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#76 06-02-2004 15:10

Yyr
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Re : La francophobie de Tolkien


Yyr : La question se pose en revanche s'il s'agit de prétendre comprendre et non de lire simplement ... La différence est la même que pour le petit enfant lorsqu'il passe du déchiffrement à la lecture :)

Lambertine : Lire et comprendre sont effectivement deux choses différentes. Et être "enchanté" une troisième. L'enchantement peut exister sans compréhension, et la compréhension sans enchantement. Mais l'enchantement ne peut pas exister si le lecteur reste au niveau de l'étude du texte, au niveau de sa lecture externe. Et il arrive parfois que, pour des raisons qui peuvent être culturelles, le lecteur ne puisse pas accéder au niveau interne.

J'ai un peu taillé en deux lignes ce qui en méritait plus, et sans doute imprécisément, mais j'associais bien l'enchantement à la compréhension. Voyager en Faërie c'est passer de la lecture à l'enchantement, comme on passe du déchiffrement à la lecture. On en dira plus un jour ... il faut décidément écrire quelque chose à ce sujet :)


Lambertine : Je ne peux parler que de moi-même. J'aime beaucoup les contes, les légendes et autres faeries. Je suis de ces adultes qui les lisent par plaisir, pas qui les étudient ( et je rejoins en celà le lecteur adulte dont parle Tolkien dans son essai ). J'ai lu des contes du monde entier, et si je n'ai aucun problème avec tous ceux qui proviennent de la sphère indo-européenne ( Inde exclue ) et sémitique, je n'arrive pas à franchir la barrière culturelle qui me sépare des contes d'afrique noire, des amérindiens, et plus encore des aborigènes d'australie. L'enchantement ne fonctionne pas. La lecture interniste m'est impossible. Alors que j'aimerais, pourtant. Je crois ne pas être la seule dans le cas, et que ce doit être aussi le cas en sens inverse : notre faerie européenne perle-t-elle de façon "interne" à des bantous ou des péruviens ?

Je comprends ta réserve. L'histoire qui nous est contée plus particulièrement en Terre-du-milieu prend place en un temps et une région qui ont plus de points communs avec un temps et un lieu (de notre Monde) qui nous sont plus familier que ceux d'Afrique ou d'Amérique ... donc certaines choses nous sont facilitées dans nos voyages. Mais je me permettrai de nuancer cette réserve :) en ce que ces facilités peuvent constituer en même temps des entraves dans la mesure où pouvant induire à tort de chercher à reconnaître en Faërie des choses de chez nous - et perdre en enchantement. Il faut aussi bien voir que tous les contes ne sont pas de Faërie : j'ai aussi lu quelques contes, africains, amérindiens ... mais certains d'entre eux prenaient place non en Faërie mais en Afrique, en Amérique ... auquel cas il était normal d'être moins à l'aise de les parcourir.


Yyr


Lambertine : Michèle, pas vexée pour un sou par tes remarques

Je ne me faisais aucun souci ;) mais c'est très gentil à toi de le préciser, Michèle, merci :)

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#77 06-02-2004 15:49

Lumiere du soir
Inscription : 2003
Messages : 77

Re : La francophobie de Tolkien

Bonjours à tous

    Malheureusement je ne dispose toujours pas de beaucoup de temps pour participer plus activement, néamoins je souhaite attirer l'attention entre les civilisations uniquement orales et celles qui ont une écriture, personnellement il me semble que pour une personne issue d'une civilisation écrite, quelle soit chinoise ou anglaise ou autre, <> de la magie est plus accessible qu'entre une civilisation écrite et une orale, peut être est ce pour cette raison que les contes et légendes d'Afrique ou d'Australie soient plus difficiles d'accés. Une transmission orale << fige >> cette civilisation, car ne disposant pas de l'écriture, elle ne peut garder une trace de l'histoire, dans le sens le plus globale, de plus écouter une histoire n'est jamais aussi riche que de la lire soit même ( tout comme aller la voir au cinéma ;-) ).
Je terminerais en disant qu'un moyen de transmission dont plus la réception est facile, moins elle est riche.

Bien à vous tous

Hors ligne

#78 06-02-2004 20:22

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 310

Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Je dispose enfin d'un peu plus de temps que d'habitude pour intervenir, comme je l'avais annoncé la semaine dernière.

Ayant quelques références bibliographiques sous la main, je vais essayer d'être le plus clair possible, en répondant à un certain nombre d'intervenants...

Je me suis permis de souligner certains passages des extraits de vos interventions que j'ai retenus.


Mj du Gondor >>> « Le clivage opéré autour de Chaucer me semble radical et il n’est que les philologues pour défendre l’origine anglo-saxonne de la langue anglaise, encore maintenant je crois ? »

Sur ce point, Mj du Gondor, plutôt que de paraphraser inutilement, je reprends un passage du livre de Henriette Walter, Honni soit qui mal y pense (Paris, Robert Laffont, 2001, réédité en Livre de Poche), parlant de Chauser et des progrès de l’anglais aux dépends du français en Angleterre, à partir du XIVe siècle :
« C’est effectivement un anglais complètement métamorphosé qui émerge à la fin du XIVe siècle, une langue très différente de la norme du vieil-anglais qui avait régné du temps du roi Alfred [849-899]. Elle se manisfeste de façon magistrale chez Chaucer. Reconnu comme un grand poète de son vivant, il était célébré en Angleterre comme en France, où le poète Eustache Deschamps, qui avait apprécié sa traduction du Roman de la Rose en anglais, le considérait comme "le grand translateur, noble Geffroi Chaucier". […] / Avec Chaucer (1340-1400) et ses Contes de Cantorbéry, on peut dire que l’anglais acquiert d’emblée ses lettres de noblesse et entre dans la littérature par la grande porte. […] / Avec Chaucer, on s’aperçoit que c’est le dialecte de la région de Londres, où il est né et où, après son son séjour en Italie, il avait passé l’essentiel de sa vie, qui était en train de s’imposer à la fois comme la langue de la vie publique, du commerce et du savoir. L’université d'Oxford, crée au milieu du XIIe siècle, et celle de Cambridge, au XIIIe siècle, avaient été fondées à l’image de l’université de Paris et elles étaient devenues des pôles d’attraction pour les élites venues souvent de très loin. / Une nouvelle norme, fondée sur les usages de Londres et de ses environs, y fera graduellement son chemin. […] / Si l’on mesure le chemin parcouru entre la langue du vieil-anglais – représentée par le west-saxon de l’époque du roi Alfred – et celle du moyen-anglais telle qu’elle se manifeste chez Chaucer, on est étonné de l’étendue des nouveautés qu’on y constate. Elles concernent évidemment la prononciation et surtout le lexique, fortement marqué par l’influence du français. Mais ce qui frappe le plus, c’est peut-être le changement des formes grammaticales et de leurs emplois par rapport à celles du vieil-anglais. […] »
J’arrête là ma citation, en te conseillant, si tu ne l’a pas déjà lu, cet ouvrage qui se veut ludique, mais qui est très documenté. Il se lit facilement. On y apprends, par exemple, que le nom de Chaucer a pour origine un nom français de métier, car il provient du surnom "chaustier" (“chausseur”) qu’on lui avait donné parce que son grand-père habitait rue Cordwainer (“rue du cordonnier”).


Maglor >>> « Pourquoi un Anglais (ou un Anglo-Saxon à tout le moins) aurait une meilleure compréhension de la Terre du Milieu et de ce qui sous-tend la réflexion de l'auteur ? La culture "pré-invasion normande" de Tolkien serait-elle si répandue parmi ses compatriotes ?
Les modèles que véhiculent les Rohirrims et autres Numénoréens font-ils vraiment exclusivement partie de l'inconscient collectif britannique ?
Je crois que si lecture il y a, elle serait plutôt européenne. Les sentiments et les émotions dégagés (héroisme, sacrifice, dépassement de soi, rapports de sujétion, défense du sol natal) parlent peut-être davantage aux petit-fils du Moyen-Age que nous sommes tous.


Melilot >>> « Ces lecteurs - appelons les « étrangers » par facilité - perçoivent-ils dans l’œuvre tout ce que Tolkien y a injecté, de la même façon que lui-même le percevait? Probablement pas : leur propre culture, leur propre société les conditionne différemment. Mais quelle importance? Tolkien a écrit en tant qu’anglais, certes, et peut-être beaucoup pour les anglais (Cfr. son intention avouée de « créer une mythologie pour l’Angleterre »), mais certainement pas exclusivement pour les anglais. Nombres d’éléments des romans de Tolkien sont capables de faire vibrer des sensibilités très différentes - voire très étrangères - à la sienne. Qu’il l’ait voulu, ou qu’il s’agisse du résultat d’une véritable inspiration artistique, le résultat est là, concret et indéniable. »
Leilaney >>> « […] il est vrai que notre culture fait que nous appréhendons un livre, des situations de façon différente, et que donc notre compréhension des choses n'est pas la même. Mais c'est autant une histoire d'unicité des Hommes que de variété des cultures.
C'est ce qui se passe toujours lorsqu'un livre est écrit. L'auteur a voulu y mettre des choses, bien sûr, mais il n'écrit pas pour lui en définitive, et libre à ceux qui le lisent de s'en faire leur propre compréhension. »

Je suis évidemment d’accord avec vous deux là-dessus…


Melilot (suite) >>> « Comment un français perçoit-il l’univers de Tolkien? Personnellement, je n’en sais rien. Très probablement sous l’influence de l’imaginaire propre à la France (les œuvres médiévales épiques, les contes de fées et les romans initiatiques n’y manquent pas non plus). A vous de nous le dire. »

Certes, Melilot, le patrimoine littéraire français est riche, mais je serai tenté de rejoindre le point de vue de Anglin, à savoir :

Anglin (je me suis permis de corriger quelques mots pour plus de clarté :-)… )>>> « En tant que Francais […] je suis certes poussé (la première impression ...) quand je lis Tolkien de penser angleterre, légendes celtiques germaniques ou anglo-saxones. (Maintenant que je m'enfonce de plus en plus dans ces idées pour mes propres travaux j'y trouve encore [des références (?)] grecques, hébr[aïques] mais ceci est une parenthèse ...), je reviens donc à ces légendes qui manquent finalement cruellement aux racines francaises (ou de la Gaule comme certains le précisent ici ...) la France est un pays conquis qu'on se le dise enfin, (de qui se rappelle-t-on en Gaule ?? Vercingétorix et encore avant qu'il ne ploie devant César ?) elle est traversée régulièrement par des conquérants de toutes sortes et c'est bien connu aussi que l'intérêt se tourne souvent vers les vainqueurs et non les vaincus ... finalement quand on parcourt notre passé il n'est pas rare (je parle ici pour moi .. )de s'attacher aux légendes arthuriennes, aux contes germaniques, aux vikings ... en bref à beaucoup de sources arrachés par le Génie de Tolkien et réorganisés pour notre plus grand bonheur dans son oeuvres, mais qui parlent de vainqueurs. Le français que je suis lis des oeuvres comme celles écrites par Tolkien parce qu'elles tirent en partie leurs sources des légendes qui nous servent aussi à nous faussement de racines.(films de la table ronde, péplums romains, vikings ou oeuvres écrites, finalement ne parlent pas de nous ?) »

Tes propos, Anglin, renvoient à une question intéressante que peut se poser le lecteur français de Tolkien, lorsqu’il se penche sur les sources et à la genèse de son œuvre : avons-nous des racines « légendaires » spécifiquement françaises ?
Question difficile, parce que, comme tu l’a dit, 1° le territoire français, par sa position centrale en Europe occidentale, a été envahi plusieurs fois (avec les conséquences culturelles aléatoires que l’on devine), et 2° que la nation France est apparu telle que nous la connaissons finalement assez récemment, lorsque au moment de la période révolutionnaire (1789-1799) le peuple (ou, en tout cas, une partie de celui-ci) a voulu prendre en main son destin, décidé jusque-là par les rois.
Il est vrai que la nation française s’est paradoxalement constituée plus avec des défaites (1814-1815, 1870-1871, 1940, 1954…) qu’avec des victoires (cela est paradoxal, car effectivement, malgré cela, nous sommes toujours là !)… mais comme on dit, la défaite fait plus réfléchir que la victoire… Essayons d’en prendre notre partie, même s’il ne faut surtout pas oublier que notre Histoire compte tout de même quelques victoires militaires importantes : Bouvines (1214), Taillebourg et Saintes (1242), Formigny (1450), Castillon (1453), Marignan (1515), Rocroi (1643), Neerwinden (1693), Denain (1712), Fontenoy (1745), Chesapeake et Yorktown (1781), Valmy (1792), Fleurus (1794), Marengo (1800), Austerlitz (1805), Iéna (1806), Friedland (1807), Wagram (1809), Sébastopol (1854-1855), Magenta et Solferino (1859), Verdun (1916)… et j’arrête là le catalogue… ;-) On pourrait d’ailleurs également évoquer les réussites culturelles, politiques, économiques et sociales, qui sont peut-être moins apparentes que les batailles, et qui pourtant sont tout aussi réelles…

Au delà de l’histoire évènementielle (à ne pas confondre [surtout pas !] avec l’histoire politique), s’il nous faut trouver à la France des origines très anciennes, il faut alors considérer que ce pays a un héritage venue à la fois de Rome et des Germains (un livre paru récemment, La Fabrique d’une nation. La France entre Rome et les Germains de Claude Nicolet [Paris, Perrin, 2003] traite justement de cette question)…
Les Gaulois, les Romains et les Francs sont, en fait, les sujets d’une Histoire nationale qui a été, au fil du temps, sans cesse revisitée… et instrumentalisée (politiquement), soit pour légitimer une forme de gouvernement, soit pour renforcer la cohésion nationale.
Jusqu’à la Révolution (1789-1799), il n’y a pas véritablement d’Histoire de France. Jusque là, en effet, les « racines » de la France se confondent avec celles de ses souverains, les rois de France qui se disent descendants des Francs : ainsi, Louis XIV (1638-1715) laissait clairement entendre, ainsi qu’il l’a écrit dans ses Mémoires destinées a son fils (Année 1661, Livre second, deuxième section), que les rois de France, et donc lui-même, étaient les descendants de l’empereur Charlemagne et qu’à ce titre, il refusait de considérer l’Empereur (Habsbourg) du Saint-Empire Romain Germanique, dont la charge était élective et non héréditaire, comme l’héritier des empereurs romains ou des aïeux du roi de France (en fait, la dynastie des Capétiens Bourbons n’a aucun lien de parenté avec les Carolingiens, mais Louis XIV n’a sans doute fait que répéter ce qu’on lui avait appris…).
Cet héritage de Charlemagne porté par les rois de France finira d’ailleurs par être repris, au début du XIXe siècle, par Bonaparte : en 1806, Napoléon Ier (1769-1821), sacré Empereur des Français à Paris deux ans plus tôt par le pape Pie VII (2 décembre 1804, un peu plus de mille ans après le sacre de Charlemagne à Rome), et récent grand vainqueur des Russes et des Autrichiens à la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), provoqua, à la suite de la paix de Presbourg, la disparition du Saint-Empire Romain Germanique, vieux de plus de huit siècles.
Plus encore que Charlemagne et les Francs, les souverains de France se voulaient continuateurs de Rome, successeurs de Jules César et des Empereurs romains, d’Auguste à Constantin. Au XIXe siècle, l’Empereur Napoléon III (1808-1873), neveu de Napoléon Ier, se passionne pour le personnage de César (véritable modèle politique pour lui) et, dans ce contexte, va jusqu’à écrire une Histoire de Jules César, ouvrage en deux volumes, achevé en 1866. Il fait effectuer les premières fouilles archéologiques sur le site d’Alésia (où César a vaincu Vercingétorix), en 1861-1865 (ce sont en effet ces fouilles faites à la demande de Napoléon III qui ont permis de découvrir le véritable site archéologique d’Alésia, n’en déplaise aux républicanistes bien-pensants…).
Parallèlement, à cette époque, alors qu’émerge l’Histoire de la Nation française, c’est-à-dire l’histoire du pays en tant que tel, distincte de celle des monarques qui l’ont gouverné, la France se redécouvre un passé, celui de la Gaule celtique, un héritage « gaulois », sur fond d’instrumentalisation politique (comme c’était déjà le cas auparavant ). En fait, les historiens du XIXe siècle vont chercher dans la fameuse Guerre des Gaules de César une définition de la Gaule qui répond à la quête identitaire française, caractéristique de cette époque où se construisent les Etats-nations. Ces historiens vont littéralement inventer des Gaulois sur mesure pour donner une origine et un cadre géographique, des frontières à la France. Cela a abouti à donner des Celtes une image presque caricaturale, très éloigné de la réalité, et, évidemment, au fameux « nos-ancêtres-les-Gaulois » si caractéristique de la propagande scolaire de la IIIe République, qui a trouvé en Vercingétorix son premier héros national.
C’est ainsi. Je suppose que la construction de l’unité nationale de la France était à ce prix…

Seulement voilà : que savons-nous de la culture des Gaulois, des Celtes de Gaule (je devrai dire plutôt des Gaules), d’avant la conquête romaine ? Pas grand-chose, et cela pour une raison simple : l’absence de documents écrits. Certes, il y a bien quelques inscriptions, mais elles sont apparues seulement au contact de la culture latine. On retrouve en français un certains nombres de mots d’origine celtique dans la langue courante, surtout dans le vocabulaire de la forêt et de la campagne (cf. le livre de H. Walter cité plus haut), ainsi que des noms de lieux, villes ou villages, d’origine celte (ou gauloise), mais le français est avant tout une langue d’origine latine (même chose d’ailleurs pour l’anglais, qui a, comme le français, bénéficié d’un apport celtique mais qui est, avant tout, une langue d’origine germanique). Dès lors, comment la culture française pourrait-elle avoir de profondes racines culturelles celtiques ?
La littérature écrite celtique n’est apparu que très tardivement, dans les îles Britanniques, après l’effondrement de ce que l’on appelle la romanité (les Romains sont contraints d’abandonner leur colonie de l’île de Bretagne, aujourd’hui appelé Grande-Bretagne, au début du Ve siècle).
Les langues celtiques actuelles (irlandais, gallois, breton, etc.) dérivent d’un quatrième « groupe » celtique distinct de trois autres, ceux, antiques, d’Italie du Nord, d’Espagne, et de Gaule.
D’une branche celtique commune (d’origine indo-européenne) , sont sorties deux rameaux linguistiques : le gaélique, dont sont issus l’irlandais et le manxois (de l’ île de Man), d’une part, et d’autre part, le brittonique dont sont issus le celtibère (disparu), le gaulois (disparu), le cornique, le gallois, et le breton (qui est une langue apportée en France aux Ve et VIe siècles par les populations celtes chassées du pays de Galles et de Corwall par les Angles et les Saxons venus du Continent). Ainsi, la langue et la culture bretonne n’a pas grand-chose à voir avec la langue et la culture gauloise aujourd’hui disparues, si ce n’est une lointaine origine linguistique et culturelle commune : les deux ensembles ont évolués dans des contextes (géographiques, historiques…) différents.
Que dire alors, par exemple, du fameux cycle d’Arthur, appelé aussi cycle breton ou cycle de la Table ronde, sinon qu’il n’a évidemment pas d’origine française, ses origines celtiques venant d’outre-Manche (Arthur, ou Artus, étant, je crois, un chef légendaire gallois) ? En fait, dans ce cas précis, il faudrait nuancer la réponse : la littérature arthurienne est originaire de Grande-Bretagne (N.B. : sans être pour autant, évidemment, anglaise), mais que dire alors de l’œuvre de Chrétien de Troyes (v. 1135 – v. 1183), l’initiateur, en France, de ce que l’on appelle la littérature courtoise ? Il n’était pas breton, il me semble (?), et a vécu à la cour de la comtesse Marie de Champagne, fille du roi de France Louis VII et d’Eléonore d’Aquitaine, puis à la cour du comte Philippe de Flandres. Chrétien de Troyes a écrit des romans (c’est à dire des œuvres écrites non plus en latin, mais en langue romane, l’ancêtre du français… sachant qu’à l’époque la France du Moyen Age est multilingue et que l’on y parle diverses variétés de dialectes romans issus du latin, notamment les langues romanes d’oïl dans la moitié nord du pays, et les langues romanes d’oc, dans la moitié sud). Ce sont des romans de chevalerie (Yvain ou le Chevalier au lion, Lancelot ou le Chevalier à la charrette, Perceval ou le Conte du Graal…), directement inspirés des légendes arthuriennes. Dès lors, on peut penser que, d’un certain point de vue, le cycle d’Arthur c’est un peu « francisé » grâce à Chrétien, et qu’il fait partie de notre patrimoine littéraire et culturel, compte-tenu de l’ancienneté des romans de Chrétien (vers 1170-1175). Je ne sait pas si on pourrait dire la même chose à propos de l’histoire de Tristan et Iseult, légende d’origine celtique, dont on connaît plusieurs versions médiévales des XIIe et XIIIe siècles…

A votre avis, je suis sur la bonne la voie ou pas ? Si je me « plante », dites le-moi ! ;-)

Après la culture celtique, il y a la culture gréco-romaine : en ce qui concerne la France, c’est, sans-doute, ce légendaire dit « classique », avec ses dieux, ses mythes et ses légendes bien connues qui a occupé, de très loin, la place la plus importante sur le plan culturel… Comment s’en étonner ? La région de Marseille a été colonisée par les Grecs de Phocée dès le VIe siècle av. J.-C. (Jésus-Christ, pas Jacques Chirac ;-))) oui, je sais, c’est facile… pardon, mais j’ai la tête en ébullition). Arrivée au Ier siècle avant J.-C., l’autorité romaine s’est maintenue en Gaule jusque vers la fin du Ve siècle de notre ère, mais entre tent la christianisation du pays a commencé (mais elle était loin d’être achevé à l’arrivée de Clovis !)… On notera que parmi les dieux, ou créatures mythiques, du « panthéon gaulois » (Taranis, Teutatès, Ogmios, Sequena, Cernunos, le Taureau aux trois grues, le Serpent à tête de bélier, etc.) dont on ne sait pas grand-chose, seule la déesse des chevaux Epona a été adopté par les Romains, alors que le panthéon des dieux gréco-romains s’est finalement, semble-t-il, rapidement imposé en Gaule (ces dieux de l’Olympe étaient-ils pour autant vénérés partout ? Des cultes celtes locaux n’ont-ils pas persistés jusqu’à l’arrivée du christianisme ?).
Par ailleurs, n’a-t-on pas prétendu que les Francs (dont les rois de France prétendaient descendre, comme je l’ai dit plus haut) étaient en réalité des descendants de Troyens de l’Antiquité, rescapés de la guerre racontée par Homère dans l’Iliade et l’Odyssée ? Je ne me rappelle pas très bien…

Quant à la culture nordique scandinave, elle n’a pas eu, il me semble, beaucoup d’influence sur la France (à l’inverse de l’Angleterre), même pendant les invasions normandes du IXe siècle, les envahisseurs vikings s’étant vraisemblablement assez vite mêlés à la population locale (de langue romane) des régions où ils s’installèrent…

Bref, tout cela pour dire que, s’il n’y a pas, a priori, de « racines » légendaires spécifiquement françaises (la christianisation a peut-être joué un rôle de ce point de vue), la France peut apparaître comme une sorte de carrefour culturel… Mais il est vrai qu’il n’existe pas, hélas, de mythologie propre à la France… A moins que l’on considère comme un mythe « français », par exemple, la célèbre Chanson de Roland, composée à la fin du XIe siècle, qui est considéré comme la plus ancienne chanson de geste française…


Mj du Gondor (suite) >>> « J’imagine que la jeunesse de Tolkien a certainement été influencée par cette vieille tradition anti-française qui a perduré jusqu’au traité de Francfort et n’a commencé à se dissiper légèrement je crois qu’avec la 1ère guerre mondiale, et l’engagement de l’Angleterre. »

Sans vouloir faire de leçon d’histoire, car je suis plus jeune que toi Mj du Gondor (je ne crois pas pour autant que tu ai connu Chaucer ! ;-))) ), je penses que « cette vieille tradition anti-française » dont tu parles a sans doute un peu perduré jusqu’à aujourd’hui, vu le flot d’inepties francophobes qui a inondé les journaux anglais et en particulier les torchons démagogiques (type « The Sun ») d’outre-Manche, au moment de cette lamentable guerre d’Irak, l’année dernière !
Plus sérieusement, après la bataille de Waterloo (18 juin 1815) qui a mis fin à ce que l’on a appelé la « 3e guerre de Cent Ans », commencée en 1688 avec les rois Louis XIV et Guillaume III (après les rivalités franco-angevines dites « 1re guerre de Cent Ans » (1159-1299) et la [“2eme ”] Guerre de Cent Ans (1337-1453) proprement dite) , les relations franco-anglaises ont connus des hauts et des bas : sous la Monarchie de Juillet (1830-1848) une Entente cordiale a vu peu à peu le jour entre la France du roi Louis-Philippe Ier et l’Angleterre de la reine Victoria 1re , bien que les deux pays soient en concurrence notamment pour la domination de l’océan Pacifique (1838-1840 : conquête de la Nouvelle-Zélande par les Anglais, qui ont pris les Français de vitesse ; 1842-1844 : conquête de la Polynésie par les Français, aux dépends de l’Angleterre).
Par la suite, sous le Second Empire (1852-1870), la France de l’Empereur Napoléon III et l’Angleterre de Victoria se rapprochent davantage, au point de conclure une alliance contre la Russie et de combattre ensemble cette dernière dans le cadre de la guerre de Crimée (1854-1855). Par la suite, les deux pays prendront peu à peu de la distance (le traité de Francfort de 1871, qui consacre la défaite de la France face à l’Allemagne unifiée autour de la Prusse, ne concerne pas directement l’Angleterre, mais il inaugure une ère nouvelle pour l’Europe, désormais dominée par l’Allemagne), au point de se retrouver à nouveau au bord du conflit à la fin du XIXe siècle, cette fois encore pour des questions de rivalités coloniales, avec l’affaire Fachoda (1898). Cette grave crise, qui enflamma les opinions des deux côtés de la Manche, aurait pu déboucher sur une guerre mondiale (l’Angleterre et la France possédaient alors les deux plus vastes empires coloniaux du monde), mais finalement il n’en fut rien, et les deux pays, confrontés à la politique expansionniste de l’Allemagne, finissent par rétablir l’Entente cordiale en 1904, et combattent à nouveau ensemble durant la Grande Guerre (1914-1918).
En septembre 1939, c’est conjointement qu’ils déclarent la guerre à l’Allemagne nazie, mais la débâcle française de mai-juin 1940, l’attitude défaitiste et lâche du gouvernement de Vichy provoque une sorte de malentendu avec l’épisode malheureux de Mers-el-Kébir qui ravivera les sentiments anglophobes en France. L’entente entre Churchill et de Gaulle finira par permettre de sauver les meubles, et de remporter une victoire commune en 1945.
Les deux pays seront à nouveau alliés au moment de la crise de Suez, en 1956, et malgré les réticences de de Gaulle vis-à-vis de l’entrée de la Grande-Bretagne dans la Communauté européenne (il rejette la candidature anglaise au Marché commun en 1963), l’année 1962 verra la conclusion d’un accord franco-britannique pour construire un avion supersonique, le Concorde, événement que n’a pas du tout apprécié un certain… J.R.R. Tolkien, puisque j’ai lu quelque part que, vers la fin de sa vie, l’auteur de The Lord of the Rings écrivait sur ses chèques destinés à payer ses impôts : « Pas un sou pour Concorde ! »
Je ne me rappelle plus qui à rapporté cette anecdote que je trouve, du reste, un peu pathétique, il faut bien le dire… Comme je l’ai dit dans mon premier message, en y faisant brièvement allusion, ce genre de « haut fait » de la vie de Tolkien n’est pas très significatif…


lambertine >>> « Pour en revenir à la francophobie de Tolkien, peut-être doit on surtout la voir comme une francophobie "historique", conséquence de Hastings, de la destruction de la culture anglo-saxonne et de la "récupération" française de la culture bretonne. »

D’accord avec toi, Lambertine, pour les deux premières causes de cette francophobie “historique”, mais pour ce qui est de la “récupération” française de la culture bretonne, j’ai un doute :-) : il me semble, si je me souviens bien, que Tolkien, au cours de son fameux voyage en France, en 1913, est allé en Bretagne, à Dinard notamment, et qu’il a été très déçu de ne pas y voir les réminiscences celtes qu’il espérait trouver dans cette région… Mais là encore, je me fis à ma mémoire : il faudrait vérifier en détail dans la biographie de Carpenter…


Laegalad >>> « L'important n'est pas, je pense, la réalité "objective" du SdA - dans le sens où l'on peut la prouver par A+B -, mais sa réalité "subjective" - ce qu'il nous révèle de nous même, des notions philosophiques, psychologiques, théologiques en même temps que la simple envie de se promener dans un monde immense et prometeur, avec pour seul guide - et quel guide ! - une étoile sur le front.
Oui, il est intéressant d'étudier ce que chaque individu, au contexte sociologique différent, pourrait mésinterpréter. Mais j'aurais personnellement du mal à "intégrer" cette étude - je veux dire, chaque fois que je relis Tolkien, et c'est plus fort que moi, je suis EN Terre du Milieu... pas en train de me dire "j'interprête ça comme ça parce que je suis née à tel endroit de tels parents...". »

Ce n’est pas non plus ce que je suis en train de me dire lorsque je relis un roman de Tolkien ! :-) Ce genre de réflexion pourrait par contre, éventuellement, avoir sa place dans la lecture (ou relecture) du Silmarillion et, surtout des H.O.M.E., qui sont des publications posthumes, et dont la structure interne est bien différente de celle de The Hobbit et de The Lord of the Rings. Cela dit, le Silmarillion peut très bien être lu sans se poser de questions ! Mais ce n’est pas la même chose que de lire The Hobbit, par exemple… Quant aux H.O.M.E., elles doivent être d’abord lues, je penses, pour ce qu’elles sont : des livres consacrés au travail d’écriture d’un auteur et à la création de son légendaire… Libre à nous ensuite, suivant les tomes, de nous plonger dans un fragment d’histoire, un passage modifié ou supprimé, ou une œuvre inédite (hélas, le plus souvent inachevée !)…

Laegalad (suite) >>> « Tant que je ne lis pas Tolkien, oui, je peux chercher à le comprendre. A partir du moment où je vais le lire en acceptant de m'imprégner de l'histoire au plus possible ("devenir Hobbit", même si ce n'est pas évident), toute cette recherche sera oubliée - mise en parenthèse, du moins - pour ne plus faire que profiter de la simple joie d'errer sur les chemins d'Arda.
Accepter cela n'est pas se couper de la réalité. Je penserai plutôt que c'est l'enrichir :o) »

Tout à fait d’accord !

lambertine >>> « Devenir Hobbit ? Certes. je n'ai pas très dur à le faire lorsque je relis la traduction du Livre Rouge de Messieurs Baggins par le Professeur Tolkien. Il n'empêche que cette culture Hobbit ressemble très fort à la culture campagnarde anglaise ( et même campagnarde belge, si j'en crois mes souvenirs d'enfance ). Faerie ou non, monde secondaire ou non, le Seigneur ( et toute la partie cachée de l'iceberg que représentent les Home ) sont bel et bien l'oeuvre d'un anglais pétri de littérature médiévale européenne et de religion chrétienne.

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#79 06-02-2004 20:30

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Re-bonsoir,

Je suis vraiment navré : dans mon précédent message, on a du mal à ditinguer les extraits d'interventions que je cite de mes propres interventions. J'avais pourtant essayé de faire comme Yyr : je ne sais pas pourquoi, mais cela n'a pas marché...

Toutes mes excuses... J'espère que vous pourrez tout de même vous y retrouver.

Cordialement,

Hyarion.

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#80 06-02-2004 20:36

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien


Pffff... Et en plus, j'ai écrit que j'avais souligné des passages dans les extraits d'interventions, et cela n'apparait même pas...

Mille excuses, encore une fois...

Cordialement,

Hyarion.

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#81 06-02-2004 23:08

Melilot
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Re : La francophobie de Tolkien

Pfffiouuuu!!! Superbe et fameux travail, Hyarion. Ne t'excuses pas! Bravo et merci. Je l'ai parcouru vite vite, je le lirai plus à l'aise dès que j'aurai le temps.

Juste un petit détail (comme dirait l'autre inspecteur ;-P)
Que savons-nous des gaulois en l'absence de documents écrits? Mais énormément de choses! C'est oublier les documents archéologiques, matériels donc, qui sont extrèmement riches et nombreux. Nous en savons assez pour pouvoir affirmer qu'il ne s'agissait aucunement de peuplades barbares et arrièrées.

C'était une population parfaitement civilisée, d'agriculteurs, d'éleveurs (désolée pour les sangliers d'Obélix, mais ils mangeaient bien davantage de porcs et de boeufs d'élevage que de gibier chassé! Hé oui..) et surtout d'artisans particulièrement doués dans les domaines de la métallurgie, de la ferronnerie, de la charronnerie et de la verrerie (beh oui, ils connaissaient le verre!). Ils exportaient leurs productions dans quasi tout le monde antique occidental. Il existait chez eux des routes commerciales tant terrestres (comment croyez-vous que César - et surtout ses armées et leurs impedimenta - se soit déplacé si rapidement et facilement pour conquérir les Gaules?) que maritimes.

Les rites funéraires, pour l'aristocratie guerrière au moins, étaient particulièrement somptueux (les fameuses "tombes à char". Je vous en parlerai plus tard, à l'occasion, quand j'aurai un peu plus de temps et si vous le souhaitez bien entendu). Les oppidas, d'après les études les plus récentes, étaient de véritables structures urbaines, avec des quartiers spécialisés pour l'artisanat, l'habitat, et les sanctuaires. Des sanctuaires gaulois, nous en avons également retrouvés plusieurs, qui nous renseignent au moins sur certains rites qui quelquefois recoupent ceux décrits par les auteurs latins. (Je n'ai pas mes références ici sous la main. Dès que je les trouve, je les transmets à qui en veut.)

Salut à toi aussi Lumière du Soir,

Je ne suis pas du tout d'accord avec toi au sujet de la tradition orale qui "fige" les rites et les récits. En fait, c'est le contraire. Bien que très ritualisée (chaque mot, chaque geste  compte), elle est beaucoup plus susceptible que la tradition écrite, d'évoluer avec le temps, de s'adapter, souvent par la force des choses, à des circonstances nouvelles ou à de nombreux changements culturels, et même d'intégrer des élements nouveaux provenant d'autres cultures. Parce qu'elle est tributaire avant tout de l'humain, du quotidien, et que c'est l'adaptabilité de ceux-ci aux circonstances qui est garante de l'homogénéité et de la survie de la société dans les cultures de tradition orale.

C'est beaucoup plus problématique lorsque la tradition est fixée par un texte écrit. Celui-ci trouve généralement une justification soit transcendante (texte dicté par la divinité), soit légale ou constitutionelle. La remettre en cause, dans le premier des cas touche au sacrilège et dans le second, à l'illégalité. Ce qui entraînera donc exclusion, sanction et forte résistance. Dans tous les cas, une modification ne pourra se faire qu'après intervention des plus hautes autorités compétentes, et forcément selon un fonctionnement très lourd et très lent.

Quant à la magie qui opère moins lorsqu'on écoute une histoire que lorsqu'on la lit, ça peut se discuter. En Afrique traditionelle, et au moins jusque dans la seconde moitié du 20e siècle, l'art des conteurs, des griots, était considéré et hautement respecté comme un véritable métier, qui se transmettait de génération en génération au sein des mêmes familles. Un bon griot, homme ou femme, était très recherché, et assuré de faire fortune.

Même chez nous, en Europe, pratiquement jusqu'au début du 20e siècle, les conteurs remplaçaient la télévision et le cinéma, alors inexistants. C'est par eux que se transmettaient non seulement les contes et légendes traditionnels et locaux, mais aussi les nouvelles et les informations. Ce n'était pas seulement un passe-temps de deuxième ordre, réservé aux grands-mères pour leurs petits-enfants. Ils étaient chargés d'animer les veillées. Je ne pense pas que le public de l'époque ait été moins sensible à l'enchantement d'une histoire racontée et mimée par un bon conteur traditionnel, que nous à celui de nos lectures.

Prends par exemple les Mille et une nuits. L'argument de base, celui qui donne naissance et justifie tous les autres contes, c'est celui d'une conteuse qui utilise son art pour sauver sa propre vie : tant que ses histoires passionnent son auditeur, elle échappe à la mort. Pour moi, c'est particulièrement exemplatif de la magie d'une histoire contée. Et toi, qu'en penses tu?

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#82 07-02-2004 13:44

Moraldandil
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Re : La francophobie de Tolkien

Je n'entrerai pas dans la discussion historique qui ne me paraît pas très pertinente pour notre propos. Je ne suis notamment pas convaincu par toutes ces dates batailleuses, qui me font bien pour le coup penser à l' "histoire" façon IIIe République ;) Il ne faut pas confondre légende et histoire, comme ce fut la tendance au XIXe siècle.

> Par ailleurs, n’a-t-on pas prétendu que les Francs (dont les rois de France prétendaient descendre, comme je l’ai dit plus haut) étaient en réalité des descendants de Troyens de l’Antiquité, rescapés de la guerre racontée par Homère dans l’Iliade et l’Odyssée ? Je ne me rappelle pas très bien…

Dans la Henriade de Ronsard, je crois - l'idée était de créer une épopée pour la France sur le modèle de l'Énéide. Une imitation du modèle des Anciens, typique de la Renaissance, et... un échec :) (Cela dit, je n'en ai jamais lu un vers)
> au delà de ce « rationalisme » que l’on suppose hérité des Lumières du XVIIIe siècle et de la Révolution française (sans parler de Descartes, dont beaucoup de Français se réclament aujourd’hui…), quelle est la véritable identité culturelle française ? Tolkien avait-il raison de se méfier d’elle ? Avons-nous, existe-t-il, des racines « légendaires » spécifiquement françaises, que nous aurions « reniés » ? Existe-t-il un « folklore » français oublié ?
Le terme de folklore est dangereux :) S'il s'agit au sens strict d'un répertoire de croyances et d'usages collectifs, bien évidemment, je vois mal une société exister sans, où qu'elle soit. S'il est fait référence aux us et coutumes du passé, nous en avons aussi - oubliés est trop fort, peut-être plutôt considérés comme anecdotiques parce que précisément du passé.
En ce qui concerne un "légendaire français", le romantisme l'a recherché aussi chez nous :) et tu as fait toi-même allusion aux chansons de geste et à la littérature arthurienne. Certes  cette dernière est clairement d'origine bretonne (au sens large) mais le fait est qu'elle s'est largement développée en France (et a ensuite essaimé en Europe) et fait partie de son patrimoine littéraire. De même que les sources finnoises, norroises et anglo-saxonnes du légendaire de Tolkien n'empêchent pas qu'il ait sa nature propre et son originalité. Pour reprendre son commentaire dans On Fairy Stories, c'est la saveur de la soupe qui importe et non les os desquels elle a été bouillie :-)
> Je relis un passage de l’article de Philippe Garnier intitulé « La tradition textuelle des Jours anciens » (La Feuille de la Compagnie, automne 2003, 2, p.283-311) : « Lorsqu’il jeta les bases de son légendaire, Tolkien avait le désir selon ses propres mots, d’“offrir aux Anglais (…) une mythologie qui leur fût propre”. Il regrettait profondément que rien ou presque ne substitât des légendes de l’Angleterre et des Anglo-Saxons. La christianisation, puis la conquête normande, avaient tout balayé… » (p.286)
Après ce que j’ai dit plus haut, que devrait-t-on dire des « légendes de la France et des Franciens occidentaux » ! Le territoire français a lui aussi connu la christianisation et les invasions ! Si Tolkien avait été français, sans doute aurait-il été confronté aux mêmes problèmes que ceux qu’il a connu vis-à-vis des lacunes du légendaire anglo-saxon…voire même des problèmes plus importants encore…
Cependant, dans la fameuse lettre n° 131 à Milton Waldman, qui sert de préface à la seconde édition du Silmarillion, et traduite dans la Feuille de la Compagnie n°2, il considère que le monde roman possède ses propres légendes :" There was Greek, and Celtic, and Romance, Germanic, Scandinavian, and Finnish (which greatly affected me); but nothing English, save impoverished chap-book stuff. Of course there was and is all the Arthurian world, but powerful as it is, it is imperfectly naturalized, associated with the soil of Britain but not with English; and does not replace what I felt to be missing. For one thing its 'faerie' is too lavish, and fantastical, incoherent and repetitive. For another and more important thing: it is involved in, and explicitly contains the Christian religion."

Il ajoute : "For reasons which I will not elaborate, that seems to me fatal. Myth and fairy-story must, as all art, reflect and contain in solution elements of moral and religious truth (or error), but not explicit, not in the known form of the primary 'real' world. (I am speaking, of course, of our present situation, not of ancient pagan, pre-Christian days. And I will not repeat what I tried to say in my essay, which you read.)".

Pour des raisons historiques manifestes, toute notre littérature est postérieure à la christianisation, et les traces plus anciennes y sont très pâlies, alors qu'elles affleurent dans par exemple les Eddas, le Kalevala, et dans une certaine mesure Beowulf (bien que rédigé sous un éclairage chrétien). Peut-être faut-il y voir une autre raison de distance...

Melilot :
> Tiens, toujours à propos de folklore, je me demande si l'une des origines possible de ce mépris dont parle Moraldandil n'est pas liée au fait que l'on associe le "folklorique" à tout ce qui relève de la tradition orale, dans une culture qui attache une grande importance à la tradition écrite, à la chose écrite en général.
Il y aurait d'intéressants développements à faire au sujet des relations entre transmission du savoir par écrit et oralement, mais j'ai l'impression qu'on sort à nouveau du sujet.

Pas forcément. Et puis l'on peut toujours ouvrir un nouveau fuseau si nécessaire ;-) Samedi dernier à la BNF, Leo Carruthers a suggéré un peu la même chose : une différence de perception entre cultures de tradition écrite très ancienne, d'héritage latin, ou plus récentes, en Europe du Nord. Dans les premières, ce qui n'est pas de transmission écrite - donc, d'une certaine manière, savante - serait perçu avec moins de chaleur, sinon avec suspicion.

B.

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#83 07-02-2004 21:24

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Je remercie Melilot et Moraldandil de m'avoir répondu si vite...

Melilot >>> "Que savons-nous des gaulois en l'absence de documents écrits? Mais énormément de choses! C'est oublier les documents archéologiques, matériels donc, qui sont extrèmement riches et nombreux. Nous en savons assez pour pouvoir affirmer qu'il ne s'agissait aucunement de peuplades barbares et arrièrées."

Je suis tout à fait d'accord ! Si l'archéologie n'existait pas, que connaitrions-nous des Gaulois, en dehors de ce qu'en disent quelques auteurs grecs et latins ? C'est précisement parce que les Gaulois n'écrivaient pas, que les vestiges archéologiques sont indispensables pour connaître ce peuple (ces peuples) au delà, par exemple, de ce qu'en dit subjectivement Jules César. Historiens et archéologues devraient toujours travailler de concert, car leurs travaux sont complémentaires.

Tu as raison de souligner le haut degré de civilisation que les Celtes de Gaule avaient atteint avant l'arrivée de César, en évoquant notamment leur talent dans le domaine de l'artisanat. En général, je trouve qu'on ne le dit pas assez...
Malheureusement, pour véritablement comprendre leurs croyances, leur vie spirituelle, aussi bien que nous connaissons celle des Grecs, des Romains ou des Egyptiens de l'Antiquité, on ne peut que constater que l'absence de documents écrits fait, sur ce point, cruellement défaut... De ce fait, les aspects religieux de la civilisation gauloise restent mal connus...

Moraldandil >>> "Je n'entrerai pas dans la discussion historique qui ne me paraît pas très pertinente pour notre propos. Je ne suis notamment pas convaincu par toutes ces dates batailleuses, qui me font bien pour le coup penser à l' "histoire" façon IIIe République ;) Il ne faut pas confondre légende et histoire, comme ce fut la tendance au XIXe siècle."

Ah... la fameuse "histoire-bataille" du XIXe siècle... ! :-))Effectivement, cela peut y faire penser... mais cela n'était pas mon intention ! ;-)
Si je me suis permis de donner quelques dates de victoires militaires française (c'est plus fort que moi, j'ai une formation d'historien ! ;-) ) c'était par rapport aux propos de Anglin, qui suggèrait (si j'ai bien compris) que la culture française avait surtout été forgée par des envahisseurs vainqueurs et donc par des défaites des représentants de la "vraie" culture française (si je me trompe, dit-le Anglin !). Et puis, on dit tellement ces temps-ci que la France est un pays de perdants ! ;-)
Plus sérieusement, je pense que certaines de ces batailles (Bouvines, Rocroi, Denain, Valmy, Verdun) ont pu avoir une grande importance dans la conscience collective (française, mais aussi européenne) qui dépasse le cadre de l'évènement proprement dit... (Tolkien lui-même n'a-t-il pas été marqué par la bataille de la Somme, qui eu lieu la même année que celle de Verdun [1916], et d'une certaine manière [très particulière] par la bataille de Hastings [1066] ?) On pourrait dire la même chose de l'incendie de Persépolis par Alexandre le Grand en 330 av. J.-C., du pillage de Rome par les Wisigoths en 410, de la prise de Constantinople par les Croisés en 1204, de l'exécution du roi Louis XVI en 1793, des révolutions russes de 1917, de la chute du mur de Berlin en 1989, etc, mais c'est un autre sujet...

Moraldandil (suite) >>> "Dans la Henriade de Ronsard, je crois - l'idée était de créer une épopée pour la France sur le modèle de l'Énéide. Une imitation du modèle des Anciens, typique de la Renaissance, et... un échec :) (Cela dit, je n'en ai jamais lu un vers)"

Hélas, moi non plus ! J'aimerai bien jeter un coup d'oeil sur cette "Henriade" de Ronsard, par curiosité, mais ce texte a-t-il seulement fait l'objet d'une réédition accessible aujourd'hui ? En tout cas, merci de m'avoir rafraichie la mémoire, car c'est bien de cette oeuvre dont je voulais parler...

Le terme de folklore est dangereux :)

C'est précisement parce que je suis conscient de l'ambiguité qu'a ce terme dans notre langue , Moraldandil, que me suis permis de l'employer... uniquement parce que toi et Melilot l'avez utilisé ! ;-)

Moraldandil (suite) >>> "Pour des raisons historiques manifestes, toute notre littérature est postérieure à la christianisation, et les traces plus anciennes y sont très pâlies, alors qu'elles affleurent dans par exemple les Eddas, le Kalevala, et dans une certaine mesure Beowulf (bien que rédigé sous un éclairage chrétien). Peut-être faut-il y voir une autre raison de distance..."

Faut-il donc rechercher le "légendaire français" dans les récits de saints et de saintes, ou dans les histoires se rapportant au Diable ? Le christianisme ne dissimule parfois que légèrement des croyances ou des légendes antérieures à sa venue... J'avoue ne pas avoir de références précises actuellement sous la main, mais je pense que dans de nombreux endroits de France le culte d'un saint ou d'une sainte n'a fait que remplacer celui d'une divinité païenne, et qu'ailleurs le Diable s'est substitué à telle autre croyance ancienne...

Pour en revenir à Tolkien, celui-ci, dans la lettre que tu cites, parle effectivement d'un légendaire roman... Mais alors, dans ce cas, à quelles légendes fait-il allusion ?


Melilot, je partage également ton point de vue concernant les "Mille et une nuits"...


Sincères salutations à tous,

Cordialement,

Hyarion.

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#84 07-02-2004 21:32

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

P.S.: J'ai oublié de mettre une citation de Moraldandil ("Le terme de folklore est dangereux :) ") entre guillemets. Désolé !

Cordialement,

Hyarion.

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#85 07-02-2004 22:15

sosryko
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Re : La francophobie de Tolkien

Juste en passant : à propos de "la Henriade de Ronsard"...ne s'agit-il pas plutôt de la Franciade de Ronsard (1572) et de la Henriade de Voltaire (1723)?

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#86 07-02-2004 22:48

Moraldandil
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Re : La francophobie de Tolkien

Hmm... à y ressonger, il semble bien, Sosryko :) Mea culpa !

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#87 09-02-2004 10:15

Lumiere du soir
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonjour à tous

  Chére Mélilot

  Il me semble que l'idée que tu avance apporte justement une argumentation sur mon point de vue sur l'immobilisme des traditions orales, lorsque le conteur a modifié la légende ou l'histoire, l'
ancienne version n'existe plus, ou tout au moins n'existerait plus lorsque ceux qui se souviennent ne seront plus. Une civilisation de tradition oral garde difficilement une trace de l'évolution des coutumes, légende, ... elles n'existent que dans le présent. N'est il pas remarquable que seule celles disposant de l'écrit peut progresser aussi bien d'un point technique que scientifique, qu'archéologique ou historique. C'est la mise sur document, écrit consultable par autrui qui permet cette approfondissement.

A la problématique d'une remise en cause d'une tradition écrite, c'est un fait qui pour moi est extrément étrange, n'ayant pas l'habitude de considérer quoi que ce soit comme La Vérité, hors de l'espace et du temps, je ne vois pas où est la difficultée, toutefois la possibilité de laisser une trace écrite, permet à l'avenir, de savoir si cette modification fut bénifique ou mériterait que l'on y réflechisse à nouveau.

L'art des conteurs et griots était hautement respecté, fort certainement, mais ceux qui écoutent ne maitrisent pas forcément la lecture, et n'avaient donc pas de comparaison possible. Je reste persuadé que toute << information >> pouvant être << absorbé >> facilement sera toujours plus pauvre, et donc aussi moins de magie, que celle dont il aurait fallu fournir beaucoup d'effort. Bon nombre de forumistes semblent déçus des films de P.Jackson, ne retrouvant pas la magie du livre, est ce étonnant, je ne le pense pas.

Bien à vous tous, et à tous ceux que je ne répond pas je vous demande de me pardonner.

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#88 10-02-2004 01:38

Coeur de Canard
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Re : La francophobie de Tolkien


"Un "bon" livre, ça se lit bien partout et pour tous." 

Je suis assez surpris par ce genre d'assertions. Pour faire dans la logique, la contrapose donne:
"un livre qui ne se lit pas bien partout et pour tous, n'est pas bon"

Cela gomme plusieurs choses:
- la traduction: certains bouquins sont detruit a la traduction d'autres sont ameliorer (Poe est plus popullaire en France qu'aux USA, est du a la traduction de Baudelaire, Goethe trouvait la traduction du premier Faust superieur a l'original)
- L'importance de la culture du lecteur dans a reception de l'oeuvre. Au sein d'une meme societe tout le monde ne recoit pas une oeuvre de la meme maniere et on peut etablir des correlations socio-culturelles. Et ce n'est pas parceque le SdA est un succes de librairie en Turquie, qu'une oeuvre se recoit de la meme maniere dans toutes les societes (pour faire caricaturale, la bible se vend moins bien en pays boudique qu'en pays catholique). Par ailleurs la Turquie, en tout cas dans sa composante urbaine est plus proche de l'europe qu'on veut bien le croire (le SdA chez les arborignes, c'est pas gagnes). Un autres l'exemple, "les souffrances du Jeunes Werther" est toujours un succes relatif de librairie outre rhin, pas fraiment chez nous.
- Les changements du aux epoques et a l'influences des auteurs passe.
"Paul et Virginie" ca ne se lit plus beaucoup de nos jours et la plus part de ceux qui se tapent ROusseau font des etudes de Lettres.
Les gouts changent et les oeuvres lus par le lecteur et/ou passees dans l'inconscient collectif, changent la reception du lecteur de nouvelles oeuvres et memes des vieilles (comme dirait Borges, l'influence de Dosteivski sur l'oeuvre de Shiller est probablement plus importante que l'influence de Shiller surl'oeuvre de Dosteivski).


Par ailleurs, on ne peut tout de meme pas trop raisoner en se forcant a respecter la creance secondaire (ou en raisonant de maniere interne au legendaire). Le procede de l'histoire dans l'histoire, et/livre suposse etre ecrit par un individu du monde fictif n'est pas exactement neuf (en vrac, Les milles et une nuit, l'illusion comique, Reve de Fer de Spinrad, Corto Maltese si on ajoute les bouquins sur le monde de Corto, les Personnages en Quete d'auteurs divers et varie).

Quoiqu'il en soit pour en revenir a nos moutons, la question de la reception d'une oeuvre est une une consideration eminament externes a la logique propre de l'oeuvre (ie si on veut en discuter serieursement, on ne peut pas respecter la creance secondaire).

Maintenant est ce que la francophobie reelle ou supposee de JRR affecte la reception du SdA en France ?
A mon avis la plus part des lecteurs de Tolkien sont -- du moins a leurs premieres lectures -- ignorant de cette francophobie.
De maniere plus generale, les opinions personnelles politiques ou autres des auteurs n'affecte peu la plus part des lecteurs (tant que ca ne transparait pas trop dans le bouquin qu'il sont entrain de lire.
Ainsi, Le Voyage au bout de la nuit, tend a faire une forte impression sur ses lecteurs (sans prejuges de leurs opinions politiques). D'ailleurs je m'interroge sur l'intensite des reactions sur la francophobie de Tolkien, comparer disons a l'anti-semitisme de Celine. Les lecteurs semblent nouer une relation particuliere avec le SdA et par extension avec son auteur, a t'elle point qu'ils semblent "blesses" par ceux qui serait "une attaque plus ou moins injuste du maitre. Avec Celine, c'est plus rare. Il est vrai que le SdA et le Voyage ne fond pas dans le meme registre.

Au risque de m'aventurer sur un sujet glissant qui a deja declamcher pas mal de polemique, je tenterais d'avancer que le SdA possede une tres forte teneur de numineux (numineux peu present dans le Voyage). Cela donne une dimension particuliere au SdA dans l'esprit du lecteur, qui tend a voulloir proteger ce numineux de toutes souillures (ie critiques de journalistes, accusation divers de non-poliquement correct, ...). A mon avis ce n'est pas propre a la France.

Maintenant, y a t'il une specificite de la reception francaise du SdA ? Et si oui qu'elle est il ? Est elle du a la traduction ou des facteurs intrinseque ?

CdC

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#89 10-02-2004 18:01

Yyr
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Re : La francophobie de Tolkien


Hi ! Hi ! :) ça c'est de l'esprit de contradiction, CdC :) (et je le trouve constructif) ; il y aurait certainement des choses à préciser / nuancer pour les tenants de ladite assertion que tu relèves. Mais si tu regardes bien, ces nuances ont été au moins esquissées. Le point de traduction essentiellement, nous sommes d'accord. Nous sommes d'ailleurs quelques-uns ici à nous y intéresser ... et voir combien il est ardu. Dès lors, ne pouvant prétendre à une traduction parfaite, l'oeuvre peut-elle être bien reçue ? La question se pose. Mais voir qu'il ne s'agit plus d'une éventuelle barrière culturelle, mais linguistique. Pour ce qui concerne mon propos, je réduisais la problématique aux seuls contes de Faërie, et je persiste :) et dans ce cadre, je prétends au contraire que l'optique de l'enchantement est la seule qui soit sérieuse, mais nous ne mettons peut-être pas la même chose derrière "réception d'une œuvre".

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#90 10-02-2004 21:49

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Sosryko : " Juste en passant : à propos de "la Henriade de Ronsard"...ne s'agit-il pas plutôt de la Franciade de Ronsard (1572) et de la Henriade de Voltaire (1723)? "

Heureusement que tu es là, Sosryko : comment ai-je pu confondre ces deux oeuvres ? L'oeuvre de Ronsard en question est effectivement "la Franciade"... Décidement, j'ai besoin de vacances ! :-)


Merci d'avoir donné ton point de vue, Coeur de Canard. On peut, a priori, être d'accord sur le principe avec la phrase d' Edouard Kloczko ("Un "bon" livre, ça se lit bien partout et pour tous.")... c'était d'ailleurs mon cas, au début. Mais tes remarques sont justes, et me rappellent qu'il nous faut savoir toujours résister à la tentation de se cacher derrière des idées et des phrases toutes faites, même si elles peuvent paraitre, à première vue, évidentes, voire rassurantes... Voilà donc le doute réinstallé et notre discussion relancée ! J'aime assez cela... ;-)

Ta comparaison de "The Lord of the Rings" avec "le Voyage au bout de la nuit" est intéressante, mais tu fais également bien de rappeller que les deux oeuvres ne font pas "dans le même registre"...

Comme je l'avais annoncé dans un précédent message, je suis actuellement en déplacement, et je ne dispose donc pas du temps nécessaire pour participer véritablement, ces jours-ci, à la discussion...

A plus tard, donc...

sincères slutations à tous,

Cordialement,

Hyarion.
   

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#91 10-02-2004 21:53

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

J'ai écrit trop vite... Correction : "Sincères salutations à tous".
 
 

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#92 11-02-2004 11:33

Silmo
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Re : La francophobie de Tolkien

Salut CdC
Je ne comprends pas bien le fil de ta comparaison entre les sujets "SdA/francophobie" d'un côté, et "Voyage au bout de la nuit/antisémitisme" de l'autre.

La question initiale n'est pas, en effet, que les deux oeuvres soient sur des registres différents mais concerne la position du lecteur par rapport à ce qu'il sait de l'auteur.

Si on ne conteste pas à Céline d'être un écrivain talentueux, il me semble que l'apréhension potentielle du lecteur français face à l'Oeuvre de Tolkien (qui après tout, selon son biographe, se contentait d'avoir bien mauvais goût en cuisine) - encore faut-il que ledit lecteur soit au courant de sa "gallophobie", tu as raison de le souligner - cette apréhension est sans commune mesure avec le rejet quasi viscéral parfois manifesté vis-à-vis de Céline et ses opinions nauséabondes (encore une fois, quel que soit son talent).

A propos de Tolkien et de ses opinions sur la cuisine française, il n'y a pas vraiment besoin de débattre (...des goûts et des couleurs, on ne discute pas...)

Au sujet de Céline, c'est autre chose mais sans doute pas le lieu ici puisqu'aucune comparaison ne me paraît justifiée.... ou alors explique le moi plus précisément. Merci :-)

Silmo

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#93 11-02-2004 01:54

Melilot
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Re : La francophobie de Tolkien

Wouwww! Ca part dans tous les sens, et c'est intéressant partout.

Bien tapé, en effet, CdC. (la traduction, la culture, les changements de mode avec le temps).

Lumière du Soir,
beaucoup de vrai dans ce que tu dis, et beaucoup à discuter. Laisse-moi aussi un peu de temps pour mettre tout ça en forme dans un joli texte structuré (et puis, on ira sur un autre fuseau, parce qu'on va sortir du sujet de celui-ci) A bientôt ;-)

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#94 18-02-2004 20:51

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

De passage à nouveau sur le forum, je me permets juste de rappeller à Silmo que la "gallophobie" de Tolkien, certes diffuse et mal connue, ne se limite pas à un simple rejet de notre merveilleuse cuisine française [que Tolkien ait préféré le Cheddar au Roquefort, le Saumon en croûte au Gratin Dauphinois, ou le Pudding à la Galette des Rois... cela importe peu, et, à la limite, tant pis pour lui ! ;-)] : le rejet me semble culturel dans un sens bien plus large... comme on l'a évoqué plus haut dans ce fuseau...

Sinon, personne n'a d'idée(s) au sujet du légendaire roman qu'évoque Tolkien dans sa lettre à Milton Waldman ?

Je repasserai par ici dès que j'aurais le temps...

A plus tard,

Sincères salutations à tous,

Cordialement,

Hyarion.
   

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#95 04-03-2004 01:28

Coeur de Canard
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Messages : 445

Re : La francophobie de Tolkien

Beh de fait ceux qui lisent Celine (du moins les textes hors delires anti-semites), ne sont generalement pas gener par l'anti-semitisme du susnome dans la reception des bouquins et d'un autre cote, le fait de trouver Le Voyage geniale, ne pose pas de probleme pour reconnaitre les defauts du medecin de Singmaringen et reciproquement.

Par contre, le lecteur de Tolkien semblent nettement plus perturbe par tout ennonciation d'un defaut quelconques (avere ou suposse) du Maitre. Meme aussi mineur comme la francophonie de JRR.

CdC

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#96 05-03-2004 00:32

Vinyamar
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Re : La francophobie de Tolkien

...

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#97 11-03-2004 21:00

Hyarion
Inscription : 2004
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Cela n'est peut-être qu'une impression, mais ce fuseau me semble en voie de désertification... C'est bien dommage...

Je ne désespère pas cependant, et je reviendrai... dès que j'en aurai la possibilité...

Cordialement,

Hyarion.

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#98 11-03-2004 22:06

sosryko
Inscription : 2002
Messages : 1 955

Re : La francophobie de Tolkien

Si tous les fuseaux désertés ou en voie de désertification avaient 96 messages à leur actif...;-)

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#99 11-03-2004 22:14

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 310

Re : La francophobie de Tolkien

Effectivement, Sosryko, effectivement... D'ailleurs, avec ce message, nous en sommes déjà à 98 ! ;-)

A bientôt...

Cordialement,

Hyarion.

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#100 14-03-2004 15:20

amadeus
Inscription : 2004
Messages : 9

Re : La francophobie de Tolkien

Bonjour à tous,
Je ne pense pas que le fait que Tolkien soit francophobe gêne tant les lecteurs du seigneur des anneaux. On peut aimer un livre sans pour autant partager la vision de l'auteur. Dans cette configuration, un lecteur français ne pourrait apprécier que les livres d’auteurs francophones. Ça me paraît très restrictif. C’est plus dérangeant pour ceux qui sont de purs passionés de ses oeuvres et se sentent "rejetés" par l'auteur.
La dernière fois que j’ai lu la biographie de Humphrey Carpenter je n’ai pas le souvenir que Tolkien ait été si francophobe. J’avais plutôt les souvenir qu’il ne portait pas spécialement dans son cœur la France, ni plus ni moins.
Je viens de relire un passage de la biographie. Mais un détail que j’avais oublié qui pourrait expliquer que Tolkien n’aimait guère la France est que pendant son séjour avec les 2 mexicains dont il était chargé, il y eut un accident de voiture qui tua la tante d’un des 2 jeunes vers la fin du séjour. Ce qui explique que Tolkien n’a pas aimé la France. Mais je ne pense pas que Tolkien était vraiment francophobe.

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#101 17-03-2004 05:41

Necsipaal
Inscription : 2001
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Re : La francophobie de Tolkien

Personnellement la francophobie de Tolkien ne me gêne nullement, ètant moi-même francophobe à plus d'un degré (bien que francophone).
Et puis ce n'était pas une francophobie particulièrement prononcée (la mienne l'est plus par bien des aspects ;)). D'ailleurs je soupçonne même le père JRRT d'avoir nourri incidieusement une certaine "anglophobie", du moins une anglophobie dirigée vers certains espects de sa culture.
Et puis comment pourrait-on lui reprocher d'avoir eu quelques pensées coupables à l'encontre de l'admnistration florissante de ce doux pays, et d'avoir par la suite, sans doute un peu hativement, extrapôlé
ce jugement au pays dans sa globalité.
Pourtant la méprise est réparée puisque sa descendance nous fait l'honneur de peupler nos terres et même de parler cette langue barbare!
L'honneur est sauf, la patrie n'est plus en danger, nul n'est besoin de lever l'étandard sanglant contre les ennemis de nos vertes campagnes!
Cela n'est d'ailleurs pas sans me rappeler cette polémique pittoresque suscitée par ce dangereux agent double Freud, juif _et_ pangermanique, qui a perverti la psychologie de ses idées perverses, comme tend à le démontrer les pensées sulfureuses qu'il a nourri depuis sa plus tendre enfance (cf le paris-match des psychanalistes pour plus de renseignements croustillants sur sa vie!)

Satan, empereur des enfers, au moins je m'en fiche, je sais que tout le monde me déteste ainsi que mon pays, du coup jelis les livres plus pour les pensées sulfureuses qu'ils dégagent plutôt que pour l'ombre chaotique d'où ils ont émergé!


PS: je crois que je suis en train de ratrapper mon retard jrrvfien :P

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#102 26-03-2004 20:43

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 310

Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Décidément, je n'ai pas le temps, en ce moment, d'intervenir sur ce fuseau qui me tiens particulièrement à coeur... Mais je vais revenir... c'est promis ! ;-)

Cordialement,

Hyarion.
   

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#103 31-03-2004 17:20

amadeus
Inscription : 2004
Messages : 9

Re : La francophobie de Tolkien

je ne pense pas, Necsipaal, qu'on est anglophobe ou francophobe juste par qu'on aime quelques points d'un pays ou de sa culture. à ce moment-là, tout le monde serait .......phobe de son propre pays ce qui est très nul.
enfin, bon je pense que le débat est plutot : est-ce qu'il est dérengeant pour des français de lire des livres écrit par un francophobe?

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#104 31-03-2004 23:50

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 310

Re : La francophobie de Tolkien

Bonne question, Amadeus... Cela dépends sans doute de l'état d'esprit dans lequel se trouve le lecteur, et de sa connaissance de la vie et des opinions de l'auteur...

Cordialement,

Hyarion.


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#105 02-04-2004 12:36

Melilot
Inscription : 2003
Messages : 1 094

Re : La francophobie de Tolkien

Bonne question? ... euh... J'ai peut-être une réponse.

Avertissement : ce qui suit n'a aucune valeur statistique ni a fortiori scientifique. Je n'ai aucun chiffre sous la main et je ne me suis pas fatiguée à recenser le nombre de sites français sur Tolkien, ni le nombre d'intervenants sur les forums d'iceux, ni à dépatouiller parmi lesdits intervenants ceux qui interviennent sur plusieurs forums avec des pseudos différents, ni à déterminer ceux qui ont lu le livre et ceux qui ont simplement vu le film. A vous la main, si le coeur vous en dit. Les paragraphes ci-dessous sont donc strictement personnels, basés sur de vagues impressions, et donc forcément subjectifs, mais bon : je vous les livre quand même. Si vous pouvez me prouver, chiffres à l'appui, que j'ai tort, soyez les bienvenus, je m'inclinerai devant l'évidence.(Maman! Ce que ta fille cause bien ;-D :-D :-D )

1° Un grand nombre de français lisent ou ont déjà lu Tolkien. Parmi ceux-ci, une bonne partie l'a beaucoup apprécié. Une majorité de cette bonne partie l'a même relu plusieurs fois.

2° Beaucoup de ces lecteurs ignoraient tout de la francophobie de Tolkien. Parmi ceux qui la connaissent, un bon nombre s'en fichent complètement.

3° Pour la majorité des lecteurs ayant apprécié les romans de Tolkien, et ayant appris incidemment ses opinions "fracophobes", cette information n'a rien changé à l'opinion qu'ils ont de l'oeuvre.

4° La totalité des lecteurs actuels - (pour les années 1930 à '50, je ne sais pas) - de Tolkien n'a jamais été prise à partie ni agressée personnellement par lui.

Conclusion : Il est trop tard pour se demander s'"il est dérengeant pour des français de lire des livres écrit par un francophobe? ", le mal est déjà fait. Nous sommes tous contaminés ... Au secours !!!

Hypothèse 1 : les lecteurs français de Tolkien sont masochistes.
Hypothèse 2 : les lecteurs français de Tolkien sont intelligents et capables de discernement et de relativisme.

Petit commentaire totalement hors sujet, et finalement assez dénué d'intérêt : les belges lisent bien Baudelaire. On en trouve même pour aimer ça. (Bon, moi, hein, ... je dis ça ... vous en faites ce que vous voulez). ;-)

(Vous cassez pas la tête avec ça. Lisez, et prenez-y plaisir. Tolkien n'a jamais tué ni maltraité aucun français de sa vie. Tout le monde ne peut pas en dire autant, même parmi les français). :-)))

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#106 03-04-2004 22:03

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 310

Re : La francophobie de Tolkien

Chère Melilot,

Je reprends un passage de ton message :
<< Conclusion : Il est trop tard pour se demander s'"il est dérengeant pour des français de lire des livres écrit par un francophobe? ", le mal est déjà fait. Nous sommes tous contaminés ... Au secours !!! >>

Trop tard ? Mais, Melilot, il n'est jamais trop tard pour se poser ce genre de question, puisque un certain nombre de Français n'ont pas (encore) lu les livres de Tolkien... Il faut d'ailleurs précisemment souhaiter que ces ouvrages le soient par beaucoup d'autres lecteurs, y compris ceux qui ne sont pas encore nés !

Je comprends que, vue de Belgique, la question de la francophobie de Tolkien paraisse quelque peu accessoire, mais comme tu as pu le constater, le contenu des messages de ce fuseau a assez vite évolué vers une réflexion plus approfondie sur des sujets dont la "francophobie de Tolkien" constitue surtout un simple point de départ, voire un simple prétexte... succeptible de nous emmener parfois très loin du constat "francophobe" de départ...

Personnellement, j'avoue que je suis plutôt satisfait d'avoir découvert la francophobie de Tolkien APRES avoir découvert ses livres, ou plus précisemment à la lecture de ses écrits non-fictionnels ("Du conte de fées" notamment ; j'en ai déjà un peu parlé sur ce fuseau et j'y reviendrai prochainement...), lecture que j'ai faite après avoir lu "The Hobbit" et "The Lord of the Rings"... Cette découverte ne m'a étonné qu'à moitié (la francophobie est une attitude que l'on retrouve souvent chez les écrivains britanniques, Walter Scott et Charlotte Brontë par exemple), mais elle ne m'a pas fait plaisir... J'ai tout de même le droit de ne pas apprécier ce genre de chose ! ;-) Cela t'aurais peut-être été égal de découvrir que Tolkien ai pu détester les Belges, mais pour ma part, le fait que Tolkien n'aimait pas les Français m'a tout de même un peu contrarié... ;-) Et si un bon nombre de lecteurs français de Tolkien se fichent complètement, comme tu dis, de ce fait, j'ai la faiblesse de penser que cela est dû, pour une part, sans doute minime mais pour une part quand-même, à la disparition de tout sentiment national en France, les Français ayant de plus en plus tendance à apprécier dans leur pays uniquement ce qui satisfait leur nombril (et leur portefeuille) au quotidien...
Au lendemain d'un certain 21 avril 2002, beaucoup de gens ont affirmés avoir "honte d'être Français", et dans le contexte politique d'alors j'étais de ceux-là. Mais, par ailleurs, qui en France, affirme aujourd'hui sa fierté d'être Français, en dehors des compétitions sportives ? Peu de monde, hélas. Beaucoup de gens confondent le patriotisme avec je ne sais quel nationalisme guerrier désuet et dangereux ou je ne sais quel chauvinisme sportif ridicule : le patriotisme n'est ni l'un, ni l'autre... On peut, pour de nombreuses raisons (notamment culturelles), être fier d'être Français (ou Belge, ou Espagnol, ou Allemand, ou Britannique), sans être obligé de le crier sur les toits (comme ont tendance à le faire certains citoyens des Etats-Unis d'Amérique), mais simplement en le pensant, et dès lors on peut avoir légitimement une impression désagréable en découvrant les sentiments hostiles de quelqu'un (que l'on apprécie beaucoup en tant qu'écrivain) à l'égard de son pays, de sa langue, de sa culture, parce que les mots et la pensée font parfois plus de mal que des actes. Un point, c'est tout...

Maintenant, rassures-toi chère Melilot ;-) : que Tolkien ait été plus ou moins francophobe, cela ne me préoccupe pas excessivement, au contraire ! Pour ce que l'on en sait, cette "gallophobie" est, apparemment, au mieux, dictée par d'assez mauvaises raisons et traduite par des pensées et des actes finalement assez ridicules (cf. cette anecdote assez pitoyable sur le Concorde, évoquée dans un précédent message), au pire, elle est tout simplement inexplicable (cela dépends des situations où elle est apparente ; cf. notamment la biographie de Carpenter...). Tout cela n'est pas très important, je suis d'accord avec toi...
Pour moi, ce fait, ce "lieu commun" comme dit Vincent, n'a finalement pas beaucoup d'importance en lui-même, mais il peut être un point de départ intéressant pour réfléchir sur l'importance des références culturelles chez Tolkien et dans son oeuvre, sur la relation que le lecteur entretient avec un auteur par l'intermédiaire de ses livres... Mais cela, tu n'as pu que le constater en lisant les (nombreux) messages de ce fuseau ! ;-)

A part cela, je ne peux que me joindre à toi pour dire (et j'ai déjà eu l'occasion de le faire sur ce forum) ceci : LISEZ LES LIVRES ! Les films de Peter Jackson sont fort bien faits, mais seule la lecture des ouvrages de Tolkien peut permettre véritablement de découvrir (et d'apprécier) les grands espaces de la Terre du Milieu et les chemins de Faërie !

A bientôt,

Cordialement,

Hyarion.

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#107 04-04-2004 02:16

Melilot
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Messages : 1 094

Re : La francophobie de Tolkien

Cher Hyarion,

"Il n'est jamais trop tard". Ca j'aime bien, merci de me le rapeller :-). Nous sommes finalement tout à fait d'accord en ce qui concerne Tolkien, son oeuvre et ses opinions personnelles. J'ai dit plus haut sur ce fuseau (loin tout en haut, où le vent souffle et où l'air devient rare :-D...) que je comprenais très bien la déception d'un lecteur qui découvre qu'un écrivain qu'il aime, n'aime pas son pays (au lecteur). Et je pense tout comme toi, qu'il faut pouvoir passer au-dessus de cette déception pour se concentrer plutôt sur la valeur de l'oeuvre.

Mais sur la "fierté nationale", je suis moins enthousiaste, tu touche à un phénomène ambigü dont je me méfie énormément (je dirais même plus : qui me flanque une sacrée pétoche jusqu'au tréfond de mes fibres!). On peut aimer le pays où l'on est né, certainement, pour toutes les raisons possibles. On peut aimer la France, qu'on soit français ou non, parce que c'est une pays de grande culture, ou bien pour ses paysages et son climat, ou pour sa tradition culinaire, (ou son équipe de rugby, hein Silmo et Elwe ;-P ?), ou pour ses écrivains et philosophes qui ont inspiré les démocrates du monde entier, c'est vrai. On peut bien aimer d'autres pays pour les mêmes - ou un tas d'autres - raisons, c'est vrai aussi.

Mais être "fier d'être français" (ou n'importe quoi d'autre) n'a aucun sens à mes yeux. On nait en France ou ailleurs totalement par hasard. Ce dont on peut être fier, c'est uniquement les choses belles, bonnes, utiles et généreuses (ou rigolotes, faire rire les gens, c'est de salubrité publique!) que l'on a fait soi même personnellement tout seul. Le reste est illusoire.

Je me hérisse instinctivement et physiquement aux sentiments nationalistes d'où qu'ils viennent. Je pense au contraire que nous devrions nous méfier comme de la peste - surtout actuellement - de tous les discours qui nous poussent à être "fiers" de notre nationalité, et qui, que ce soit ou non leur but, finissent par monter irrésistiblement les communautés humaines les unes contre les autres. Alors qu'avec un peu moins de fierté et un peu plus de compréhension, on éviterait pas mal de confrontations inutiles et malheureuses. C'est aussi l'un des grands messages du Seigneur des Anneaux, et qui participe à la valeur de cette oeuvre. (Où ça les mène-t-il, d'être "fiers d'être elfes" face à ceux qui sont "fiers d'être nains",  heh?)

Hé! Surtout ne va prendre mal ce que je viens d'écrire. Je ne t'accuse de rien, et je ne t'en soupçonne même pas ;-). J'explique simplement pourquoi à mon sens, la francophobie de Tolkien ne me parait pas plus dramatique que la belgophobie de Baudelaire. Ce sont les opinions personelles de deux individus qui avaient parfaitement le droit de ne pas aimer ce qu'ils ont trouvé chez nous. Dommage pour eux, sans plus. Mais leur opinion, pour désolante qu'elle nous paraisse, n'a fait aucun dégât, sauf qu'ils sont peut-être tous les deux passé à côté de plaisirs et de bonnes surprises à cause de leurs préjugés.

Mais à partir du moment où un peuple entier ou du moins une bonne majorité de ce peuple, commence à confondre amour du pays où l'on vit ou dont on vient, et sentiment de supériorité nationale sur "les petits malheureux qui n'ont pas eu la chance de voir le jour chez eux" (copyright à qui vous savez ;-P), là selon moi, on va droit dans le mur.

A part ça, je t'approuves tout à fait, parce que là, c'est un autre problème : tu as parfaitement le droit de ne pas aimer qu'on dénigre le pays que tu aimes et dont tu fais partie. C'est une sentiment absolument normal, et j'ajoute, normal dans le monde entier.

(Oh lalalala! J'espère vraiment que cette prose ne va pas te heurter d'une façon ou d'une autre, parce qu'alors là! c'était vraiment pas mon but, bien au contraire;° :-)))

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#108 08-04-2004 00:12

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Melilot : << Mais sur la "fierté nationale", je suis moins enthousiaste, tu touche à un phénomène ambigü dont je me méfie énormément (je dirais même plus : qui me flanque une sacrée pétoche jusqu'au tréfond de mes fibres!). On peut aimer le pays où l'on est né, certainement, pour toutes les raisons possibles. On peut aimer la France, qu'on soit français ou non, parce que c'est une pays de grande culture, ou bien pour ses paysages et son climat, ou pour sa tradition culinaire, (ou son équipe de rugby, hein Silmo et Elwe ;-P ?), ou pour ses écrivains et philosophes qui ont inspiré les démocrates du monde entier, c'est vrai. On peut bien aimer d'autres pays pour les mêmes - ou un tas d'autres - raisons, c'est vrai aussi.
[...]
A part ça, je t'approuves tout à fait, parce que là, c'est un autre problème : tu as parfaitement le droit de ne pas aimer qu'on dénigre le pays que tu aimes et dont tu fais partie. C'est une sentiment absolument normal, et j'ajoute, normal dans le monde entier. >>

Chère Melilot, je comprends tes craintes vis-à-vis des nationalismes de tout bord, et je les partage sincèrement... En te lisant, je constate que nous sommes bien d'accord sur tout ce que tu dis dans ton dernier message en date...
Je me suis peut-être mal exprimé : lorsque j'ai parlé d' "être fier d'être Français", je voulais dire que l'on avait pas à avoir honte d'aimer son pays, la France ici en l'occurence (cela vaut évidemment pour les autres)...
Que les choses soient claires : il ne s'agit pas d'être fier de son pays en supposant par là que ce pays est supérieur aux autres... Il s'agit plutôt de ne pas avoir honte d'être content de vivre dans ce pays, d'y être attaché, pour ce qu'il représente et ce qu'il nous apporte, et de ne pas avoir honte de l'aimer pour cela. Je ne sais pas si je suis clair... Disons donc, pour conclure, que j'aime le pays où je suis né, où j'ai grandi, où j'ai mes racines, où je vis, et où, de fait, je suis finalement toujours content de revenir lorsque je rentre d'un voyage à l'étranger... Et parce que je suis attaché à mon pays, la francophobie, surtout lorsqu'elle n'est pas vraiment justifiée, ne peux que me contrarier, même si je m'efforce de ne pas lui accorder trop d'importance...
Du reste, je suis aussi très attaché à ma liberté, notre liberté, de penser, de voir, d'écrire, de lire, de voyager, de rêver, etc... Et les croisades nationalistes, et autres fanatismes ou sectarismes manichéens à la W. Bush ou à la Ben Laden, forcément TRES dangereux, ne sont PAS ma tasse de thé... Mais cela, je le vois en te lisant, tu t'en doute certainement, n'est-ce-pas ? :-)
J'espère que ma réponse te paraîtra assez claire... Sur ce forum, je l'espère, nous sommes entre démocrates, libres et tolérants ! :-)


Revenons, si vous le voulez bien :-), aux questions évoquées plus haut sur ce fuseau...
Dans mes précédents messages, j’ai plusieurs fois fait allusion, sans entrer dans les détails, au fait que l’on pouvait deviner la "francophobie" de Tolkien en lisant son essai sur les contes de fées publié dans "Faërie", notamment lorsque Tolkien évoque les "Contes de ma mère l’Oye" (1697) de Charles Perrault (1628-1703). Voici donc quelques citations tirées de "Faërie et autres textes" (nouvelle édition, traduction de Francis Ledoux, Christian Bourgois éditeur, 2003) :

<< L’être minuscule, elfe ou fée, est en Angleterre, à mon avis, un produit perverti de la fantaisie littéraire. Il n’est peut-être pas anormal qu’en Angleterre, pays ou l’amour de la délicatesse et de la finesse a fait de fréquentes apparitions dans l’art, la fantaisie en cette matière se tourne vers le mignon et le minuscule, comme en France elle s’est portée vers la Cour, arborant poudre et diamants. >> ("Faërie", "Du conte de fées", Le conte de fée, p.57)

<< Les recueils de contes de fées sont maintenant très nombreux. En anglais, aucun ne saurait sans doute rivaliser, pour ce qui est de la popularité, de l’exhaustivité et du mérite général, avec les douze livres de douze couleurs que nous devons à Andrew Lang et à sa femme. Le premier parut il y a plus de cinquante ans (1889), et il n’a cessé d’être réédité. La plupart des contes qui s’y trouvent soutiennent plus ou moins clairement l’épreuve. Je ne les analyserai pas, encore qu’une analyse ne manquerait pas d’intérêt général, mais je ferai remarquer en passant que, parmi les contes du "Blue Fairy Book", aucun ne concerne essentiellement « les fées », et peu s’y rapportent. La plupart sont tirés de sources françaises : choix judicieux sous certains rapports à cette époque, et qui le serait peut-être encore (bien que pas pour mon goût, à présent comme dans mon enfance). En tout cas, l’influence de Charles Perrault depuis que ses "Contes de ma Mère l’Oye" furent traduits, pour la première fois, en anglais au XVIIIe siècle, ainsi que des autres extraits de la vaste réserve du "Cabinet des Fées" qui ont été largement répandus depuis, cette influence, dis-je, a été si puissante qu’aujourd’hui encore, je suppose, si l’on demandait à quelqu’un de nommer au hasard un « conte de fées » typique, il citerait probablement une des productions françaises, telles que "Le Chat Botté", "Cendrillon" ou "Le Petit Chaperon Rouge". Les "Contes" de Grimm viendraient peut-être d’abord à l’esprit de certains. >> ("Faërie", "Du conte de fées", Le conte de fée, p.63-64)

On n’est assez éloigné, ici, de l’esprit relativement mesquin qui transparaît dans les anecdotes sur la cuisine française ou le Concorde. Tolkien semble néanmoins manifester une certaine réserve vis-à-vis de la culture française (représentée sous les traits d’une grande Cour maquillée et clinquante, bien différente de la délicatesse et de la finesse anglaises ?), tout en reconnaissant objectivement sa forte influence sur la culture anglaise en ce qui concerne les contes de fées. Une chose est certaine : les contes français, ceux de Charles Perrault, n’ont jamais eu sa préférence, ni dans son enfance ni à l’âge adulte, au contraire. Pourquoi cette réserve ? La réponse, si réponse il y a, n’est pas évidente, même si des éléments, des débuts de pistes, ont été déjà apportés, sur ce fuseau, dans des messages précédents...
Le hasard a voulu que soit publié tout récemment une série d’articles dans la "Revue des Deux Mondes", susceptible d’apporter en quelque sorte du « grain à moudre » pour notre réflexion, puisqu’on y parle notamment de la relation qu’entretient la France avec la "Faërie".

Dans son numéro de mars 2004, la fameuse "Revue des Deux Mondes", fondée en 1829, dans le cadre de son dossier sur "Les Rois de l’Imaginaire" (p.85-151), reproduit des extraits d’un article d’Emile Montégut, intitulé "Des fées et de leur littérature en France", publié dans cette même "Revue des Deux Mondes" en avril 1862 (première quinzaine du mois ; 38e volume de la Revue), sous le règne de l’Empereur des Français Napoléon III, à l’occasion de la parution d’une édition des "Contes" de Charles Perrault illustrée par Gustave Doré. A la suite des extraits reproduits de l’article de Montégut (p.85-99), on trouve un article de Jean-Maurice de Montremy, intitulé "Retour vers Perrault" (p.100-108), dans lequel on peut lire ceci :

<< […] Emile Montégut constate [dans son article de 1862] avec un rien de mélancolie : "Les fées sont françaises et pourtant leur véritable littérature est à l’étranger." Montégut (1825-1895) avait succédé en 1857 [comme responsable de la critique littéraire à la "Revue des Deux Mondes"] à l’atrabilaire Gustave Planche, qui détestait uniment tous les grands écrivains de l’époque. D’humeur plus douce, discrètement élégiaque, Montégut connaissait bien les littératures étrangères. Il s’efforça de les faire découvrir. Son cœur restait romantique. Il observait avec circonspection le tour "réaliste" que prenait désormais la nouvelle génération. Montégut aimait Victor Hugo […] mais plus encore George Sand, la "bonne dame de Nohant", elle-même amie des fées et des contes.
       En ce mois d’avril [1862], donc, Montégut profite de la parution chez Hetzel [futur éditeur, notamment, des grands romans de Jules Verne] d’un grand volume in-folio des "Contes" de Perrault, avec les illustrations de Gustave Doré. Il consacre une trentaine de pages à la "littérature des fées" Pourquoi, se demande-t-il, n’avons-nous pas le génie des Allemands chez qui l’aventure et la légende font bon ménage ? "La France n’est décidément pas le pays du merveilleux, observe-t-il. A part quelques places privilégiées ou maudites, le sol français est peu hanté par ces populations invisibles qui pullulent en d’autres contrées […] Ces êtres aimés de toutes les classes de notre société n’ont jamais pu trouver en France un poète digne d’eux." Tout épris qu’il soit de Perrault, Montégut juge en effet que celui-ci reste sur le seuil, dans le "vestibule" des "véritables royaumes de la féerie".
       Montégut fréquente de longue date la littérature anglaise. Il distingue la "merveille" de la littérature "gothique". "Les Mystères d’Udoplhe", "le Moine" et autres "Melmoth" ont, dans la France des années 1860, leurs admirateurs et leurs imitateurs. Ce n’est pas de cette littérature-là que le critique regrette la faiblesse.
       Il déplore, en revanche, l’absence de l’aventure légendaire. Rien, chez nous, ne se compare, écrit-il, au "Fidèle Eckart" ou au "Blond Eckbert" d’un Ludwig Tieck (1773-1853), malgré les efforts de Charles Nodier – auquel il rend hommage – et malgré la "révolution radicale" opérée dans le "merveilleux français" par Victor Hugo, "ce grand révolutionnaire poétique". La littérature française semble pour de bon "empêchée" dès qu’elle aborde ce domaine que Tolkien nommera plus tard "faërie". Notons, au passage, que Montégut aurait sans doute classé "le Seigneur des anneaux" dans le monde "fée" plutôt que dans l’ "heroic fantasy" ou dans le fantastique comme on s’y laisse trop souvent aller depuis le film de Peter Jackson. Et sans doute se désolerait-il en voyant qu’un siècle après son article "Des fées et de la littérature en France", aucun auteur français n’a suivi ce chemin. "Harry Potter" nous vient d’Angleterre et – dans un registre supérieur – nul Clive Staples Lewis n’a chez nous signé de "Chroniques de Narnia".
       La France, pourtant, n’a pas toujours été indifférente aux "poésies galliques", aux épopées ou autres "faëries". Le mot "saga" apparaît dès 1721 dans le dictionnaire de Trévoux. Lointains ancêtres de Tolkien, les fameux chants d’ "Ossian" de l’Ecossais MacPherson sont traduits dès 1777 pour connaître la fortune que l’on sait. La France sera résolument ossianique en peinture, en littérature et en musique. La harpe du "chantre sauvage" arpège dans les meilleurs salons. Chacun rêve aux fantômes du Lora, au vaillant Fingal, roi de Morven, aux amours de la belle Comala, et l’on s’enflamme pour la grande bataille de Temora, où s’affrontent les preux de la verte Erin.
       "Qui sera l’Alexandre de ce nouvel Homère ?", demande l’un des traducteurs, rappelant la passion du Macédonien pour l’œuvre du poète aveugle. Le jeune Bonaparte [futur Napoléon Ier] répond présent…
       Lecteur passionné de "Werther", Bonaparte vibrait comme toute l’Europe aux quelques stances d’ "Ossian" que traduit chez Goethe, le malheureux héros – et qui vont droit au cœur de Charlotte. En 1800, le Premier consul [Napoléon Bonaparte] commande à Gérard et Girodet, pour la Malmaison, deux grands tableaux inspirés d’ "Ossian", dont le plus spectaculaire est celui de Girodet. On y voit Ossian accueillir les généraux de la République [française] morts au combat pour les introduire "au paradis d’Odin". Le Corse installe le Calédonien dans le Walhala ! La mise en scène, à force d’ondines, de jeunes héros, de casques et de barbes mythologiques, anticipe les productions les plus pompières que le wagnérisme – une autre passion française – verra fleurir un siècle plus tard.
       A cette France potentiellement "faërique" manquait l’indispensable superproduction. En un temps où le cinéma n’existe pas, ce genre de grand spectacle ne pouvait survenir qu’à l’opéra, seule "machine à rêves" susceptible d’allier la musique aux décors, les images aux paroles, avec cortèges, effets spéciaux, apothéoses, etc. Le 21 messidor de l’an XII (10 juillet 1804), Jean-François Lesueur – maître de chapelle des Tuileries – inaugure la toute nouvelle Académie impériale de musique par une œuvre qui fit sensation : "Ossian ou les Bardes", épisode de la lutte des inusables Calédoniens contre les Scandinaves. Tous les moyens sont bons, y compris douze harpes, sept groupes de danseurs, des chœurs doubles ou triples et un tam-tam "bardique". L’affaire émeut le continent, lançant la vogue des grands tableaux panoramiques. Morceau de choix, "le songe d’Ossian", à l’acte IV, en fit chavirer plus d’un. Emprisonné le barde rêve que les murs s’écartent et que son âme retourne dans les cieux "au séjour aérien de ses ancêtres".
       Stendhal se déclare "au bord de l’émotion". Plus tard, admirant un lever de soleil en Bourgogne, il y retrouve les lumières bleues du décor d' "Ossian". […]
       A l’orée du XIXe siècle, "le Songe d’Ossian" annonce une autre révolution. Une porte nouvelle s’ouvre sur l’espace imaginaire. Le rêve change de nature et de signification. Il devient une idée neuve en Europe. Du barde gallique, écrivains ou poètes retiendront, chez nous, ce paysage intérieur. Peu se risqueront au jeu du grand récit et des intrigues magiques. La merveille cheminera souterrainement jusqu’au symbolisme, nourrissant des "mythes personnels" – ainsi Nerval – bien plus que des aventures légendaires. Les premières grandes éditions et traductions de la littérature arthurienne française n’y changeront rien : on retient des chevaliers la courtoisie, la vaillance ou l’élégance "bien de chez nous" plus que les prodiges de Merlin ou les inquiétants dragons ruminant leur trésor.
       Parvenus à ce point, il vaut la peine de revenir aux observations d’Emile Montégut. Car son article s’ouvre sur la nostalgie. Se comparant à l’Ariel de "la Tempête" [de Shakespeare], le critique se souvient des émotions ressenties, enfant, quand il vivait dans les contes comme on séjourne chez Prospero. "Pendant des années, le plus brillant souvenir que nous eussions conservé de nos lectures d’enfance, confie-t-il, était celui d’un conte de fées dont nous avions oublié le nom, l’auteur et même le sujet. Tout ce que nous en pouvions dire, c’est qu’il nous avait fait éprouver des émotions qu’aucun autre conte ne nous avait données, des émotions d’un genre grave, dramatique, pleines d’une poésie sombre et presque religieuse."
       Ne perdons pas de vue ce dernier mot. Toute littérature des fées, digne de ce nom, se doit d’exprimer, selon Montégut, une "poésie presque religieuse". Les bizarreries, cocasseries et autres prestidigitations ne suffisent pas. Cet homme qu’irritent les pirouettantes mascarades d’une Mme d’Aulnoy ou d’une Mme Leprince de Beaumont [l’auteur de "la Belle et la Bête"] n’aurait pas aimé Walt Disney.
       Montégut, malheureusement pour lui – il le raconte très bien dans son article – retrouve un jour le titre du conte enchanteur et le nom de son auteur : le funeste Ducray-Duminil, "auteur des platitudes morales les plus insupportables qui se puissent imaginer". Le livre lui tombe des mains. La cage de cristal des souvenirs éclate. Le parfum s’évapore. "A cette place où s’élevait dans notre mémoire un palais enchanté, il n’y a plus rien qu’un sable aride. Voilà les blessures d’Ariel et les mécomptes qui l’attendent lorsqu’il veut revoir les lieux où sa vie s’écoula autrefois."
       Par cette confidence, Montégut suggère déjà les réponses qu’il donnera à sa question de l’impossible réenchantement féerique en France. "Lorsque vous lisez les contes allemands, à quelque âge que vous soyez arrivé, vous y prenez le même plaisir que l’enfant. L’auteur semble avoir cru que l’enfant se conservait en l’homme […]. Les portes des royaumes merveilleux se ferment sans retour pour le Français dès qu’il est arrivé à l’adolescence. Les contes étrangers sont des œuvres d’art et de poésie, les contes français sont presque toujours des œuvres d’éducation."
       On retrouve, en passant, le paradoxe initial : les fées sont françaises mais leur littérature est à l’étranger. Montégut s’enferme toutefois lui-même dans une impasse.
       Il décrit longuement les qualités de la vraie féerie française, qui serait en fait l’expression de notre "sociabilité". Fées et magiciens forment une sorte de Cour dont les conteuses seraient Mme de La Fayette narrant le temps d’Henri II. Car tout, pour Montégut, semble culminer au XVIe siècle – mais un XVIe siècle introuvable, à la fois "démocratie aristocratique et aristocratie démocratique".
       Curieusement, pas un mot sur Rabelais. Les vrais maîtres sont l’Arioste, Shakespeare et Spenser, l’auteur de "la Reine des fées" (1591-1596) avec leurs fabuleux personnages, leurs décors prodigieux et leurs rebondissantes intrigues. Philippe Beaussant, dans son très beau conte "la Belle au Bois" (1990) observe lui aussi que la Belle, se réveillant au baiser du Prince sous le règne de Louis XIV, s’était donc endormie cent ans plus tôt, du temps d’Henri IV quand la langue française était encore magique.
       Evidemment, Montégut s’agace. Seuls un Italien et deux Anglais sont, au bout du compte, les bons génies de littérature des fées – dont l’essence est pourtant française, s’acharne-t-il à répéter, toujours sans citer d’auteurs. Il hésite alors et l’on peine à l[e] suivre. La faute, dit-il, en incombe à l’équilibre et la raison, qui sont néanmoins nos plus éminentes et inimitables qualités. Un excès de bon sens et de cartésianisme se sentent déjà, poursuit-il, chez "Ma Mère l’Oye", dernière grande œuvre féerique française. Et, pour se tirer d’affaire, vient sa grande intuition : les contes de Perrault ne sont eux-mêmes "que des fragments et des documents d’une histoire poétique qui n’a pas été écrite".
       L’idée aurait plu à Mallarmé. Nous sommes en 1862 : c’est un peu trop demander à Montégut que de l’embarquer dans le livre à venir. Le propagandiste du merveilleux à la française se contente de suggérer qu’il subsiste peut-être encore dans nos campagnes, et dans de sommeillants bourgs épiscopaux, les descendants de ces grands narrateurs chez qui l’Arioste et Shakespeare puisèrent leur inspiration. Il est cependant contraint de s’embrouiller encore un peu plus. Car, partout en France, ce sont désormais surtout des Allemands, des Serbes, des Russes, des Bohémiens et le long cortège des Orientaux qui occupent le terrain. Il dénonce l’"anarchie dans le merveilleux et l’invasion des fées étrangères", dont il vient pourtant de venter les charmes.
       Montégut retrouve ensuite son sens de la formule : "Avec le XVIIe siècle expire définitivement le règne des vraies fées françaises. Effarouchées au XVIIIe siècle par le règne de la révolution philosophique, elle disparaissent et redeviennent mystérieuses et clandestines […]. Un merveilleux plus coupable commence, et à leur bienfaisante magie blanche succède le règne de la magie noire des associations politiques secrètes, des formules occultes et des conjurations nécromantiques […]. Mises en fuite par le XVIIIe siècle et la Révolution, les fées françaises émigrèrent et n’ont jamais reparu." A l’image du grand livre dont Perrault n’a capté que des fragments, le "monde enchanté national" est un texte original perdu dont nous n’avons que des adaptations en langue étrangère.
       On ne peut demander à cette chronique d’avril 1862 plus qu’elle ne peut donner – et plus que son auteur n’envisageait d’écrire. Il s’agissait d’abord pour lui d’évoquer sa "blessure d’Ariel" et de mettre en garde contre l’orientation toujours plus réaliste prise, selon lui, par la littérature de son temps. Le critique de la "Revue des Deux Mondes" se trouve, en effet, au cœur d’une France des illusions perdues et des grandes espérances désenchantées. […]
       Montégut voyait juste lorsqu’il sentait se fermer sur l’adolescence française les portes des royaumes merveilleux. Les grands succès pour la jeunesse sont, au XIXe siècle, les livres didactiques – la comtesse de Ségur restant évidemment la plus rusée des moralistes. Mais elle était russe, et nourrie d’histoires effrayantes.
       On ne doit pas pour autant négliger la métamorphose que commençaient à subir les vieux enthousiasmes "ossianiques". Le critique de la "Revue des Deux Mondes" ne pouvait encore pleinement la percevoir. […] >>

La dernière partie de l’article de Jean-Maurice de Montremy – je ne vais tout de même pas recopier cet article en entier ! ;-) – évoque "Une génération d’artistes wagnérienne" en France, apparue à la suite de la représentation à Paris, sur ordre de Napoléon III, de l’opéra "Tannhäuser" de Richard Wagner, en mars 1861 (saluée par Baudelaire), qui ne retient presque pas l’aspect métaphysique présent dans les œuvres de Wagner, mais est davantage influencée, par exemple, par les décors, et surtout par la technique musicale wagnérienne (leitmotive, etc.). De Montremy évoque le cas d’un compositeur français, Ernest Reyer (1823-1909), auteur de l’opéra "Sigurd" (du nom de la version occidentale de Siegfried), achevé en 1872 (crée en 1884 à Bruxelles) sans aucune influence wagnérienne directe, les opéras de Wagner "Siegfried" et "le Crépuscule des dieux" ayant été crées en 1876 : les deux compositeurs ont travaillés, chacun de leur côté, en puisant dans "le matériau septentrional", celui des sagas du Nord – comme Tolkien en littérature proprement dite –, mais c’est surtout "la Tétralogie" de Wagner qui a été retenue. "Pour l’heure, quoi qu’il en soit – Siegfried contre Sigurd – on retrouve la nostalgie Montégut : les fées ne sont pas rentrées de l’émigration." De Montremy compare ensuite, assez brièvement, Wagner et Tolkien, notamment dans la différence du traitement réservé, chez ces deux auteurs, à... un certain Anneau...

Je ne peux que conseiller de lire l’ensemble des textes d’Emile Montégut et de Jean-Maurice de Montremy, ainsi d’ailleurs que les autres articles du dossier "Les Rois de l’Imaginaire" – il a été question de l’un d’entre eux ailleurs sur ce forum – proposé dans ce numéro de mars 2004 de la "Revue des Deux Mondes" : tout cela est vraiment très intéressant.

La fatigue commençant à se faire sérieusement sentir, il vaut mieux que je m’arrête ici. :-) Je ne sais si j’ai bien fait de citer d’aussi longs extraits mais, en tous les cas, je m’excuse pour la longueur de ce message et j’espère pouvoir revenir prochainement pour continuer la discussion.

Cordialement,

Hyarion.

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#109 14-04-2004 20:53

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Allo ? Est-ce-que quelqu'un m'entend ?
Si je vous ennuie avec mes histoires, il faut me le dire ! ;-)
Bon, cela n'est pas bien grave : je repasserai, dès que possible...

Cordialement,

Hyarion.

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#110 14-04-2004 21:55

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Dans un précédent message, j'avais écrit ceci : Sinon, personne n'a d'idée(s) au sujet du légendaire roman qu'évoque Tolkien dans sa lettre à Milton Waldman ? (cf. La Feuille de la Compagnie n°2,automne 2003, où ladite lettre est traduite...)

C'est une question intéressante à creuser...

Peut-être aurai-je un jour le temps d'écrire un peu là-dessus... Nous verrons...

A bientôt,

Cordialement,

Hyarion.


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#111 15-04-2004 21:58

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

Je ne fais que passer...

Dans l'article de Jean-Maurice de Montremy, "Retour vers Perrault" (p.100-108 du numéro de mars 2004 de la Revue des Deux Mondes), que je cite dans mon (long) message du 7 avril dernier, il est fait référence à un tableau spectaculaire de Girodet de Roucy-Trioson (1767-1824), exposé au Musée national du château de Malmaison et inspiré par le mythe d'Ossian.

Voici un lien pour vous donner une idée de ce à quoi ressemble ce tableau : Tableau de Girodet

Cordialement,

Hyarion.

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#112 21-04-2004 23:22

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir...

<.font color="#800000">"Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir."<./font> (Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète)

Merci, chers forumistes, de me permettre, par votre généreuse absence ;-), d'aller ainsi en moi-même... Vraiment, c'est une expérience forte.

Je retourne à mon travail et à mes lectures...

Bien à vous, :-)

Cordialement,

Hyarion.

"Solitude : c'est le même mot pour deux situations opposées, la solitude subie, la solitude désirée.
La première est dramatique ; j'ai besoin des autres, et personne n'est là. Je suis comme un feu qui meurt étouffé, faute d'oxygène.
La seconde est, à certains moments, nécessaire pour retrouver la cohérence de tous les matériaux qui se sont accumulés, pour renouer des fils, pour se préparer à de nouvelles rencontres. Cette solitude choisie peut être aussi, elle-même, l'occasion d'une rencontre : c'est tout le miracle de la lecture ; quel bonheur que d'entendre Montaigne nous faire des confidences !" (Albert Jacquard)

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#113 21-04-2004 23:31

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Grrr... Rectification : <.font color="red"> "Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir." <./font> (Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète)

Cordialement,

Hyarion.

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#114 21-04-2004 23:36

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Surtout, gardons notre calme... <.font color="red">"Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir."<./font> (Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète)

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#115 21-04-2004 23:52

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Voilà qui fera l'affaire : "Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir." (Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète)

Mille excuses...

Cordialement,

Hyarion.

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#116 22-04-2004 00:21

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

"Une seule chose est nécessaire : la solitude. La grande solitude intérieure. Aller en soi-même, et ne rencontrer durant des heures personne, c'est à cela qu'il faut parvenir." (Rainer Maria Rilke, Lettres à un jeune poète)

Ouf ! Voilà, on a fini par y arriver.

Cordialement,

Hyarion (qui aime le travail bien fait).


P.S. : Merci encore, Sosryko... ;-)

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#117 24-04-2004 21:10

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Bonsoir à tous,

En parcourant l'ensemble de ce fuseau, j'ai la vague impression que ma situation ressemble un peu à celle d'un nain prisonnier d'une toile d'araignée au milieu de Mirkwood : comme l'a écrit Melilot, "Ca part dans tous les sens", et peut-être que l'on s'y perd un peu... Voilà ce qui arrive sans doute lorsqu'on s'écarte trop du sentier ! ;-)

J'ai besoin de temps, mais je vais m'efforcer d'être plus clair et plus concis à l'avenir dans mes messages...

Mille excuses une fois encore...

A bientôt,

Cordialement,

Hyarion.

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#118 19-05-2004 22:18

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Patience, patience... je vais revenir... ;-)

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#119 16-06-2004 23:36

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

>>> Sinon, personne n'a d'idée(s) au sujet du légendaire roman qu'évoque Tolkien dans sa lettre à Milton Waldman ? (cf. La Feuille de la Compagnie n°2,automne 2003, où ladite lettre est traduite...)

Cordialement,

Hyarion
[en attendant Godot... ;-)].

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#120 17-06-2004 23:40

Joey
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Re : La francophobie de Tolkien

J'ai peut etre une autre preuve d'une francophobie de la part de Tolkien. Desolee si le message a deja ete poste, j'avoue ne pas avoir eu la patience de lire absolument tous ceux qui l'ont deja ete (je le ferai + tard pour en savoir plus sur le Mosieur comme ca).


Pour savoir prononcer les mots en elfique, Tolkien dit (en gros):
"Pour la prononciation du R elfique, on utilisera plutot le R espagnol. Contrairement au R francais, qui lui serait, de preference, utilise pour parler le langage 'sombre' (du Mordor ou des orcs ... par exemple)".

Preuve de francophobie? Moi j'en sais rien (il est aussi germanophobe? puisque les R francais & allemand sont les memes).

Disons que c'est 1 remarque que j'ai lue & qui m'a piquee (quoi, elle est pas belle la langue francaise? pour que ce soient les orcs qui l'utilisent grrrrrr  lol)

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#121 18-06-2004 00:09

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Tiens, tiens... Voilà un détail curieux...

Il serait intéressant de connaitre tes sources, Joey... :-)

Cordialement,

Hyarion.

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#122 18-06-2004 00:49

Joey
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Re : La francophobie de Tolkien

Il me semble que j'ai lu ca dans les appendices de LOTR! Mais ca date d'il y a 3 ans malheureusement ...
A moins que je ne me melange les pinceaux et que j'ai tout betement trouve ca sur 1 site (peut etre sur Ardalambion: http://move.to/ardalambion) ...

Vais me mettre a rougir de mes erreurs moi ! lol
En plus vous etes tous d'un niveau largement au dessus du mien (je me sens toute perdue sniff sniff )

Je cherche je cherche ...
Yikes, oui ca doit etre ca:
"Quenya r should be trilled, as in Spanish, Italian, Russian etc., "
"The uvular r that is common in languages like French and German should be avoided in Quenya, for LotR Appendix E states that this was "a sound which the Eldar found distasteful" (it is even suggested that this was how the Orcs pronounced R!)"


MAIsssssssss, ca vient quand meme d'un des appendices de LOTR :)

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#123 18-06-2004 19:06

Joey
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Re : La francophobie de Tolkien

Hyarion,
Laisse tomber, finalement en y reflechissant, ca doit etre un de mes nombreux "delires".

Ca doit le rhume qui me rend fievreuse.

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#124 18-06-2004 22:07

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Chère Joey, je ne suis pas linguiste, mais je viens de jeter un coup d'un oeil dans l'Appendice E de The Lord of the Rings, au cas où...
Dans la traduction française, je trouve ceci, concernant la lettre "R" (je souligne ce qui est en italique dans le texte original) :
"R  représente un r roulé, quelle que soit sa position. Le r ne s'effaçait pas devant les consonnes (comme c'est le cas, par exemple, pour l'anglais "part"). On dit que les Orques et certains Nains utilisaient un r arrière ou vélaire, un son qui déplaisait fort aux Eldar. RH représentait un r sourd (généralement dérivé d'un sr initial, plus ancien). Un phonème qui, en quenya, s'écrivait hr. Voir L." (Appendice E, "L'Ecriture et l'Orthographe", I - La Prononciation des mots et des noms, Consonnes, p.1203 de l'édition de chez Christian Bourgois illustrée pas Allan Lee)

Je reprends ta citation en anglais : "Quenya r should be trilled, as in Spanish, Italian, Russian etc., "
"The uvular r that is common in languages like French and German should be avoided in Quenya, for LotR Appendix E states that this was "a sound which the Eldar found distasteful" (it is even suggested that this was how the Orcs pronounced R!)"

Tolkien n'a jamais caché, dans ces lettres notamment, son intérêt pour l'Espagnol, ni le fait qu'il n'aimait pas le Français (qu'il estimait d'ailleurs plus difficile à apprendre que l'Anglo-Saxon, si je me souvient bien...). Qu'il ait siemment attribué aux Orques, et à certains Nains (sans doute eux aussi peu sympathiques ?), un "r" semblable à celui utilisé en Français, cela ne m'étonnerait pas du tout... Cela dit, vis-à-vis de l'Allemand, je ne crois pas que Tolkien ait fait preuve, tout le long de sa vie, d'une germanophobie particulièrement prononcée, au contraire même (il me semble)...
Je ne sais donc pas si tout cela constitue une véritable preuve supplémentaire de la francophobie de Tolkien... mais il y aura probablement toujours un doute...
Ton idée était néanmoins intéressante... :-)

Cordialement, :-)

Hyarion.

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#125 18-06-2004 22:12

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Grrr... Correction : "l'édition de chez Christian Bourgois illustrée par Allan Lee"...

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#126 20-06-2004 19:41

Joey
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Re : La francophobie de Tolkien

"Cela dit, vis-à-vis de l'Allemand, je ne crois pas que Tolkien ait fait preuve, tout le long de sa vie, d'une germanophobie particulièrement prononcée, au contraire même (il me semble)... "


Ah oui, je me disais bien aussi que nulle part on ne parlait de "germanophobie" chez Tolkien ;).
D'ailleurs, son "avantage", son grand savoir (surtout quand on connait son "metier") montre bien tout de meme qu'il devait apprecier la majorite des langues d'Europe ... Comment aurait-il pu -autrement- creer ces langages ?


Sur ce, je vous laisse. Je crois qu'en un certain point (chaud) du forum mes petites (si petites et rares, pourtant) venues se font mal remarquer (parce que je suis nouvelle? ou bien parce que mes messages, de par leur formulation, laisseraient - peut-etre - passer 1 manque de culture certainement peu apprecie de quelques personnes ...).

Merci tout de meme de l'accueil et au plaisir de vous lire :).

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#127 24-06-2004 19:43

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Chère Joey,

Ne prête pas trop d'attention aux critiques malveillantes de certains participants : comme me l'a dit un ami, habitué de ce forum, lorsque je suis arrivé ici, leur avis ne compte pas beaucoup...

A bientôt, :-)

Cordialement, :-)

Hyarion.

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#128 21-01-2005 20:57

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Résurrection (du fuseau)... ;-)

Bonsoir à tous,

Il y a un an, jour pour jour, j'ai envoyé mon premier message, créant ce fuseau, après mon inscription sur le forum. Un an, déjà...

En survolant l'ensemble des messages, j'ai constaté que certains éléments supplémentaires d'informations méritaient d'être encore ajoutés (en particulier, des confirmations de faits relatés dans la biographie de Carpenter)... Dès que j'aurai un moment de libre pour le faire, j'essaierai d'apporter ces compléments...

Cordialement, :-)

Hyarion.

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#129 07-02-2005 14:33

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

J'ai remis la main, en bibliothèque universitaire, sur un exemplaire des Letters of J.R.R. Tolkien : on y trouve, conformément à mes souvenirs de lecture, des renseignements très intéressants concernant le sujet de ce fuseau...
Je vais essayer d'évoquer plus longuement celà prochainement, dès que j'aurai un peu de temps pour le faire...

A bientôt,

Cordialement, :-)

Hyarion.

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#130 21-06-2005 21:21

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Si je ne le fait pas maintenant, je ne le ferai jamais...
J'ai beaucoup de travail en ce moment, mais les mois passent... et il me faut bien tenir mes engagements...
Je profite du fait que les fuseaux du forum de JRRVF viennent de faire peau neuve (remerciements, au passage, à notre webmestre :-) ) pour "ressuciter", une fois de plus, le présent fuseau, auquel je vais bientôt (enfin !) apporter des compléments d'informations, à partir notamment de la biographie de Tolkien par Carpenter et des Letters (dont la traduction française paraîtra en octobre). Je ne sais pas si celà vous plaira, chers forumistes, mais je vais essayer de faire de mon mieux... et le plus rapidement possible ! :-)

A bientôt, :-)

Cordialement, :-)

Hyarion (pas du tout en vacances !).

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#131 21-06-2005 23:46

Sylvae
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Re : La francophobie de Tolkien

Merci, Hyarion, et bon courage (pour le je vais bientôt (enfin !) apporter des compléments d'informations et pour le (pas du tout en vacances !))

Bon été quand même !!! ;o)
Sylvie

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#132 23-06-2005 14:22

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Merci et bon été à toi aussi, Sylvie... ;-)
Hyarion.

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#133 23-04-2009 03:45

Hyarion
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Re : La francophobie de Tolkien

Las... Presque quatre ans plus tard, je retrouve ce fuseau en l'état... et ne puis que me rappeler le fait que j'ai de facto renoncé à publier ici ce que je souhaitais, faute de temps, sans doute, pour rédiger quelque-chose de valable, mais aussi, et sans doute surtout, faute de motivation pour aller au bout de ma démarche vu l'intérêt pour le moins relatif suscité par la question... C'est ainsi, et, après tout, tant pis... même si je suis tout de même un peu désolé de ne pas avoir été forcément au bout de la démarche, avec le recul... :-l

Pourquoi prendre la peine de ressusciter le présent fuseau pour écrire cela ? Je ne sais pas vraiment... Peut-être pour boucler la boucle avec ce fuseau qui fut celui de ma première intervention ici, et peut-être aussi parce que je viens de voir, au hasard d'une de mes visites (devenues rares sur le forum), un fuseau dans la rubrique "Espace libre" et consacré - sur un ton assez morose - à la léthargie du forum de JRRVF... Cela me fait bien entendu penser à toutes ces années qui sont passées, à toutes ces rencontres aussi intéressantes que conviviales, à toutes ces passionnantes lectures partagées... mais cela me fait penser aussi aux limites imposées par le fait d'écrire sur Internet, et qui n'est pas la même chose que d'écrire sur du papier avec l'idée d'aboutir à quelque-chose... Malgré toutes les opportunités et les libertés qu'offre ce réseau, Internet ne permet pas à l'homme de réaliser et de conclure quelque-chose, parce qu'en tant que média (ou medium, comme on voudra), Internet n'a pas de conclusion. On voudrait apporter une contribution, mais en étant dès le début un peu décalé avec le fonctionnement du média, on se retrouve à la traîne et on est finalement noyé dans le flot, ou plutôt dans le flux, devrais-je dire... Il y a quelque-chose de tellement volatile et de superficiel dans tout ça... Cela ne vaudra jamais un texte couché sur du papier...

Néanmoins, je ne regrette pas d'avoir inauguré le présent fuseau en arrivant ici, en janvier 2004. Mine de rien, beaucoup de choses ne me seraient pas arrivés sans cela... A quoi tout cela tient, décidément... Pour le coup, aujourd'hui, j'en remercierai presque J.R.R. Tolkien d'avoir été francophobe... même si, au fond, encore aujourd'hui, ce fait continue, parfois, de m'enquiquiner un peu ! ;-)

Cordialement, :-)

Hyarion (de passage... encore et toujours de passage...).

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#134 23-04-2009 09:27

Elendil
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Re : La francophobie de Tolkien

Personnellement, j'ai toujours trouvé que la prétendue francophobie de Tolkien était plus une légende qu'autre chose. Qu'il n'ait pas aimé que le français normand viennent s'immiscer dans le vieil (ou plutôt moyen, si je ne m'abuse) anglais qu'il aimait tant, c'est fort compréhensible. Mais de là à dire qu'il était francophobe, il y a de la marge.

Et ce n'est peut-être pas un hasard si seuls les Français s'obstinent à gloser là-dessus.

En tout cas, vu la fréquence avec laquelle Tolkien emploie des expressions françaises dans ses lettres, difficile de prétendre qu'il n'aimait pas cette langue en tant que telle.

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#135 23-04-2009 10:54

ISENGAR
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Re : La francophobie de Tolkien

Je crois bien ne jamais être intervenu dans ce fuseau...
J'y passe donc juste pour dire que l'idée d'un Tolkien francophobe, même si largement exagérée, ne m'a jamais déplu... ça me le rend tellement sympathique ;p

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#136 23-04-2009 11:37

Vinyamar
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Re : La francophobie de Tolkien

C'est à dire que notre amour pour Tolkien nous fait presque oublier que ce n'est jamais qu'un de ces coués d'anglois ! :-)))
Nous sommes ennemis héréditaires depuis la nuit des temps !

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#137 29-04-2009 03:08

Tilkalin
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Re : La francophobie de Tolkien

Tolkien "francophobe" (ou plutôt "gallophobe") ? Allons donc... ne s'agit-il pas plutôt d'un abus (ou d'un excès) de langage ?

Après tout, Tolkien ne se définit jamais ainsi. Et que dire de quelqu'un qui n'aime pas la cuisine sophistiquée française parce qu'il lui préfère la nourriture "simple" de l'Angleterre rurale ou les sonorités de la langue de Molière parce qu'il lui préfère celles de la langue de Shakespeare ? Il ne fait que se définir dans ce qui constitue son identité nationale, dont la langue et la culture (notamment culinaire) sont deux caractéristiques parmi les plus vivaces.

Son désir de dédier sa mythologie à l'Angleterre procède du même rapport qu'il entretient à sa nation(alité) : un amour de la langue et de la terre de son pays, et dont le riche passé (parfois oublié) constitue les nombreuses racines. Un brin de mauvaise foi, voire de chauvinisme, en plus - certainement... ;-)

Ainsi, dans sa chanson "Frenchmen Froth" sur la langue anglaise (1er couplet et 1er refrain, publié dans Songs for the Philologists) :

Though Frenchmen froth with furious sound
And fill our frousty mansions,
And gurgling uvulas are ground,
And tremblers pay 'attention';
Though History roll in dreary round
Colonial expansion,
And king and parliamentary hound,
And constitutional sanction,

This is my faith, I do maintain, until the stars
shall fall, sir!
Let other lands be what they claim, is England
best of all, sir!

N'oublions pas que Tolkien fait partie d'une classe d'âge de soldats (conscrits de 1916, nés peu avant 1900) qui a été l'une des premières à être socialisée à travers une interprétation du passé un peu homogénéisée. Se fondant sur une histoire nationale perçue par les Whigs comme l'avènement du libéralisme, le patriotisme historique anglais affirmait ainsi sa suprématie sur l'égalitarisme de la France républicaine issue de la Révolution.

Définir ce qui constitue son identité, c'est aussi définir ce qui ne la constitue pas. De fait, le sentiment "anti-français" latent dans certains propos de Tolkien n'est pas la conséquence d'une peur irrationnelle de son auteur mais le résultat d'un processus qui participe à la construction de l'identité nationale anglaise.

En somme, pas de quoi fouetter un rosbeef - philologue de surcroît ! :-)

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#138 29-04-2009 12:47

Vinyamar
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Re : La francophobie de Tolkien

(sur jrrVF, on traduit toujours les textes anglais. Merci d'y penser.)

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#139 29-04-2009 13:34

Elendil
Lieu : Velaux
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Re : La francophobie de Tolkien

peut-on trouver les textes de Songs for the Philologists ? Parce que je n'ai jamais pu mettre la main dessus...

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#140 29-04-2009 13:35

Silmo
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Re : La francophobie de Tolkien


Merci Tilkalin de nous faire connaitre, en VO (double merci), ce curieux poème et, pour une fois, de fouetter autre chose que les chats :-).

Tilkalin a écrit :
Définir ce qui constitue son identité, c'est aussi définir ce qui ne la constitue pas.
En l'occurrence, l'absence de tradition culinaire outre-manche serait donc un élément de la culture anglaise et le revendiquer, une forme de fierté ! Il est vrai que ces gens là ne mangent pas, ils se nourrissent... cf. la nuance entre la "cuisine sophistiquée[sic] française" et la "nourriture simple de l'Angleterre rurale".

*mode citations on*
– C'est ça le rieur sanglier ?... Il n'y a pas de quoi rire !
– Obélix, mange et ne fais pas de commentaires ! En Bretagne, il faut faire comme les Bretons !
– Mais, bouilli avec de la sauce à la menthe, Astérix !... Pauvre bête !.

*mode citations off*

Silmo

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#141 29-04-2009 02:18

Tilkalin
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Re : La francophobie de Tolkien

Silmo a dit :
l'absence de tradition culinaire outre-manche serait donc un élément de la culture anglaise et le revendiquer, une forme de fierté !
Pour être tout à fait exact, les Anglais ont été considérés pendant des siècles comme "gros mangeurs, francs buveurs et joyeux lurons"*. L’Angleterre était alors un pays aux traditions culinaires populaires renommées, ancrées dans des cuisines régionales et de terroir. Mais la Révolution industrielle et l’adoption de la haute cuisine française comme seule tradition culinaire de prestige durant le règne de la reine Victoria, menèrent au XIXe siècle à la "décapitation de la cuisine anglaise"** – la tourmente de l’après deuxième guerre mondiale, de la reconstruction et du rationnement finissant de la bouleverser. En opposant la nourriture "simple" à la cuisine surgelée et à la gastronomie française, Tolkien semble donc plutôt exprimer une opinion d’ordre socio-historique***.

* Léo Moulin, L’Europe à table : introduction à une psychosociologie des pratiques alimentaires, Bruxelles, Elsevier Sequoia, coll. "Elsevier Savoir", 1975, 204 p., p. 72.
** Stephen Mennell, Français et Anglais à table du Moyen Âge à nos jours, Paris, Flammarion, coll. "Nouvelle Bibliothèque Scientifique", 1987, 532 p., p. 196
*** Selon l’analyse de Pierre Bourdieu sur les invariants des classes sociales en matière de consommation, les membres d’une couche sociale développent les goûts qui conviennent à leur position sociale, in Pierre Bourdieu, La distinction : Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, coll. "Le sens commun", 1979, 672 p. De fait, la mythologie de Tolkien est, selon Patrick Curry, "a social and historical development ; there is nothing necessarily mystical about it", in Patrick Curry, Defending Middle-earth, Tolkien : Myth and Modernity, Boston-New York, Houghton Mifflin Company, 2004 [1997], vi-viii, 198 p., p. 122.

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#142 29-04-2009 15:27

ISENGAR
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Re : La francophobie de Tolkien

Aaah... de bonnes notes de fin de page valent mieux qu'une traduction, ma foi :)

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#143 29-04-2009 18:01

Silmo
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Re : La francophobie de Tolkien

je suis particulièrement intrigué par l'ouvrage de Stephen Mennell, "Français et Anglais à table du Moyen Âge à nos jours" et je me demande s'il est toujours disponible en librairie??

Après un brin de provoc dans mon précédent post, je confesse même avoir déjà lu que notre cuisine hexagonale dite 'bourgeoise' devait une partie de son héritage à quelques fricotiers du nord, notamment des anglais, venus s'installer sur le continent entre le 17ème et le 18ème siècles (n'ayant pas l'ouvrage sous la main - écrit par une américaine, un comble - il faudra que je donne à mon tour des références précises :-))
Nous sommes au moins d'accord, n'est-ce pas, que dans le registre de la très haute gastronomie, les anglais sont, sauf exception, dépourvus de queux *.
.

Dans tous les cas, tant que ça reste du chauvinisme de langue et de cuisine, rien de grave.

Silmo

* Du latin. coquus (devenu cocus) > cuisinier

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#144 29-04-2009 18:09

Silmo
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Re : La francophobie de Tolkien

J' pense....

En parlant de 'Colonial expansion' après la "décapitation de la cuisine anglaise" heureusement qu'une tête indienne lui a repoussé ;-)

Silmo

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#145 29-04-2009 18:32

Tilkalin
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Re : La francophobie de Tolkien

Silmo a dit :
Dans tous les cas, tant que ça reste du chauvinisme de langue et de cuisine, rien de grave.
En effet, tant que cela se résume à une question de bouche. ;-))

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#146 29-04-2009 18:58

Laegalad
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Re : La francophobie de Tolkien

Totalement HS mais...

Bourdieu, cité par Tilkalin, a dit :
*** Selon l’analyse de Pierre Bourdieu sur les invariants des classes sociales en matière de consommation, les membres d’une couche sociale développent les goûts qui conviennent à leur position sociale

Je reste curieuse de savoir ce qu'il a dit du caviar... Tout le monde ayant lu Astérix chez Rahazade* sait que c'est un "plat pour les pauvres"** (les Russes emploient l'expression "plat de moujik"). Il appert cependant que en Europe, le caviar est devenu un plat de luxe réservé d'abord aux Titans***, puis aux grands restaurants et aux grandes occasions, assorti d'une notion bourgeoise (en témoigne l'expression "gauche caviar" désignant ceux voyageant toujours en première classe mit champagne au frais)... D'où ma question : si on ne trouve pas d'intérêt au caviar, est-ce signe qu'on est riche (par opposition aux moujiks), qu'on est Nain (par opposition aux Titans), ou qu'on est pauvre (par opposition aux bourgeois) ? Quel référentiel est pris en compte ?


S. -- je vous avais dit que c'était HS ^^

* GOSCINNY R. et UDERZO A., Astérix chez Rahazade, Dargaud, Paris, 1987.
** http://www.asterix.com/obelix/dossiers/images/caviar.gif
*** je vous renvoie aux Douze Travaux d'Astérix, où Mannekenpix le Belge, cuisinier des Titans, sert à Obélix une montagne de caviar, et le petit toast qui va avec : à 2'44.

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#147 29-04-2009 19:29

Silmo
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Re : La francophobie de Tolkien

Y a très longtemps que j'en ai pas mangé, hélas, mais c'est rudement bon... c'est salé !!!  :-D
L'addition l'étant aussi, le seul clivage est celui du porte-monnaie :-(
Le reste est affaire de goût.
Sinon, en élargissant le sujet, il n'est pas besoin d'être riche pour avoir les papilles aiguisées. Antonin Carême n'est pas né avec une cuiller en argent dans la bouche.
L'équation de ta question (vraiment HS ;-)) est bancale : les moujiks ne sont pas en Europe, et autrefois, hors d'Europe, c'est vrai que le caviar n'était pas du tout un luxe (j'ai eu de la famille en Iran dans les années 70 - c'est pas si vieux - où l'on en donnait au chat - c'est un meilleur traitement que le fouet :-)).

Silmo - qui se damnerait plus volontiers pour des civelles que pour un plat de lentilles

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#148 29-04-2009 23:04

ISENGAR
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Re : La francophobie de Tolkien

Hein ? quoi ? on donnait du caviar au shah en Iran dans les années 70 ? Alors ça, c'est une info...

Bon ok, je sors... :p

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#149 07-05-2009 15:42

Silmo
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Re : La francophobie de Tolkien

voici la référence qui me manquait l'autre jour:

en VF, KETCHAM WHEATON Barbara "L'office et la bouche - histoire des mœurs de la table en France - 1300-1789" Calmann-Lévy, 1984, chapitre IX, les cuisiniers français à l'étranger, pp. 201-216

en VO, KETCHAM WHEATON Barbara "Savoring the past" The University of Pennsylvania Press, 1983

C'est l'ouvrage auquel je pensais en parlant de l' influence des cuisines du Nord sur celle de l'hexagone.
Ma mémoire doit défaillir car je n'ai pas retrouvé le passage que j'aurais voulu citer (peut-être dans un autre bouquin).

Quoi qu'il en soit, pour ce qui nous intéresse, BKW explique le grand nombre de cuisiniers français installés en Angleterre à partir du 17ème siècle, souvent des huguenots fuyant la France.

Or, ce sont les mêmes (ou leur descendance) qui rapportent en France des influences grande-bretonnes comme les puddings ou de meilleures techniques dans l'art du rôtssage
(car, n'en déplaise à Obélix, les anglais savent farpaitement faire rôtir la viande - et pas que les pucelles * - quant à la tradition du bouilli - et plus encore du bouillon - elle est d'abord gauloise :-))

* Bad taste, isn't it?

BKW indique également (références à l'appui) que les anglais aimaient avoir des gens de bouche français à leur service car, venant d'un pays où régnait le despotisme, ils étaient plus serviles que les anglais [sic] !

A cette même époque, deux principaux ouvrages sont disponibles :

- "A Complete System of Cookery" rédigé par William VERRAL en 1759 et très largement inspiré par son collègue et ami le fameux CLOUET (que les anglais surnomment 'Chloe'), au service de Thomas Pelham-Holles et son frère henry, deux des personnages les plus en vue des divers gouvernements whigs (lesquels festoyaient à la française). Verral base son livre sur les techniques apprises de Chloe : bouillon, braisage, liaisons au beurre manié ou au jaune d'oeuf.

- le monument écrit le plus durable est cependant le "Modern Cook" de Vincent LA CHAPELLE (première édition à Londres en 1733 en franglais). Le livre témoigne des nombreux voyages que l'auteur à dû faire (la cinquième et dernière édition en 1742 est riche de recettes étrangères, voire exotiques) mais, pour l'essentiel, il est initialement bâti autour d'un noyau central 'emprunté' au "Cuisinier roïal et bourgeois" de Massaliot. Plagiat qui met La Chapelle mal à l'aise et, au fur et à mesure des éditions, il supprime peu à peu les recettes de Massaliot et finti même par critiquer vertement celles qui subsistent, disant : "l'auteur du cuisinier roïal et bourgeois a mauvaise grâce de me traiter de palgiaire... je le prie de croire que quand je voudrai me parer du bien d'autrui, j'ai assez de discernement et de goût pour choisir un meilleur livre que le sien".

BKW conclut :"En dépit de tous ses défauts, la contribution de ce grand chef est importante [...] Dans ses écrits et ses errances, nous voyons à la fois des idées culinaires françaises s'envoler vers d'autres cieux et les recettes étrangères atterir sur les tables françaises. Carême , qui a étudié de très près les anciens livres de cuisine, se réfère au Cuisinier Moderne[Modern Cook] plus souvent qu'à tout autre ouvrage du 18ème siècle".

Silmo

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