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#76 23-08-2020 03:15

Hisweloke
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Messages : 1 622

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

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#77 23-08-2020 12:45

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 017

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Extra  smile
Merci  wink

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#78 23-08-2020 14:14

Erendis
Inscription : 2020
Messages : 27

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Hisweloke a écrit :

Problème astronomique, non ?

Ok, je comprends mieux, merci smile

Et oui, ma position est de ne pas forcer la correspondance car même si Tolkien aurait finalement aimé concevoir un monde astronomiquement scientifique après coup, ce n'est pas ce qu'il a fait. Et malgré des tentatives de raccords, il a lui-même jeté l'éponge en bottant en touche ("les Humains disent n'imp'"). Moi, c'est ça que je trouve insatisfaisant car il n'a pas été plus loin et n'a pas déterminé ce qu'il en était vraiment et ce qui aurait pu donné lieu à ces histoires fausses (il s'était plongé dans une dissonance narrative en qq sorte).
D'après Rateliff (si j'ai bien compris l'article que tu nous as mentionné), Tolkien était persuadé que les esprits cartésiens des gens de la 2ème moitié du 20ème siècle ne pourraient pas accepter une aberration scientifique pareille dans un récit fictif... Je pense qu'il se trompait complètement sur le sujet.

Mais du coup, c'est très intéressant, voire fondamentale, de connaitre la date d'écriture des textes de Tolkien pour savoir s'il avait telle ou telle réflexion en tête durant leur conception, ce qui semble être le cas pour quasiment tous les textes traitant de Numenor et l'envie d'avoir une terre sphérique.

Concernant l'enjeu initial de l'article du fuseau, je ne l'ai moi-même pas forcément pris en compte smile
En amenant des éléments contrant (il me semble) la certitude que les terres étaient déjà sphériques avant la chute de Numenor, je n'ai sans doute pas eu une lecture suffisamment "méta" de l'article pour être dans les clous... mais j'avoue, ce n'était pas le point qui m'intéressait.

Par contre, je trouve que se poser la question "est-ce que tel texte s'inscrit dans une vision discoïde ou sphérique... ou cultive-t-il l'ambiguité" est intéressante et c'est avec cette question que j'ai attaqué l'article smile

Et même si on estime que le monde est original, étant issu de l'esprit d'un homme, les récits ne sont pas  à l'abri de compter des incohérences (même si, à l'heure actuelle, je n'en ai pas trouvée). Donc, si, pour ces 2 raisons (questionnement de l'état d'esprit que Tolkien insufflait dans ses textes et potentielles incohérences internes) même en acceptant les grandes lignes du légendaire initial, il me semble qu'on peut tout de même trouver des sujets de débat. smile

Et j'aime également m'aventurer sur le terrain des inférences à partir d'éléments disséminés (comme la présence de vigne sur Numenor). C'est  pourquoi je trouve ton avis trop tranché sur le sujet (soit on accepte tel quel, soit cherche à coller à la science)

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#79 23-08-2020 14:48

Benilbo
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

Pfiou... les gars... j'ai l'impression d'être bête en vous lisant ^^

Nan, mais... n'imp' smile

Erendis a écrit :

Si vous pensez pouvoir mieux me le faire comprendre et que vous en avez l'envie, je vous lirai avec plaisir et attention, mais si non, c'est pas grave. Je prendrai au moins note qu'on ne réfléchit pas à un même niveau de méta smile

J'espère que tu trouveras une explication dans la réponse de Didier, d'une limpidité qui frise celle des eaux de la Nimrodel smile. Il me semble (je me trompe peut-être) que ton approche est plutôt de prendre le légendaire dans une lecture unifiée, cohérente et sans contradictions - ce que j'appellerais une approche "fantasy", comme on pourrait l'avoir avec d'autres cycles de romans (Belgariade, Harry Potter, GoT, etc, etc) où des erreurs de narration peuvent mettre à mal le récit, avoir des effets dramatiques sur l'adhésion du lecteur qui "perd la foi" dans l'univers secondaire qu'il parcourt parce qu'il perd de sa logique interne ; la quête à la bourde de l'auteur est d'ailleurs un jeu qu'on voit souvent sur les fora ou les réseaux sociaux.

Mais les textes de Tolkien sont souvent à cheval sur les genres : parfois il s'agit de récits romanesques, parfois de récits historiques, parfois de mythes purs, parfois le narrateur est Tolkien lui-même, parfois le narrateur est un voyageur, parfois ce narrateur rêve, voyage dans le temps, dans l'espace, s'incarne dans un autre personnage, parfois il parle dans des langues bizarres, parfois un critique littéraire ou historique imaginaire repasse sur les textes pour évaluer leur crédibilité, parfois c'est un linguiste qui va donner son opinion, et **souvent** on ne sait même pas vraiment à quoi on à affaire. De manière encore plus imbriquée, le jeu peut se situer en interne (c'est à dire que l'histoire peut être racontée comme un mythe par des personnages à d'autres personnages). Sans compter les réécritures en N versions de textes déjà écrits, il y a vraiment de quoi y perdre son latin elfique - surtout quand même Tolkien ne sait pas sur quel pied danser smile En tout cas, ce que Hyarion et moi voulions expliquer, c'est que le rapport à la réalité (même secondaire) est complexe ; la couche de filtres à travers laquelle passent les récits est finalement une composante essentielle des textes, indissociable, elle fait partie de leur identité, elle en donne la couleur, la saveur. On peut donc les appréhender comme de simples histoires (on peut faire ça avec l'Iliade, l'Odyssée, Beowulf, le Kalevala, etc, etc!) et passer un bon moment, mais le champ de ces textes ne se limite pas juste à cela. Parfois, la cohérence interne ou inter-textes est même d'un intérêt secondaire comparés à d'autres aspects (selon mon humble perception et mes goûts, hein).

Erendis a écrit :

Je crois que je n'arrive pas à trouver pertinent la comparaison entre des peuples anciens qui mythonaient ce qu'ils voyaient pour donner du sens à ce qu'ils ne comprenaient pas ou appréhender plus facilement le monde (organiser le ciel étoilé en y plaçant des dessins, par ex), et les récits fictifs d'un britannique cultivé du 20ème siècle, dont les événements sont placés dans un "autre" monde et/ou une tout autre époque que celle dans laquelle il vivait...

C'est pourtant ce que fait (en partie) Tolkien : il écrit/imagine des textes qui auraient pu provenir de peuples anciens qui **eux-mêmes** mythonent. Je crois qu'il manque ce degré là dans ta description. Ce n'est pas juste un exercice narratif : il est littéraire, poétique, historique, linguistique, etc. Le plaisir est autant dans les histoires elles-mêmes que dans le fait de calligraphier comme un script du moyen-âge, utiliser des dialectes anglo-saxons éteints - la "déformation", le fait de prendre le point de vue déformant d'un historien ou d'un mythographe est une saveur, un piment en soi. Le jeu chez Tolkien est autant dans la forme que dans le fond et le fait qu'un récit se perde dans les remous de l'histoire, des narrateurs, des croyances, des pensées, des problèmes de langue c'est un peu le piment universitaire ultime smile

Suis-je plus clair?

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#80 23-08-2020 14:50

Benilbo
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Messages : 284
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Oups. Messages croisés, mais ça devrait à peu près bien interagir!

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#81 23-08-2020 19:09

Erendis
Inscription : 2020
Messages : 27

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Benilbo a écrit :

Suis-je plus clair?

Oui big_smile merci <3

Benilbo a écrit :

C'est pourtant ce que fait (en partie) Tolkien : il écrit/imagine des textes qui auraient pu provenir de peuples anciens qui **eux-mêmes** mythonent. Je crois qu'il manque ce degré là dans ta description.

Dans la 1ère moitié de ses réflexions, ces peuples ne "mythonaient" pas smile c'était du témoignage direct. Ce n'est que plus tard qu'il a du avoir recours à cette explication, et à regret. D'où la différence, à mes yeux, notable et la non pertinence de la comparaison. Mais je suis peut-être pas assez littéraire pour comprendre certaines subtilités de cet ensemble, d'autant que je ne connais (et ne m'intéresse) qu'aux textes traitant d'Arda smile

Merci en tout cas du temps passé à tenté de m'éclairer.

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#82 23-08-2020 19:39

Hyarion
Inscription : 2004
Messages : 2 306

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

Pfiou... les gars... j'ai l'impression d'être bête en vous lisant ^^

Il ne faut pas, voyons. ;-)
Moi-même, notamment à mes débuts sur la planète Tolkien, il m'est arrivé de me sentir bête devant certains discours ultra-spécialisés et/ou ultra-érudits sur Tolkien, au point d'avoir parfois supposé que c'était en fait le but recherché ! ^^'

Erendis a écrit :

Si vous pensez pouvoir mieux me le faire comprendre et que vous en avez l'envie, je vous lirai avec plaisir et attention, mais si non, c'est pas grave. Je prendrai au moins note qu'on ne réfléchit pas à un même niveau de méta :)

Que pourrai-je dire de plus qui n'ait déjà été écrit par Didier et Benilbo (que Didier appelle Benjamin au lieu de Benilbo, alors que moi aussi je m'appelle Benjamin : hum, hum, devrai-je y voir quelque "favoritisme" sibyllin ? ;-p...) ?

Pour moi, Tolkien est un écrivain, avec toute la dimension aléatoirement artistique que cela peut supposer. D'autres considèrent Tolkien comme un "bâtisseur d'univers" à explorer, voire à "triturer", sans fin. Certains pensent que cela correspond à ce que l'on appelle la fantasy, avec toute cette traque à la "cohérence" que l'on observe chez des lecteurs, des fans, des spécialistes, etc. "Ma" vision de la fantasy est un peu différente : il s'agit d'un genre littéraire, artistique, très diversifié, caractérisé par un recours au surnaturel hérité de la tradition des mythes, légendes et contes, et dont le cœur de genre (pour reprendre la formule d'Anne Besson) renvoie au registre épique et héroïque avec cette particularité de situer les récits dans des mondes secondaires, souvent situés dans un passé alternatif (le côté mythographique des récits tendant précisément à venir de là). À ce cœur de genre me parait pouvoir être associé non seulement J. R. R. Tolkien, mais aussi d'autres auteurs de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle comme William Morris, André Lichtenberger, Robert E. Howard, Clark Ashton Smith ou E. R. Eddison, qui ne doivent rien à Tolkien par ailleurs, sans parler d'autres auteurs postérieurs au "phénomène Tolkien" né dans les années 1960. Qu'un monde secondaire fasse (éventuellement) partie du "cahier des charges" n'implique pas forcément pour moi un "world-building" ultra-cohérent et ultra-sophistiqué, contrairement à ce que d'autres semblent rechercher s'agissant de fantasy en général ou de Tolkien en particulier. S'agissant de ce dernier, il m'apparaît donc comme un écrivain, à appréhender aussi bien pour lui-même que dans le cadre (relativement souple dans mon esprit) du genre que j'ai essayé de définir précédemment. Cela signifie que le monde secondaire inventé par Tolkien non seulement n'est pas réductible à l'analyse en le prenant comme simple objet de science, mais qu'il n'est pas non plus totalement appréhendable en tant qu'un tout supposé être absolument cohérent. Nous avons affaire à une création artistique et fictionnelle, avec tout le caractère humain aléatoire, faillible et imparfait que cela suppose. J'ai tendance à voir tous ces mondes inventés comme je peux voir un tableau.


Jean-Auguste-Dominique Ingres (1780-1867).
Une odalisque, dite La Grande Odalisque, 1814.
Huile sur toile, 91 x 162 cm.
Paris, musée du Louvre.

Lorsque je vois La Grande Odalisque d'Ingres, au Louvre, je ne passe pas mon temps à me dire, comme le critique de l'époque, "Rôlala, il y a une vertèbre en trop dans le dos, mon Dieu, ce n'est pas crédible !", car pour moi, ce qui importe, c'est la sensation ou l'impression que j'éprouve en tant que spectateur. J'aime ce tableau pour plein de raisons, qui en font, malgré la fameuse vertèbre de trop, un tout harmonieux à défaut d'être anatomiquement parfaitement cohérent vis-à-vis de ce que l'on connait scientifiquement du corps féminin (parfois considéré comme un monde en soi pour bien des artistes, y compris bien sûr les poètes).
J'ai tendance à penser de la même façon s'agissant des œuvres littéraires nous renvoyant à des dimensions imaginaires comme peuvent le faire les tableaux aux sujets mythologiques et/ou orientalistes : l'important n'est pas d'être parfait "scientifiquement", mais d'être crédible en tant qu'œuvre artistique, même si cela renvoie in fine davantage à un imaginaire qu'à la réalité telle qu'on peut la percevoir à l'œil nu au coin de la rue (ou à travers un télescope dirigé vers nôtre voute céleste, par exemple). Cette crédibilité passe, à mon humble avis, par une bonne dose de suggestion : l'artiste aura bien travaillé lorsqu'il aura réussi à faire de l'esprit du lecteur ou du spectateur son allié. Or je pense que la suggestion passe mieux en ne dévoilant qu'une partie d'un tout plutôt que par un dévoilement total, éventuellement susceptible d'intéresser les traqueurs de cohérence "scientifique". C'est un processus pouvant en ce sens relever de l'érotique, même si dire cela ne plairait sans doute pas au victorien Tolkien... Toujours est-il que c'est dans ses dimensions incertaines, imprécises, voire parfois incohérentes ou contradictoires, que je tend à sentir "le sel" d'une œuvre comme celle de Tolkien, ou d'un autre auteur que je connais (assez) bien, Robert E. Howard.

« Sache, ô Prince, qu'entre l’époque qui vit l'engloutissement de l'Atlantide et des villes étincelantes et celle de l'avènement des Fils d'Aryas, il y eut un Âge insoupçonné, au cours duquel des royaumes resplendissants s'étalaient à la surface du globe tels des manteaux bleus sous les étoiles : la Némédie, Ophir, la Brythunie, l’Hyperborée, Zamora, avec ses femmes aux cheveux noirs et ses tours mystérieuses aux horreurs arachnéennes, Zingara et sa chevalerie, Koth, qui jouxtait les prairies de Shem, la Stygie et ses tombes protégées par les ombres, l'Hyrkanie, dont les cavaliers étaient vêtus d'acier, de soie et d'or. Mais le plus illustre des royaumes de ce monde était l'Aquilonie, dont la suprématie était incontestée dans l'Occident rêveur. C'est en cette contrée que vint Conan, le Cimmérien – cheveux noirs, regard sombre, épée au poing, un voleur, un pillard, un tueur, aux accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies – pour fouler de ses sandales les trônes constellés de joyaux de la Terre. »

« Know, oh prince, that between the years when the oceans drank Atlantis and the gleaming cities, and the years of the rise of the Sons of Aryas, there was an Age undreamed of, when shining kingdoms lay spread across the world like blue mantles beneath the stars - Nemedia, Ophir, Brythunia, Hyberborea, Zamora with its dark-haired women and towers of spider-haunted mystery, Zingara with its chivalry, Koth that bordered on the pastoral lands of Shem, Stygia with its shadow-guarded tombs, Hyrkania whose riders wore steel and silk and gold. But the proudest kingdom of the world was Aquilonia, reigning supreme in the dreaming west. Hither came Conan, the Cimmerian, black-haired, sullen-eyed, sword in hand, a thief, a reaver, a slayer, with gigantic melancholies and gigantic mirth, to tread the jeweled thrones of the Earth under his sandalled feet. »

Robert E. Howard, Le Phénix sur l'Épée (The Phoenix on the Sword, 1932), épigraphe de la nouvelle (citation des « Chroniques Némédiennes » ("The Nemedian Chronicles")), traduction de Patrice Louinet.

Robert E. Howard, The Phoenix on the Sword (1932), épigraphe de la nouvelle (extrait fictif de "The Nemedian Chronicles").

Voila d'ailleurs, au passage, de quoi faire écho au message inaugural de Benilbo s'agissant du présent fuseau... ;-)
Pendant que Tolkien mythonait son Arda dans son coin, Howard concevait son Âge Hyborien, avec cartes, structuration chronologique, et un évhémérisme un peu plus évident que chez Tolkien en matière de mythographie. Tout n'est pas parfait dans ces (sub)créations, évidemment, mais honnêtement, qui peut demander la perfection à un être humain, a fortiori une perfection démiurgique, fût-il un grand créateur ? On trouvera toujours un critique pour reprocher une "faute" à un Tolkien faisant allusion à une dryade dans une Terre du Milieu n'étant pas censée en abriter (vraiment ?), ou un tolkionophile pour reprocher (entre autres) au monde de l'Âge Hyborien de ne pas être élaboré de façon aussi sophistiqué qu'Arda (comme si c'était là forcément le plus important...), toutes ces observations ou ces reproches nous en apprendrons plus sur l'état d'esprit de ceux qui les émettent que sur la valeur des œuvres concernées... Comme je l'ai dit, la crédibilité passe par une bonne capacité à suggérer, en mettant ainsi l'imagination du lecteur ou du spectateur de son côté. Pourquoi Tom Bombadil est-il mon personnage tolkienien préféré ? Parce qu'il est ce que vous voulez, et qu'aucune argumentation en faveur de n'importe quelle thèse (y compris chrétienne, je l'ai déjà dit ailleurs) ne peut appréhender mieux qu'une autre ce personnage, que l'auteur lui-même a délibérément laissé, consciemment, dans un flou identitaire. Ceci étant dit, cela n'interdit pas de se poser des questions, bien sûr, avec parfois, qui sait, un certain réenchantement du récit à la clé, pour reprendre une idée de Didier. Et in fine, à chacun sa sensibilité, évidemment : la mienne n'est ni inférieure, ni supérieure à celle des autres lecteurs. :-)

En ce qui concerne le jeu de forme et de fond dont parle justement Benilbo, il existe chez tous les auteurs présentant leurs récits comme étant rapportés de sources imaginaires : j'ai évoqué les Chroniques Némédiennes, entre autres, chez Robert Howard, mais on peut aussi mentionner, pour prendre un exemple relevant d'un autre genre (la science-fiction), les textes de Dune de Frank Herbert censés être écrits par la princesse Irulan. Ce n'est sans doute pas un hasard si ces sources fictives ont pu fournir de bonnes idées, immersives, en matière d'ouvertures d'adaptations cinématographiques. Ainsi, le film Dune de David Lynch, basé sur le roman d'Herbert, a beau avoir été une catastrophe industrielle à sa sortie, il n'en possède pas moins de très réelles qualités, et notamment donc cette introduction avec Irulan interprétée par Virginia Madsen dans un rôle introductif très évocateur (et quasi-hypnotique me concernant, je l'avoue !) qui me parait bien correspondre avec le procédé littéraire d'Herbert (un procédé que l'on pourrait d'ailleurs aussi qualifier de mythographique, même s'il est pourtant censé être question d'avenir et non de passé quand on parle de science-fiction... mais les grands créateurs ne sont-ils pas irréductibles à un genre ?).

Ce jeu de fond et de forme est évidemment très poussé chez Tolkien, avec une convocation sophistiquée de la philologie et de sources médiévales à un niveau que l'on ne retrouvera guère ailleurs, mais cela fait aussi partie des limites dont j'ai parlé dans mon précédent message : ce n'est pas parce qu'il y a sophistication poussée que la cohérence et la crédibilité s'en trouvent garanties à l'arrivée. À mon humble avis, Tolkien a fini par se perdre un peu, à force d'avoir voulu être original et "mythographiquement" crédible. Heureusement pour lui, la sensation, l'impression d'un tout harmonieux reste présente dans la partie achevée de son œuvre (essentiellement donc la partie publiée de son vivant), ce qui me semble rester l'essentiel. Pour le reste, il me semble qu'il faut le prendre avant tout pour ce que c'est : un part de l'œuvre laissée à jamais en chantier. À nous de savoir l'apprécier comme on peut apprécier une étude préparatoire à un tableau ou un tableau inachevé.
Sur le fond, parce qu'il est question de passé alternatif et de surnaturel, on a affaire chez Tolkien à un exercice moderne de mythographie, à appréhender comme tel, c'est-à-dire sans oublier que nous-mêmes, tout rationaliste que puisse être la part commune de notre horizon mental, vivons encore entourés de mythes. Ainsi Tolkien en tant que fervent catholique croyait que les Évangiles constituaient un "mythe vrai" (pourquoi ce mythe-là, et pas un autre ? C'est ainsi en tout cas). J'ai également parlé précédemment de mythes scientifiques : pour reprendre la définition du Dictionnaire critique de la mythologie de Le Quellec et Sergent, il s'agit de théories justifiées en apparence par des références scientifiques mais sans pour autant être significativement argumentées, des théories qui servent à "conter" telle ou telle vision du monde et à justifier telle ou telle appréhension du présent. Même réfutées, ces théories contiennent en elles de quoi parler suffisamment aux imaginaires pour continuer à avoir une résonance, comme les mythes traditionnels. Ces mythes scientifiques renvoient souvent aux origines, à la préhistoire (préhistoire que Tolkien lui-même qualifiait de "nouvelle mythologie", plus ou moins, même s'il évoquait là surtout la faune reptilienne du Mésozoïque) : ainsi le fameux "chaînon manquant" entre l'homme et l'animal (un lien que l'on n'a jamais retrouvé), ou le matriarcat primitif (qui a aussi fait couler beaucoup d'encre) tendent à relever du mythe scientifique. Autre exemple : le processus de civilisation théorisé par Norbert Elias, selon lequel il y aurait eu un apprentissage récent de la pudeur par l'intériorisation de l'interdit d'exhiber son corps nu, mais que Hans-Peter Duerr a défini comme "mythe du processus de civilisation" en raison d'un excès d'historicisme et d'européocentrisme de la part d'Elias... Bref, voila entre autres pourquoi je parle du fait que les mythes sont toujours parmi nous, au-delà même de ce que nous pouvons entendre généralement lorsque nous parlons de mythes. Dès lors, lorsqu'un écrivain se fait mythographe (a fortiori à travers un genre, la fantasy, qui s'y prête particulièrement), n'oublions pas cette mise en abyme supposant de tenir compte du propre contexte de croyances et connaissances de l'auteur et aussi de notre propre contexte à nous, à l'heure où nous écrivons.

Amicalement,

B. (l'autre Benjamin, donc ^^')

P.S. : arf... apparemment, je suis arrivé après tout le monde, y compris Erendis... C'est que ce genre de réponse prend du temps à être écrit ! Enfin, j'espère que cela aura tout de même quelque utilité. ^^'

[EDIT: corrections de fautes et coquilles]

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#83 23-08-2020 23:33

Erendis
Inscription : 2020
Messages : 27

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Last but not least smile je t'ai lu avec attention, merci <3

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#84 24-08-2020 13:21

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

Je crois que je n'arrive pas à trouver pertinent la comparaison entre des peuples anciens qui mythonaient ce qu'ils voyaient pour donner du sens à ce qu'ils ne comprenaient pas ou appréhender plus facilement le monde (organiser le ciel étoilé en y plaçant des dessins, par ex), et les récits fictifs d'un britannique cultivé du 20ème siècle, dont les événements sont placés dans un "autre" monde et/ou une tout autre époque que celle dans laquelle il vivait...

De mon point de vue, on ne peut pas mettre toutes les mythologies et tous les peuples anciens sur le même plan à ce propos. Les anciens Romains estimaient manifestement que les dieux étaient des sujets trop sérieux pour qu'on se permette de raconter leurs aventures et qu'on leur attribue des passions bien humaines. Et de fait, il n'y a (presque) pas de mythes divins chez les Romains, sauf pour raconter telle intervention surnaturelle dans la vie des hommes, et alors uniquement dans le but d'accroître la grandeur de Rome, elle-même perçue comme quasi-divine.

A l'inverse, les Grecs de l'époque classique (je ne parle pas des temps homériques, sur lesquels nous sommes trop mal informés) avaient une approche beaucoup plus "légère" de leurs mythes. En tout cas, un auteur tragique (ou même satirique) pouvait se permettre de broder sur les mythes existants et les adapter à sa sauce en niant certains éléments traditionnellement acceptés, sans pour autant être accusé d'impiété (une accusation d'une extrême gravité à l'époque, témoin Socrate). Certains se sont même amusés à prendre le contre-pied d'Homère, qui constitue pourtant la référence la plus haute en matière mythologique chez les Grecs. Ces auteurs croyaient-ils aux histoires qu'ils racontaient eux-mêmes ? Sans doute pas entièrement, même s'ils ne niaient pas forcément non plus l'existence des dieux dont ils inventaient une partie de l'histoire.

Alors certes, le cas n'est sans doute pas exactement similaire à Tolkien, séparé des Grecs par plus de deux millénaires, mais ne peut-on y voir une similitude lorsque celui-ci, chrétien fervent, imagine une situation mythique où le Dieu créateur ordonne à ses anges de chanter une Grande Musique afin de préfigurer l'univers matériels que ceux-ci contribueront à façonner ?

E.

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#85 28-12-2020 22:31

Erendis
Inscription : 2020
Messages : 27

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Un nouvel élément que l'on a pas exploité apparemment :

in the spring of the year, when the time of the Erukyermë was come, they ascended in the retinue of the King to the summit of the Meneltarma [...]. When all had gone down again Aldarion and Erendis remained behind ; and they looked out, seeing all the Isle of Westernesse laid green beneath them in the spring, [...] and the shadows in the East upon the Great Sea ; and the Menel was blue above them.

au printemps de l'année, quand le temps de l'Erukyermë fut venu, ils montèrent à la suite du Roi jusqu'au sommet du Meneltarma [...]. Quand tous furent partis à redescendre (traduction incertaine) Aldarion et Erendis restèrent en arrière ; et ils regardèrent alentour, voyant toute l'île de l'Occidentalienne qui s'étendait,  verte, sous eux, dans le printemps [...] et les ombres dans l'Est sur la Grande Mer ; et le Menel [=ciel en quenya] était bleu au-dessus d'eux.

Aldarion et Erendis §53 (CLI 2A)

Question : dans quelles conditions de courbure et / ou de hauteur du Meneltarma est-il possible de voir l'ensemble de l'ile depuis son sommet ?

Formule : R²+a² = (R+h)² => a² = h(R+h) = 2Rh + h²

Si h << R, on peut négliger h² d'où l'approximation : 2Rh = a²

Isoler h est une gageure ! (j'ai pas réussi), d'où l'usage de cette approximation

h = a²/2R

R est le rayon de la sphère, h la hauteur posée sur la sphère et a la distance maximale de visibilité depuis le point h.

données :
a = distance Meneltarma-pointe de la Hyarnustar (point le plus éloigné du Meneltarma) = 386 miles
R = rayon terrestre (pour rester dans le même paradigme que l'article d'origine) = 3960 miles

h = a²/2R = 18,8 miles...
Pour pouvoir voir toute l'ile de son sommet, il faudrait que ce dernier culmine à 30 km de haut si je ne me suis pas trompée !

Et si on ramène la hauteur du Meneltarma a qq chose de plus acceptable on obtient,
pour h = 2 miles (3 km, mais on a vu que c'était trop grand), R = (a²-h²)/2h = 37 441 miles, soit une planète un peu plus petite que Jupiter ! (43 440 miles de rayon)
Et le double pour h = 1 miles, qui correspond à mes estimations d'altitude


Je crois que ce dernier calcul achève définitivement la théorie de la terre ronde.


Hisweloke a écrit :

EDIT: plate et géocentrique vs. ronde et héliocentrique. Je ne crois pas que la conception ronde et géocentrique ait jamais été considérée par Tolkien (?).

Précisément si : cf lettre 154

So deep was the impression made by 'astronomy' on me that I do not think I could deal with or imaginatively conceive a flat world, though a world of static Earth with a Sun going round it seems easier (to fancy if not to reason).

Si profonde fut l’impression faite par l’astronomie en moi, que je ne pense pas que je pourrais accepter ou concevoir de manière imaginative, un monde plat, alors qu’un monde avec une Terre statique et un soleil qui tourne autour me semble plus facile.”

Lettre 154 ; 1954

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#86 29-12-2020 08:31

Silmo
Inscription : 2002
Messages : 4 017

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

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#87 04-01-2021 22:21

Hisweloke
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Messages : 1 622

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

formule : 2Rh = a²

Déjà prenons la formule non simplifiée (R+h)² - R² = a², bon je sais bien que ça ne changera pas grand chose vu que h << R, mais qui peut le plus peut le moins.

Pour R, on peut prendre le rayon effectif R' = R / (1 - k) où k est le coefficient de refraction. Au niveau de la mer, k = 0.17 environ, mais on se situe en haut d'une montagne, une approche plus raisonnable serait donc k = 0.13 (mais ce truc est compliqué à calculer et dépend de l'altitude, de la température et du gradient de réfraction).

Bon tout ça ne nous ferait gagner qu'une petite dizaine de km je suppose, pour un mont de 1500 à 3000m, mais qui peut le moins peut le plus, au moins on est précis !

Erendis a écrit :

a = distance Meneltarma-pointe de la Hyarnustar (point le plus éloigné du Meneltarma) = 387 miles

Là en revanche on peut sans doute argumenter. Toutes les pointes de l'île (et en particulier Hyanustar) possèdent des montagnes, sauf Hyarrostar. A part cette région là, il faudrait idéalement prendre en compte ces montagnes leur propre altitude, et ce n'est plus tout à fait la même formule (c'est voir, depuis notre hauteur h, une autre hauteur h' et non le 0 de la mer).

Mais surtout on pourrait aussi arguer que voir "toute l'île jusqu'à la mer" est une formule très exagérée par licence poétique, qu'il suffirait de prendre la plus courte distance du Meneltarma à la mer pour déjà rendre compte d'une observation encore satisfaisante par rapport au texte. Je n'ai pas regardé précisément, mais on doit alors viser quelque chose comme 150 miles non ?

Auquel cas, ça marche avec une montagne de 4km, non ? Bon ça reste haut... mais il me semble que Fonstad pour sa part estimait un 14000 pieds.

Je ne sais pas comment elle arrivait à cette hauteur, mais c'est amusant.


Erendis a écrit :

Précisément si : cf lettre 154

Wow, bien vu !

Didier.

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#88 05-01-2021 00:24

Erendis
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Hisweloke a écrit :
Erendis a écrit :

a = distance Meneltarma-pointe de la Hyarnustar (point le plus éloigné du Meneltarma) = 387 miles

Mais surtout on pourrait aussi arguer que voir "toute l'île jusqu'à la mer" est une formule très exagérée par license poétique, qu'il suffirait de prendre la plus courte distance du Meneltarma à la mer pour déjà rendre compte d'une observation encore satisfaisante par rapport au texte. Je n'ai pas regardé précisément, mais on doit alors viser quelque chose come 150 miles non ?

On entre vraiment dans de l'appréciation très personnelle là, aussi, je te laisse regarder par toi-même une carte de l'île et tracer des cercles depuis le Meneltarma. A mon sens, un cercle touchant tout juste Romena ne peut pas être considéré comme prétendre à voir "toute l'ile" loin de là. L'ile est caractérisée par sa forme d'étoile à 5 branches. Si je veux bien te concéder la licence poétique ainsi que les plus grandes précisions de formule, à mes yeux, on peut considérer voir toute l'ile que si l'on voit au moins en partie les 5 branches. Un cercle de 220 miles (355 km) commence à être acceptable et il me semble qu'un cercle de 295 miles (475 km) est une bonne estimation pour une licence poétique.

En revanche, compte tenu des éléments avancés précédemment, comme quoi les Numenoréens grimpent et descendent le Meneltarma en une journée 3 fois par an, hormis peut-être les plus jeunes et les plus vieux, je ne concèderai pas une hauteur dépassant les 2000 m pour cette montagne. 2000 m me semble déjà excessif et j'en reste à mon estimation (que personne n'a démontée jusque là) de 1750 m (arrondi à 1,1 miles) .

On obtient donc :
pour h = 1 750 m, a = 150 km (162 km avec un coefficient de réfraction de 0,15)
pour a = 355 km, h = 9 km (8,45 km avec le coefficient de réfraction de 0,15)

Désolée, mais ça ne fonctionne toujours pas.

Je veux bien être magnanime et baisser encore mes attentes "poétiques" à 190 miles (305 km), mais ça sera mon dernier mot.
pour a = 305 km, h = 7,3 km (6,2 km avec le coefficient de réfraction de 0,15)

Ca passe pas. smile

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#89 05-01-2021 08:53

ISENGAR
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

On entre vraiment dans de l'appréciation très personnelle là

Je n'entends rien aux calculs savants, en revanche, l'appréciation personnelle dans le domaine de la lecture d'un récit de géographie imaginaire, ça me semble tout à fait entendable. Voire indispensable smile

I.

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#90 05-01-2021 09:53

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Je dirais même plus ... (mais la contrepèterie ne me sied guère ;))

Merci beaucoup Erendis (content de te relire :)) & Hiswelókë (aussi, hein :)) pour ces nouveaux rebondissements (à flanc de Meneltarma).

Pardonnez ma question un peu naïve (j'ai relu le fuseau, mais peut-être trop vite) : l'un d'entre vous peut-il m'expliquer d'où l'on tire la formule (R+h)² - R² = a² ?

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#91 05-01-2021 10:00

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Yyr a écrit :

Pardonnez ma question un peu naïve (j'ai relu le fuseau, mais peut-être trop vite) : l'un d'entre vous peut-il m'expliquer d'où l'on tire la formule (R+h)² - R² = a² ?

Ah ça y est ... Hum ... C'est Pythagore :) :)
Ça va toujours mieux quand on fait un schéma :)

Du coup, est-ce déraisonnable d'imaginer une altitude à 6 km ? Si le cœur de l'île est lui-même déjà haut, le pèlerinage au sommet, surtout pour des Númenóréens, devient possible ?

[édit] PS : cela étant dit, moi, je n'ai pas d'objection stricte à ce que le Royaume d'Arda ait changé de physionomie et donc de courbure après l'Akallabêth.

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#92 05-01-2021 11:27

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Sans vouloir rentrer dans tous les détails, on peut essayer d'estimer la dénivelée qu'il est raisonnablement possible de parcourir en une journée. Sachant qu'une personne guère entraînée à la marche, mais dans une forme physique raisonnable peut aisément grimper de 250 m en une heure, je pense qu'on peut aussi admettre que les Númenóriens  devaient eux avoir nettement plus l'habitude de marcher que nous, que leur taille était supérieure à la moyenne européenne contemporaine et que le chemin devait être particulièrement bien aménagé pour permettre la procession de grandes foules (ce dernier point est confirmé dans la « Description de Númenor »). En revanche, il faut reconnaître que la procession en masse est toujours ralentie par rapport à ce qu'il est possible d'accomplir seul ou en petit groupe, à moins de disposer d'une organisation logistique efficace, ce qui n'est pas impossible au demeurant. Par conséquent, on peut envisager une vitesse ascensionnelle entre 250 et 400 m/h, avec une moyenne de 325 m/h envisageable si l'on considère que « great concourse of people » qui faisait l'ascension ne comportait ni jeunes enfants, ni personnes âgées.

Si l'on considère qu'il ne s'agit pas d'un exploit sportif, mais d'une célébration, il ne faut pas non plus prévoir une marche d'une durée excessive. 4 à 6 heures d'ascension semblent acceptables, sachant qu'il faut environ les deux tiers du temps de montée pour redescendre. Disons 5 heures de montée, vu qu'il faut sans doute encore un peu de temps pour que tous s'installent pour la célébration des rites. Cela nous donne une montée de 1625 m environ, avec des bornes comprises entre 1000 et 2400 m (le maximum est assurément possible, mais bien peu probable à mon sens). Toutefois, il faut tenir compte du fait que cela ne représente que la dénivelée parcourue le jour de l'ascension, et qu'il faut tenir compte de l'altitude du point de départ.

Vu que la cérémonie est présidée par le roi, il semble évident que l'essentiel des participants part d'Armenelos, ville située dans l'intérieur des terres, au sommet d'une colline, qui devait sûrement être l'extrémité d'un contrefort du Meneltarma. Pour donner un ordre d'idées, Madrid se trouve à 660 m d'altitude et Mexico à 2240 m. Il faut sans doute chercher entre les deux. Il me semble que 1000 m est une altitude maximum, sans quoi la ville aurait eu un climat montagnard nettement marqué, que Tolkien aurait sans doute signalé. Notons au passage que le Mittalmar, région au sein de laquelle se trouve l'Arandor, est une contrée de pâturages, ce qui suppose une certaine altitude, compte tenu de la latitude probable de l'île. Bref, sur la base de ces estimations, on peut dire qu'une altitude de 2600 m pour le Meneltarma semble parfaitement envisageable, et que l'altitude de 3000 m semblerait une borne maximale compte tenu des différents paramètres mentionnés*.

Reste un dernier élément à signaler : la procession se rendait jusqu'au cratère, mais n'escaladait pas la plus haute des cimes, laquelle était sans doute composée des trois rochers de l'Ouest au sommet desquels se posaient les Aigles gardiens. Cela implique au passage qu'on ne pouvait pas réellement voir toute l'île depuis la partie accessible du sommet. Toutefois, pour que le passage d'« Aldarion et Erendis » reste compatible avec ce dernier détail, il faut supposer que le vrai sommet ne devait pas être d'une largeur susceptible de boucher une grande partie de l'horizon. Sachant que le Meneltarma était de plus en plus abrupt à mesure que l'on montait, au point qu'il devenait impossible à gravir (sauf pour des alpinistes, sans doute) peu avant le sommet, on peut imaginer que le dernier ressaut interdit aux hommes était un véritable pilier de roc, de base très modeste au regard de sa hauteur. Toutefois, pour que les Aigles géants restent bien visibles, il faut sans doute compter qu'il ne devait pas faire plus de 50 à 100 m de hauteur. Ce dernier élément n'influe évidemment pas sur la distance qu'Aldarion et Erendis pouvaient contempler du regard depuis le sommet qui leur était accessible, mais pourrait modestement jouer en faveur des navigateurs tentés de naviguer vers l'Ouest tout en restant en vue de l'île.

*Toujours à titre de comparaison, le Mont Blanc culmine à environ 4810 m et seul un grimpeur remarquable serait en mesure de le gravir et d'en redescendre en une journée au départ de Chamonix, ville qui est justement à 1000 m d'altitude. Notons toutefois que la présence de glaciers et l'absence de chemin tracé jouent évidemment en défaveur des alpinistes dans ce cas de figure. Cela dit, plus l'altitude envisagée serait importante, plus il serait probable qu'il y ait des neiges éternelles au sommet du Meneltarma, ce qui ne semble manifestement pas être le cas, si l'on s'en tient aux descriptions données par Tolkien.

E.

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#93 05-01-2021 15:21

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Quelques calculs avec deux valeurs de réfraction:

1609854434_calcul.png

Pourquoi est-ce que j'ai mis le massif du Canigou ? Pour montrer que le calcul théorique a aussi ses limites - dans les faits, il arrive qu'il soit visible depuis Marseille, soit à 263 km... Certes par coucher de Soleil, à certaines dates et conditions météorologiques, mais cela donne une idée des possibilités réelles, quoique exceptionnelles...

De quelle taille d'île parle-t-on pour Numenor ? C'est grand, mais une image rapide permet de vraiment l'apprécier plus que des mots ou des distances:

taille numenor

Dès lors, de quelle altitude peut-on parler pour le Meneltarma, au-delà du 4260m = 14000 pieds que K.W. Fonstad prend a priori d'un Atlas si j'en crois la note (mais je n'ai pas trouvé sa référence) ?

C'est dur à dire, évidemment, mais pour exemple certes extrême, le piton des Neiges de l'île de la Réunion culmine à 3070m, ce qui donne une idée d'un grand volcan même sur une petite île (j'entends par là, en comparaison de notre Numenor). Donc pour répondre à Yyr, si 6000m sont à mon sens irréalistes, 2000m voire 3000m ne sont pas forcément impossibles... voire même 4000m : Une grande île comme Sumatra, plus de notre ordre de grandeur, a une chaîne montagneuse qui va jusque 3800m... Mais les éléments d'Elendil ci-dessous quant à la faisabilité d'une ascension régulière sont évidemment à garder aussi en tête...

Le problème de la visibilité des pointes distantes de l'île reste problématique comme l'a noté Erendis, encore qu'on pourrait regarder quelle contrainte cela mettrait sur leur altitude (sauf pour le Hyarrostar et ses vastes plages de sable...), et globalement sur l'altitude moyenne de l'île.

D.


EDIT Yyr dit: "PS : cela étant dit, moi, je n'ai pas d'objection stricte à ce que le Royaume d'Arda ait changé de physionomie et donc de courbure après l'Akallabêth."
— Moi non plus, hein. Je suis juste intrigué par ce que donnerait la supposition comme quoi ce ne serait pas le cas. Tout le monde sait que la Terre est cubique et faite de voxels à miner.

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#94 05-01-2021 17:19

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Hisweloke a écrit :

... encore qu'on pourrait regarder quelle contrainte cela mettrait sur leur altitude (sauf pour le Hyarrostar et ses vastes plages de sable...), et globalement sur l'altitude moyenne de l'île.

Allez, je continue le jeu...

Avec son Meneltarma de 14000 pieds, Fonstad a aussi l'air d'envisager une bonne altitude pour les autres monts... du moins pour les monts de Forrostar et le Sorontil, selon sa coupe :

coupe

Mais est-ce que ça marcherait dans notre hypothèse sphérique ?

A très grosse maille (encore du Pythagore et des simplifications = sans réfraction, et en supposant h << R parce que j'ai la flemme et que ça ne change que peu nos résultats):

Pour Meneltarma de 4260m de haut — et en mesurant approximativement les distances entre le centre des monts des promontoires et le Meneltarma sur la carte de CJRT...

Sorontil-Meneltarma ~ 200 miles = altitude minimum 600m = Ok ça semble plausible...
Monts en Andustar ~ 250 miles = alt. min. 2200m = sur son profil d'élévation le Sorontil serait vers 2000m par règle de trois, on peut admettre mais ça commence à piquer...
Monts en Hyarnustar > 300-350 miles = alt. min. 4800-8400m = euh. Non smile

License poétique, je vous dit tongue

D., spherical bastard (reference intended).

EDIT: corrections Hyarnustar (intervalle)

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#95 05-01-2021 21:32

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Une autre vue pour la route.

Toujours 4260m pour le Meneltarma (Fonstad), coeff. de réfraction 0,13, avec les suppositions suivantes :

  • Cercle bleu= visibilité du niveau de la mer

  • Cercle vert = visibilité d'un terrain supposé à > 600m

  • Cercle gris = visibilité de monts supposés > 1500m

En clair, ce qu'on peut espérer distinguer (probablement au grand maximum, c'est du grand à-peu-près là...) en ligne de vue directe sur une terre sphérique :

visibilite

D.

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#96 05-01-2021 21:46

Silmo
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Arg. La géographie fruitière et bananière du chevalier Bedevere a du mal à convaincre les matheux rationnels, pourtant imparable et moins sophistiquée que Pythagore. Une banane à 5 branches, certes, néanmoins à une bonne latitude exotique smile .

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#97 05-01-2021 21:57

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

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#98 05-01-2021 22:16

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Whââ merci pour le travail des cartes Didier, c'est sympa.

Avec la dernière, vu comme ça, ça ne me choque pas de parler de voir « toute l'île » dès lors que les baies au moins soient comprises — avec une altitude à 4260 m tout de même ...

@ Silmo : chevalier Bedivere I presume ? :) sauf pb de prononciation ? ;) :) :)

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#99 05-01-2021 23:09

Silmo
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Maitre Dragon, je ne commenterai pas la planche du concombre qui finit trop tristement, pourtant j'aime bien cette BD et pas seulement parce que le légume est masqué !!! c'est d'actualité, n'est-ce pas  monkey . Et cela aide à prendre de la hauteur, sans calcul pythagoricien de distanciation.

Maitre Yyr, je persiste et signe... dans le film des Monty Python, le chevalier est nommé Bedevere au générique et c'est lui que je citais pour la forme... de banane (peut-être Bedivere dans d'autres versions du film. Après tout, c'est un chevalier gallois, région où l'orthographe fluctue. Là dessus, Bertrand saurait s'il faut préférer  Bedwyr, ou Bedrydant ou encore Bedry-dant ?? je sèche
Je l'aime bien car il est le seul avec Lancelot à survivre grâce au roi Arthur à la question du passeur du pont de la mort sur la base d'un vieux principe : quand on te pose une question, réponds par une autre
https://www.youtube.com/watch?v=0D7hFHfLEyk

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#100 05-01-2021 23:24

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Au temps pour moi !
Je pensais te lancer sur la prononciation  Ni/Nou ... du coup : flop :)

J'ai revu ce passage avec plaisir ; je l'aime bien mais celui-là reste mon préféré ;)

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#101 06-01-2021 10:08

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

En tout cas, s'il semble envisageable de voir (plus ou moins) toute l'île du haut du Meneltarma dans le cadre d'une terre courbe, il semble très clairement impossible de voir Mindon Eldaliéva de là, à moins de partir sur l'hypothèse d'une terre plate.

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#102 06-01-2021 11:55

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

La vache !
L'argument d'Erendis était déjà peu flexible. Le tien paraît implacable.

À moins ... que tout cela ne révèle tout d'un coup le secret d'un usage beaucoup plus important qu'on ne le pensait des palantíri ! :)

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#103 06-01-2021 13:35

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Elendil a écrit :

En tout cas, s'il semble envisageable de voir (plus ou moins) toute l'île du haut du Meneltarma dans le cadre d'une terre courbe, il semble très clairement impossible de voir Mindon Eldaliéva de là, à moins de partir sur l'hypothèse d'une terre plate.

Beh... Pas tout à fait. Mais c'était le sujet de l'article de Benjamin, à l'origine, dont est partie toute cette discussion...

Dans tout ce qui précède, je n'ai considéré qu'une refraction nulle ou petite et constante, c'est-à-dire dans des conditions atmosphériques assez "normales" qui se contentent de courber un peu la lumière (mais finalement assez peu).

Cependant dans les cas qui produisent un mirage supérieur (ce dont Benjamin parlait il y a déjà 20 ans...), il existe des couches d’inversion de la température : elles donnent aux rayons lumineux des courbures qui peuvent être supérieures à la courbure de la surface de la Terre. Et même: "Alors, en principe, nous pouvons voir infiniment loin, il n’y a plus d’horizon." dit un cours sur le sujet...

Sans aller jusque cette extrémité théorique, Benjamin repartait d'expériences réelles de marins, et relevait déjà que la phrase de Tolkien laissait à justement à supposer de telles conditions exceptionnelles :

« Les Númenoréens le savaient fort bien et parfois, quand l'air était limpide et le Soleil à l'est, ils regardaient vers l'ouest et apercevaient sur une rive lointaine une ville blanche et radieuse, un grand port et une tour. A cette époque, les humains de Númenor avaient la vue perçante mais c'étaient néanmoins les plus clairvoyants d'entre eux qui jouissaient seuls de cette vision, depuis le Meneltarma par exemple, ou du pont d'un navire avancé aussi loin vers l'est qu'il leur était parmi d'aller. »

Une question subsidiaire, si la terre est plate, qu'est que ça change d'être en haut du Meneltarma ou sur le pont d'un navire avancé aussi loin que possible ? Ah !

D.

EDIT: Après on pense ce qu'on veut de l'hypothèse du mirage et de la fata morgana, mais c'est un autre débat.

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#104 06-01-2021 14:04

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Alors, si j'ai bien suivi, la présente discussion, elle, est bien sphérique, puisque nous voilà revenus à son point d'origine :).

[édit :]

Didier a écrit :

Une question subsidiaire, si la terre est plate, qu'est que ça change d'être en haut du Meneltarma ou sur le pont d'un navire avancé aussi loin que possible ? Ah !

En effet !

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#105 06-01-2021 16:08

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Hisweloke a écrit :

Une question subsidiaire, si la terre est plate, qu'est que ça change d'être en haut du Meneltarma ou sur le pont d'un navire avancé aussi loin que possible ? Ah !

Il me semble que cela permet de minimiser les problèmes atmosphériques de basse altitude, soit que le regard passe par dessus, soit qu'on raccourcisse au maximum la distance pour en souffrir le moins possible.

E.

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#106 06-01-2021 21:07

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Elendil a écrit :

Il me semble que cela permet de minimiser les problèmes atmosphériques de basse altitude, soit que le regard passe par dessus, soit qu'on raccourcisse au maximum la distance pour en souffrir le moins possible.

Mais le texte précise que c'est quand "l'air était limpide" (... at times, when all the air was clear...), donc je ne pense pas que ta remarque tienne.

Rectifions d'ailleurs la traduction française "depuis le Meneltarma par exemple, ou du pont d'un navire avancé aussi loin vers l'est qu'il leur était parmi d'aller" (... from the Meneltarma, maybe, or from some tall ship that lay off their western coast as far as it was lawful for them to go.) — Ce n'est pas "par exemple", mais "peut-être" ; un doute est émis sur la visibilité depuis le Meneltarma...

D'autres références que nous n'avons pas non plus utilisées je crois :

Aldarion & Erendis (quand Aldarion prend la mer) :

Thus it came to pass that on a morning of fair sun and white wind, in the bright spring of the seven hundred and twenty-fifth year of the Second Age, the son of the King's Heir of Númenor sailed from the land; and ere day was over he saw it sink shimmering into the sea, and last of all the peak of the Meneltarma as a dark finger against the sunset.

Alors advint-il qu'un matin où clairait le soleil et blanchoyait la brise, en ce radieux printemps de la sept cent vingt-cinquième année du Second Age, le fils du Roi, héritier de Númenor, appareilla de ce pays ; et avant la tombée du jour, il vit l'île sombrer, toute chatoyante, à l'horizon de la mer, et disparaître en dernier le piton du Meneltarma, comme un doigt ombreux  sur les feux du couchant.

Hmm, une île puis son piton qui coulent dans la mer, vraiment, sans rotondité de la Terre ?

Akallabeth (quand les Númenor accostent à Umbar) :

And men saw his (= Ar-Pharazôn's) sails coming up out of the sunset, dyed as with scarlet and gleaming with red gold, and fear fell upon the dwellers by the coasts, and they fled far away.

Les Humains virent ses voiles surgir du couchant, teintées d'écarlate et rehaussées d'or et de vermillon, la peur prit ceux qui vivaient sur les côtes et ils s'enfuirent au loin

Ah bon, des voiles qui surgissent... à l'horizon d'un monde plat ?

C'est très curieux wink

D.

EDIT: Et encore dans Aldarion & Erendis à peine plus loin...

There was joy in Rómenna and Armenelos when men saw the great ship Númerrámar (which signifies 'West-wings') coming up from the sea, her golden sails reddened in the sunset

"... s'avancer sur les flots" dans la trad. fr., mais pourquoi coming up ? Si le monde est plat, le navire grossit au fur à mesure qu'il approche, mais ne monte pas.

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#107 07-01-2021 07:14

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Même si l'air est limpide, il y aura toujours des perturbations dues à l'écume et à la vapeur d'eau au niveau de la mer, ce qui nuira à la visibilité.

Cela peut aussi expliquer pourquoi seul le Meneltarma reste visible de loin. Quant aux voiles, c'est la surface la plus visible d'un voilier, il n'est donc pas étonnant qu'elle soit remarquée en premier, même dans un monde plat. Par ailleurs, le rapprochement donnera l'impression qu'elles grandissent (donc montent, d'une certaine façon).

Toutefois, j'admets bien volontiers qu'en la matière, Tolkien use d'un vocabulaire marin classique, sans bien vérifier s'il est compatible avec sa géographie fictive. Du point de vue interne, cela peut s'expliquer par une transmission défectueuse des textes, après que les transcripteurs ou traducteurs aient eu l'habitude de la rotondité terrestre, ou bien, comment tu le suggères, par une rotondité qui existait de tout temps, mais venait en contradiction avec des mythes humains.

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#108 07-01-2021 10:34

Hisweloke
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Well, d'un point de vue externe, Aldarion & Erendis date de 1960, et vers 1959 Tolkien a retravaillé sur le concept de terre ronde (qu'il avait déjà expérimenté dans la chute d'Anadûnê en 1946, etc.). Il est donc possible que ce texte se déroule dans un monde conçu rond à l'origine, même si Tolkien évite semble-t-il soigneusement les mots comme "horizon" etc. (ce que la trad. fr. ne fait pas). J'ai le sentiment, dans ce cas, qu'il peut très bien avoir eu conscience que le vocabulaire n'est pas compatible avec une géographie plane, et qu'il ne glisse que des indices dans ce sens.

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#109 30-01-2021 04:58

Erendis
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Elendil, pour ce qui est de la hauteur du Meneltarme depuis la plaine qui l'entoure, tes estimations me semblent tout à fait acceptables.

Elendil a écrit :

Vu que la cérémonie est présidée par le roi, il semble évident que l'essentiel des participants part d'Armenelos, ville située dans l'intérieur des terres, au sommet d'une colline, qui devait sûrement être l'extrémité d'un contrefort du Meneltarma.

=>

Along the crest of the south-western ridge the climbing road approached the mountain

Le long de la crête de l'arête du sud-ouest, la route montante approchait la montagne

UT 2.1 §5

Or il y a 36 miles (58 km) entre Armenelos et cette base de la montagne. Je doute que la procession se tapait les 60 bornes en plus de l'ascension durant la même journée. Pour éviter de n'avoir plus que le temps de grimper une grosse taupinière, mieux vaut considérer que la procession part le matin du pied de la montagne wink


Elendil a écrit :

Pour donner un ordre d'idées, Madrid se trouve à 660 m d'altitude et Mexico à 2240 m. Il faut sans doute chercher entre les deux.

=> Pour mémoire :

The Mittalmar was raised above the promontories (not reckoning the height of their mountains and hills

Le Mittalmar s'élevait au-dessus des promontoires (sans prendre en compte les hauteurs de leurs montagnes et collines)

UT 2.1 §4

Je comprends de la précision entre parenthèse que le Mittalmar n'est pas plus haut que les collines ou les montagnes des promontoires. Mais qu'est-ce qu'une colline et une montagne ?

Les définitions du monde anglo-saxon sont assez floues. Une limite de 300 m d'altitude a été évoquée, mais elle a été abandonnée dans le milieu du 20ème siècle (https://www.nationalgeographic.org/encyclopedia/hill/)

Le Oxford English Dictionary suggère une limite à 600 m et aujourd'hui, une montagne est généralement définie en UK et Irlande comme un sommet d'au moins 600 m (https://en.wikipedia.org/wiki/Hill#Terminology)

Le Mittalmar serait donc plutôt à une altitude plus en accord avec le bas de ta fourchette ; environ 500 m, histoire de pas dépasser les 600 et donc les collines les plus hautes.


Elendil a écrit :

Notons au passage que le Mittalmar, région au sein de laquelle se trouve l'Arandor, est une contrée de pâturages, ce qui suppose une certaine altitude, compte tenu de la latitude probable de l'île.

=> non, qq bons coup de hache et un entretien agricole font très bien l'affaire pour dégager de la place, ou la volonté de Yavanna qui a "enrichi" l'ile. (Akallabêth §4)

La description du mittalmar donne :

grasslands and low downs, and few trees grew [...] But for the most part the Mittalmar was a region of pastures in the south-west there were rolling downs of grass

des prairies et des basses collines, et qq arbres [...] mais pour la plus part, le Mittalmar était une région de paturage dans le sud-ouest il y avait des collines vallonées d'herbes

UT 2.1 §6

On n'est pas sur du paturage montagneux, mais sur des collines du genre "North Downs" ou "South Downs" brittanique (270 m d'altitude ; même si elles peuvent être plus hautes du fait de l'élévation naturelle du Mittalmar)



Elendil a écrit :

Bref, sur la base de ces estimations, on peut dire qu'une altitude de 2600 m pour le Meneltarma semble parfaitement envisageable, et que l'altitude de 3000 m semblerait une borne maximale compte tenu des différents paramètres mentionnés*.

=> Je pense qu'il faudrait baisser ton estimation de 500 m du fait d'une élévation moindre du Mittalmar. 

Comme j'ai fait les recherche, je laisse l'info : le mal des montagnes est rare en desous de 2500 m et entre 2500 m et 3000 m, il apparait durant le sommeil ou après plusieurs jours. Donc a priori pas de souci pour grimper à cette hauteur juste pour une journée.


Elendil a écrit :

Ce dernier élément n'influe évidemment pas sur la distance qu'Aldarion et Erendis pouvaient contempler du regard depuis le sommet qui leur était accessible, mais pourrait modestement jouer en faveur des navigateurs tentés de naviguer vers l'Ouest tout en restant en vue de l'île.

=> peu probable que cela aide un navigateur en quoi que ce soit  car la largeur d'un tel pic s'amenuisant avec l'altitude, la limite de pouvoir séparateur de l'oeil ne permettrait pas de le distinguer du corps de la montagne au-delà de 310 km pour qq'un ayant 20/10 en acuité visuelle ; 155 km pour qq'un ayant 10/10... ça ne permet pas de le percevoir depuis le large de l'ile
(http://villemin.gerard.free.fr/Biologie/Acuite.htm)


Elendil a écrit :

Cela dit, plus l'altitude envisagée serait importante, plus il serait probable qu'il y ait des neiges éternelles au sommet du Meneltarma, ce qui ne semble manifestement pas être le cas, si l'on s'en tient aux descriptions données par Tolkien.

=> Sans être éternelles, à des altitudes supérieures à 1600 m, la neige persiste au printemps sous nos latitudes, au point que les stations de ski sont ouvertes en avril. Sans surprise, la limite d'enneigement monte à mesure qu'on se rapproche de l'équateur et au sud de l'Ethiopie, il y a de la neige en hiver à partir de 3000 m, et il faudrait aller jusqu'à 5000 m apparemment en Equateur.

Et justement, la procession décrite en détail est précisément celle du printemps (Erukyermë) et aucune mention de neige n'est faite. L'absence de mention de neige ne veut pas dire pas de neige. Mais le climat de Numenor étant "doux quand il faut" et certainement un peu "magique", il est tout à fait envisageable que l'absence de neige soit un fait sans être problématique, quelque que soit la latitude de l'ile.


Elendil a écrit :

il semble très clairement impossible de voir Mindon Eldaliéva

=> cela n'a pas été évoqué dans les écrits de Tolkien de toute façon, si ? Il me semble que la tour potentiellement visible, c'est la tour d'Avalonë qui est mentionné plutôt; non ?



Hisweloke a écrit :

Dès lors, de quelle altitude peut-on parler pour le Meneltarma, au-delà du 4260m = 14000 pieds que K.W. Fonstad prend a priori d'un Atlas si j'en crois la note (mais je n'ai pas trouvé sa référence) ?

=> Apparemment elle le reprend de "Ginsburg, 45", mais je n'ai rien trouvé au sujet de ce/tte "Ginsburg".


Hisweloke a écrit :

Monts en Hyarnustar > 300-350 miles = alt. min. 4800-8400m = euh. Non smile
License poétique, je vous dit tongue

=> ou terre plate wink


Hisweloke a écrit :

Une grande île comme Sumatra, plus de notre ordre de grandeur, a une chaîne montagneuse qui va jusque 3800m...

=> en effet, le volcan Kerinci a une belle tête de Meneltarma. Et pour info, il émerge d'une plaine située à 1400 m d'altitude, ce qui donne 2500 m de dénivelé à s'avaler en une journée. On explose un peu les limites données par Elendil.

Compte tenu des éléments de hauteur du Mittalmar et du temps nécessaire à grimper la montagne, une altitude du site de cérémonie supérieur à 3000 m semble peu crédible et personnellement, je le rabaisserais à 2500 m.


Hisweloke a écrit :

sur une rive lointaine une ville blanche et radieuse, un grand port et une tour

=> Pour avoir regardé divers clichés de fata morgana de terre lointaine, je trouve que la distinction des détails donnés par Tolkien est beaucoup trop précise pour que cela soit conforme aux impressions d'une fata morgana. Et apparemment,  les Fata Morgana distordent significativement  les objets  sur lesquels elles sont basées, souvent au point qu'il en devient complètement méconnaissable.
https://www.skybrary.aero/index.php/Fat … ta_Morgana


Hisweloke a écrit :

Une question subsidiaire, si la terre est plate, qu'est que ça change d'être en haut du Meneltarma ou sur le pont d'un navire avancé aussi loin que possible ? Ah !

=> ça change que tu es plus près de ce que tu veux voir sur le bateau. Et sur la montagne, tu as un angle de vue plongeant qui te permet de ne pas être arrêté par la 1ère colline, le 1er batiment et donc cela augmente "l'épaisseur" (cf photo de ce message partie 1) c) https://www.jrrvf.com/fluxbb/viewtopic. … 101#p89101
qui répond à la question déjà posée) et te permet de voir l'objet en question de plus loin (principe de pouvoir séparateur de l'oeil)


Hisweloke a écrit :

pourquoi coming up ? Si le monde est plat, le navire grossit au fur à mesure qu'il approche, mais ne monte pas.

=> to come up ça peut vouloir dire "s'approcher" aussi, tout simplement.


Hisweloke a écrit :

Hmm, une île puis son piton qui coulent dans la mer, vraiment, sans rotondité de la Terre ?

=> je pourrais partir sur une explication impliquant de nouveau le pouvoir séparateur de l'oeil qui ne distinguerait plus l'épaisseur de l'île, hormis à l'endroit où elle est la plus épaisse (le Meneltarma) mais je demanderai simplement... n'as-tu pas prouvé toi-même qq message plus haut, avec tes calculs et ta magnifique carte cerclée de Numenor, que sur un monde sphérique, le Meneltarama n'était plus visible depuis le niveau de la mer (ou même à 100 m en haut d'un mat vraiment très haut) alors même qu'on n'était pas sorti de la Baie de Romenna ?

Même en admettant l'altitude bien trop extrême de Fonstad, comment le Meneltarma peut-il être encore visible à quelques miles ou dizaines de miles de l'ile si le monde est sphérique ?! wink

Bon, trève de tournoi de ping-pong. Tout comme vous, j'ai replacé tout ça dans le contexte de travail de Tolkien :
- vers 1946, l'idée d'un monde sphérique émerge dans l'esprit de Tolkien. Il retravaille sur la Chute de Numenor pour  créer la Submersion d'Anadûnê où le monde est explicitement sphérique [HOME 9]
- vers 1948, il se rend compte des soucis de ce changement et indique dans une correspondance que

The Elvish myths are 'Flat World'. A pity really but it is too integral to change it.

Les mythes elfiques sont “monde plat”. Quel dommage mais c’est une partie trop intégrée pour la changer

brouillon de la lettre n°115 sans doute 1948, publié dans HOME 10.1 p5

Et lorsqu’il reprend le récit de l’histoire de Numenor pour écrire l'Akallabêth (1948-1958), bien qu’il se base grandement sur la Submersion d’Anadûnê, il ne recopie pas le passage mentionnant que le monde est sphérique
- Les textes des CLI du 2ème Âge ont été écrits après qu'il soit revenu à la charge pour tenter de s'imposer, avec plus de succès au moins pour l'histoire de la lune et du soleil, les idées ayant émergées en 1946 (comme tu l'indiques, Didier). Mais autant il y a des mentions explicites d'un soleil et d'une lune créée avant l'éveil des Elfes, autant je n'ai rien trouvé d'aussi clair concernant l'éventuelle rotondité du monde (et au final, la conception du soleil n'implique en rien la rotondité du monde)


Si vous voulez mon avis, soit Tolkien n'a pas vraiment prêter attention à la véracité de son paradigme géographique, qu'il ait choisi la terre plate ou ronde, intégrant dans ses écrits des éléments incompatibles avec son choix (par manque de recul, par désaffection de l'importance de la question, lui préférant, par exemple, une "beauté littéraire", en se disant que de toute façon "ce sont des écrit d'hommes et qu'ils n'ont pas à être réalistes", ou pour une autre raison...) soit il est resté particulièrement indécis et fluctuant sur le sujet jusqu'à la fin de sa vie, et que selon les moments, il penchait vers l'un ou l'autre des choix, tout en restant assez évasif (tant qu'on ne prend pas une carte et une règle), ce qui a conduit à parsemer ses écrits d'indices allant dans un sens comme dans l'autre.
Les 2 positions ne s'excluent pas mutuellement, d'ailleurs.

Mais l'étude fine de l'exemple d'Aldarion quittant Numenor qui voit disparaitre le Meneltarma en une douzaine d'heures de navigation, montre également un irréalisme géographique en dehors des considérations qui nous occupent depuis... 20 ans ^^ :

Compte tenu de la description du retour de Numerramar citée plus haut (Didier, elle est d'ailleurs avant la citation du départ, pas après), il est légitime de penser qu'Aldarion part de Romenna ce matin-là. Romenna est le port le plus imposant de l'île. Or, en une journée, fut-elle de 14 h (c'est le printemps je prends large), avec une vitesse rapide (sans être délirante : il a un gros navire ; les clippers du 19ème siècle avait une moyenne de 9-10 noeuds et les voiliers modernes peuvent faire du 20 noeuds, mais sont plus autour de 4-6 en moyenne) de 10 noeuds (1 noeud = 1,852 km/h), Aldarion se trouve à 260 km de sont lieu d'embarquement... il est à peine sorti de  l'anse ! Pour autant, il se trouve à environ 563 km du Meneltarma.

Je me suis amusée à essayez de replacer la description que Tolkien fait de la situation dans un contexte réel pour en prendre tout la mesure, même si j'ai du imaginer qu'on rase l'auvergne de ses volcans et qu'il y a un canal de Lyon à Royan smile. Décrire la disparition du Meneltarma en partant de Romenna vers l'est, cela correspond à partir de Lyon vers l'ouest et de voir la disparition progressive du mont Blanc !

Le cas de cette vision de l'île qui disparait en 1 journée de navigation est d'autant plus symptomatique qu'elle ne satisfait aucune des 2 options !
Sur une terre plate, le Meneltarma devrait rester visible à 3500 km à la ronde (pour une vision de 10/10) alors que sur une monde rond, il disparait avant que l'on puisse considérer que le navire a quitté l'île !

1 partout, balle au centre ? ^^

EDIT : après une modélisation plus fine, en fait ça peut passer sur terre plate : à partir de 158 miles (254 km),  les cotes disparaissent et seule la partie la plus élevée (avec le Meneltarma) est encore visible.

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#110 03-02-2021 17:41

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

Or il y a 36 miles (58 km) entre Armenelos et cette base de la montagne. Je doute que la procession se tapait les 60 bornes en plus de l'ascension durant la même journée. Pour éviter de n'avoir plus que le temps de grimper une grosse taupinière, mieux vaut considérer que la procession part le matin du pied de la montagne wink

De fait, on peut imaginer une procession sur (mettons) trois jours, avec deux jours de marche pour se rapprocher de la montagne elle-même, plus une journée d'ascension et de cérémonie. Dans ce cas, on peut augmenter assez nettement la hauteur maximale du Meneltarma, car les deux premiers jours peuvent permettre de gagner au moins 600 m, voire 1000 m au total, sans que cela semble être une vraie ascension. Après tout, 600 m de dénivelée cumulée (je compte un peu de descente pour franchir les rivières) en 6 bonnes heures de marche, cela ne fait que 100 m à l'heure, ce qui est à peine plus que du faux plat (pente moyenne de 2%).

Erendis a écrit :

=> Pour mémoire :

The Mittalmar was raised above the promontories (not reckoning the height of their mountains and hills

Le Mittalmar s'élevait au-dessus des promontoires (sans prendre en compte les hauteurs de leurs montagnes et collines)

UT 2.1 §4

Je comprends de la précision entre parenthèse que le Mittalmar n'est pas plus haut que les collines ou les montagnes des promontoires. Mais qu'est-ce qu'une colline et une montagne ?

Les définitions du monde anglo-saxon sont assez floues. Une limite de 300 m d'altitude a été évoquée, mais elle a été abandonnée dans le milieu du 20ème siècle (https://www.nationalgeographic.org/encyclopedia/hill/)

Le Oxford English Dictionary suggère une limite à 600 m et aujourd'hui, une montagne est généralement définie en UK et Irlande comme un sommet d'au moins 600 m (https://en.wikipedia.org/wiki/Hill#Terminology)

Le Mittalmar serait donc plutôt à une altitude plus en accord avec le bas de ta fourchette ; environ 500 m, histoire de pas dépasser les 600 et donc les collines les plus hautes.

D'une part, je pense qu'il ne faut pas forcément prendre les définitions anglaises comme clefs ici. N'oublions pas que la plus haute montagne d'Angleterre, le Pic Scafell, ne fait que 978 m de haut, et que le sommet de la Grande-Bretagne, le Ben Nevis, ne mesure que 1345 m. On est loin de la fourchette basse pour le Meneltarma. Par ailleurs, si Armenelos est elle-même sur un promontoire dominant la partie la plus haute du Mittalmar, elle peut elle-même être 100, voir 200 m au-dessus de l'altitude moyenne de la région.


Erendis a écrit :
Elendil a écrit :

Notons au passage que le Mittalmar, région au sein de laquelle se trouve l'Arandor, est une contrée de pâturages, ce qui suppose une certaine altitude, compte tenu de la latitude probable de l'île.

=> non, qq bons coup de hache et un entretien agricole font très bien l'affaire pour dégager de la place, ou la volonté de Yavanna qui a "enrichi" l'ile. (Akallabêth §4)

La description du mittalmar donne :

grasslands and low downs, and few trees grew [...] But for the most part the Mittalmar was a region of pastures in the south-west there were rolling downs of grass

des prairies et des basses collines, et qq arbres [...] mais pour la plus part, le Mittalmar était une région de paturage dans le sud-ouest il y avait des collines vallonées d'herbes

UT 2.1 §6

On n'est pas sur du paturage montagneux, mais sur des collines du genre "North Downs" ou "South Downs" brittanique (270 m d'altitude ; même si elles peuvent être plus hautes du fait de l'élévation naturelle du Mittalmar)

Là encore, ne comparons pas directement avec la Grande-Bretagne et gardons en mémoire que l'île est censée avoir une latitude plutôt basse, peut-être comparable à la péninsule ibérique. Les terres peu élevées auront alors tendance à être consacrées à l'agriculture plutôt qu'à l'élevage. La description du Mittalmar me fait penser à la région bernoise et Berne est précisément à 542 m d'altitude, sans être aucunement dans les montagnes.

Erendis a écrit :
Elendil a écrit :

Ce dernier élément n'influe évidemment pas sur la distance qu'Aldarion et Erendis pouvaient contempler du regard depuis le sommet qui leur était accessible, mais pourrait modestement jouer en faveur des navigateurs tentés de naviguer vers l'Ouest tout en restant en vue de l'île.

=> peu probable que cela aide un navigateur en quoi que ce soit  car la largeur d'un tel pic s'amenuisant avec l'altitude, la limite de pouvoir séparateur de l'oeil ne permettrait pas de le distinguer du corps de la montagne au-delà de 310 km pour qq'un ayant 20/10 en acuité visuelle ; 155 km pour qq'un ayant 10/10... ça ne permet pas de le percevoir depuis le large de l'ile
(http://villemin.gerard.free.fr/Biologie/Acuite.htm)

D'où le "modestement". De fait, on y gagne sans doute pas grand-chose.

Erendis a écrit :

=> Sans être éternelles, à des altitudes supérieures à 1600 m, la neige persiste au printemps sous nos latitudes, au point que les stations de ski sont ouvertes en avril. Sans surprise, la limite d'enneigement monte à mesure qu'on se rapproche de l'équateur et au sud de l'Ethiopie, il y a de la neige en hiver à partir de 3000 m, et il faudrait aller jusqu'à 5000 m apparemment en Equateur.

Et justement, la procession décrite en détail est précisément celle du printemps (Erukyermë) et aucune mention de neige n'est faite. L'absence de mention de neige ne veut pas dire pas de neige. Mais le climat de Numenor étant "doux quand il faut" et certainement un peu "magique", il est tout à fait envisageable que l'absence de neige soit un fait sans être problématique, quelque que soit la latitude de l'ile.

De fait. Au passage, je note que le Teide, point culminant de Ténériffe et de l'archipel des Canaries, mesure 3718 m, sans qu'il ait longtemps de la neige en hiver. Il est déjà à 28° de latitude Nord.

Erendis a écrit :

Mais l'étude fine de l'exemple d'Aldarion quittant Numenor qui voit disparaitre le Meneltarma en une douzaine d'heures de navigation, montre également un irréalisme géographique en dehors des considérations qui nous occupent depuis... 20 ans ^^ :
Compte tenu de la description du retour de Numerramar citée plus haut (Didier, elle est d'ailleurs avant la citation du départ, pas après), il est légitime de penser qu'Aldarion part de Romenna ce matin-là. Romenna est le port le plus imposant de l'île. Or, en une journée, fut-elle de 14 h (c'est le printemps je prends large), avec une vitesse rapide (sans être délirante : il a un gros navire ; les clippers du 19ème siècle avait une moyenne de 9-10 noeuds et les voiliers modernes peuvent faire du 20 noeuds, mais sont plus autour de 4-6 en moyenne) de 10 noeuds (1 noeud = 1,852 km/h), Aldarion se trouve à 260 km de sont lieu d'embarquement... il est à peine sorti de  l'anse ! Pour autant, il se trouve à environ 563 km du Meneltarma.

Je me suis amusée à essayez de replacer la description que Tolkien fait de la situation dans un contexte réel pour en prendre tout la mesure, même si j'ai du imaginer qu'on rase l'auvergne de ses volcans et qu'il y a un canal de Lyon à Royan smile. Décrire la disparition du Meneltarma en partant de Romenna vers l'est, cela correspond à partir de Lyon vers l'ouest et de voir la disparition progressive du mont Blanc !


Le cas de cette vision de l'île qui disparait en 1 journée de navigation est d'autant plus symptomatique qu'elle ne satisfait aucune des 2 options !
Sur une terre plate, le Meneltarma devrait rester visible à 3500 km à la ronde (pour une vision de 10/10) alors que sur une monde rond, il disparait avant que l'on puisse considérer que le navire a quitté l'île !

C'est clairement la limite de l'exercice, qui montre bien que Tolkien n'a pas fait autant de calculs que nous pour ce type de description. Et heureusement, sinon il n'aurait jamais terminé le SdA. wink

Cela dit, puisqu'on parle acuité visuelle, que pensez-vous du grand phare bâtit au sommet du promontoire d'Umbar par les Númenoriens ? Il était censé être visible, de nuit et par temps clair, depuis les côtes du Gondor. Vu le contexte, je suppose qu'il faut au moins considérer qu'il s'agit de l'extrême sud de Belfalas, à un peu plus de 500 km de là, mais au mieux, l'extrême sud du Harondor devait être à environ 400 km. Je me demande non seulement quelle devait être son élévation minimale au dessus des flots (notons qu'il est dit être sur une haute colline, ce qui nous permet de gagner peut-être 300 m, car nous partons du niveau de la mer), mais encore sa puissance lumineuse. Par comparaison, le plus puissant phare d'Europe, le phare du Créac'h, a une hauteur focale de 70 m et une puissance de 500 millions de candela, ce qui ne le rend visible qu'à 60 km à la ronde...

E.

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#111 04-02-2021 21:49

Erendis
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Elendil a écrit :

D'une part, je pense qu'il ne faut pas forcément prendre les définitions anglaises comme clefs ici.

La définition française est la même que celle du oxford dictionary : moins de 600 m = colline ; plus de 600 m = montagne.

Par ailleurs, si Armenelos est elle-même sur un promontoire dominant la partie la plus haute du Mittalmar, elle peut elle-même être 100, voir 200 m au-dessus de l'altitude moyenne de la région.

A mon sens, décrire une cité "sur une colline", implique qu'il faut en descendre pour quitter la ville, donc le gain me semble nulle (à peu de chose près).

gardons en mémoire que l'île est censée avoir une latitude plutôt basse, peut-être comparable à la péninsule ibérique.

Je trouve qu'il est trompeur de penser qu'à Numenor latitude et climat sont corrélés. L'ile jouit d'une bénédiction divine pour être agréable à vivre.

La description du Mittalmar me fait penser à la région bernoise et Berne est précisément à 542 m d'altitude, sans être aucunement dans les montagnes.

Et la plaine au niveau de la rivière est sur du 400-500 m. 400-600 m est de l'ordre des estimations que je proposais, donc ça me va ^^


Vu le contexte, je suppose qu'il faut au moins considérer qu'il s'agit de l'extrême sud de Belfalas, à un peu plus de 500 km de là, mais au mieux, l'extrême sud du Harondor devait être à environ 400 km. Je me demande non seulement quelle devait être son élévation minimale au dessus des flots (notons qu'il est dit être sur une haute colline, ce qui nous permet de gagner peut-être 300 m, car nous partons du niveau de la mer), mais encore sa puissance lumineuse. Par comparaison, le plus puissant phare d'Europe, le phare du Créac'h, a une hauteur focale de 70 m et une puissance de 500 millions de candela, ce qui ne le rend visible qu'à 60 km à la ronde...

60 km ?! je suppose que c'est le halo de son faisceau lumineux qui est repérable à 60 km, mais qu'on ne voit pas réellement le haut du phare à cette distance. D'après de rapide calcul (Pythagore, mi amor...), le phare en lui-même serait visible à 30 km environ.

Je ne m'y connais pas assez en optique pour estimer la puissance nécessaire, mais je pense que cela pointe clairement une incohérence scientifique car je suppose que si la citation parle de Gondor, c'est que la chose est décrite après la submersion de Numenor, et donc à un moment où le monde  est sphérique de manière attestée. Or, un élément placé à 400 m de haut ne sera visible sur la Terre qu'à 70 km environ... et tu gagnes moins d'une dizaine de km par centaine de mètre de plus ...

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#112 05-02-2021 12:08

ISENGAR
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

mais je pense que cela pointe clairement une incohérence scientifique

Oui, certes, la fantaisie créatrice, comme le précisait fort justement Tolkien, est fondée sur la dure reconnaissance du fait que les choses sont telles dans le monde qu’elles paraissent sous le soleil ; une reconnaissance du fait, ajoutait-il encore plus justement, mais non un esclavage à son égard" (in Du conte de fées).

Donc, dans le contexte de la Terre du Milieu, est-ce strictement une incohérence scientifique ?

I.

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#113 05-02-2021 15:02

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Erendis a écrit :

A mon sens, décrire une cité "sur une colline", implique qu'il faut en descendre pour quitter la ville, donc le gain me semble nulle (à peu de chose près).

Pas forcément. On peut tout à fait supposer l'extrémité d'un contrefort montagneux se rattachant au Meneltarma. C'est le cas par exemple de la moitié supérieure de Minas Tirith, même si dans ce cas la cité-forteresse descend jusqu'à la plaine.

Erendis a écrit :

60 km ?! je suppose que c'est le halo de son faisceau lumineux qui est repérable à 60 km, mais qu'on ne voit pas réellement le haut du phare à cette distance. D'après de rapide calcul (Pythagore, mi amor...), le phare en lui-même serait visible à 30 km environ.

Je ne m'y connais pas assez en optique pour estimer la puissance nécessaire, mais je pense que cela pointe clairement une incohérence scientifique car je suppose que si la citation parle de Gondor, c'est que la chose est décrite après la submersion de Numenor, et donc à un moment où le monde  est sphérique de manière attestée. Or, un élément placé à 400 m de haut ne sera visible sur la Terre qu'à 70 km environ... et tu gagnes moins d'une dizaine de km par centaine de mètre de plus ...

Je suppose en effet que c'est le halo du phare du Créac'h qui est visible, et la nuit seulement. Si l'on suppose que c'est une réflexion sur la mer qui lui permet d'être visible au-delà de l'horizon, son faisceau doit être approximativement visible deux fois plus loin que le phare lui-même, ce qui est à peu prêt cohérent.

Pour le phare d'Umbar, la mention du Gondor n'est pas forcément rédhibitoire. Le contexte et la grammaire laissent effectivement penser que ce sont « les descendants d'Elendil » qui ont établi ce phare, ce qui placerait sa construction après la Submersion, donc avec un monde nécessairement sphérique. Cela dit, le texte n'est pas particulièrement précis : la « deuxième venue de Sauron » (second arising of Sauron) à laquelle l'App. A fait allusion serait plutôt la quatrième et dernière. Puisque la première est le grand assaut de Sauron contre l'Eriador, la deuxième doit être le renouveau de sa puissance avant qu'il ne soit vaincu par Ar-Pharazôn, la troisième son assaut sur le Gondor lors de la Dernière Alliance et la quatrième son retour final au Mordor, lorsqu'il rebâtit Barad-dûr (je ne compte pas même les deux occasions où il s'établit à Dol Guldur). La seule manière de comprendre cette « deuxième venue » est de supposer que ce n'était que la deuxième fois qu'il contrôlait l'Umbar ou d'imaginer qu'on ne comptait que les « venues » postérieures à la chute de Numenor.

Si l'on accepte que la phrase est trop ramassée et imprécise, la construction du phare peut avoir eu lieu pendant la fin du règne d'Ar-Pharazôn, qui avait toutes les raisons de célébrer sa victoire, et le terme de Gondor dans ce contexte être une simple désignation géographique (on ignore son ancienneté, après tout) ou un raccourci pour désigner « les territoires ultérieurement connus sous le nom de Gondor ». C'est un peu tiré par les cheveux et je doute que Tolkien se soit posé autant de questions en rédigeant ce passage, mais cela permet de préserver tant bien que mal la cohérence en supposant que le faisceau du phare était visible du Gondor avant que la Terre ne devienne sphérique. N'en reste pas moins qu'il devait malgré tout être d'une puissance proprement colossale, ce qui peut là aussi poser quelques soucis de cohérence (qui peut construire un phare pareil peut sans doute bâtir des navires volants à énergie solaire wink).

E.

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#114 05-02-2021 18:21

Erendis
Inscription : 2020
Messages : 27

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Elendil a écrit :
Erendis a écrit :

A mon sens, décrire une cité "sur une colline", implique qu'il faut en descendre pour quitter la ville, donc le gain me semble nulle (à peu de chose près).

Pas forcément. On peut tout à fait supposer l'extrémité d'un contrefort montagneux se rattachant au Meneltarma. C'est le cas par exemple de la moitié supérieure de Minas Tirith, même si dans ce cas la cité-forteresse descend jusqu'à la plaine.

Même dans ce cadre, Armenelos ne serait pas sur la "racine" d'où part le chemin qui mène au sommet. Il faudrait sans doute redescendre dans la plaine atteindre son commencement, ou alors, en cherchant à rester à la même altitude, tu tronques la procession en ce jour de devoir sacré... Et après on s'étonne que les Numenoréens ont mal tourné... wink

(et sinon, je suis assez d'accord avec les possibilité que tu a ouvert sur le texte au sujet du phare de l'Umbar, j'étais globalement arrivée à ces mêmes conclusions)

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#115 05-02-2021 20:34

Yyr
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

À défaut d'avoir maîtrisé tous les échanges (de ping pong :)), j'ai pu, je pense comme tout le monde, en admirer la qualité !!
(Merci Erendis de nous y avoir engagés :))

Voici le présent fuseau intégré à la Sélection des fuseaux du forum, par ailleurs indexé.
Si la liste des mots-clés vous paraît perfectible, n'hésitez pas à partager vos suggestions (ou au fur et à mesure de l'évolution de la partie ;)).

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#116 02-10-2021 11:05

Elendil
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Voici que The Nature of Middle-earth propose une réponse à la question qui nous a si longtemps taraudés : selon le manuscrit qui a servi de base à la « Description de Númenor » dans les CLI, le Meneltarma mesurait 3000 pieds de haut (p. 324), ce qu'il faut manifestement comprendre comme « 3000 pieds au-dessus de la plaine » du Mittalmar (p. 332). Compte tenu de ces indications, on ne peut guère supposer pour cette montagne qu'une altitude comprise entre 1100 et 1500 m au-dessus de la mer, ce qui implique nécessairement un monde plat si l'on veut qu'elle soit visible ne serait-ce qu'au niveau des côtes de l'île.

Pas étonnant que Tolkien précise que les Númenóriens aient été plus versés dans l'escalade des nombreuses falaises de l'île que dans l'alpinisme à proprement parler...

E.

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#117 26-10-2021 16:27

Erendis
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Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Merci pour cet ajout ! (je n'ai pas encore pris le temps de le lire hmm)

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#118 30-10-2021 13:14

Erendis
Inscription : 2020
Messages : 27

Re : De la réfraction cartésienne aux châteaux de fées : la position de Númenor

Je suis retombée sur ce morceau d'interview de 1964 par la BBC que Druss avait déjà fait remonter dans ce fil (https://www.jrrvf.com/fluxbb/viewtopic. … 069#p89069) :

[...] si Númenor fut submergée, et le paradis terrestre déplacé, alors ensuite, vous pouvez alors naviguer jusqu’en Amérique ! [incompréhensible] le monde devint rond… Voyez-vous, ça avait toujours été un vaste globe. Mais les gens pouvaient maintenant naviguer tout autour, découvrir qu’il était rond… C’était ma solution à… Je voulais aussi donner à une forme d’Atlantide une application universelle.

[...] if Númenor was drowned and the earthly paradise was moved, and so then you could then get to sail to America! [unclear] the world became round ... You see, it always had been a vast globe. But people could now sail around it ... discovered it’s round, and that was my solution to the ... I also wanted to give the form of Atlantis some universal application.

Pour l'entendre :
https://youtu.be/bzDtmMXJ1B4?t=2123

J'ai l'impression qu'il dit que chose après "solution to the" mais que c'est inaudible, et non qu'il garde sa phrase en suspend, qu'en pensez vous ?


J'en profite pour vous faire part d'un "nouveau" constat :

A priori, pour Tolkien, la description de la vision de la "cité blanche" (identifiée comme Avallonë sur Tol Eressëa) était tout à fait compatible avec un monde sphérique, puisqu'on retrouve cette notion dans The Drowning of Anadûnê (HOME 9), qui est un texte antérieur et qui prend place dans un paradigme affiché d'un monde sphérique :

for at times when all the air was clear and the sun was in the east they could descry, as them seemed, a city white-shining on a distant shore, and great harbours, and a tower. But this only from the topmost peak of their island could the far-sighted see, or from some ship that lay at anchor off their western shores, as far as it was lawful for any mariner to go

and at times, when all the air was clear and the sun was in the east, they would look out and descry far off in the west a city white-shining on a distant shore, and a great harbour and a tower. For in those days the Númenóreans were far-sighted; yet even so it was only the keenest eyes among them that could see this vision, from the Meneltarma, maybe, or from some tall ship that lay off their western coast as far as it was lawful for them to go.

Drowning of A. §16

Akallabêth §12

Cela n'implique en rien la rotondité d'Arda dans le contexte d'écriture de l'Akkalabêth, mais je trouvais l'information intéressante smile

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