Épisode précédent : Stirling road

Lyme Regis et la “Côte jurassique” vers 1906.

Le Père Francis Morgan s’occupait des intérêts de Ronald et Hilary et exerçait avec bienveillance ses devoirs de tuteur. Disposant librement de ses revenus, du fait de son statut d’Oratorien, il chercha diverses formules pour apporter un peu de joie dans la tristesse du quotidien des deux enfants.

Ainsi, il organisa plusieurs étés de suite des vacances sur le littoral du Dorset, au sud de l’Angleterre, dans une petite ville côtière appelée Lyme Regis.

Le point de chute habituel du père Francis et des enfants, l’Hôtel des 3 coupes, ressemblait à un austère château médiéval. C’était cependant l’hôtel le plus réputé de la cité balnéaire et un lieu fréquenté de longue date par de nombreuses figures de la littérature anglaise.

Une carte postale publicitaire représentant l’Hôtel des trois coupes au début du siècle, et la position sur une carte de Lyme Regis vers 1905.

Encrée entre les falaises tourmentées de la « Côte jurassique » et une campagne riche et verdoyante, cette station balnéaire avait une très longue histoire.

On trouvait sur la grève et au pied des falaises de nombreux fossiles préhistoriques, et les enfants appréciaient les balades sur la plage pour en trouver des spécimens.

Un peu à l’ouest de Lyme Regis se trouvait le port du Cobb, protégé par une fameuse jetée faite de grosses pierres, rendue célèbre autant par son rôle dans l’histoire maritime du sud de l’Angleterre que par sa présence dans l’œuvre de Jane Austen.

Ronald réalisa un dessin de cette rade lors des vacances de 1906 et le parapha d’un signe qui préfigurait de plusieurs années le célèbre monogramme JRRT bien connu.

C’est au cours de vacances dans cette station balnéaire en 1907 que Ronald et Hilary, lors de discussions avec leur tuteur, purent lui faire comprendre que la vie à Stirling road, avec leur tante Beatrice, était loin d’être heureuse.

Au retour de ces vacances, le père Francis leur chercha une autre solution d’hébergement.

Une vue de Lyme Regis et du port de Cobb (à gauche) et de la campagne au dessus des falaises (à droite) sur des cartes postales des années 1905-1910.

Si les vacances d’été pouvaient être en partie consacrées à la côte sud de l’Angleterre, les vacances de Noël étaient plutôt l’occasion de retrouvailles familiales.

A partir de 1908, la famille de May Incledon, l’aînée des tantes de Ronald et Hilary, s’installa à Barnt Green, dans un vaste cottage dans les agréables collines de Lickey, à quelques kilomètres au sud du domaine de Rednal, où les enfants avaient passé un dernier été avec leur mère.

Barnt Green vers 1905, et une vue sur la gare (à droite).
Le cottage des Incledon était au milieu d’un grand jardin et devait se trouver plutôt à l’ouest de la gare, parmi d’autres belles demeures dont certaines existent toujours.

May et son mari Walter avaient deux filles, Marjorie et Mary, qui étaient du même âge que Ronald et Hilary, et qui avaient séjourné quelques temps à Bloemfontein, car Walter avait fait fortune dans les affaires en Afrique du Sud avant que n’éclate la Guerre de Boers.

Les cousins s’appréciaient beaucoup et les jeunes filles initièrent Ronald à un langage secret qu’elles avaient inventé, l’animalic. Ronald poursuivit l’expérience par la suite en inventant avec Mary le Nevbosh, une langue un peu plus élaborée.

Les retrouvailles à Barnt Green se renouvelèrent presque tous les ans, certaines fêtes de Noël restèrent dans la mémoire de la famille, telle celle de 1912, durant laquelle Ronald écrivit une pièce de thêatre qu’il fit jouer à toute sa famille.

Le cottage des Incledon devint, à mesure que Ronald grandissait, un véritable foyer et un lieu d’inspiration, comme en témoignaient les nombreux dessins et aquarelles qu’il avait réalisés durant ses séjours dans les collines de Lickey.

La carte principale est un extrait de la feuille n° LXXXIV, du Devonshire, nord-est et sud-est, révisée en 1903 et publiée en 1906.

 

Jean-Rodolphe Turlin,
le 29 décembre 2018.