épargnerai pas smile , quinze ans avant Fellini, le banquet de Néron dans ce film vaut celui du Satyricon ou celui de Garovirus un an plus tard dans Astérix. smile
S.

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#233 17-10-2022 15:51

Silmo
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

PS (faut toujours un ps) : j'aime bien la comparaison avec Star Wars  smile

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#234 17-10-2022 18:16

Semprini
Inscription : 2000
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Silmo a écrit :

Cher Semprini,
afin de t'écouter, j'ai vu les 4 premiers épisodes (du temps perdu) mais m'en suis tenu là. Faut pas pousser (hors-sol). Je n'ai pas bu le calice jusqu'à la lie.
A propos de calice, j'ai préféré m'offrir en dvd "le Calice d'argent (the Silver Chalice)", tout premier film de Paul Newman, un péplum un peu long, décors en carton mais scénario correct - Jack Palance en Simon le Magicien fait le job) - le héros, orfèvre, est recruté par Luc et Joseph d'Arimathie pour réaliser un vase destiné à inclure  la coupe de la Cène en y ajoutant les portraits des apôtres, ce qui l'entraine à Jérusalem, Antioche, Rome. Un curieux film inégal (dvd rare à trouver en ligne) mais pas mauvais quoiqu'en disent les critiques sur le net qui ne connaissent pas les sources à l'origine du scénario.
Pour la scène culinaire, je ne t’épargnerai pas :) , quinze ans avant Fellini, le banquet de Néron dans ce film vaut celui du Satyricon ou celui de Garovirus un an plus tard dans Astérix. :)
S.

Merci Silmo. Quatre épisodes c'est déjà bien ! :) Mais effectivement, tu as manqué les développements de la love story entre Galadriel et Sauron/Vador. Pour ma part, j'ai tout vu pour être en mesure d'avoir un avis. Je n'ai jamais vu Le Calice d'argent, qui n'a pas très bonne réputation mais a l'air rigolo à te lire. Un banquet qui vaut celui, prodigieux, du Satyricon de Fellini ? Et bien, cela doit être quelque chose ! Fellini, ça c'était un cinéaste. Dommage qu'il n'ai pas adapté Le Seigneur des Anneaux. Au moins, la mise en scène aurait été très belle.

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#235 17-10-2022 20:46

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 017

Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Loin de Fellini, hélas et mal réputé pour son côté kitch mais bien inspiré d'un roman de Thomas Costain qui connaissait ses sources, y compris ce qui ridiculisait antisémitisme et ses clichés. Malgré ses moyens modestes côté décors, parfois surprenants, les auteurs s'efforcent de passer quelques messages bienvenus.
Côté cuisine, citons "un superbe paon rôti capturé en Égypte, un sanglier venant des chasses réservées de César, de succulents écureuils arrosés de jus de pavot, des huitres garnies de prunes de Damas et saupoudrées de cumin et de benjoin, des saucisses farcies aux œufs de pluvier aux cœurs de faisans, des sauterelles adultes frittes dans du miel et dorées comme le soleil, de gras et jeunes ortolans rôtis à point entourés d’œufs brillants comme des perles.... plus tard, il est question d'un dîner de chapon moelleux farci de graines de lotus et de langues de colibris"
Bon appétit et je ne fais que citer sans inventer !
S.
et si le sujet commence à t'intéresser, sans être exhaustif, je mentionnerai par exemple "Tolérance" (1989, SALFATI) avec la création d'une académie culinaire, ou "Salé,sucré" (1994, ANG Lee), "Saveurs et servitudes" (2011, WANG Feng), la liste est longue :-)

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#236 17-10-2022 23:57

Hyarion
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Messages : 2 306

Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Il y a déjà quelques jours, UmbarParrot a écrit :

Mieux vaut en rire qu'en pleurer... Source
[...]

Merci à UmbarParrot pour ce nouveau partage. J'aurai pu y réagir le jour-même, mais c'est aussi bien que Mairon ait d'abord donné son avis le lendemain, a fortiori en ayant pris la peine d'avoir vu la série Amazon de bout en bout, ce que je n'aurai certainement pas la patience de faire pour ma part, du moins dans l'immédiat.

Après tout, je pourrais dire que, pour l'heure et en la matière, j'ai assez donné, il y a presque dix ans, lorsque je suis allé voir en salles la deuxième trilogie de PJ, en 2012, puis en 2013, puis enfin en 2014, en faisant à chaque fois l'effort de formuler en ces lieux, comme il se doit, des critiques réfléchies et nuancées (à propos d'une deuxième trilogie qui me semble être, au final, un ratage à peu près complet... ce que n'est pas la première trilogie de PJ en comparaison, le premier film de 2001 restant pour moi celui qui a in fine le mieux vieilli) : à l'époque (de la deuxième trilogie), c'était JR qui passait son tour, alors tant mieux si les rôles se sont inversés cette fois-ci, car cela contribue, quelque-part, à la dimension communautaire des échanges sur ce forum vieux de bientôt un quart de siècle.

Je suis globalement d'accord avec Mairon, pour tout ce dont je puis juger (n'en déplaise à Semprini, semble-t-il) sans avoir vu de la série autre chose que quelques extraits — dans des bandes-annonces, et aussi plus récemment dans une sélection de séquences dont un(e) fan de la série a fait une vidéo, autour de la thématique Sauron/Galadriel désormais fameuse...

Mairon a écrit :

Cet entretien est particulièrement savoureux, notamment par le manque de modestie des showrunners.

C'est à mon avis le point le plus saillant de ce nouvel entretien, qui semble décidément confirmer un attitude des intéressés déjà présente dans l'autre entretien précédemment évoqué par UmbarParrot. Même sans avoir vu la série, même en souhaitant rester aussi mesuré que possible dans mon jugement, leur prétention saute aux yeux. Et ils osent, en particulier, se réclamer du Paradise Lost de Milton ? Après tous les discours lourdement promotionnels déjà précédemment entendus sur cette série, personnellement, je crois que l'on touche le fond.

Hisweloke a écrit :

Les ressources convoquées par les showrunners, entre Shakespeare et Milton, sont plutôt judicieuses, au demeurant... Milton surtout, dont on a pu tisser, sinon des liens explicites, au minimum une parenté de surface avec le légendaire tolkiénien...

Certes, et d'ailleurs, pour mémoire, un fuseau en ces lieux est consacré au Paradise Lost de Milton : https://www.jrrvf.com/fluxbb/viewtopic.php?id=7420
Mais des références bienvenues sur le principe ne garantissent pas, en soi, la justesse et l'inventivité d'une approche narrative.

Ce que je trouve vraiment consternant, personnellement, c'est le fait que les deux "coureurs de spectacle" (©JR/Isengar) en question n'aient rien trouvé de mieux comme idée d'histoire qu'une énième variation sur le thème de l'origin story. Franchement, quel concept éculé... On ne compte plus les films et séries qui s'appuient là-dessus, alors même que c'est là loin d'être une idée neuve. En ce qui me concerne, c'est la dernière chose que j'ai envie de (re)voir (encore) appliqué dans une fiction audiovisuelle... non seulement parce que cela ne m'intéresse pas (ou ne m'intéresse plus : on en avait déjà assez vu avec ce que George Lucas a fait de Star Wars, par exemple), mais aussi et surtout parce que cela ne fait qu'acter une volonté de s'appuyer sur un univers littéraire célèbre, de façon utilitaire, pour raconter tout autre chose que ce que cet univers propose à l'origine.
Nous parlons là de Tolkien, mais à cette aune, je pense évidemment aussi à Robert E. Howard, car le film Conan the Barbarian de John Milius, en son temps, entrait pleinement dans un tel paradigme : je ne vais pas répéter ici tout ce que j'ai bien des fois déjà dit et répété ailleurs, mais rappelons simplement que Milius a scénarisé et réalisé un film (en soi toujours très bon à mon avis, par ailleurs) dont le propos ne reprenait seulement que quelques éléments fictionnels proprement howardiens (dont le célèbre nom de Conan lui-même), éléments tous largement sortis de leurs contexte d'origine, pour raconter tout autre chose qu'une histoire de Conan de Howard, le personnage principal joué par Arnold Schwarzenegger apparaissant de facto comme un personnage qui n'est tout simplement pas Conan le Cimmérien, un personnage que Howard a notamment volontairement créé sans lui donner de biographie. La fonction d'un tel personnage, chez Robert Howard, n'est pas principalement d'être un héros ou même un anti-héros dont les aventures seraient en permanence au centre du propos : sa fonction est plutôt d'être une sorte de révélateur pour les personnages dont il croise la route, dans le contexte d'une dichotomie civilisation/barbarie placée dans le contexte d'un univers de fantasy. À cette aune, raconter une histoire de vengeance autour d'un traumatisme survenu dans l'enfance et, entre autres, d'un "secret de l'acier", ce qu'a choisi de faire Milius dans son film, n'a rien à voir avec Howard, malgré la plasticité que peut offrir l'Âge Hyborien comme terrain de jeu narratif, à l'instar de la Terre du Milieu.
On pourra noter que le film de Marcus Nispel, trente ans après celui de Milius, toujours en utilisant le nom de Conan, a proposé une fois de plus une origin story. Ce fut aussi le cas, un peu avant le Conan de Nispel, lorsque Michael J. Bassett a réalisé, là encore, une origin story d'un autre personnage howardien, Solomon Kane, créé lui aussi par Howard sans lui donner de biographie. Résultat : Milius s'en est bien sorti parce que son film, en tant que tel, est maîtrisé de bout en bout, et qu'il est en particulier porté par la magnifique musique de Basil Poledouris, mais les deux autres films de cinéma, nés certes dans un autre contexte, se sont incontestablement plantés. Le fait est qu'une origin story n'a selon moi d'intérêt que si l'auteur lui-même l'a imaginé au départ, a fortiori comme un élément essentiel vis-à-vis de l'histoire racontée. Chez Howard, ce n'est pas le cas pour Conan le Cimmérien ou Solomon Kane, mais c'est le cas pour Agnès de Chastillon, personnage howardien que l'on pourrait éventuellement qualifier de féministe avec bien plus de raison qu'on ne le fait avec Eowyn ou Galadriel, à mon humble avis : la nouvelle Sword Woman, écrite par Howard en 1934 et qui met en scène Agnès pour la première fois, attend toujours une adaptation, parmi tant d'autres récits de Howard. Au lieu de cela, on préfère continuer à (essayer d')exploiter le filon "Red Sonja" (si éloigné de Howard)... mais j'arrête-là la digression.

Tout cela pour dire que les origin stories relèvent non seulement d'un domaine narratif battu et rebattu, mais qu'elles n'ont pas vocation à s'imposer systématiquement quand on prétend vouloir intéresser un public, surtout si cela ne renvoie pas aux conceptions originelles des auteurs dont on est censé s'inspirer. J'ai parlé de Howard, mais c'est la même chose pour Tolkien. Celui-ci n'a pas, à ma connaissance, prévu des textes inédits détaillant la "jeunesse" de Galadriel ou de Sauron, de telle sorte que cela apparaitrait comme essentiel dans la fonction de ces personnages au sein de la fiction tolkienienne. Pourquoi ne pas simplement respecter cela, et ne pas dès lors même s'abstenir d'exploiter des noms de personnages célèbres, et le nom de leur créateur même, afin qu'ils servent de prétexte à des "coureurs de spectacle" pour "donner aux masses ce qu'elles demandent" ? Ce dont je suis profondément las, aujourd'hui, c'est de tout le mélange de paresse et de prétention qui se manifeste à l'occasion de la conception et de la diffusion d'une production audiovisuelle comme cette série Amazon censée s'inspirer de Tolkien. Ce n'est pourtant pas si compliqué : soit on s'inspire d'un auteur en s'en réclamant directement et on l'assume dès lors avec tout le degré d'humilité et d'originalité requis, soit on s'inspire éventuellement d'un auteur (ou de plusieurs auteurs) mais en assumant de raconter des histoires originales sans chercher à exploiter des noms (d'auteurs, de leurs univers, de leurs personnages) comme autant de marques commerciales. Mais non, visiblement, il est bien trop tentant, pour ces gens, de se réclamer de quelque-chose de connu pour vendre leur came, avec une belle étiquette valant label sur l'emballage : voila bien là quelque-chose typiquement à l'image de l'absence totale de prise de risques qui caractérise notre époque, en matière de productions audiovisuelles destinées à une large audience. À cette aune, la véritable audace, si elle devait (enfin) se manifester, ne résiderait plus, à mes yeux, dans le fait d'explorer sempiternellement la "face cachée" de personnages célèbres (combien de fois cela a-t-il déjà été fait ?), mais à créer de nouveaux personnages originaux, tout simplement, ce qui est toujours possible même en s'inspirant directement de sources anciennes, et même a fortiori en entendant ne pas être complètement soumis aux conformismes du moment. Comme nous en sommes loin aujourd'hui... du moins à ce qu'il me semble.

Semprini a écrit :

Fellini, ça c'était un cinéaste. Dommage qu'il n'ai pas adapté Le Seigneur des Anneaux. Au moins, la mise en scène aurait été très belle.

Quand je pense au cinéaste qui a réalisé, entre autres, La strada, Les Nuits de Cabiria, La dolce vita, Huit et demi, Satyricon et Le Casanova de Fellini, au cinéaste qui a imaginé un projet de film comme celui de Voyage à Tulum — que Fellini a finalement adapté en bande dessinée avec Milo Manara —, je me demande ce qu'il aurait bien pu faire avec Le Seigneur des Anneaux, une oeuvre qui me semble ne pas être, disons, assez latine pour correspondre à l'imaginaire fellinien, et cela malgré la maîtrise qui était assurément celle de Fellini en matière de mise en scène... J'aurai, pour ma part, été curieux de voir ce que John Boorman (qui, par ailleurs, a connu Fellini) aurait fait en ayant la possibilité d'aller jusqu'au bout de son projet d'adaptation du roman de Tolkien... Le résultat n'aurait sans doute pas été forcément très orthodoxe d'un point de vue "strictement" tolkienien (ainsi que le laisse notamment deviner le scénario parvenu jusqu'à nous), mais Boorman aurait sûrement proposé une vraie vision d'auteur, en tout cas.

Silmo a écrit :
Hyarion a écrit :

[...] Je repense à ces phrases prononcées par Orson Welles à la fin de son film F For Fake (Vérités et Mensonges, 1973) : “What we professional liars hope to serve is truth. I'm afraid the pompous word for that is "art". Picasso himself said it. Art (he said) is a lie. A lie that makes us realize the truth.” Dans le cas de showrunners comme ceux de la série Amazon dont il est question ici, je me demande où ils peuvent bien se situer, en matière de vérité et en matière d'art... En fait, la seule vérité qu'ils me paraissent révéler, en l'état, renvoie à la « loi du marché »...

excellente citation à rappeler et malvenue d'Orson Welles.
Picasso a bien joué la-dessus  pour sa propre fortune mais l'art n'est pas que mensonge ou tromperie, sinon autant fermer tous les musées et les bibliothèques.
Loi du marché, oui mais beauté aussi, sinon je change de job, sauf à penser que les auteurs ne sont que des producteurs, pas des artistes. Je reconnais, certes que ce fut un gagne pain pour beaucoup mais sans rien enlever à la création.

Il ne faut pas oublier le ton et l'esprit avec lesquels Welles prononcent ces phrases, dans un film sur le vrai et le faux évoquant notamment la question de la valeur que l'on accorde aux notions d'auteur et d'art. Dans ces propos, qui se situent à la fin de son film, il y a de l'ironie, mais pas du tout de cynisme, a fortiori lorsque l'on n'oublie pas la méditation qu'Orson Welles partage précédemment dans ce même long métrage, dans une séquence où il se met en scène en train de contempler la cathédrale de Chartres, qu'il admirait beaucoup (également lecteur de Montaigne, le réalisateur de Citizen Kane était francophile) : https://www.youtube.com/watch?v=oB3tj1c1Itg

J'accompagne cette belle citation, que je n'ose traduire, de deux tableaux auxquels elle m'aura fait penser.


Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875).
La Cathédrale de Chartres, 1830/1872.
Huile sur toile, 64 × 51,5 cm.
Paris, musée du Louvre.

And this has been standing here for centuries. The premier work of man perhaps in the whole Western world, and it's without a signature: Chartres.
A celebration to God's glory and to the dignity of man. All that's left, most artists seem to feel these days, is man. Naked, poor, forked radish. There aren't any celebrations. Ours, the scientists keep telling us, is a universe which is disposable. You know, it might be just this one anonymous glory of all things, this rich stone forest, this epic chant, this gaiety, this grand, choiring shout of affirmation, which we choose when all our cities are dust, to stand intact, to mark where we have been, to testify to what we had it in us to accomplish.
Our works in stone, in paint, in print, are spared, some of them for a few decades or a millennium or two, but everything must finally fall in war or wear away into the ultimate and universal ash. The triumphs and the frauds, the treasures and the fakes. A fact of life. We're going to die. “Be of good heart”, cry the dead artists out of the living past. Our songs will all be silenced — but what of it? Go on singing. Maybe a man's name doesn't matter all that much.

Orson Welles, F for Fake.


Zdzisław Beksiński (1929-2005).
Œuvre sans titre (Peinture AA83), 1983.
Huile sur panneau, 87 x 73 cm.
Sanok (Pologne), Musée historique.

Peace and love,

B.

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#237 18-10-2022 00:51

Silmo
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

We're going to die. “Be of good heart” selon Orson Welles
Bon, au cas où, il y a tout de même un défibrillateur dans la nef de la cathédrale de Chartres, en entrant à gauche  smile

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#238 18-10-2022 01:26

Mairon
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Hisweloke, je dirais que l'acteur qui joue Halbrand/Sauron n'est pas mauvais, mais que le discours d'escorte qu'il utilise pour parler de son jeu est plus ambitieux que son jeu lui-même et que la direction de son jeu. Tout cela est en-deçà de ce que j'attends pour dépeindre un ange/dieu déchu comme Sauron, mais les choix scénaristiques dans l'affaire ne peuvent que ternir celle-ci. J'ajoute qu'il est louable que les acteurs aillent au-delà du cahier des charges. Christopher Lee, par exemple, parvenait à donner un tour un peu particulier au personnage de Saruman dans la trilogie de Peter Jackson, qui venait sans doute du mélange de sa longue expérience d'acteur et de sa vraie connaissance de l'œuvre originelle. In fine, cependant, même si cela peut être plutôt positif pour qui recherche les fragments de l'original, Lee jouait essentiellement le Saruman de Jackson, évidemment.

Tu évoques la "prélogie" de Star Wars. J'étais encore adolescent à l'époque de sa diffusion (je suis en début de trentaine), mais j'avais déjà approché les classiques (faisant grec et latin) et je sentais que le cadre était malaisé pour réussir à lier à l'esprit Star Wars de la trilogie originelle à une ambition plus grande, plus tragique, qui était nécessaire pour souligner la transformation d'Anakin et de la République en Vader et en Empire (respectivement). Lucas ne pouvait pas non plus être Shakespeare (là où les showrunners de TROP se voudraient Milton ?!), qui mélange les registres et même les genres comme diable (ce qui fut sur nos bords considéré comme une abomination, avant les Romantiques), mais Shakespeare n'avait pas comme mission secondaire de vendre des produits dérivés, cela étant dit. Ajoutons à cela que la prélogie a été assez maladroite dans sa construction (d'où l'idée plus tard de faire les séries Clone Wars) : en faisant du premier épisode la préquelle de la préquelle, Lucas a diminué le temps disponible, ensuite, pour traiter de ce qui comptait à propos du renversement d'Anakin.
Curieusement, je trouve plutôt les mêmes problèmes dans cette série, en ce qui concerne Halbrand/Sauron, ou le rétrécissement et la rapidité incroyables de la création des Anneaux - enfin des Trois...

Il n'est pas impossible de concevoir la progression d'un personnage sauronien, en se fondant sur ce que Tolkien en dit. Il a fourni la trame, explicite ou implicite, même s'il y a des doutes, notamment dans l'essai sur la motivation des personnages du Silmarillion (dans les derniers HoME). La difficulté, c'est que la série a réussi à reprendre certains fragments de cette idée (sur l'histoire de la demi-repentance complexe de Sauron), mais évidemment, en l'absence des droits et vu le changement d'inspiration, ça donne... autre chose. Et en suivant la mode actuelle, on aboutit à un duo Sauron/Galadriel, qui permet bien pratiquement de suivre la tendance perceptible dans des séries de genres variés mais aussi dans l'imaginaire. Pendant ce temps, la relation Sauron/Celebrimbor a été délaissée : elle est évidemment plus difficile à mettre en place. Il faut imaginer ce que Tolkien laisse dans la brume et qui est difficile, là où Sauron/Galadriel correspond à des motifs et à des types déjà assez souvent vus à l'écran.

Morgoth me semble en effet efficace et bien écrit en effet dans l'histoire de Húrin. J'ai envie de citer ses mots :
"I am the Elder King: Melkor, first and mightiest of the Valar, who was before the world, and made it. The shadow of my purpose lies upon Arda, and all that is in it bends slowly and surely to my will. But upon all whom you love my thought shall weigh as a cloud of Doom, and it shall bring them down into darkness and despair. Wherever they go, evil shall arise. Whenever they speak, their words shall bring ill counsel. Whatsoever they do shall turn against them. They shall die without hope, cursing both life and death."
Comme ailleurs, ici, on sent que Tolkien connait ses classiques - et évidemment, il comprend le mythique, le tragique, l'épique... de façon intime. Il sait aussi faire parler un dieu maléfique. Ensuite, comme tu l'écris, ça se sent dans les Wanderings of Húrin, du côté de l'influence indirecte de Morgoth.

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#239 18-10-2022 21:29

UmbarParrot
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Mairon a écrit :

Il n'est pas impossible de concevoir la progression d'un personnage sauronien, en se fondant sur ce que Tolkien en dit. Il a fourni la trame, explicite ou implicite, même s'il y a des doutes, notamment dans l'essai sur la motivation des personnages du Silmarillion (dans les derniers HoME). La difficulté, c'est que la série a réussi à reprendre certains fragments de cette idée (sur l'histoire de la demi-repentance complexe de Sauron)

J'ai toujours eu une certaine fascination quant à la situation de Sauron à la fin du 1er âge. Je le vois reconnaître sans peine la défaite et donc la futilité morale de son entreprise, en bon utilitariste corrompu. D'autant plus qu'il peut en rejeter la responsabilité sur son ancien patron. Ce premier constat ouvre la porte à un second bien plus pénible à digérer : celui d'avoir eu potentiellement tort sur toute la ligne, sentiment d'autant plus plausible que l'absence nouvelle de Morgoth lui fait prendre la mesure de l'emprise que ce dernier avait sur lui. Cette succession d'humiliations devient insupportable pour le fantasque Sauron, qui rechigne à s'incliner devant Eönwë, pas aidé par la symétrie de leurs positions respectives, en prime.

Sauron, peut-être, fantasme alors sur une solution satisfaisant son narcissisme: il est le seul à pouvoir imposer, sous sa puissance fédératrice, la coexistence apaisée en Terre du Milieu, chose que les Valar, Elfes, Nains, Humains et compagnie sont trop moralement atrophiés pour envisager. Délusion qui se transformera à son rythme en désillusion avant d'être tout à fait abandonnée. Annatar émergera plus tard sous d'autres motivations...

La lassitude et l'amertume avec laquelle Charlie Vickers joue Sauron se prête parfois bien à cette interprétation, si on replace l'action au début du 2nd âge. C'est un des rares acteurs qui se montre relativement supportable, je trouve. J'ai su parfois aussi apprécier la bonhomie de Durin et sa compagne.

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#240 10-12-2023 18:33

Hyarion
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Quelque temps plus tard...

Je ne sais pas quand la série télé Amazon des "Anneaux de Pouvoir" reviendra à nouveau sur le devant de la scène avec une nouvelle saison, mais c'est peu de dire que l'absence d'attente vis-à-vis d'elle reste constante me concernant...

Je me permets de remonter ce fuseau parce que l'on y a parfois parlé aussi d'autres productions audiovisuelles, et que, comme j'ai déjà pu l'écrire ailleurs, depuis l'automne de l'année dernière, je me suis décidé à retourner de temps en temps dans les salles obscures, et ce jusqu'en octobre dernier, après quoi la motivation a de nouveau fondue, face à une offre d'aujourd'hui qui continue à ne pas beaucoup me parler, l'accumulation des soucis s'arrangeant rien (même si je n'ai pas renoncé, pour autant et par ailleurs, mais lorsque j'ai encore le temps, aux visites de musées, aux concerts classiques [tant que je peux], et au visionnage de films en DVD)...

Or il se trouve que je viens justement de retrouver les tickets de séances de cinéma pour les quelques films récents que j'ai vus sur grand écran depuis novembre 2022...

Inventaire :

  • La Maison d'Anissa Bonnefont, d'après le roman/récit/autofiction homonyme d'Emma Becker. Je n'aime pas le genre littéraire contemporain de l'autofiction, qui reflète trop souvent un privilège de "bobo" produisant du vide nombriliste, mais j'ai fait une exception pour ce roman-ci et donc pour le film qui en est librement inspiré, en raison du sujet traité — la prostitution, ici vue d'un regard féminin. Le film m'a paru, dans l'ensemble, plutôt correct, sachant tous les clichés (souvent misérabilistes) que l'on risque toujours de trouver dans un long métrage traitant d'un tel sujet : dans ce cas-ci, malgré la maladresse de certains passages (pour lesquels il aurait parfois mieux valu rester proche du roman de Becker), la prétention réaliste de certains éléments pourtant téléphonés (le jugement de la famille d'Emma sur son activité, par exemple) et la persistance de préjugés à l'égard du sujet (influence du porno, etc.), le film tient globalement la route, l'inévitable couplet moralisateur m'ayant paru avoir été mis davantage en veilleuse que d'habitude, ce qui contribue déjà en soi à rendre ce long métrage regardable, de mon point de vue ;

  • Avatar 2 : la voie de l'eau de James Cameron. Je suis allé à la séance à reculons, car j'ai toujours détesté le côté mégalomane de Cameron et la promotion pachydermique de ses films à chacune de leur sortie en salles. Cependant, après une première demi-heure laborieuse où l'on s'efforce de justifier le film comme étant la suite du précédent, je reconnais que l'on se laisse prendre par l'histoire, certes cousue de fil blanc (comme d'habitude), de cette fable écologique, truffée par ailleurs de références à d'autres longs métrages célèbres de Cameron ;

  • Caravage (L'Ombra di Caravaggio) de Michele Placido. De facture assez classique, mais sans être lourdement didactique pour autant, ce film constitue une bonne évocation de la vie tourmentée du peintre et de sa créativité, dans le contexte violent, inégalitaire et intolérant de son temps (fin XVIe, début XVIIe siècle ; Caravage est mort la même année qu'Henri IV en France, en 1610). La photographie du film est excellente, mettant en valeur les teintes que l'on retrouve dans la peinture du Caravage, dont les tableaux, et ceux d'autres peintres de l'époque (dont Artemisia Gentileschi, qui apparait dans le film) ont été reproduits en imitant les textures d'origine, pour plus de crédibilité. Malgré quelques petits problèmes de post-synchronisation des voix pour cette production franco-italienne, le casting du film m'a paru à la hauteur du sujet traité. Les décors et les costumes sont réalistes, avec notamment ce qu'il faut de saleté, comme dans un autre film "biopic" assez récent, sur un autre génie de l'époque : Michel-Ange d'Andreï Konchalovsky (ou Kontchalovski), un autre bon long métrage sur la création et ses tourments, vu sur grand écran en mai 2021 (c'était alors la première fois que je revenais dans un cinéma depuis... l'été précédent !) ;

  • John Wick : chapitre 4 de Chad Stahelski. Je n'avais jusque-là encore jamais vu sur grand écran un film de la série "John Wick", ayant découvert le premier long métrage de ladite série à la télé, quelques jours avant d'aller voir au cinéma, par curiosité, ce quatrième film, dont l'action se passe en partie à Paris (notamment à Montmartre et jusqu'à l'intérieur du musée du Louvre). Le fait de savoir que Stahelski dit s'être inspiré de Point Blank (Le Point de non-retour, 1967) de John Boorman (à mes yeux, un des meilleurs films de Boorman avec Excalibur) pour développer le personnage de John Wick, m'a aidé notamment à faire le parallèle entre, d'une part, la séquence très amusante du film de Boorman se passant dans une boîte/discothèque psychédélique californienne (le Movie-House) et se finissant par une baston, et d'autre part les séquences de bagarre de Wick comme celle se passant, dans ce quatrième film de la franchise, dans une discothèque berlinoise pour laquelle la Alte Nationalgalerie de Berlin a servi de décor extérieur : ainsi, avec ce type de référence cinéphile, le film d'action de Stahelski peut-il être regardé avec une appréciable dimension de second degré ;

  • Jeanne du Barry de Maïwenn. Tourné dans des décors magnifiques et avec des costumes somptueux, c'est un bon film historique, qui peut se regarder comme tel, sans forcément penser qu'il est aussi une manière pour la cinéaste de raconter sa vie à travers celle de la dernière favorite du roi Louis XV ;

  • Il Beomo de Petr Václav. Un excellent film historique, dont l'action se passe au XVIIIe siècle comme le précédent cité, et qui évoque pour sa part la vie en Italie du musicien et compositeur pragois Josef Mysliveček (1737-1781), admiré par le jeune Mozart. Il Beomo a été présenté comme étant dans le sillage d'Amadeus et de Barry Lyndon, sans avoir cependant la frénésie du premier (ce qui est plutôt un avantage) ni l'ampleur biographique du second (ce qui sert plutôt le propos, concentré sur la carrière italienne — à Venise, Naples, Rome... — de la vie de Mysliveček). Ce beau long métrage, notamment par le grand soin accordé à la reconstitution historique, en matière de décors, de costumes, de contexte culturel (celui du siècle des Lumières et de la façon dont on jouait la musique à cette époque), est à la hauteur de l'oeuvre musicale méconnue de ce compositeur, certes moins important que ses contemporains Haydn et Mozart dans l'histoire de la musique de ce temps, mais qui mérite de ne pas être oublié ;

  • Indiana Jones et le Cadran de la destinée de James Mangold. Une conclusion correcte de la série "Indiana Jone" au cinéma, sachant cependant qu'il était difficile de faire pire que le film précédent sorti en 2008, et ce malgré le fait que le thème du voyage dans le temps ne soit pas en soi très intéressant (car notamment trop aberrant scientifiquement). Harrison Ford s'en sort honorablement, mais vu son âge avancé, il était franchement plus que temps que la série s'arrête. Le premier film de cette série, Les Aventuriers de l'arche perdue (Raiders of the Lost Ark, 1981), reste à mes yeux le meilleur de tous, et un des rares films de Steven Spielberg que je peux revoir aujourd'hui avec plaisir (globalement, la "magie" de ce cinéaste ne "marche" plus sur moi) ;

  • Oppenheimer de Christopher Nolan. Le premier film de Nolan que j'ai pris la peine d'aller voir sur grand écran depuis Interstellar... C'est un bon "biopic" sur Robert Oppenheimer (1904-1967), monumental dans sa facture mais dans lequel le cinéaste fait l'effort d'être didactique vu la complexité du sujet. Le film, intéressant, demande de l'attention de la part du spectateur, mais j'avoue que je n'ai pas vu passer les trois heures de projection.

À cela s'ajoute quelques vieux films vus ou revus cette année sur grand écran, à la Cinémathèque de Toulouse :

  • Les Tueurs (The Killers, 1946) de Robert Siodmak, avec notamment Burt Lancaster et Ava Gardner ;

  • La Dame de Shanghai (The Lady from Shanghai, 1947) d'Orson Welles, qui est un des chefs-d'œuvre de Welles : je suis allé aux deux séances programmées ;

  • Péché mortel (Leave Her to Heaven, 1945) de John M. Stahl ;

  • Basic Instinct (1992) de Paul Verhoeven, déjà revu sur grand écran à la Cinémathèque de Toulouse, mais il y a déjà de très nombreuses années (vers 2005) ;

  • La Dolce Vita (1960) de Federico Fellini, chef-d'œuvre revu pour la première fois sur grand écran, en version restaurée, et lors de ce qui a été la dernière séance de cinéma me concernant pour le moment, au début du mois d'octobre dernier.

Aurai-je à nouveau à la fois le temps et la motivation pour retourner dans les salles obscures à l'avenir ? On verra bien...
Restent les films à voir ou à revoir en DVD, "à l'ancienne"... et parfois aussi quelques séries télé, diffusées en dehors des plateformes payantes, notamment sur la chaîne ARTE...

Peace and Love,

B.

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#241 17-02-2024 21:22

ISENGAR
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Re : Une "amazon" chez Le Seigneur des Anneaux

Je pose ça ici, si jamais ce sujet intéresse quelqu'un :
Quelques infos sur la saison 2 des AdP

I.

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