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#1 02-05-2003 15:14

Ylla
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L'hymne à Elbereth

[Édit (Yyr) 2021 : ce fuseau est l'un des nombreux rejetons de l'arbre initial de la traduction des poèmes]

Bravo tout le monde, voilà qui est autrement réjouissant que les innommables traductions de Ledoux ! Et puisque personne n'a l'air de s'intéresser au magnifique et désespérant poème de Gildor (chap III), je fais une tentative. Désolée pour les pourfendeurs d'écarts au texte, je n'ai pas eu le choix (je voulais avant tout que ça ressemble à de la chanson plus qu'à de la traduction).

Snow white ! Snow white ! O lady clear !
O queen beyond the western seas !
O light to us that wander here
Amid the morld of moven trees !

Neige blanche ! Neige blanche ! O dame de lumière !
O reine d'au-delà les mers éternelles !
Etoile de l'exil en terres étrangères
Les forêts de toile au vertes ombelles !

Gilthoniel ! O Elbereth !
Clear are thy eyes and bright thy breath !
Snow white ! Snow white ! We sing to thee
In this far land beyond the sea.

Glithoniel ! O Elbereth !
Ton souffle est lumière, tes yeux brillante averse !
Neige blanche ! Neige blanche ! Entends notre appel
De la terre d'exil aux plaintes éternelles.

O stars that in the Sunless Year
With shining hand by her were sown
In mighty fields now bright and clear
We see your silver blossom blown !

Etoiles que semèrent ses doigts sur la terre
Que ne brillent les âges de l'astre du jour
Pleuvez sur les champs d'un vaste univers
Vos lueurs d'argent fleuriront toujours !

O Elbereth ! Gilthoniel !
We still remember, we who dwell
In this far land beneath the trees
Thy starlight on the western seas.

O Elbereth ! Gilthoniel !
Longtemps chanterons, oubliant nos peines
De nos terres d'exil aux vastes ombelles
Les astres d'argent des terres immortelles.

Bon, alors, quelques précisions. Comme je l'ai dit, j'ai trouvé impossible de traduire fidèlement chaque mot, principalement à cause de ces répétitions à tout bout de champs. Donc j'ai préféré changer les mots répéter pour en mettre d'autres que je pourrais répéter quand même (ou remplacer par des mots de sens et de sonorité proche). Pour la versification : j'ai choisi le décasyllabe (sauf les cinquième et treizième vers, ou j'ai préféré garder l'apostrophe telle quelle, et au sixième vers où j'ai rajouté une syllabe pour équilibrer avec celui d'avant), avec une coupe 5/5, pour le rythme : cela reste une chanson, j'ai privilégié la musicalité. C'est aussi pour cela que j'ai introduit un grand nombre d'élisions, plus musicales ici à mon avis qu'une stricte versification classique. Au premier vers, j'entendais "Neig' blanch' ! Neige blanch' ! O Dam' de lumière !", ce qui préservais le crescendo de la première strophe.

Voilà, je crois que c'est tout. Si les traducteurs de "The road goes ever on and on" sont intéressés par une nouvelle suggestion,j'en ai mis une dans le fuseau [ad hoc]. Personnellement je suis partisane d'une traduction libre des poèmes, quelque chose qui pourrait se rapprocher de ce que Tolkien aurait écrit s'il avait été français et n'avais pas eu de sens précis à restituer. Et en tous cas, pour l'anecdote, je trouve la traduction de Ledoux mauvaise d'un bout à l'autre, le style de Tolkien massacré, mais alors dans ce poème, le "Brillants sont tes yeux et claire ton haleine" (sans commentaire), ça m'a achevée.

Salutations à tous,

Ylla

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#2 03-05-2003 00:52

Moraldandil
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Re : L'hymne à Elbereth

Je crois plutôt que personne n'avait encore osé pour l'hymne à Elbereth… Aucune traduction n'est facile, mais celle-là pose des problèmes particuliers. D'une part, c'est un chant de louange, presque une action de grâces, d'une tonalité très exaltée qu'il n'est pas aisé de reproduire sans tomber dans le grotesque. D'autre part, si l'on se place dans l'optique d'une traduction destinée à être insérée dans le texte principal (et non d'une œuvre indépendante), cet hymne fait l'objet de contraintes particulières. On en retrouve un autre fragment, cette fois en sindarin, dans le début du livre 2 : « A Elbereth Gilthoniel / silivren penna míriel / o menel aglar elenath ! » etc. A la fin du SdA, dans le chapitre "Les Havres Gris", les deux parties apparaissent même mêlées. L'unité des deux est renforcée par l'emploi du même mètre en anglais et en sindarin, à savoir le tétramètre iambique. En français, il me paraît indispensable, dans cette optique, de faire appel à l'octosyllabe, quitte éventuellement à modifier la structure strophique si l'on manque de place (on est plus libre sur ce plan car le fragment anglais et le sindarin sont déjà différents à cet égard).

Tu t'éloignes vraiment énormément du contenu… ce n'est plus le même texte, et le style n'est pas non plus conservé, l'anglais reste beaucoup plus simple quoique toujours élevé. Qu'une traduction poétique nécessite certaines libertés, soit, mais certaines seulement, et il est souhaitable que la distance entre l'original et la version soit minimale. Par ailleurs, ce poème n'est pas une chanson, c'est un hymne et son contenu importe : il y a un sens précis à restituer. Par exemple, que viennent donc faire ici ces ombelles ? De plus, les "répétitions à tout bout de champ" ne sont pas là pour rien, elle structurent le poème et contribuent à son aspect musical ; je pense qu'il est inutile d'insister sur l'importance de la répétition dans le chant.

Quant à la versification de l'original, elle est classique et très régulière : quatrains de tétramètres iambiques rimés. On doit en tenir compte dans le choix de la forme en traduction française afin de produire un effet comparable.

Pour ce qui est de la traduction du SdA par Francis Ledoux, personne ne niera je pense qu'elle est inégale et présente des erreurs peu excusables. "Haleine" est effectivement mal choisi ici vu ses résonances assez négatives, un terme comme "souffle" aurait certainement mieux convenu. De là à la qualifier son travail d'"innommable" ou de "massacré", il y a un pas que je me garderai bien de franchir ; mon jugement s'est d'ailleurs adouci avec le temps, entre autres parce que j'ai pris meilleure mesure de la difficulté de la chose. Le style de Tolkien me semble loin d'y être entièrement perdu ; les poèmes sont un cas particulier (raison d'être de ce fuseau en vérité), où l'absence de traduction résulte peut-être de la simple prudence face à un univers qu'il ne pouvait complètement saisir : il faut se souvenir qu'il ne disposait pas du Silmarillion. Je l'imagine assez perplexe face à toutes les allusions contenues dans le chant d'Eärendil... La traduction du Silmarillion par Pierre Alien est bien pire, et autant je pense que celle de Francis Ledoux pourrait devenir fort agréable après une correction minutieuse (je dis bien correction et non réécriture), autant j'en doute pour Pierre Alien. Pour ces questions, voir aussi les fuseaux :

Moraldandil

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#3 03-05-2003 20:46

Ylla
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Re : L'hymne à Elbereth

Moraldandil, tu es sûr que ce n'est pas une chanson ? Hymne ou pas, il me semble que la compagnie de Gildor le chante en marchant, et que le texte présente quelques caractéristiques d'une chanson (répétitions surtout). A part ça, je reconnais que tes critiques sont fondées, d'autant plus volontiers que je n'ai adopté la forme libre qu'en désespoir de cause, après m'être lamentablement cassé les dents sur une versification classique. Impossible de remplir des alexandrins en traduisant des octosyllabes ; impossible de ne pas déborder d'octosyllabes, ou même parfois de décasyllabes. Je voulais tout de même expliquer rapidement pourquoi j'avais persévéré au lieu de m'arrêter là.
Je ne suis pas certaine qu'une stricte versification classique en français rende le même effet que la versification classique en anglais(peut-être peut-on rendre l'effet du vers iambique par un alexandrin de rythme 3-3-3-3, mais ici ce n'était pas possible). Le vers classique français est loin d'avoir la même musicalité, les variation des accents étant beaucoup moins marquées, par exemple. En vérité l'effet obtenu est plus facilement la sécheresse que l'exaltation ; on aurait quelques difficultés à psalmodier un vers classique, ce qu'on ferait beaucoup plus facilement avec des poèmes d'Apollinaire, par exemple. Quitte à renoncer au clacissisme, j'ai trouvé que l'effet de balancement des iambes était beaucoup plus facile à rendre avec quelques ellisions, et une coupe 5/5.
Pour le niveau de langage : effectivement, ça laisse à désirer, notament parce que je n'ai pas trouvé l'équivalent des tournures archaïques comme "thy etc". Je continue à me creuser, mais ça ne vient pas tout seul (si quelqu'un a une suggestion...)
Reste à m'expliquer sur les termes. J'ai parlé des ombelles parce que Tolkien a l'air de bien aimer les ombelles ; elles apparaissent dans d'autres poèmes, notamment le lai de Tinuviel, en tous cas assez souvent dès qu'on entend parler de forêts. Et je vous présente mes plus humbles excuses pour les allusions à la pluie, et le "oubliant nos peines" de la dernière strophe (il me semblait qu'on avait dans une certaine mesure affaire à un chant d'espoir, et je me suis permis de le préciser parce que je ne trouvais pas que ça dénaturait le sens général, mais je reconnais que ça n'a pas trop de rapport avec le texte). Je vais essayer de me débarrasser de l'"averse", qui m'a surtout servi à tordre le cou aux vers les plus difficiles à trouver. Pour le reste, j'ai repris des termes récurrents dans les discours des Elfes. Avec l'opposition entre "plaintes" et "oubliant nos peines", je voulais par exemple montrer l'espoir, le regret de leur exil, l'amour qu'ils gardent malgré tout pour Elbereth. Tu vois, Moraldandil, je ne me suis pas totalement désintéressée du sens, même si je n'ai pas trouvé moyen de le rendre au mot pour mot. Je vais essayer de retravailler ça, et si quelqu'un a des suggestion, je suis toute ouïe.

Petite disgression sans rapport avec le sujet concernant la traduction de Ledoux : je me permets de la critiquer parce que j'ai effectué la comparaison au mot pour mot sur une bonne partie du texte, et j'ai trouvé qu'effectivement, il semble s'être relu très vite. Les maladresses abondent, le jeu sur les différences de registre n'est presque jamais pris en compte, sans parler des contresens qui n'étaient pourtant pas si difficiles à éliminer, bref, même si le travail était difficile, il n'excusait pas tout. Cela dit, j'ignore de combien de temps Ledoux a disposé, et quelles étaient ses contraintes. Et si je persiste à condamner son travail sur les poèmes, je reconnais volontiers qu'il avait des excuses.

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#4 05-05-2003 02:37

Ylla
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Re : L'hymne à Elbereth

Après relecture quand même, je vois que tu as vraiment raison, Moraldandil, j'ai un peu abusé. Voilà une nouvelle version, encore un peu d'huile de ménage, je ne sais pas ce que ça vaut mais j'ai essayé de supprimer les écarts au texte les plus énormes. Par contre je n'arrive toujours pas à adapter à la versification classique sans que ça ait l'air poussif. Point du rythme, le poème français que je trouve le plus proche est "La mort des amants", de Baudelaire, qui a justement une coupe 5/5. Pour le moment je ne trouve pas de solution plus élégante.
Version reprise, donc :

Neige blanche ! Neige blanche ! O Dame de lumière !
O Reine d'au-delà des mers éternelles !
Etoile de l'exil des terres étrangères
Des forêts de toile aux vertes ombelles !

Gilthoniel ! O Elbereth !
Tes yeux sont lumière, ton souffle argent céleste !
Neige blanche ! Neige blanche ! Entends notre appel
De la terre d'exil aux ombres mortelles.

Etoiles que semèrent ses doigts sur la terre
Que ne brillent les âges de l'astre du jour
Fleurissent les champs de vaste lumière
En lueurs d'argent, que nos yeux parcourent !

O Elbereth ! Gilthoniel !
Longtemps chanterons, ors que fin ne prenne
L'exil de ces terres aux vastes ombelles,
Les astres d'argent des terres immortelles.

Voilà. Je ne suis pas certaine qu'"ombelles" soit l'écart au texte le plus gênant, mais si vous avez une autre idée... Pour le reste, j'ai rendu l'idée de "far" par "l'exil", de "bright" par "argent céleste" à la strophe 2, parce qu'il me semble que le souffle d'Elbereth est clairement associé aux étoiles entre les strophes 2 et 3 ("bright" est répété, et le "blown" du vers 12 rappelle "breath").
Pour les "ombres mortelles", c'était pour la rime, et je crois que ce n'est pas incohérent avec le texte, puisque c'est lors de l'exil que Manwë a évoqué l'ombre de la mort. J'ai gardé éternelles/mortelles/immortelles à la rime à la place de "sea", parce que je ne pouvais pas faire rimer "mer" et que ces mots étaient ceux qui montraient le mieux la séparation d'avec Valinor ("sea" étant la séparation par excellence, puisqu'il s'agit de la frontière), puisque cette séparation consistait justement en un passage des terres immortelles aux terres mortelles.

PS : est-ce que quelqu'un aurait la traduction de l'hymne en sindar, "silivren penna miriel etc" ?

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#5 05-05-2003 16:17

Finrod
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Re : L'hymne à Elbereth

O Elbereth Starkindler, white-glittering, sparkling like jewels, the glory of the starry host slants down. Having gazed far away from the tree-woven lands of Middle-earth, to thee, Everwhite, I will sing, on the side of the Sea, here on the side of the Ocean.

La traduction est semble-t-il donnée dans The Road goes ever on, mais si comme moi tu ne l'as pas, tu peux chercher des infos sur le sindarin sur Hiswelókë (ce que j'ai fait) et notamment le fantastique outil qu'est Dragonflame (avec le corpus de la langue).

Laurent

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#6 05-05-2003 21:20

Moraldandil
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Re : L'hymne à Elbereth

Il n'y a a guère de doute quant à la nature d'hymne de ce texte : il y a invocation de Varda/Elbereth, rappel et glorification de son rôle démiurgique d'Enflammeuse d'étoiles. Dans The Road Goes Ever On justement, Tolkien dit ceci de la partie en sindarin : « This is the opening verse of a chant or hymn, addressed to Varda/Elbereth, evidently similar to that heard by the hobbits in the Shire ». Donc : une psalmodie, un hymne. Plus tard dans le texte, Tolkien parle de l'association de cet hymne aux "pèlerinages" des Elfes aux Collines des Tours (Emyn Beraid) pour y regarder vers l'ouest dans le palantír...

Pour une analyse poussée du texte, vois par exemple le http://ardalambion.fr.free.fr/elbereth.htm " target="_new">commentaire de A Elbereth Gilthoniel sur Ardalambion.fr, traduction d'un article en anglais de Helge K. Fauskanger ;-)

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#7 22-05-2005 21:49

Moraldandil
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Re : L'hymne à Elbereth

[édit (Yyr) 2021 : fusion de deux anciens fuseaux entre eux]

Je me suis essayé à rendre en français l’Hymne des Elfes à Elbereth, chanté par la compagnie d’Elfes menée par Gildor Inglorion que rencontrent Frodon, Sam et Pippin un nuit dans les bois au début de leur voyage vers Fondcombe. Il est évidemment apparenté à l’hymne en sindarin (A Elbereth Gilthoniel / silivren penna míriel...) qui apparaît dans le premier chapitre du deuxième livre du SdA : des vers de deux parties, en sindarin comme en parler commun (représenté par l’anglais / le français), apparaissent mêlés dans le dernier chapitre « Les havres gris ».

Dans la version originale, les vers anglais et sindarins ont exactement la même forme, ce sont des tétramètres iambiques accentuels. La partie chantée par la compagnie de Gildor se compose toutefois de quatrains, alors que le fragment sindarin comporte sept vers en continu. Peut-être cette différence de forme est-elle liée à un rôle différent dans le chant : la partie qui nous est livrée en sindarin pourrait être un refrain.

La traduction poétique de cet hymne n’est pas aisée, d’abord parce qu’il faut exalter Elbereth sans verser dans le grotesque, ensuite pour une raison de forme. Comme la version traduite dans le langage du lecteur (en français dans notre cas) et celle en sindarin font partie d’un même ensemble, il est souhaitable d’employer un vers notamment similaire au tétramètre sindarin, qui sert de référence intangible. En français, l’octosyllabe s’impose. Mais il devient alors très difficile de tout faire tenir dans des quatrains, surtout si l’on s’impose des rimes – ce qui est souhaitable, l’original étant en rimes croisées.

Pour cette raison, j’ai opté pour une forme différente de l’original tout en restant compatible avec le sindarin. J’ai remplacé les quatrains par des sizains, avec un schéma simple de rimes plates (de sorte que les sizains ne sont pas malheureusement bien caractérisés). Cela me donne plus de place ; un peu trop en fait et il m’a fallu broder par endroits... J’espère que le résultat ne sera pas trop tarte à vos yeux ! Il ne me satisfait pas trop, mais cela fait longtemps que je suis sur cette traduction et je n’arrive pas à faire mieux.

Hymne des Elfes à Elbereth Gilthoniel

Elven Hymn to Elbereth Gilthoniel

Ô Blanche-neige ! Ô Dame claire !
Ô Reine par delà les Mers !
Ô Lumière lointaine à l’Ouest
Pour ceux-là d’entre nous qui restent
En ce monde à vagabonder
Parmi les arbres emmaillés !

Gilthoniel ! Ô Elbereth !
Clairs sont tes yeux d’enchanteresse
Et vif est ton souffle profond !
Ô Blanche-neige ! nous chantons
Pour toi dans un pays lointain
Séparé par les flots marins.

Ô étoiles qui dans l’An
Sans Soleil, de ses doigts brillants,
Lumineuses fûtes semées,
En des champs venteux essaimé
Clair et scintillant, nous voyons
L’argent de votre floraison

Ô Elbereth ! Gilthoniel !
Nous gardons encore, éternel,
Nous qui habitons ce pays
Lointain sous les arbres blotti,
Le souvenir de ta lumière
D’étoiles à l’Ouest sur les Mers.

Snow-white! Snow-white ! O Lady clear !
O Queen beyond the Western Seas !
O Light to us that wander here
Amid the world of woven trees !

Gilthoniel ! O Elbereth !
Clear are thy eyes and bright thy breath !
Snow-white ! Snow-white ! We sing to thee
In a far land beyond the Sea.

O stars that in the Sunless Year
With shining hand by her were sown,
In windy fields now bright and clear
We see your silver blossom blown !

O Elbereth ! Gilthoniel !
We still remember, we who dwell
In this far land beneath the trees,
Thy starlight on the Western Seas.

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#8 23-05-2005 15:36

Laegalad
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Re : L'hymne à Elbereth

Mmm… ardu en effet. On ne s’y attaque pas sans risque. Et je crains que nous n’ayons pas le même postulat de départ :)
En effet : nous sommes devant un hymne. Et un hymne, c’est un chant. Où les paroles sont aussi importantes que la mélodie (surtout chez les Elfes dont on connait le pouvoir de chant !). Or, si dans la mélodie, on peut, à la limite, rajouter ou retrancher une syllabe (il suffirait de dire « Ô Dame claaaire », ou de faire quelques élipses : « Ô Dam’ Claire » :)), rajouter des vers aux strophes, ça change complètement l’air… et on ne reconnaît plus le chant.
Donc la véritable solution serait de pouvoir conserver 1. le nombre de syllabes, 2. le nombre de vers ; et bien entendu 3 ; le sens. Tu me diras, c’est vrai pour tous poèmes, mais encore plus pour celui-ci.
C’est là qu’on se heurte au problème de la langue-française-qui-prend-beaucoup-plus-de-place-que-l’anglais. Parce qu’évidemment, tout traduire, ça ne rentre pas sans rajouts de syllabes — ou de vers, comme tu as fais.
Je préfère, personnellement, faire une traduction moins littérale et perdre un peu de sens, mais garder le rythme, primordial et essentiel.
Bon, évidemment, niveau rythme, tétramètre iambique, ça n’existe pas en français.
J’entends une voix : « que signifie ce nom barbare ? » :) Un tétramètre iambique,  c'est u_|u_|u_|u_ . Pas plus clair ? Il s’agit en fait d’une suite de quatre pieds (unités rythmiques), chaque pied ayant deux accents, un faible, un fort (en gras ci-dessous) :

Snow-white ! Snow-white ! O Lady clear !

Plus marquant encore est celui de la marche des Ents, que je crains intraduisible en français :

We come, we come, with roll of drum
Ta runda runda runda rum

D’autre part : l’original n’est pas en rimes croisées (ABAB) :) ! Pas entièrement du moins : les strophes impaires le sont, certes, mais les strophes paires sont en rimes plates (AABB).
Je ne livre pas tout de suite ce que ça donne pour moi, sachant que ça ne date que de la pause de midi et que ça n’a pas décanté :)… Je reverrai ça ce soir.

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#9 24-05-2005 15:24

Laegalad
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Re : L'hymne à Elbereth

Après une autre pause déjeuner, voici le résultat :

Ô Blanche Neige ! Ô Dame claire !
Reine, Lumière, pour nous exilés
Errant loin de l’Ouest, loin des Mers,
Dans ce monde d’arbres emmêlés !

Gilthoniel ! Ô Elbereth
Aux yeux clairs, au souffle caresse !
Nous chantons pour toi, Neige Claire,
Dans un pays loin de la Mer.

Ô étoiles que, en l’Année
Sans Soleil, ses mains ensemèrent,
Nous voyons vos fleurs argentées
Ventoyer dans les beaux champs clairs !

Ô Elbereth ! Gilthoniel !
Nos souvenirs restent fidèles,
Sous les arbres de cette terre,
De ta lumière sur la Mer !

Je ne vois guère comment faire autrement en obéissant à mes contraintes. Un décasyllabe aurait été plus pratique, mais « Gilthoniel ! O Elbereth ! » nous bloque sur un octosyllabe.

La première strophe est loin du mot à mot mais respecte l’idée sans broder : ce chant est empreint du sentiment d’exil, loin des mers de l’ouest. Comme je ne peux pas toujours traduire « far », le terme « exilé », assez fort, équilibre le tout. J’ai hésité à employer « Blanche-Neige », car c’est un peu trop connoté pour moi, mais c’est un nom propre (sinon il n’y aurait pas de tiret en anglais)…

Deuxième strophe, la rime imposée par « Elbereth » est assez casse-pieds. C’est normalement, en effet, un « souffle vif », et la « caresse » l’adoucie singulièrement. Et « Neige Claire »  ne traduit pas littéralement « Snow-white » ; ce serait moins embêtant si le terme n’était pas de plus déjà employé à la première strophe… mais une rime en « -eige », quand on a « In a far land beyond the Sea », ce n’est pas évident à trouver…
Je me suis aussi demandée si « We sing to thee » ne signifiait pas « Nous chantons vers toi », « dans ta direction », les Elfes se rendant aux Havres, plutôt que « pour toi », mais peut-être que ce serait « toward » à utiliser en ce sens… à moins que la contrainte de forme n’oblige au raccourci.

La troisième strophe m’a donné aussi du fil à retordre… Deux termes « rares » et « peu usité » viennent me sauver la mise (et comme il s’agit d’un poème assez… « noble », je n’ai pas eu de scrupules à les utiliser) :

  • Ensemer : il est signalé comme attesté une seule fois, en synonyme de « ensemencer », dans le TLF. Je n’ai pas sous la main le Grand Robert, peut-être est-il présenté là ?

  • Ventoyer, verbe intrans., rare. Onduler, tournoyer sous l'effet du vent. Le vent soulevait des écharpes de sable qui ventoyaient capricieusement... montaient en colonnes tordues (ARNOUX, Abisag, 1919, p. 7). P. anal. Suivre une trace sinueuse. De hauts murs, où ventoyait le lierre (ARNOUX, Écoute, 1923, p. 217).

Celui-ci me permet de rendre à la fois « windy » et « blown » (pour une fois qu’un seule terme français peut en remplacer deux en anglais :)). J’ai traduit « bright » au sens de « splendide » et non « brillant », qui est pourtant le sens désiré ici.

Quatrième strophe, je ne peux rendre « starlight », ni « in this far land », ni « Western » :| Mais comme « Elbereth », « Gilthoniel » impose une rime casse-pied, ce qui me prend deux vers… ne reste que 16 syllabes après, qui doivent rimer, ce qui m’oblige à faire des coupes franches…

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#10 26-05-2005 01:24

Moraldandil
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Re : L'hymne à Elbereth

Lægalad a écrit :

Et je crains que nous n’ayons pas le même postulat de départ :)

Pourquoi "crains" ? Au contraire, c'est très intéressant de comparer deux approches sur des fondements différents !

Je dois dire que dans mon propre essai, je n'ai pas considéré une seconde la question de l'air... Je suis resté dans une optique résolument externiste, où n'entre pas en ligne de compte une mélodie que Tolkien n'a pas composée (dans le monde primaire - à l'intérieur de l'oeuvre même, il y a assurément une mélodie). Je ne tiens pas compte des arrangements de fan-fiction qui ont bien dû être réalisés par la suite... J'ai donc pu considérer la forme en quatrains comme secondaire par rapport à la contrainte de l'octosyllabe, qui m'apparaît plus fondamentale pour les raisons que j'ai dites, et ne pas m'embarrasser d'une contrainte supplémentaire, insurmontable par rapport à mon objectif de ne pas trop mutiler le sens.

Mais dès que l'on se place dans le monde secondaire et que l'on se demande comment adapter un chant elfique à sa propre langue, les priorités changent bien évidemment. S'il faut respecter la musique de départ, l'expansion devient impossible. En étant d'assez mauvaise foi, l'on pourrait toutefois prétendre que rien ne prouve que la version sindarine d'origine était en quatrains... Tolkien ne les a peut-être choisis que pour la commodité en langue anglaise ? Son dispositif de pseudo-traduction entraîne des complications réjouissantes ;-)

Dans le cas qui nous occupe, nous touchons tous deux aux limites de la traduction, et avons déjà bien mordu sur la recréation - récréation ? :) Du point de vue de l'exactitude du sens - "traduction universitaire" en quelque sorte - nos deux versions sont détestables ;-)

Sinon, sur ta version :

Errant loin de l’Ouest, loin des Mers,

Il me semble que dire « errant loin de l'Ouest, outre Mer » s'écarterait moins du contexte. Les Elfes de Terre du Milieu qui se rendent en pèlerinage aux Emyn Beraid ne sont pas forcément loin des mers, mais ils le sont certainement de l'Ouest valinoréen.

J’ai hésité à employer « Blanche-Neige », car c’est un peu trop connoté pour moi, mais c’est un nom propre (sinon il n’y aurait pas de tiret en anglais)…

La connotation est déjà là dans l'original anglais de toute façon. Je me demande si la version allemande emploie Schneewittchen...

Je me suis aussi demandée si « We sing to thee » ne signifiait pas « Nous chantons vers toi », « dans ta direction », les Elfes se rendant aux Havres, plutôt que « pour toi », mais peut-être que ce serait « toward » à utiliser en ce sens… à moins que la contrainte de forme n’oblige au raccourci.

C'est une interprétation tout à fait plausible, il est bien possible d'ailleurs que Tolkien ait voulu jouer sur le double sens.

Ô étoiles que, en l’Année

Un peu embarrassant, ce vers... blocage d'une élision normale + coupe lyrique après un e muet prononcé, c'est plutôt déconcertant. Employer "dans" évacuerait le problème.

Nos souvenirs restent fidèles (...)de ta lumière sur la Mer !

Lire "A ta lumière", sûrement ; heureusement cela ne cause pas d'ennuis.

Et merci pour tes précisions quand à la forme de l'original... dans la hâte d'expédier le message j'avais été bien expéditif !

B.

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#11 26-05-2005 11:45

Laegalad
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Re : L'hymne à Elbereth

:)

Moraldandil a écrit :

Mais dès que l'on se place dans le monde secondaire et que l'on se demande comment adapter un chant elfique à sa propre langue, les priorités changent bien évidemment. S'il faut respecter la musique de départ, l'expansion devient impossible. En étant d'assez mauvaise foi, l'on pourrait toutefois prétendre que rien ne prouve que la version sindarine d'origine était en quatrains... Tolkien ne les a peut-être choisis que pour la commodité en langue anglaise ? Son dispositif de pseudo-traduction entraîne des complications réjouissantes ;-)

Vois-tu, il me devient de plus en plus difficile de considérer une traduction d'un point de vue "externe"... J'ai dû trop être imprégnée d'esprit Bonbadilien durant l'année (car il m'a bien fallu un an pour écrire mon article !), et c'est trop ancré en moi maintenant... Il ne m'est même pas venu à l'idée qu'on puisse faire une traduction externiste ! :) Et connaissant Tolkien, il m'étonnerait qu'il n'est pas traduit aussi fidèlement que possible la traduction faite par Frodo (ou Bilbo ?), qui lui l'a certainement faite au plus proche de la forme et du sens original. Donc... Je suis bien obligée de faire de même en français, n'ayant pas l'original sindarin ;)

Du point de vue de l'exactitude du sens - "traduction universitaire" en quelque sorte - nos deux versions sont détestables ;-)

... mais cela ne nous importe guère, n'est-ce pas ? Je ne suis pas universitaire, je n'ai que mes propres règles à suivre, et je préfère nos résultats, même imparfaits, à une plate traduction littérale. Au moins, on peut y percevoir de l'Enchantement ! Un Chant Elfique exige plus qu'un dictionnaire... il exige un esprit. Et pour cela, il n'existe pas de diplôme :)

Errant loin de l’Ouest, loin des Mers,

Il me semble que dire « errant loin de l'Ouest, outre Mer » s'écarterait moins du contexte. Les Elfes de Terre du Milieu qui se rendent en pèlerinage aux Emyn Beraid ne sont pas forcément loin des mers, mais ils le sont certainement de l'Ouest valinoréen.

Tu es dans le vrai :)

Nos souvenirs restent fidèles (...)de ta lumière sur la Mer !

Lire "A ta lumière", sûrement ; heureusement cela ne cause pas d'ennuis.

J'ai hésité : "le souvenir de ta lumière reste fidèle", ou "le souvenir reste fidèle à ta lumière" ? A pondérer, avec le temps, voir ce qui vient le plus naturellement une fois que j'aurai oublié l'avoir traduit :)

Stéphanie - en vitesse, avant qu'on ne change mon ordi :)

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#12 26-05-2005 12:09

Silmo
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Re : L'hymne à Elbereth

Lægalad a écrit :

je préfère nos résultats, même imparfaits, à une plate traduction littérale. Au moins, on peut y percevoir de l'Enchantement !

Farpaitement dit Stéphanie...!!! Et c'est d'ailleurs un plaisir de vous lire (même sans intervenir dans un domaine où l'on se sent farpatiement incompétent) :-)))

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#13 26-05-2005 13:22

Laegalad
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Re : L'hymne à Elbereth

Merci Silmo :) Et avant que quelques étoilés ne voient une aurible phôte, je m'empresse de la corriger : Bombadil :)
Stéphanie - nouvel ordi au bureau (whaa), nouveau clavier... et configuration à adapter à ma vue :)

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#14 26-05-2005 02:26

sosryko
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Re : L'hymne à Elbereth

arrrgll, pourtant il est loin le N du M sur le clavier ;-))

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#15 26-05-2005 02:31

Laegalad
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Re : L'hymne à Elbereth

Mais Bom et Bond et Bon, tu avoueras que c'est lié :)
S. - quoi, c'est capillotracté ? :)

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#16 26-05-2005 02:35

Yyr
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Re : L'hymne à Elbereth

Lægalad a écrit :

Et avant que quelques étoilés ne voient une aurible phôte, je m'empresse de la corriger : Bombadil :)

Les "étoilés" sont partis, je gage, pour pardonner absolument tout, dorénavant, à la détentrice de cette magnifique profession de foi :

Vois-tu, il me devient de plus en plus difficile de considérer une traduction d'un point de vue "externe"... J'ai dû trop être imprégnée d'esprit Bonbadilien durant l'année (car il m'a bien fallu un an pour écrire mon article !), et c'est trop ancré en moi maintenant... Il ne m'est même pas venu à l'idée qu'on puisse faire une traduction externiste ! :) Et connaissant Tolkien, il m'étonnerait qu'il n'est pas traduit aussi fidèlement que possible la traduction faite par Frodo (ou Bilbo ?), qui lui l'a certainement faite au plus proche de la forme et du sens original. Donc... Je suis bien obligée de faire de même en français, n'ayant pas l'original sindarin ;)

Hourrah ! Tom Bombadil est certainement celui à qui l'on doit vraiment beaucoup ! J'avais déjà pu observer ailleurs son influence bénéfique ;) Allez, Bertrand, rejoins-nous sur ce chemin qui serpente, bordé de fougères, et qui mène en pays de Faërie ! :)

Du point de vue de l'exactitude du sens - "traduction universitaire" en quelque sorte - nos deux versions sont détestables ;-)

... mais cela ne nous importe guère, n'est-ce pas ? Je ne suis pas universitaire, je n'ai que mes propres règles à suivre, et je préfère nos résultats, même imparfaits, à une plate traduction littérale. Au moins, on peut y percevoir de l'Enchantement ! Un Chant Elfique exige plus qu'un dictionnaire... il exige un esprit. Et pour cela, il n'existe pas de diplôme :)

Ron ... ron ... :)

Jérôme
- joie - :) :) :)

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