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Merci d'avance pour votre participation ;-)
Cédric.
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juste une question sur le Silmarillion :
le Silmarillion, édition posthume, est-il donc vraiment une oeuvre cohérente au point qu'il faille se "restreindre" à une seule version?
Cette version a été retravaillée par le fils, non?
Ne risque-t-on pas de passer à côté de détails glanés dans les HoME qui pourraient affiner la recherche?
Comment aborder, par exemple, le cas de la Dernière Bataille (dont le destin est fixé) et qui est évoquée une seule fois dans le Silmarillion [QS,II;p.52] dans le cadre justement d'une prophétie de Mandos? (cette bataillee n'est décrite que dans les HoME, non?)
et puis, s'il y a effectivement des contradictions entre le Silmarillion et les textes de HoME à propos du rôle du Destin, ne faudra-til pas quand même les comparer pour voir s'il y a eu évolution du concept chez Tolkien?
Mais c'est sûr, la recherche, ne serait-ce que pour constituer une chronologie de l'apparition du concept de Destin, s'en trouverait grandement étendue et donc plus laborieuse.
chaque chose en son temps, diras-tu,
et d'autant plus que tu fais très bien les choses ;-)
Sosryko
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Merci Sosryko pour ce premier commentaire.
Je ne puis qu'être en total accord avec toi : Le Silmarillion peut souffrir d'imperfections car il est, et il restera, une oeuvre posthume, compilation arbitraire de textes que son auteur aurait pu critiquer.
Cela dit, Le Silmarillion a été publié et demeure un ouvrage incontournable qui répond à quantité de questions et en pose bien d'autres.
Je suis conscient qu'étuidier "seulement" le Silmarillion n'est pas suffisant mais que HoME doit être utilisé davantage.
Cela dit, et je le regrette, je n'aurai pas le temps en ce moment pour élargir le champ de recherche à l'ensemble des textes pour en retirer les éléments qui intéressent le sujet. Donc, pour le moment, je me restreindrai au seul Silmarillion avec cependant, exception incontournable, la mise en évidence de texte comme ce que l'on peut appeler "La Seconde Prophétie de Mandos" (celle qui parle de la Dernière Bataille).
Malgré cette restriction, je crois tout de même qu'il y a de quoi apprendre diverses choses tout au long des messages que je vous proposerai ;-)
Cédric.
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Tâchons de ne pas nous arrêter en si bon (?) chemin ;-)
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Un petit paragraphe, pour vous aider à attendre la suite ;-)
5. UN DESTIN ALTERE
Dans cette nouvelle partie de notre étude, nous devons considérer une autre définition du Destin et accepter que celui-ci peut ne pas être immuable, que son cours peut être dévié, que (pour reprendre l'analogie du métier à tisser de Vairë) de nouveaux fils peuvent être insérés dans la trame initiale du Destin.
À cette condition seulement, nous pourrons croire que les points que nous développerons ci-après ne sont pas l'œuvre consciente d'Ilúvatar. Mais adopter cette définition revient à dire qu'Ilúvatar n'est pas le Dieu omniscient et omnipotent, ce que l'on peut tout à fait contester.
Cette précaution prise, nous croyons que certains " parasites " viennent perturber le Destin, sauf bien sûr de ce qui relève des certitudes que nous avons développées plus tôt.
5.1. Melkor
Le premier élément qui viendra troubler la beauté et la sérénité de la Musique est la part dans sa composition que prendra Melkor, l'un des Valar, " le plus puissant d'entre eux "63. Melkor a introduit ses propres notes et accords et a altéré la symphonie initiale quand " il [lui] vint au cœur d'y mêler des thèmes venus de ses propres pensées et qui ne s'accordaient pas au thème d'Ilúvatar64. ".
Malgré l'intervention d'Ilúvatar pour corriger les imperfections de Melkor, la Musique en sortira troublée, irrémédiablement corrompue. Plus que cette intrusion dans cette harmonie, Melkor deviendra l'incarnation du Mal sur Arda, déclencheur des malheurs à venir. Par sa propre interprétation de la Musique il fera douter certains Ainur qui se rallieront à lui, concourrant eux-aussi à ne pas interpréter la Musique dans son originalité, amenant la corruption là où elle n'existait pas.
Par la suite, Melkor n'aura de cesse de défaire ce qui a été fait, de détruire ce qui a été construit, de s'opposer aux Valar et finalement de provoquer la ruine des Elfes.
Si le Destin est contenu dans son entier dans la Musique originale, les discordances qu'y a apporté Melkor contribuent certainement à une modification de celle-ci, et par voie de conséquence, à une altération du Destin des Enfants d'Ilúvatar, ou plutôt comme nous le disions plus haut, de celui des Elfes en particulier.
Melkor, s'il trouble l'esprit et le destin des autres, est également victime d'une certaine inquiétude à son propre endroit car il connaît celui qui précipitera sa fin. De son combat avec Fingolfin, et même s'il en sorti victorieux, il garde le souvenir cuisant d'une lourde blessure65. Melkor n'aura plus de cesse de haïr ceux de la maison de Fingolfin " parce qu'elle avait l'amitié de son ennemi Ulmo66 " mais aussi et surtout parce que Turgon était celui qu'il craignait le plus " car il l'avait déjà remarqué à Valinor : chaque fois qu'il s'approchait de lui une ombre venait peser sur son esprit, annonçant que, dans un avenir encore inconnu, c'est de Turgon que viendrait sa ruine.67 ".
En tentant de modifier le destin de ceux de la maison de Fingolfin - c'est à dire précipiter leur mort - il espère pouvoir transformer le sien et contredire cet ombre qui annonce sa ruine. Cette appréhension, surprenante de la part d'une des créatures les plus puissantes d'Arda, montre bel et bien que le destin est une réalité, que l'on peut y croire et s'en préoccuper, que l'on peut essayer de le dévier.
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Je reprends, pour compléter ce que tu viens de dire, une citation de Morgoth que tu nous as donnée aujourd'hui-même dans un autre fuseau (La pensée des humains):
Tu as osé te moquer de moi, défier la puissance de Melkor, le Maître du destin d'Arda.
[Le Silmarillion, QS, 20.La Cinquième Bataille, éd. Pocket, p.260]
Dans cette fausse auto-proclamation de toute puissance de la part de Morgoth pointe une vérité : aux deux thèmes musicaux, celui d'Eru et celui de Melkor, correspondent bien deux Destins qui s'opposent dans et pour Arda. L'un pour la bénir (Arda the Blessed, Arda Complete, Arda Unmarred, Second Arda, New Arda), l'autre pour la maudire (Arda Marred).
Le mensonge est dans le fait que Morgoth n'est pas le 'maître' du/des Destin(s) : son thème et le Destin qu'il a produit sont terribles de conséquences mais finalement ce sera le Destin d'Eru qui prévaudra ; il aura été simplement retardé.
>>Cédric:En tentant de modifier le destin de ceux de la maison de Fingolfin (...) il espère pouvoir transformer le sien (...). Cette appréhension, surprenante de la part d'une des créatures les plus puissantes d'Arda,montre bel et bien que le destin est une réalité, que l'on peut y croire et s'en préoccuper, que l'on peut essayer de le dévier.
Morgoth n'est-il pas la créature la plus puissante d'Arda?
Sinon, ce comportement n'est pas surprenant, je trouve; pas plus de la part de Morgoth que de Fëanor. Tous deux connaissent leur destin personnel, mais ils ont tellement endurci leur cœur (l'un corrompu par le désir de puissance, l'autre par le désir de vengeance) que rien ne pourrait les faire revenir en arrière. Ils sont devenus des êtres dont la seule raison de vivre est de lutter avec contre ce destin, parce que l'accepter serait accepter la justice contenue dans ce destin et donc reconnaîre l'égarement de leur coeur, ce qui est désormais impossible. On peut donc essayer de dévier son destin, mais certainement pas pouvoir le modifier en s'y opposant.
Remarquons aussi que nous parlons dans les deux cas de destin (doom) au sens de malédiction (curse; cf l'utilisation visiblement équivalente de 'Curse/Doom of Mandos').
Il ne s'agit pas d'un destin pour gratifier mais d'un destin pour punir, pour stopper un être ou un peuple qui s'égare.
Pour modifier un tel destin personnel, il faudrait nécessairement l'accepter, car le pardon serait la conséquence logique de cette acceptation (acte de contrition, repentance). C'est ce comportement qui sauve Finarfin et les siens :
Ils restèrent tous debout, immobiles, et les Noldor jusqu'à leurs derniers rangs entendirent la malédiction qu'on appelle la Prophétie du Nord ou le Destin des Noldor. Ces paroles funestes annoncèrent bien des malheurs que les Noldor ne comprirent qu'après qu'ils leur furent arrivés mais, tous, ils entendirent la malédiction qui suivrait ceux qui choisiraient de partir et refuseraient de demander le pardon des Valar. (...) Beaucoup furent frappés de terreur mais Fëanor endurcit son cœur [= 'F. hardened his heart'] (...) Finarfin (...) fit demi-tour et (...) beaucoup des siens le suivirent (...) Ils reçurent le pardon des Valar.
[Le Silmarillion, QS, 9.La Fuite des Noldors, éd. Pocket, p.110-111]
On ne peut pas obtenir le pardon (= l'effacement du destin personnel) par procuration ; cf. la vaine tentative d'Ulmo ci-dessous. Il faut que ce soit une démarche personnelle. C'est ainsi que tant que Fëanor puis ses fils de Fëanor ont voulu persévérer dans le chemin de l'orgueil, il était impossible de lever la malédiction, pas même à Manwë.
On dit qu'en ce temps-là Ulmo sortit des eaux profondes, pour aller à Valinor parler aux Valar des Elfes dans le besoin, les suppliant de leur pardonner, (...) Les sages ont dit que l'heure n'était pas encore venue et qu'un être seul, qui plaiderait en personne la cause des Elfes et des Humains, implorant le pardon pour leurs mauvaises actions et la pitié pour leurs malheurs, pourrait émouvoir le conseil des Puissants. Manwë lui-même ne pouvait peut-être pas lever le serment de Fëanor avant son terme, avant que les fils de Fëanor n'eussent abandonné les Silmarils qu'ils revendiquaient impitoyablement.
[Le Silmarillion, QS, 23. Tuor et la Chute de Gondolin, éd. Pocket, p.324]
Le seul intercesseur est celui qui consacre sa vie à la réconciliation entre les Enfants d'Íluvatar et les Valar, Eärendil :
Les Valar tinrent conseil et firent venir Ulmo des profondeurs marines. Eärendil parut devant eux et leur porta le message des deux races. Il demanda pardon pour les Noldor, pitié pour leurs souffrances, grâce pour les Elfes et les Humains et secours pour leur détresse. Sa prière fut entendue.[Le Silmarillion, QS, 24. Le voyage d'Eärendil, éd. Pocket, p.329]
Lorsque Mandos ajoute (p.329) " Mais les Noldor, qui ont volontairement choisi l'exil, ne peuvent retourner [en Valinor]", cela signifie qu'ils ne pourront être pardonnés qu'à la seule condition qu'ils abandonnent volontairement leur mauvaise voie.
On en a la preuve avec Manwë lui-même qui envoie son héraut (p.334) pour annoncer un message à tous les Elfes de Beleriand, les conviant à revenir à Valinor, les fils de Fëanor (Maedhros et Maglor) devant être jugés par les Valars.
On voit que Maglor est tenté de se repentir (il veut briser le serment, reconnaissant le mal qu'il ont fait ; p.335), mais sa faible lucidité disparaît devant l'obstination de Maedhros. En refusant à nouveau la possiblité de revenir en arrière, ils signent là leur condamnation ultime.
Quant aux autres qui ont accepté de revenir à valinor :
Ils trouvèrent à nouveau le pardon des Valar et l'amour de Manwë, les Teleri oublièrent leur ancienne rancune et la malédiction fut oubliée.
[Le Silmarillion, QS, 24. Le voyage d'Eärendil, éd. Pocket, p.336]
Tout ce langage (faire 'demi-tour', 'malédiction', 'malédiction oubliée', 'pardon', 'endurcit son cœur', 'pitié', 'souffrances', 'grâce', 'prière', 'amour') relève d'une thématique biblique à cheval entre l'Ancien Testament et le Nouveau (et plus particulièrement de l'épître aux Hébreux).
Mais il s'agit d'un autre sujet que celui de ce fuseau, son importance que je découvre, fait qu'il me faudra le temps de la réflexion pour le présenter correctement.
Sosryko
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hum...à force de vérifier mes tags, j'en ai oublié du coup ma conclusion.
Juste pour dire qu'au Destin du monde, irrévocable, le destin personnel (= 'la malédiction') peut être couvert (='oubliée') par le pardon (= la Grâce; c'est elle que j'opposerai au Destin plutôt que la Providence).
Et c'est la manière dont les Enfants d'iluvatar acceptent ou refusent leur destin personnel qui retarde ou précipite le Destin d'Arda.
S.
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Merci beaucoup Sosryko pour ta participation à cette réflexion.
J'adhère à tes différentes remarques qui viennent complèter de belle manière (comme à chaque fois dans tes interventions) ce débat.
Je te ferai une première réponse pour revenir sur un point que tu évoques. Lorsque tu dis :
On ne peut pas obtenir le pardon (= l'effacement du destin personnel) par procuration ; cf. la vaine tentative d'Ulmo ci-dessous. Il faut que ce soit une démarche personnelle. C'est ainsi que tant que Fëanor puis ses fils de Fëanor ont voulu persévérer dans le chemin de l'orgueil, il était impossible de lever la malédiction, pas même à Manwë.
Je ne suis pas sûr en fait que cette demarche aurait suffi. J'ai l'impression que le serment prononcé par Fëanor et ses fils est en dehors de tout retour en arrière.
En effet, dans Le Silmarillion (éd. Pocket, p. 103-104), on trouve deux précisions que je crois importantes (bizarrement, elles semblent contredire d'autres points relevés par ailleurs). L'une précise qu'"ils prirent pour témoins Manwë et Varda", ce qui, je crois, tend à montrer que ces témoins ont une importance non négligeables, qu'ils sont en quelque sorte "garant" de cet engagement.
Le passage suivant me paraît quant à lui apporter une réponse nette et sans appel : "un serment que nul ne pourrait briser ni reprendre même au nom d'Ilúvatar, sans attirer sur sa tête les Ténèbres Eternelles".
Ainsi, on dirait bien que Fëanor et ses fils devront boire la coupe jusqu'à la lie, ce qu'ils ont effectivement du faire...
Cédric.
5.2. ULMO
6. LA VENUE DES ELFES
6.1. UN NOUVEAU FIL
6.2. VALINOR
6.3. LES SILMARILS
6.4. LE SERMENT DE FËANOR
7. LES HUMAINS
7.1. TÚRIN TURAMBAR
7.2. BEREN & LÚTHIEN
7.2.1. Huan
8. L'ATTITUDE FACE AU DESTIN
8.1. L'ACCEPTATION
9.2. LE REFUS
9. DES CRÉATURES CLAIRVOYANTES
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j'ai anticipé, c'est ça? ;-)
>>Cédric:Je ne suis pas sûr en fait que cette demarche aurait suffi. J'ai l'impression que le serment prononcé par Fëanor et ses fils est en dehors de tout retour en arrière.
Cette démarche à largement suffi pour tous les elfes de Beleriand.
Elle aurait suffi aussi aux fils de Feanor s'ils en avaient été capables, mais ce n'était plus le cas; et ce depuis leur serment.
Ne faut-il pas alors dissocier le Destin des Noldor et les conséquences du Serment de la maison de Feanor qui ajoute au destin personnel qu'on peut modifier une fatalité irrévocable?
c'est au moment du serment (qui utilise la/les divinités; lasphème et dans l'AT et dans le NT) que l'irréparable se produit. Il faudra y revenir. Je compte sur toi ;-))
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Sosryko > "lasphème et dans l'AT et dans le NT"
Heu, qu'as-tu voulu dire, là ? ??? ;-)
Cédric.
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voilà ce qui arrive quand tu es pressé et qu'une réunion entre collègues de travail t'attend ;-)
un 'b' a sauté : je voulais écrire "blasphème et dans l'A(ncien) T(estament) et dans le N(ouveau) T(estament)" [pour continuer de mettre en évidence un Tolkien qui ne contredit pas sa foi en mettant en scène un héros passionnant mais avant tout orgueilleux et et rebelle; là enocre, à developper ultérieurement]
Désolé :-(
S.
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Un article passionant Cédric. Il y a un ou deux points sur lesquels je suis en désacord avec toi cependant. J'y reviendrai.
Emeric
Well I'm back, he said.
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Cedric >>
a) Le Libre-Arbitre
(...) Nous reviendrons plus en détail sur cet aspect fondamental de la vie des Enfants d’Ilúvatar pour tenter de savoir dans quelle mesure le libre-arbitre guide ou non leurs actions.
Où en es tu ?
stonelas, impatient :-)
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> Où en es tu ?
Eh bien, je le regrette, mais je n'ai guère avancé sur ces points là. Merci de t'en inquiéter, cela me donnera certainement envie de m'y replonger ;-)
Elenillor, je suis à ta disposition pour discuter des différents points que tu aimerais nuancer.
Cédric.
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J avais oublie ce fuseau... Apres 4 mois, je vais juste te demander un peu de temps, celui de rassembler mes idees ;-)
Emeric
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Alors je ne sais pas où en sont Elenillor et Cédric ;) mais, en attendant, voici un fuseau consacré à la question du libre arbitre.
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