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#1 21-06-2005 00:55

Cedric
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Test 20-06-05

test

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#2 21-06-2005 01:31

Cedric
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Re : Test 20-06-05

bis

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#3 21-06-2005 01:43

Yyr
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Re : Test 20-06-05


test de m.e.f. citation :

Cédric a dit :
bis

et si la citation est longue :
Cédric a dit :
bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis
bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis

bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis bis

ça a l'air de fonctionner ? smile

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#4 21-06-2005 01:44

Yyr
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Re : Test 20-06-05


Moui, vu d'ici ça m'a l'air bien smile

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#5 20-06-2005 02:10

sosryko
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Re : Test 20-06-05

Vu d'ici (IE) aussi c'est pas mal ;-)) mais la marge laissée sur la doite de la citation n'est-elle pas trop importante?

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#6 20-06-2005 15:49

Yyr
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Re : Test 20-06-05


Effectivement, ça me fait aussi un peu cet effet.
Si Cédric désire le nuancer, il peut modifier dans la feuille de style les attributs width=90% à un peu plus (95% ?) - pour les div citeAuteur et refTexte.

Yyr

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#7 20-06-2005 16:16

Cedric
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Re : Test 20-06-05

Corrigé, passage de 90 à 95%. Moyennant un rafraichissement de la page, ça devrait être bon.


Cédric.

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#8 20-06-2005 16:36

sosryko
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Re : Test 20-06-05

Super, merci :-))

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#9 13-09-2005 22:11

Yyr
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Re : Test 20-06-05


0 « Wherefore, Ælfwine, if thou wilt consider well all that I have said to thee at this time, not only what is plainly expressed, but also what is therein to be discovered by thought, thou wilt now understand that, albeit more wittingly, albeit more slowly, the tongues of the Quendi change in a manner like to the changes of mortal tongues. » [PM/400]

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#10 13-09-2005 22:11

Yyr
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Re : Test 20-06-05



Benilbo :
[…] le problème est qu'on traite d'objets aux facettes multiples, et choisir l'une approche plutôt que l'autre, c'est choisir une projection. Quand je dis "dénaturer" ou "réducteur", il ne s'agit pas de termes péjoratifs, dans le sens où il s'agirait d'un marrissement, d'une altération. Je veux simplement dire qu'on restreint ces langues à une petite partie seulement de leur nature et qu'on passe du coup à côté quelque chose d'important. […]
Oui.
Benilbo écouter vous devez smile
L'on passe à côté de quelque chose de très important, l'on passe à côté de quelque chose de fondamental, d'essentiel, de ce qui fait la nature d'un conte.

Ardarin, Lambertine, Toko :
"les langues inventées de Tolkien sont humaines, car elles sont le fruit de la sous-création d'un humain"
Cette assertion ne me paraît pas congruente smile je glisse, en ce qui me concerne, à essayer de la saisir, tantôt sur une pente tautologique ("ce qu'invente un homme est humain" - ce que disait Didier), tantôt sur une pente syllogistique (1. "ce qu'invente un homme est humain" + 2. "Ungoliantë est inventée par un homme" → 3. "Ungoliantë est humaine" smile). L'invention est certes humaine, mais cela a-t-il un sens de qualifier tel son objet ? Le chien imaginé est-il humain ? et l'herbe ? et les dieux et les monstres ? les anges et les astres ? les elfes et les étoiles ? (je jette un œil à mes murs et je ne parviens pas longtemps à soutenir les énoncés auxquels je m'essaye : « ce papillon, d'un point de vue externe, est humain » « d'un point de vue externe, ce félin imaginaire est humain » ...)

D'autre part, cette assertion peut laisser entendre une conception erronée de ce qu'est l'invention humaine et de la (sous-)création qu'elle produit : i.e. si elle entend enfermer l'œuvre produite à l'intérieur de son auteur, considérer la tenir à l'intérieur de ses limites. Une création artistique, bien au contraire, dépasse largement les limites de son auteur, et produit toujours des choses inattendues et qui n'existaient pas en lui, de par l'interaction entre lui et ce qui est au dehors de lui ; il invoque la participation de choses et d'êtres qui ne sont ni lui ni en lui, qui sont autres que lui (une poussière, une feuille, un rayon de lumière ...) : tout particulièrement dans son art l'homme fait l'expérience de ce qui n'est pas lui quand il crée. Plus encore, une sous-création est un tout, cependant toujours incomplet et suggéré, qui requiert de l'imagination pour être appréhendé (et pourquoi donc sinon pour percevoir ce qui n'est pas accessible dans la réalité actuelle et intrapersonnelle de l'Homme ?), laquelle seule pourra considérer les lois qui sont propres à ce tout et lui permettent de fonctionner, des lois qui, bien qu'inventées par l'homme, n'ont bien souvent rien d'intrinsèquement humaines.

Réduire (ce que dit Ben) toute l'affaire faërique à un cercle d'humain à humain, enferme l'homme avec lui-même et va à l'encontre de son désir profond, qui est de communiquer avec ce qui est autre que lui, les elfes et les dieux, mais aussi la nature, les oiseaux et les bêtes. Ce désir qui est au cœur de son imagination. L'on dissout, en fait, l'imagination et le lien qui opère au sein du « signe faërique » :

Benilbo :
Le problème sur lequel je veux insister ne porte pas finalement tant que ça sur le caractère humain ou inhumain; pour moi, comme je le répète, les divergences dans ce fuseau s'articulent autour d'un problème de nature. Et le principal mot sur lequel rejeter la faute dans les phrases "ces langues sont humaines" et "ces langues sont inhumaines", ce n'est pas tant "humain" ou "inhumain" mais bien plutôt le verbe "être". C'est quoi, l'être d'un objet à la nature multiple, l'une faërique dans le monde secondaire, l'autre langue inventée, (sous-)création d'un esprit humain dans le monde primaire ? Pour moi, il s'agit des deux à la fois, et choisir un point de vue consisterait nécessairement à éliminer l'autre (puisque chacun possède son système causatif propre incompatible avec l'autre : en se projettant entièrement dans le premier, Tolkien n'existe pas; en se projettant entièrement dans le second, les Elfes n'existent pas).
Imaginons que nous soyons tous en train de regarder une montagne, chacun depuis notre village respectif, à l'heure du coucher de soleil; l'un, placé à contre jour dira : cette montagne est noire. Un autre, le dos au soleil, dira à propos du versant baigné dans la lumière : cette montagne est rouge. Enfin, un dernier, de biais, ébloui par les rayons réfléchis par les cimes enneigées dira : cette montagne est blanche. Nous aurions tous raison et tort à la fois; raison, car ce que nous disons correpond bien à l'état de la montagne telle que nous la voyons; cet état, de notre point de vue exclu tous les autres. Pour celui qui voit la montagne noire, c'est bien toute la montagne qui est noire en cet instant. Mais nous avons tous tort, car une montagne ne peut être à la fois exclusivement noire, blanche ou rouge, sauf si on la considère de tous les points de vue à la fois. Mais cette considération est factuellement impossible : d'aucun ne peut se trouver dans tous les villages à la fois; seule une considération Naturelle, Essentielle permet de prendre en compte l'être multiple de l'objet en question. Ca ressemble furieusement, finalement, à un problème d'incertitude relativiste, non ? wink
Cette considération Essentielle des langues de Tolkien, qui me tient tant à coeur, j'en garderai avant tout le caractère symbolique; et volontairement, pour l'illustrer, je choisirai un exemple sujet à controverse (on aime ça sur jrrvf !) : le crucifix. D'un point de vue purement matériel, on pourrait dire : "c'est juste une croix" (re-damned!). D'un point de vue purement spirituel, il serait difficile de décrire vraiment la flamme qui passe à travers tant celle-ci est complexe. Néanmoins, l'isolement du caractère matériel (la croix), ou du caractère spirituel (l'idée, la flamme) est une dénaturation du symbole; l'un ou l'autre prix séparément n'est plus le symbole. […]
En te lisant, le parallèle me vient immédiatement avec la conception saussurienne du signe linguistique. Déduisons le modèle suivant spécifique au signe faërique : de même que le signe linguistique général est (tient son existence) de par l'association d'un signifiant (matériel - acoustique) et d'un signifié (conceptuel - sémantique), de même le signe faërique est (tient son existence) de par l'association d'un signifiant (matériel - externe) et d'un signifié (conceptuel - interne). Dans les deux cas la matière n'a de pertinence que si elle joue son rôle de communiquer un sens : c'est l'union du signifiant et du signifié qui fait la réalité du signe. Défaire ce lien, pour un conte dissocier « externe » et « interne », a la même conséquence que de dissocier le signifiant d'un signifié de la langue : lorsqu'on le fait, on ne manipule plus la langue ; de même en faërie n'attrape-t-on que du vide. Le lien qui opère entre les deux et qui maintient la réalité du signe faërique a un nom : c'est l'enchantement (et garder ce lien est ce que certains appellent « étoilé » ; tandis que le rompre est « carnassier »). Ainsi, conserver l'enchantement n'est pas seulement une affaire de poésie et de goût (ou plutôt : le goût de la poésie n'est pas « une » fantaisie ... smile), c'est aussi un point de méthode on ne peut plus central : c'est le pont qui permet à l'homme de voyager en faërie ; mais c'est aussi et autant le lien qui permet à celui qui veut étudier et consigner sa route de pouvoir le faire (... c'est « de la » fantaisie smile).

Aussi, la dissociation du signe faërique, i.e. la dissolution du lien qui est l'enchantement, est-elle mal venue. C'est ce que nous faisons en commençant (ou en terminant smile) des phrases par « […] d'un point de vue externe / d'un point de vue interne […] » ... Un tel processus se heurte inévitablement aux paradoxes montrés par Ben, dès lors qu'il entend dissocier en deux réalités sémantiques des signes qui n'en n'ont qu'une, et, inévitablement, l'on en vient à des contradictions, opposant deux vues (très souvent une lecture dite « interne » à une (ana)lyse dite « externe »). Pourquoi donc ? Lorsqu'on étudie et commente un article de la langue (un article de journal, un roman, une lettre ...), sépare-t-on pour cela la substance acoustique de la substance conceptuelle ? Evidemment non. Que gagnerait-on à le faire ? Evidemment rien. Ce serait confondre le contenant avec son contenu, l'esprit avec la matière, le signifié avec le signifiant.

Yyr :
Concernant ta seconde question, ces langues n'ont pas été conçues à partir du latin, ni du finnois ni d'aucune autre langue de notre réalité.
Cette assertion non plus ne me paraît pas très congruente wink (un peu d'humour, en même temps, sans aucun doute, qu'une rechute d'« internisme » smile ...). Dans un excessif esprit de contradiction, j'ai confondu les deux faces du signe faërique, en donnant comme une sorte de créance primaire à la réalité secondaire, avec le danger, dans l'absolu, de faire perdre le contact avec le monde (primaire) (ce dont nous discutâmes une fois avec Dame Cathy smile). Cette confusion introduit ici, par la négative, une relation causale entre le monde primaire et le monde secondaire autre que celle de l'enchantement. Elle supplante donc ce dernier et elle est donc fausse puisque c'est l'enchantement qui est la vrai relation entre les deux.


Mais plus fréquentes à mon impression sont les confusions « externistes », qui concluent à du sens à partir de « ce qui raconte » au lieu de « ce qui est raconté », et qui produisent des biais inverses, particulièrement contre-productifs pour la critique en art ou en littérature : l'on perd le contact avec le monde secondaire et donc avec la substance des signifiés. Non qu'il faille faire abstraction de « ce qui raconte », mais qu'il faille respecter la nature du signe. Les choses inventées, les histoires, les poèmes et les mythes, et a fortiori les (sous)créations mythopoétiques, travaillent, au moyen de la langue, de précédents matériaux, et les coulent en de successifs alliages, renouvelant et enrichissant sans cesse ce qui est ancien. Mais chaque ramification de l'Arbre aux Contes n'a son sens, tout comme l'écheveau du langage, que dans le champ des idées imaginées de ces matériaux. Le désossage entrepris par une optique visant à donner un sens au signifiant en dehors de son enchantement n'en a aucun. Une telle optique est souvent celle du « carrier », qui creuse, et qui extrait des profondeurs ; de sorte qu'il ne peut effectivement jamais découvrir quelque chose d'autre que ce qui était déjà là :
« Beowulf a été utilisé comme carrière de faits et de lubies bien plus assidûment qu’il n’a été étudié comme œuvre d’art. […] je me contenterai ici de présenter mon point de vue de manière allégorique. […] La fée marraine invitée plus tard pour présider à ses destinées fut Historia. Et elle prit avec elle Philologia, Mythologia, Archeologia, et Laographia. D’excellentes dames. Mais où était celle d'après qui l'enfant fut nommé ? Poesis à l’ordinaire était oubliée ; à l’occasion on la faisait entrer par la petite porte ; quelques fois on la congédiait sur le pas de la porte. ‘Le Beowulf’, dirent-elles, ‘n'est pas vraiment ton affaire, et n’est en aucun cas un protégé dont tu pourrais être fière. Il s’agit d’un document historique. Ce n'est qu'en tant que tel qu'il peut intéresser la culture supérieure d’aujourd’hui.’ Et c’est comme document historique principalement qu'il a été examiné et disséqué. » 1 (merci Bertrand pour le coup de main)
L'activité de ces carriers, dit Tolkien, avait produit des faits (~ tautologiques) et des lubies (même pas smile), parce que les deux faces ont été dissociées, et l'on n'avait conservé qu'un « document », c'est-à-dire la seule matière du matériau. Les passages dédiés à la critique de Beowulf qui sont donnés ici sont renforcés dans le chapitre "Origines" de l'essai sur le Conte de Fées (Faërie/72-90), et l'on pourra d'une manière générale très aisément superposer faërie à poésie, étoilé à poète, carnassier à chercheur/historien/antiquaire, démarche carnassière à recherche analytique, etc... (voir aussi, bien entendu, le parallèle joliment établi par Sosryko dans l'inédit qu'il nous révélait ici).

Car ce que Tolkien résume ainsi :
« La recherche de l’historien est, bien sûr, parfaitement légitime, même si elle ne sert en rien la critique en général (car tel n’est pas son objet), aussi longtemps qu’on ne la prend pas pour de la critique. » 2 Cf. : « À vrai dire, la question : Quelle est l’origine de l’élément féerique ? nous mène en fin de compte à la même enquête fondamentale ; mais il est dans les contes de fées maints éléments [...] qui peuvent être étudiés sans aborder cette question principale. Pareilles études sont toutefois scientifiques (d’intention tout au moins) ; elles font l’objet des recherches de folkloristes ou d’anthropologues, c’est-à-dire de personnes utilisant les histoires pour un objet qui n’est pas celui pour lequel elles ont été écrites, comme mine où puiser des témoignages ou des renseignements sur des matières auxquelles ils s’intéressent. Ce procédé est parfaitement licite en soi — mais l’ignorance ou la négligence de la nature d’une histoire (comme chose racontée dans sa totalité) a souvent mené pareils enquêteurs à d’étranges jugements. » [F/72]
renvoie, très extactement comme l'annonce Ben, un problème de « nature ». Celle-ci, en réalité, est dans l'association des deux faces de l'élément faërique, et non dans la dissociation. Voilà pourquoi Tolkien, plus loin (MC/24), évoque les « ressemblances » entre Beowulf et l'Aeneid et les exploite, Mais il précise bien que ce n'est pas à partir des points de « réminiscences » ou d'« imitation » que l'on peut conclure, ni à partir de la question de savoir « si [l'auteur de Beowulf] a ou non lu Virgile ». Pourquoi sinon parce que l'enchantement - le lien entre matière et sens - est nouveau dans Beowulf ? Des matériaux sont repris et fondus avec d'autres (cf. ce que rappelle Bertrand en tête de ce fuseau, et la référence qu'il donne), et les liens qui opèrent en leur sein opèrent en synchronie les uns avec les autres et avec un nouveau tout.

Mais l'activité carnassière qui concerna Beowulf avant Tolkien, une véritable « industrie », selon ses mots, lui suggéra encore l'allégorie suivante, que Cédric nous avait déjà donnée ici :
« J'aimerais encore décrire cette industrie par une autre allégorie. Un homme hérita d'un champ où s'accumulait un tas de vieilles pierres, les restes d'un ancien château. De ces pierres certaines avaient déjà été employées pour construire la maison où il vivait maintenant, non loin de l'ancienne demeure de ses pères. De ce qui restait, il prit de quoi construire une tour. Mais ses amis en arrivant virent tout de suite (sans prendre la peine de monter les marches) que ces pierres avaient déjà servi à une bâtisse plus ancienne. Ils renversèrent donc la tour, non sans peine, pour y chercher des inscriptions et des sculptures cachées, ou pour découvrir de quel endroit les lointains ancêtres de cet homme avaient tiré leurs matériaux. L'un soupçonnant que du charbon gisait en dessous se mit à creuser, et oublia même les pierres. Tous dirent : 'Cette tour est du plus grand intérêt.' Mais ils dirent encore (après l'avoir renversée) : 'Dans quelle état est-elle !' Et même les descendants de l'homme, dont on pensait qu'ils auraient réfléchi à ses intentions, furent surpris à murmurer : 'C'est un si drôle de type ! Pensez qu'il a pris ces vieilles pierres, et ce pour construire une tour qui n'a pas de sens ! Pourquoi n'a-t-il pas restauré l'ancienne demeure ? Il n'a aucun sens des proportions.' Mais du sommet de cette tour l'homme avait pu contempler la mer. » 3
Celui qui (ana)lyse tel un carrier ne peut conclure qu'à l'intérieur du cercle dans lequel il se restreint, et ne peut saisir en même temps le sens (« Pensez qu'il a pris ces vieilles pierres, et ce pour construire une tour qui n'a pas de sens ! »). Celui qui étudie en poète, au contraire, sans négliger la matière des pierres ni leurs richesses propres, voit aussitôt que le poète s'en est servi pour bâtir son propre édifice et aller en hauteur. Ce qui n'interdit pas la critique de la tour en tant que tour : celle du texte est bâtie avant toute chose pour être gravie, mais aussi, je le crois, admirée (dans son style, sa structure, sa force, ses envolée ...). Tant que l'on garde le lien entre la matière employée pour sa rédaction, et la vue qu'elle donne à contempler. Ce lien est l'Enchantement : celui qui gravit son sommet contemple la mer, et c'est le sens de cette tour. Mais elle n'est certainement pas faite pour se voir renverser, rompre ce lien, dissocier les pierres de l'édifice. Il fait sens d'étudier le signifiant du signe faërique si c'est en lien avec son signifié ; ce n'est qu'en tant que tour qu'elle fait sens :
« Sans surprise il devrait maintenant se faire sentir le besoin impérieux d’une vision, d’une décision, d’une conviction. Mais il est clair que ce n’est que dans la considération de Beowulf comme poème, avec une signification poétique inhérente, qu’une vision ou conviction pourra être atteinte et solidement tenue. Car il est dans leur nature que les bafouillages de toute recherche historique antiquaire marmonnent dans le dru bois de la conjecture, voletant d’un arbre tam-tam à l’autre. Nobles animaux dont le marmonnement à l’occasion vaut la peine d’être entendu ; mais bien que leurs yeux enflammés puissent parfois se révéler projecteurs, leur champ de vision est court. » 4
Hi ! Hi ! smile Cathy, toi qui trouvais que le terme de « carnassier » était péjoratif ... smile smile smile
Lorsque les faces de l'élément sont dissociées, lorsque, comme dans le cas présent, on ne garde que le signifiant, la matière, alors on n'entend plus qu'un « marmonnement », un bruit de « tam-tam ». Et pour cause, puisque l'on détache du signe rien de moins que sa dimension sémantique. C'est, je le crois, ce qui se produit plus haut, si l'on tient à qualifier le sens des langues elfiques à partir de leur seule face externe, et prétendre par exemple qu'elles sont humaines (cf. plus loin - NB : la perspective de Helge conduit effectivement à une langue humaine ...). C'est ce qui se produit très souvent au détour de certains articles : ainsi Verlyn Flieger cherche-t-elle à déterminer le sens du nom Eru à partir de sa seule face externe ! (Nommer l'Innefable Feuille n°2/278) ou bien Thomas Honegger (et Tom Shippey ?) arrive(nt ?) à conclure que « les Rohirrim sont bien des Anglo-Saxons » !! (De l'occidentalien à l'anglais moderne - Tolkien 30 ans Après/156 - et quand Thomas Honegger, dans sa phrase suivante, précise que cette identité est vraie à quelques « traits dénués de fondements historiques » près, la confusion devient totale, tels les critiques de Beowulf qui établissaient des éléments sans importance au centre de leur critique, et rejetaient l'essentiel en périphérie !) Cela arrive même aux meilleurs : ainsi Maître Isengar lui-même ici nous recommande-t-il de ne pas trop rechercher de symbolique à l'habillement de Tom (rhôôô wink). Mais c'est comme décider que le sens d'un mot est fourni par son signifiant et non par son signifié ... Ce biais est presque toujours celui de qui se met en tête de déterminer « l'origine » des matériaux : la plupart du temps, le carrier se tranforme en carnassier et rompt l'enchantement, le lien avec le sens. Sont bien rares qui procèdent à la recherche des origines sans rompre le lien (Tolkien, lui, y parvient, dans son essai sur Beowulf : il place l'auteur du poème en contexte, identifie des matériaux - des matériaux, pas des os -, et montre ainsi l'évolution des thèmes traités dans les mythes, tout en gardant à chacun leur nature intacte et unie) ; mais même ainsi, « leur champ de vision est court » (et ils se limitent à des questions « qui ne trouvent jamais de réponse définitive » cf. ci-dessous) :
« Néanmoins, des sentiers d’une certaine sorte ont été tracés dans le bois. Lentement, dans le déroulement des années, on découvrit l’évidence (si souvent la dernière révélation d’une étude analytique) : que nous traitons d’un poème écrit par un Anglais renouvelant un matériau ancien et en grande partie traditionnel. Alors et enfin, après avoir si longuement interrogé l’origine de ce matériau, et sa nature originale et originaire (des questions qui ne trouvent jamais de réponse définitive), pourrions-nous maintenant aussi encore chercher ce que le poète en a fait ? Si nous nous posons la question, alors il y a encore, peut-être, quelque chose qui manque aux principaux critiques, les maîtres appris et révérés dont nous sommes modestement issus. » 5 Cf. : « De même pour les contes de fées, je trouve qu’il est plus intéressant et aussi plus difficile en quelque sorte de considérer ce qu’ils sont, ce qu’ils sont devenus pour nous et quelles valeurs ont produit en eux les longs processus alchimiques du temps. » [F/74]
Car les conteurs reprennent sans cesse des matériaux triviaux. La belle affaire que de le montrer ! Mais ce qui est riche et de valeur réside dans « ce que le poète en a fait » et plus particulièrement dans ce qu'il en a fait « pour nous » :
« Les contes folkloriques qui existent alors, quand ils sont racontés — car le ‘conte folklorique typique’, bien entendu, n’est qu’une abstraction de la recherche et n’existe pas — contiennent souvent des éléments qui sont minces et triviaux, et même avec peu de vertu, potentiellement ; mais ils contiennent aussi beaucoup de ce qui est plus puissant et qui ne peut être dissocié du mythe, en étant issu ou bien capable d’y tourner entre des mains poétiques : c’est-à-dire de devenir largement significatif — comme un tout, accepté non analysé. La signification d’un mythe ne peut pas être aisément épinglée sur le papier par un raisonnement analytique. Mais elle est à son sommet quand elle est produite par un poète qui fait sentir plus qu’il explicite ce que présage son thème ; qui la produit incarnée dans un monde d’histoire et de géographie, comme l’a fait notre poète. Son défenseur a donc pour lui un désavantage : à moins de prudence, et de parler en paraboles, il tuera ce qu’il est en train d’étudier par vivisection, et il obtiendra une allégorie formelle ou mécanique, et, qui plus est, une allégorie qui ne fonctionnera probablement pas. Car le mythe est vivant immédiatement et dans toutes ses parties, et meurt avant qu’il ait pu être disséqué. Il est possible, je pense, d’être mû par le pouvoir d’un mythe et néanmoins d’en mal comprendre la sensation, de l’attribuer entièrement à quelque chose d’autre qui est aussi présent : l’art métrique, le style, ou le talent des mots. » 6
Enfin, de même que la Langue, c'est comme un tout que le Conte existe. Il forme un système au sein duquel chaque élément tire sa valeur en fonction de l'ensemble de ce système, et non pas indépendamment. La Langue aussi est comme le Conte : elle est un enchantement perpétuel d'une matière acoustique en sens et formes pour l'esprit (« La lumière ne pourrait-elle donc pas éclabousser ? » nous demande précisément et judicieusement Laegalad en écho à l'essai sur les Contes de Fées (Faërie/77-78) smile). Sauf en phonétique, je n'ai jamais vu étudier la langue en deux réalités faisant sens séparemment (mais la phonétique ne prétend pas expliquer le sens des sons). De même, je ne vois pas comment en Faërie une étude pourrait fonctionner qui dise : « d'un point de vue externe / d'un point de vue interne ... ». En Langue comme en Faërie, une seule réalité s'impose ; elle est formée par l'association de deux faces : ne peut « devenir significatif » que ce « qui ne peut être dissocié du mythe » ; si on dissocie ses deux faces, cette réalité disparaît pour n'en laisser aucune ... « car le mythe [...] meurt avant qu’il ait pu être disséqué ».


Il en va de même avec les langues elfiques, ni plus, ni moins. Elles cessent d'exister avant de pouvoir être dissociées (et ce que l'on récupère en « externe » n'est qu'« une [langue] formelle ou mécanique, et, qui plus est, une [langue] qui ne fonctionnera probablement pas »). Mais si l'on considère ces langues réellement, que dit leurs ressemblances avec des langues non inventées ? Tolkien a-t-il donc utilisé pour ingrédients « des éléments minces et triviaux » ? La belle affaire, à nouveau smile Mais qu'est « ce que le poète en a fait » ? Cette ressemblance, quel sens a-t-elle ? et en particulier, quel sens a-t-elle « pour nous » ?
Toko :
Personnellement, je trouve que les langues inventées de Tolkien (elfiques et autres) sont on ne peut plus humaines dans leur forme (pour ce qui est de l'aspect sémantique, comme les composés évoqués plus haut par Didier, c'est à discuter...). Les langues elfiques ne sont pas si originales pour des langues inventées et employées par des êtres exceptionnels et immortels. Les procédés morphologiques, grammaticaux ou syntaxiques employés dans celles-ci existent bien dans d'autres langues humaines réelles […] Je suis donc de l'avis de Lambertine et Ardarin : les langues inventées de Tolkien sont humaines, car elles sont le fruit de la sous-création d'un humain (avec ou sans "flamme divine").

Benilbo :
Au risque de me répéter, j'aimerais quand même revenir sur la conclusion de Toko : "Je suis donc de l'avis de Lambertine et Ardarin : les langues inventées de Tolkien sont humaines, car elles sont le fruit de la sous-création d'un humain (avec ou sans "flamme divine")." […] Avec le point de vue que tu adoptes, Toko, dans cette phrase, d'aucun serait bien en peine de prouver le contraire; tes arguments sont très intéressants et fort justes smile.
... fort discutables wink Déjà, d'un seul point de vue analytique, Sébastien, tu restreins toi-même le champ de ton analyse à la « forme », mettant de côté « l'aspect sémantique », et ensuite tu conclus de manière étendue : « les langues ... » - alors que la langue n'est constituée que par l'association de ces deux choses. Ensuite (c'est-à-dire : à partir du moment où de grands ciseaux ont opéré cette section abortive entre « externe » et « interne »), il est inévitable d'aboutir à une conclusion « externe » dès lors que tu restreins ton analyse à la substance externe de ces langues : si dès le départ j'ignore la substance interne des langues elfiques j'aboutis à des conclusions qui ne concernent que la substance externe du signe faërique ; je ne gravis pas le sommet de la tour et je me dis en moi-même : « rien de particulièrement original ne distingue cette tour d'une autre tour (inutile d'y monter) ».

Mais si tu montes, Ami-des-elfes, que vas-tu pouvoir contempler, qui rende cette tour particulière et faërique ... elfique ? Les Elfes sont exceptionnels et immortels, dis-tu, et tu attendrais de grandes différences d'avec une langue mortelle ... par exemple :
« […] voyant qu’ils ne meurent pas et que leur mémoire remonte de longs âges loin en arrière, tu ne comprends pas pourquoi tout le peuple des Quendi n’a pas maintenu, à partir de celle qui fut jadis la leur, une seule et semblable langue dans toutes leurs parentés. » 7
En cela, comme en d'autres choses, c'est justement d'une question de « forme » dont il s'agit, car la matière qu'animent les Peuple doués de Parole est la même pour les Eldar que pour les Hommes :
« Immortels, au sein d’Eä, sont les Eldar, mais étant donné même que, comme les Hommes, ils séjournent dans des formes qui viennent d’Eä, ils ne sont pas plus immuables que ne le sont les grands arbres, ni dans les formes qu’ils habitent, ni dans les choses qu’ils désirent ou réalisent au moyen de ces formes. Pourquoi donc ne devraient-ils pas changer dans leur parler, qui pour une part est réalisée avec la langue et reçue par l’oreille ? » 8
Tout ce qui prend « forme » en Arda, et a fortiori tout ce qui prend même forme (les Elfes et les Hommes sont physiquement apparentés au point même qu'ils sont interféconds !), est soumis aux mêmes limites et aux mêmes champs des possibles (Une comparaison me vient à l'esprit - j'étais persuadé de l'avoir vue dans le Cours de Linguistique Générale mais je ne parviens pas à en retrouver la trace - : la forme empruntée par une langue peut varier d'un idiome à un autre, mais toujours en deça de certaines limites communes à tous, ces limites étant fonction des limites physiques des parlants (appareil phonatoire / acoustique), de même que les hommes pourront se vêtir différemment d'un pays à un autre, mais ces différences s'inscrivant toutes en deça de certaines limites communes, à cause de la physionomie qu'ils partagent (ayant tous deux bras, etc...)). Il y aura tout de même une nuance de taille : les Elfes tirent souvent partie des plus belles de ces réalisations possibles : leurs langues sont plus belles, plus sonantes et tissés pour le ravissement. Leur lámatyávë - comme celui du poète - n'est pas celui du commun des mortels :
« Mais au caractère changeant d’Eä, à la lassitude de l’immuable, au renouvellement de l’union [de la pensée avec le son] : à ces trois choses, qui n’en sont qu’une, les Eldar eux aussi sont sujets, à leur niveau. En cela pourtant, ils diffèrent des Hommes, en ce qu’ils sont toujours plus conscients des mots qu’ils prononcent. Comme un orfèvre peut demeurer plus que d’autres conscient des outils et de la vaisselle qu’il utilise quotidiennement à sa table, ou un tisserand de la texture de ses vêtements. Cela même joue plutôt pour le changement parmi les Eldar que pour la constance ; car étant talentueux et passionnés d’art les Eldar confectionneront avec empressement de nouvelles choses, à la fois pour le ravissement du regard, ou de l’oreille, ou de la sensation, ou pour un usage quotidien : que ce soit dans de la vaisselle, dans un vêtement, ou dans une langue. » 9
Et plus haut Bertrand (qui ne « musardait » en rien en cela, bien au contraire smile) nous donnait la référence, tirée elle aussi du Dangweth Pengolod, concernant la « préférence » des Eldar dans l'usage des sons (note de bas de page PM/398). L'on pourrait encore donner une différence, même dans la forme, et celle-ci en partie constitue une différence radicale d'avec les langues des Hommes : la place du choix délibéré et averti, « en pleine connaissance de cause », dans la transformation de la langue, n'est pas la même chez les Eldar que chez les Hommes. En partie seulement, car ce sont les Eldar qui nous demandent, alors, si nos langues ne sont pas en partie elfiques smile
« Et vois ! Ami-des-elfes, ces évolutions diffèrent peu des évolutions observées dans le parler des Hommes avec l’écoulement du temps. Maintenant, en ce qui concerne les Eldar, nous savons que de telles choses furent réalisées jadis par choix, en pleine connaissance de cause, et alors l’on retient souvent les noms de ceux qui dessinèrent de nouveaux mots ou qui les premiers murent d’importants changements. Pour cette raison les Eldar ne croient pas, en vérité, que les évolutions des langues des Hommes soient entièrement inconscientes ; car d’où viendraient, disent-ils, l’ordre et l’harmonie si souvent observés dans de tels changements ? ou l’habileté avec laquelle à la fois sont modifiés des arrangements et introduits les suivants ? Et certains répondent que la conscience des Hommes sommeille à moitié […] » 10
Mais nous n'avons toujours contemplé que la tour, avec son style, son goût, sa sonance : gravissons maintenant enfin ses marches sculptées et découvrons ce qu'elle nous donne à contempler. C'est qu'il nous faut intégrer la composante sémantique pour pouvoir conclure sur la langue. Et comme Didier l'a très bien évoqué, les elfes découpent dans le tissu du sens d'autres limites que les nôtres, du fait, sans aucun doute, que leurs fëar se distinguent plus radicalement de ceux des mortels, et qu'ils contemplent eux-mêmes l'histoire d'un point de vue différent, plus large et tourné autrement vers elle, mais aussi et surtout, qu'ils contemplent une histoire qui n'est pas exactement la nôtre. Sans aucun doute des Hommes qui vivraient l'histoire des Elfes, et ce en tout point à la manière des Elfes, pourraient dessiner les mêmes concepts, car la substance sémantique de la langue non plus n'est pas d'une nature plus elfique qu'humaine, mais elle est organisée par l'appréhension de la réalité par l'esprit (certes, Michèle, il nous sera donnés d'appréhender l'Estel, mais ce serait un leurre de croire que cet élément, ou tout autre élément elfique, est réductible à un simple jeu de nuances humaines : déjà, pour pouvoir percevoir (et donc qualifier) ces nuances, il faudrait connaître tous les autres mots de la langue elfique, par rapport auxquels sa valeur sera définie, et toute l'histoire d'Arda, qui a chargé et donné leurs valeurs à ces mots ... cela s'avèrerait possible, ensuite, qu'on ne pourrait raisonnablement qualifier ces nuances d'humaines, car cet élément, comme beaucoup d'autres, porte l'estampille de Faërie ; il est né avec ces lois propres au Conte, et ne peut demeurer vivant sans elles : l'Estel est espérance, oui, mais espérance en Arda, par rapport aux limites et aux choses du monde ardarin et non par rapport à celles du monde primaire, et surtout, je dirais, d'après le point de vue des Eldar et non d'après celui des mortels, chacun percevant sa Guérison (et donc son Espérance) selon les peines et les joies accordées par son destin, et selon la part de Révélation qui lui fut accordée ; et quand tu écris : « Il me semble aussi - mais je peux me tromper - qu'on ne peut percevoir le ressenti in-humain qu'à travers notre humanité elle-même. Et qu'à partir du moment où certains concepts sont trop éloignés de nous, c'est le simple fait de les concevoir, même par opposition, même avec le coeur, qui nous est impossible », tu vois bien que les langues elfiques ne sont pas humaines - Ah ! smile - étant entendu que ce qui ne peut se concevoir peut néanmoins être imaginé, évoqué, suggéré par un poète ... cf. le concept "Dieu" proposé par Didier : nul ne peut le concevoir dans toute sa divinité ; il n'est pas cependant imperceptible pour l'Homme (cf. mon paragraphe conclusif) de même que « c'est une des qualités de la Faërie que d'être indescriptible quoique sans être imperceptible » (Faërie/62)), ce qui donne lieu à des particularités, particularités qui, à ce jour, peuvent difficilement recevoir un adjectif autre qu'« elfiques » (bien que d'autres adjectifs soient possibles, ce que nous verrons en d'autres occasions ... wink). Ces particularités ne sont toutefois pas insaisissables pour l'Homme ; cf. à nouveau fort justement Didier : elles parlent de l'Homme ; elles sont à sa portée, car elles parlent généralement de choses dont l'Homme a en lui la nostalgie, elles proposent une vue renouvelée et claire, des choses « comme nous sommes (ou étions) censés les voir » (Faërie/121).
« Ainsi donc, Ami-des-elfes, si tu veux considérer correctement tout ce dont je t’ai entretenu pour lors, pas seulement ce qui a été dit formellement, mais encore ce qui doit être saisi par la pensée, tu comprendras maintenant pourquoi, bien que de manière plus consciente, bien que de manière plus lente, les langues des Quendi évoluent de semblable façon à celle des langues mortelles. » 11
Ce langage n'a pas lieu d'être plus « humain » qu'« elfique » ; il caractérise des « Parlants », i carir quettar ómainen (Essekenta/391). Lorsque les Elfes, ayant connaissance d'autres races, vinrent à distinguer leur peuple des autres par d'autres mots que celui de quendi « ceux qui parlent », ils constatèrent ce fait et que le langage est ce qui relie entre eux tous les « Parlants », qu'il est ce talent donné en partage à tous. Pour se distinguer, ils se sont appelés les Eldar ; ils sont, eux, distinctivement, le Peuple des Etoiles. Mais alors, ces étoiles brillent d'une manière particulière dans leurs langues ; ces étoiles en font des langues elfiques, des langues « de semblable façon à celle des langues mortelles », mais tournant autrement la conscience, pas seulement celle des Elfes mais aussi celle des Hommes : vers la Nature et l'émerveillement, vers l'Homme et son humanité, et vers le Mystère et la lumière divine. Leurs langues sont faëriques, elles sont comme la langue du Conte, qui permet à l'homme, s'il est enchanté, de recueillir précieusement des milliers de fragments de lumière (non seulement celle de l'espérance, comme le rappelle Ben, mais pas seulement, bien plus encore smile).

La langue du Conte, comme toute langue, demande une créance pour être entendue ; elle te demande, Ami-des-elfes, de considérer « pas seulement ce qui a été dit formellement, mais encore ce qui doit être saisi par la pensée », afin de pouvoir ête enchanté, et saisir ces résonnances et sonances entre les mots et l'esprit. C'est l'enchantement seul qui le permet, car c'est sa définition même. Ainsi que le montre un récit particulier (particulier en ce sens qu'il demande une créance primaire, car il est celui du « Conte primairement vrai », selon les mots de Tolkien), l'enchantement est ce qui permet de saisir la véritable nature des choses :
13 Arrivé dans la région de Césarée de Philippe, Jésus posa à ses disciples cette question : « Au dire des gens, qu’est le Fils de l’homme ? » 14 Ils dirent : « Pour les uns, Jean le Baptiste ; pour d’autres, Élie ; pour d’autres encore, Jérémie ou quelqu’un des prophètes. » – 15 « Mais pour vous, leur dit–il, qui suis–je ? » 16 Simon–Pierre répondit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » (Matthieu 16)
Ici l'enchantement de ce récit porte un nom particulier : c'est la Foi - et c'est tout naturellement que Tolkien relie Enchantement et Foi dans Faërie par « belief », en anglais l'ancien nom de ce que désigne aujourd'hui « faith », mais il faut bien distinguer, naturellement, entre « secondary belief » et « primary belief » : celui qui tente d'appréhender le fait faërique tantôt « d'un point de vue interne » tantôt « d'un point de vue externe » raisonne dans l'un et l'autre cas selon une créance primaire qui ne lui sied pas ...


Yyr Tolkiendil


Qui laisse à Didier le mot du début et de la fin :
Hiswelókë :
Autrement dit, il ne serait que temps de désenclaver un peu les langues elfiques et de s'intéresser notamment, que ce soit sur le plan lexical, sémantique ou structurel, aux élements qui justement pourraient ne pas représenter certains traits des langues humaines "en général" wink

« Foi de bouffon de Faërie ! »
... se sera alors écrié Dongann par devers lui smile
Et pour cause, car il s'agit bien de sagesse fée :

« Ce sont précisément la coloration, l’atmosphère, les détails individuels inclassables d’une histoire et surtout l’ossature non disséquée de l’argument qui comptent réellement. » [Faërie/73]


1 « Beowulf has been used as a quarry of fact and fancy far more assiduously than it has been studied as a work of art. […] I will here only attempt […] to present my view of it allegorically. […] the fairy godmother later invited to superintend its fortunes was Historia. And she brought with her Philologia, Mythologia, Archaeologia, and Laographia. Excellent ladies. But where was the child's name-sake? Poesis was usually forgotten; occasionally admitted by a side-door; sometimes dismissed upon the door-step. 'The Beowulf', they said, 'is hardly an affair of yours, and not in any case a protégé that you could be proud of. It is an historical document. Only as such does it interest the superior culture of to-day.' And it is as an historical document that it has mainly been examined and dissected. » [MC/5-6]
2 « The historian's search is, of course, perfectly legitimate, even if it does not assist criticism in general at all (for that is not its object), so long as it is not mistaken for criticism. » [MC/7]
3 « I would express the whole industry in yet another allegory. A man inherited a field in which was an accumulation of old stone, part of an older hall. Of the old stone some had already been used in building the house in which he actually lived, not far from the old house of his fathers. Of the rest he took some and built a tower. But his friends coming perceived at once (without troubling to climb the steps) that these stones had formerly belonged to a more ancient building. So they pushed the tower over, with no little labour, in order to look for hidden carvings and inscriptions, or to discover whence the man's distant forefathers had obtained their building material. Some suspecting a deposit of coal under the soil began to dig for it, and forgot even the stones. They all said: 'This tower is most interesting.' But they also said (after pushing it over): 'What a muddle it is in!' And even the man's own descendants, who might have been expected to consider what he had been about, were heard to murmur: 'He is such an odd fellow! Imagine his using these old stones just to build a nonsensical tower! Why did not he restore the old house? He had no sense of proportion.' But from the top of that tower the man had been able to look out upon the sea. » [MC/7-8]
4 « It is not surprising that it should now be felt that a view, a decision, a conviction are imperatively needed. But it is plainly only in the consideration of Beowulf as a poem, with an inherent poetic significance, that any view or conviction can be reached or steadily held. For it is of their nature that the jabberwocks of historical and antiquarian research burble in the tulgy wood of conjecture, flitting from one tum-tum tree to another. Noble animals, whose burbling is on occasion good to hear; but though their eyes of flame may sometimes prove searchlights, their range is short. » [MC/9]
5 « None the less, paths of a sort have been opened in the wood. Slowly with the rolling years the obvious (so often the last revelation of analytic study) has been discovered: that we have to deal with a poem by an Englishman using afresh ancient and largely traditional material. At last then, after inquiring so long whence this material came, and what its original or aboriginal nature was (questions that cannot ever be decisively answered), we might also now again inquire what the poet did with it. If we ask that question, then there is still, perhaps, something lacking even in the major critics, the learned and revered masters from whom we humbly derive. » [MC/9]
6 « Folk-tales in being, as told — for the 'typical folk-tale', of course, is merely an abstract conception of research nowhere existing — do often contain elements that are thin and cheap, with little even potential virtue; but they also contain much that is far more powerful, and that cannot be sharply separated from myth, being derived from it, or capable in poetic hands of turning into it: that is of becoming largely significant — as a whole, accepted unanalysed. The significance of a myth is not easily to be pinned on paper by analytical reasoning. It is at its best when it is presented by a poet who feels rather than makes explicit what his theme portends; who presents it incarnate in the world of history and geography, as our poet has done. Its defender is thus at a disadvantage: unless he is careful, and speaks in parables, he will kill what he is studying by vivisection, and he will be left with a formal or mechanical allegory, and, what is more, probably with one that will not work. For myth is alive at once and in all its parts, and dies before it can be dissected. It is possible, I think, to be moved by the power of myth and yet to misunderstand the sensation, to ascribe it wholly to something else that is also present: to metrical art, style, or verbal skill. » [MC/15-16]
7 « […] seeing that they die not and their memories reach back into ages long past, you understand not why all the race of the Quendi have not maintained the language that they had of old in common still one and the same in all their kindreds. » [PM/396]
8 « […] Immortal, within Eä, are the Eldar, but since even as Men they dwell in forms that come of Eä, they are no more changeless than the great trees, neither in the forms that they inhabit, nor in the things that they desire or achieve by means of those forms. Wherefore should they not then change in speech, of which one part is made with tongues and received by ears? […] » [PM/397]
9 « But to the changefulness of Eä, to weariness of the unchanged, to the renewing of the union: to these three, which are one, the Eldar also are subject in their degree. In this, however, they differ from Men, that they are ever more aware of the words that they speak. As a silversmith may remain more aware than others of the tools and vessels that he uses daily at his table, or a weaver of the texture of his garments. Yet this makes rather for change among the Eldar than for steadfastness; for the Eldar being skilled and eager in art will readily make things new, both for delight to look on, or to hear, or to feel, or for daily use: be it in vessels or raiment or in speech. » [PM/397-8]
10 « And lo! Ælfwine, these changes differ little from like changes that come in the speeches of Men with the passing of time. Now as for the Eldar we know that such things were done of old by choice, full-wittingly, and the names of those who made new words or first moved great changes are yet often remembered. For which reason the Eldar do not believe that in truth the changes in the tongues of Men are wholly unwitting; for how so, say they, comes the order and harmony that oft is seen in such changes? or the skill both in the devices that are replaced and the new that follow them? And some answer that the minds of Men are half asleep […] » [PM/399]
11 « Wherefore, Ælfwine, if thou wilt consider well all that I have said to thee at this time, not only what is plainly expressed, but also what is therein to be discovered by thought, thou wilt now understand that, albeit more wittingly, albeit more slowly, the tongues of the Quendi change in a manner like to the changes of mortal tongues. » [PM/400]


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