Clervian
par Jean Baptiste Balleyguier

Bah c’est une nouvelle, et elle est plus ou moins bonne selon les avis, que dire de plus… ah oui c’est de la fantasy mais ça tout le monde le sait déjà… et disons que ça a pour
but un peu de créer une mythologie (un début disons) pour la France, puisque Tolkien nous reprochait de ne pas avoir su garder l’héritage nordique… à nous de la faire mentir…
Clervian roi de Losorod
Dans un pays boisé en un temps si éloigné que la mémoire des hommes ne peut s’en souvenir fut un jeune homme de lignée royale, dont le nom était Clervian. Il n’était encore à cette époque qu’un jeune garçon. Son père gouvernait son peuple de façon juste et équitable. La cité qu’il gouvernait s’appelait Losorod, elle était située sur une douce colline verdoyante au bas de laquelle coulait un fin ru d’eau claire, et grâce à cette eau poussaient de nombreuses fleurs aux couleurs éclatantes. Et les femmes du pays aimaient à s’en tresser des couronnes multicolores pour se faire belles.
Le père de Clervian aimait son fils plus que tout, il le voyait grandir en âge et raison. Il plaisait d’apprendre à son fils l’art du maniement des armes et de la chasse. C’est ainsi que Clervian aux yeux d’azur devint l’un des plus grands chasseurs dans toute la contrée que dirigeait son père. Etant encore petit, à environ 15 ans, il lui arrivait de partir en forêt avec un petit arc fait spécialement pour lui, pour chasser belettes et lapins et il revenait tout content tenant sa prise par les oreilles ou le cou, montrant son exploit à son père. Mais le caractère de son fils l’inquiétait car Clervian était de plus en plus attiré au loin par l’inconnu. Il lui arrivait de partir de plus en plus longtemps pour de longues chasses en forêt et ne revenait que le temps de se reposer chez son père. Or voilà qu’étant devenu jeune homme, en âge de prendre les armes, Clervian eu une soudaine envie. Il alla vers son père et lui dit de sa voix claire :
« Père, me voilà adulte, il m’en coûte de rester comme un enfant auprès de vous. Je veux m’en aller de votre demeure. Donnez-moi dès maintenant une partie de mon héritage, et je partirai m’établir seul. »
A ces mots son père prit un air sombre, car il savait que son fils, s’il avait atteint la taille et la force d’un adulte de son peuple, n’avait encore que l’expérience d’un enfant. Mais il l’aimait, et il ne lui refusa pas ce qu’il demandait, sachant qu’il s’en irait de toute façon.
Clervian partit de bon matin. Il avait dans une bourse une belle somme d’argent que lui avait donné son père. A son côté pendait son épée qui n’avait encore jamais été rougie du sang d’un être vivant, et il l’avait nommé Virgal. Il monta en selle et avança vers la sortie. Avant de franchir l’enceinte de la maison, ses yeux croisèrent le regard de sa mère, des larmes coulaient de ses yeux et descendait jusqu’au coin de sa bouche. Pour ne pas faiblir devant cet amour maternel, il fit son visage dur comme s’il était de pierre, détourna la tête et sortit au galop.
Son chemin n’avait pas de but, il laissait son cheval le guider, allant par les bourgs et les hameaux des environs. Vint le jour où il dépassa toutes les terres qu’il avait déjà parcourues avant son départ. Il entra dans une forêt clairsemée où la lumière était tamisée par les hautes branches des arbres. Clervian aimait ces lieux où son esprit pouvait s’égarer sans risque d’être dérangé.
Vivant de sa fortune, et se souciant peu de l’avenir, plantant sa tente où il voulait, Clervian passa ainsi un an et demi. Il chassait parfois pour s’amuser dans cette belle forêt, cela le détendait mais jamais il ne chassait pour se nourrir. Sa nourriture, Clervian préférait l’acheter dans les hameaux qui longeaient l’orée du bois, ne demandant que les mets les plus chers, les vins les plus fins car il n’avait pas l’habitude de manger autre chose que cela.
Un jour Clervian épuisa sa fortune, et il contracta des dettes auprès des commerçants. Si bien que ceux-ci finirent par le chasser de la région et il s’enfuit vers le Nord où la forêt se fait plus dense. Il commença à chasser pour se nourrir, mangeant de la viande presque crue car il n’allumait du feu que difficilement. A vivre ainsi dans la forêt, les sens de Clervian s’affinaient : son ouïe percevait au loin un envol de canards sur un étang, et ses yeux s’accoutumaient très vite à l’obscurité, et même la simple silhouette d’un cerf au loin ne lui passait pas inaperçue.
Ses habits tombaient en lambeaux, car il n’avait jamais acheté d’habit neufs au moment où il possédait encore un peu d’argent de son père.
Alors il rejoignit une ville où il n’était pas connu et devint porcher : il devait mener les porcs manger les glands tombés des arbres. Pendant ce temps il aimait à s’allonger au pied d’un arbre, et à chanter quelques petites chansons qu’il connaissait. Il pensait par ce travail gagner suffisamment pour se racheter des vêtements neufs, mais un événement ne lui permit pas. Voilà ce qui se passa.
Profitant d’un moment de répit, Clervian pris son arc (qu’il avait pris avec lui avant de partir) et partit chasser comme souvent dans la forêt. Comme à son habitude il se mit à écouter attentivement les sons qui perçaient le silence de la forêt. Et voilà qu’il entendit comme les bruits d’une biche qui serait en train de marcher à quelques pas de lui, puis des feuilles remuèrent à sa gauche. Quelques secondes après de nouveau une branche bougea mais cette fois à sa droite, puis plus rien. Intrigué par la rapidité de cet animal, Clervian bandât son arc doucement et se remit à écouter plus attentivement encore, pour être prêt à tirer dès qu’il entendrait de nouveau un bruit.
Son attente ne fut pas longue, car à une dizaine de mètres il entendit un bruit furtif mais audible aux oreilles affinées de Clervian. Alors Clervian laissa partir la flèche : et celle si sifflait dans le vent, jusqu’à atteindre un but que Clervian ne voyait pas, même avec ses yeux fins de chat. Tout ce qu’entendit Clervian fut un petit cri de douleur, que sa victime avait poussé en tombant. Le chasseur couru à travers les branches, et atteignit un chêne deux fois centenaire, et à son pied se tenait un être étrange : il avait l’apparence d’un homme, mais d’une finesse que même les hommes les plus nobles ne peuvent égaler, ses cheveux étaient blonds et fins, et dans ses yeux la mer avait imprimé un doux reflet bleuté. Sa peau n’avait aucun hâle et ses doigts étaient d’une grande finesse comme le sont ceux des plus grands artistes humains et il s’agissait d’un elfe mais cela Clervian ne le savait pas, ne sachant pas qu’ils existaient.
Clervian n’osa parler car l’elfe lui inspirait quelque crainte, il se voyait comme un sauvage auprès d’un être d’une si grande finesse . En effet Clervian était un homme d’une grande robustesse, le font très large, les cheveux jais et épais, les bras forts. Et deux tresses battaient ses tempes de chaque côté, comme il était de coutume alors dans son peuple.
L’elfe pris la parole, il parlait dans la langue de Clervian, d’une voix toute cristalline :
« Ne viendras-tu pas m’aider, Ô fils des hommes ? Car mon sang coule sur le sol et je ne pourrais soigner ma blessure sans ton aide »
Car la flèche de Clervian avait atteint l’elfe à la cuisse et il perdait abondamment son sang.
Alors Clervian se penche sur lui, il brisa la pointe de la flèche et son empennage de sorte qu’il ne reste plus qu’un morceau de bois au travers de la cuisse. Il pose celle-ci sur un épais lit de feuilles et se met à observer la blessure.
En silence il prit un poignard qui pendait à sa ceinture, et doucement élargit la blessure de part et d’autre de la jambe transpercée pour pouvoir ensuite retirer doucement la flèche et essuyer la plaie. L’elfe parla de nouveau très doucement(car il avait enduré cette douloureuse opération en silence). Il indiqua à Clervian quelques plantes qui poussaient aux alentours et dont il connaissait les vertus cicatrisantes. Clervian obéit, cueillit les plantes, en fit un cataplasme dont il enduit les deux plaies de la jambe. Les lambeaux qui lui servaient de vêtement lui permirent de faire un rapide pansement.
Voyant qu’il était sans défense, Clervian se risqua à parler et posa une question :
« Qui est tu, toi qui m’intrigues tant ? »
A cela son interlocuteur eut un petit rire :
« Les humains ont-ils la mémoire si courte qu’ils oublient aussi vite qui sont les Elfes ? Car les hommes nous connaissent depuis longtemps. J’en veux pour preuve, Ô Clervian la couleur de tes yeux qui sont bleus comme le ciel, et l’acuité de tes sens et cela montre que du sang elfe coule dans tes veines »
A l’appel de son nom, Clervian recula d’un pas brusque et reposa sa question « Qui êtes-vous donc ? »
– Ne te l’ai-je déjà dit ? Je suis un elfe et mon nom est Indolissë car je suis l’un des plus doux parmi les miens, et mon cœur et pur comme l’est notre sœur la lune.
– Et mon nom, comment le connais-tu, car je ne t’ai jamais vu et tu m’appelles par mon propre nom comme si tu me connaissais depuis déjà quelques années.
– Ce que tu dis là est plus vrai que ce que tu ne le penses, répondit Indolissë, car je t’observe depuis déjà dix ans et j’ai pour ordre de te ramener au milieu de mon peuple au temps opportun, et je pense que ce temps est arrivé. »
Alors Clervian fut pris d’un doute, car il ne savait que choisir. Sa prudence lui indiquait de quitter Indolissë au plus vite, car il ne savait rien de lui et de cette race que sont les Elfes. Mais son désir eut le dessus, et c’est bien ce qu’espérait Indolissë. Ce dernier lui inspira confiance par sa douceur. Il fallut faire monter Indolissë sur le cheval de Clervian, car il souffrait de sa blessure et ne pouvait marcher. Notre ami fut grandement étonné car son cheval ne bronchait alors que de coutume il n’acceptait sur son dos que Clervian seul. Il semblait que ce cheval connaissait Indolissë comme un ami, et ce dernier lui glissait à l’oreille quelques mots de douceur qui semblait plaire à l’animal.
Ils ne firent que peu de chemin ce jour-là et durent attendre le lendemain au petit jour pour entamer un long parcours. L’elfe le mena à travers toutes sortes de chemins tortueux et sombres au milieu de la forêt. Ils prirent des chemins détournés au milieu des broussailles, et perdaient souvent toute trace d’un chemin, mais Indolissë semblait savoir où il allait. Clervian tenant le cheval par la bride marchait à ses côtés.
Ils allèrent ainsi sans relâche, plusieurs jours durant, et Indolissë lui donna toutes sortes d’explications sur les Elfes et les temps passés. Ainsi Clervian appris que les Elfes sont des êtres qui ne connaissent pas de mort naturelle, et qu’ils apparurent quelques temps avant les hommes. Ils ont des connaissances et des arts bien plus raffinés que les hommes, et cette race leur semble souvent grossière par leurs attitudes.
Il lui expliqua comment plusieurs dizaines de siècles auparavant, Elfes et hommes vivaient en bonne entente, et comment ils s’échangèrent de nombreuses connaissances. Car les hommes ont des connaissances limitées mais sont si proches de la Nature que les Elfes s’y intéressaient fortement.
Indolissë lui expliqua encore qui était Malvek, un être extrêmement puissant (il n’est pas un elfe mais un être spirituel qui était revêtu d’une grande lumière que seul l’âme peut percevoir, et il pouvait prendre forme humaine quand il le désirait), qui s’était détourné de toute forme de bien. Et comment il entraîna avec lui des légions d’êtres semblables à lui, mais qui lui étaient inférieur en puissance et en lumière.
Nombreux sont ses méfaits contre les Elfes et les hommes, les créatures bien aimées d’Es, le grand créateur de toutes choses, et Malvek se complut dans l’ombre de sa méchanceté et de son orgueil. Malvek se voulait le roi de ce monde, et il mettait toute sa puissance à pervertir le cœur des Elfes et des hommes pour se les asservir. Mais sa royauté ne tiendra pas longtemps, car il est dit qu’il sera renversé par une royauté qui est service et non asservissement.
Malvek asservissait en tissant des maléfices de mensonges mêlés de vérité, car en tout Malvek a la vérité pure en horreur, car elle le dévoilerait et le rendrait vulnérable à toutes les attaques. On dit qu’il ment même à ceux qu’il a pervertit pour les garder en son pouvoir (mais cela est en vérité inutile, car leur choix est définitif, et il est dit que jamais ils ne quitteront le service de Malvek, et c’est pourquoi ils sont redoutables).
Si Hommes et Elfes se laissent prendre au piège, c’est à cause de la part vraie qui réside dans les mensonges perfides de Malvek. Seuls ceux qui ont le cœur pur peuvent discerner le mensonge, et c’est le cas de la plupart des Elfes et de certains Hommes.
Pourtant raconta Indolissë, il y eu un temps où Malvek réussit à pervertir le cœur de la plupart des Hommes et les monta contre les Elfes dans des armées innombrables. Il y eut des batailles où beaucoup de sang des deux espèces fut versé, et les larmes des femmes et des enfants inondaient le sol après la bataille quand ils retrouvaient l’un ou l’autre de leur mari ou fils tombé là dans l’indifférence. Mais Malvek était rentré dans le cœur des Hommes et nul chagrin ne les arrêta, mais au contraire leur fureur augmenta d’autant, et Malvek faisait ses volontés à travers eux.
Mais voilà que Celui qui créa le monde, Es, ne souffrit plus que ses enfants (car il les appelle ainsi), s’entretuent. Et pour la première fois depuis qu’il créa le monde, il intervint dans le monde et il sépara les Elfes et les Hommes. Les Hommes furent bannis, et il fut dit qu’ils ne verraient plus les Elfes jusqu’à ce qu’ils soient apaisés de leur colère mortelle. Le monde fut changé à leur yeux, car un sort fut jeté sur eux pour qu’ils ne voient qu’une partie du monde, et même s’ils s’élevaient dans les cieux les plus hauts et dans les mers qui sont au-dessus des cieux, ils ne verraient pas le monde comme il l’était avant, à moins que le sort disparaisse. Maintenant le monde leur semble triste, car tout ce que les Elfes ont créé leur plaisaient, et souvent avant leur colère, ils se rendaient dans les demeures des Elfes et ceux-ci les recevaient avec joie. Ces sorts qu’Es a tressé empêchent les Hommes de voir les êtres maléfiques de Malvek, et inversement. Mais l’influence de ces êtres immondes est si forte qu’elle arrive parfois à percer ce mur, et les Hommes se mettent à commettre des méfaits.
Les Elfes pour leur part se cachèrent dans le manteau des bois, et leur célérité les cache aux yeux des Hommes, qui sont peu perçants. Longtemps les Hommes cherchèrent à retrouver ce qu’ils avaient perdus, pris de remords pour leurs actes, mais Es resta muet à leurs prières. Si bien que les Elfes devinrent pour eux un souvenir dont ils se souviennent dans des légendes, comme s’ils n’existaient que dans leurs rêves les plus merveilleux. Ces légendes sont maintenant racontées aux petits enfants avant qu’ils ne sombrent dans les flots merveilleux des rêves. Ainsi les Elfes restèrent présents à l’esprit des Hommes. Mais vint le temps où même ces histoires disparurent de la mémoire des Hommes, qui est aussi courte que leur vie.
Ce récit rendit Clervian tout triste, à l’idée que les Hommes puissent avoir fait d’aussi sombres méfaits, et il demanda pardon pour son peuple à Indolissë, et ceci fut retenu comme le premier pas vers la Réconciliation des Elfes et des Hommes, car Clervian lui, n’avait jamais vu d’Elfes et donc ne leur avait jamais rien fait de mal. Clervian voulu commencer un récit de son départ de chez lui et de son arrivée dans le Nord, mais Indolissë l’arrêta court, car il savait tout cela et il lui dit doucement.
« Si je sais cela, c’est que mon roi m’a demandé de te suivre pas à pas, et cela je l’ai fait » mais Clervian voulu plus d’explications
« Et comment cela se fait-il que tu me suives, et pourquoi ton roi t’a-t-il donné un tel ordre à mon égard ? » demanda-t-il »
Et Indolissë de répondre prestement.
« A tes deux questions je répondrais par une seule réponse, celle-ci : mon roi a perçu dans un songe mystérieux qu’il fallait que j’amène en notre belle Cité un Homme de belle lignée en son peuple et que de cet Homme dépendrait le sort d’un grand nombre, c’est pour quoi lui obéissant je suis parti à ta recherche depuis voilà tant de temps. Quand je t’ai trouvé selon la description de mon roi, tu n’étais qu’un jeune garçon t’exerçant aux joies du tir à l’arc, et voulant toujours partir au loin par monts et par vaux ».
Au moment de la journée où la lumière se fait plus douce, Indolissë prit un air sombre, et il commença à scruter au loin. Le chemin se fit encore plus mystérieux, plongeant plus profondément encore dans la forêt. Mais Clervian ne comprenait nullement ce qui se passait, car il ne voyait rien dans la direction dans laquelle regardait l’elfe, pourtant il ne posa pas de questions et continua à suivre.
Après environ une journée de marche au plus profond de la forêt, les deux compagnons atteignirent une vaste clairière. L’herbe qui la recouvrait était verte et s’inclinait sous une douce brise. Au milieu de celle-ci, une source d’eau, et coulant hors d’un réservoir naturel un petit Ru d’eau limpide. Autour du réservoir, quatre Elfes ayant chacun une épée et un arc à portée de main, et certains s’appuyaient nonchalamment sur la pointe de leur arc, attendant sans doute quelqu’un.
Indolissë s’approcha d’eux et leur parla dans une douce langue, dont les intonations ressemblaient soit au bruit de l’air passant dans les hautes branches des arbres, soit au bruit des vagues qui se brise sur les galets de la plage. Et ce langage enchanta Clervian, car la langue des Hommes est rude, et sans grande beauté, étant surtout fonctionnel elle ne recherche pas à plaire, sauf chez certains qui vivent dans le Sud au milieu de la terre et qui reçurent un long enseignement des Elfes au temps où ils vivaient ensemble, et leur langue hybride est appréciée par bien des Hommes sur la terre. Indoissë s’approcha de Clervian et lui demanda d’aller à la source avec lui, ce qu’il fit. Plongeant une coupelle d’or dans l’eau Indolissë lui ordonna de boire, et Clervian s’exécuta. Alors se fit en lui comme une grande fraîcheur agréable, et il ferma les yeux pour profiter de ce moment. En ouvrant les yeux il fut surpris par ce qu’il voyait, car tout autour de lui semblait beaucoup plus clair à ses yeux, et la source était devenue une douce fontaine bordée d’une margelle de pierre blanche qui retenait l’eau, cela émerveilla Clervian. Les feuilles des arbres scintillaient sous la lumière du soleil. Mais Indolissë le reprit rapidement avec lui et l’emmena vers une arche de lierre que Clervian n’avait pas vu auparavant. Ils durent marcher encore longtemps dans la même direction.
Ils arrivèrent enfin à un gigantesque fossé et la route serpentait pour descendre jusqu’à une Cité, comme Clervian jamais n’en avait vu. Car celle-ci était entièrement de marbre blanc et rose, qui reflétait la lumière du Soleil. Les six descendirent vers la ville et arrivèrent à des portes si larges et si hautes, qu’une colonne dont la largeur serait de trente hommes, pourraient facilement passer sans se bousculer. Une porte pour chaque point cardinal principal et une plus petite pour chaque point cardinal secondaire. Et le haut des murs était incrustés d’une frise en émeraude en forme de branches de chêne entrelacées, et cette frise courait tout en haut des murs près de créneaux qui surplombaient toute la vallée. Au milieu de la Cité coulait un ruisseau et Clervian crut reconnaître l’eau petit Ru qu’ils avaient quitté peu de temps auparavant mais il passait par le Sud, alors qu’eux avaient coupé plus directement par l’Est où le chemin est plus court.
Les maisons de marbres s’étageaient jusqu’à un palais tout de marbre immaculé, et au milieu du Palais s’élevait comme un arbre gigantesque une tour blanche et rose, et ceci était le Palais du roi de la Cité. Et ce roi, le groupe et surtout Clervian le vit descendre les marches qui montaient vers sa demeure, il était de belle stature. Il était vêtu d’une chape blanche bordée de vert. Son front était haut, ses cheveux d’un or brillant et personne ne pouvait longtemps soutenir son regard noble et c’est pour cela que ses parents l’ont appelé Araugolas (mais ses proches l’appellent souvent Argolas) . Et voilà quels furent le mots d’Indolissë devant le roi :
« Voilà l’homme seigneur, comme tu me l’avais demandé je l’ai emmené ici pour que tu puisses le voir »
Alors l’on put lire l’étonnement dans le regard d’Argolas, et il répliqua :
« Mais n’était-ce pas prématuré car je ne connaissais pas l’heure de sa venue parmi nous et voici que tu me l’amènes sans m’avoir prévenu, es-tu sûr de lui ? », et Indolissë dut expliquer les conditions dans lesquelles ils s’étaient rencontrés, et Argolas comprit et il vit la blessure d’Indolissë et ordonna que ses médecins les plus expérimentés s’occupent de lui. Maintenant en voyant partir Indolissë, Clervian fut effrayé à l’idée de se retrouver au milieu de tant de personnes dont il ne connaissait pas la langue. Et voici que le roi s’adressa à lui dans sa propre langue et lui dit :
« Ne crains rien Ô Clervian car je suis là pour t’aider et non pour te faire et du mal, et nous pourrons nous parler car je connais encore bien la langue commune aux Hommes. »
Clervian fut impressionné car dans la bouche d’Argolas les mots se faisaient soudain beaux alors qu’ils étaient grossiers dans la sienne. Argolas continua disant :
« Il est bon que l’on t’accueille comme il se doit, car tu es le fils d’un roi des Hommes et donc tu mérites les honneurs d’un prince. »
Aussitôt s’approchèrent des Elfes qui étaient au service particulier du roi, et ils tenaient une tunique pareille à celle du roi, mais les couleurs en étaient inversées, et un autre elfe s’approcha et il tenait dans un écrin, un anneau d’or ciselé en une forme de feuille de chêne autour de celui-ci.
Maintenant Argolas s’adressa de nouveau à Clervian et lui dit qu’il était dans sa demeure par la volonté d’Es et des Versi, et ceux-là sont les êtres spirituels qui servent Es, et Malvek fut l’un d’eux. Enfin rassuré, Clervian parla pour la première fois depuis son arrivée en Albugonth et lui dit :
« Seigneur comment se pourrait-il que les Versi se soucient de moi, je ne suis qu’un homme et leur existence même m’est inconnue, de plus la connaissance que j’ai de votre peuple est infime, comment pourrais avoir un destin parmi vous ?
– A cela, répondit Argolas, je n’ai pas de réponse sinon que je me plierai à la volonté des Versi qui sont aux ordres d’Es, et leur désobéir serait une grande faute, car ils ont une grande connaissance des projets d’Es pour le monde et les peuples qui le couvrent, aussi je t’en conjure, reste chez nous et aide-nous contre Malvek car j’ai le sentiment que tu seras pour beaucoup dans sa Chute et celle de ses serviteurs.
– Bien, répliqua Clervian, puisqu’il en est ainsi je resterai parmi vous quelques temps, mais encore faut-il que j’apprenne votre histoire, et peut-être aussi votre langue, car sans cela je ne pourrai comprendre tout ce qui se passe autour de moi.
– Puisque tu sembles assoiffé de connaissances, je me ferais un plaisir de te conter toutes sortes de choses sur les Elfes, leur histoire, leurs ennemis et leurs relations anciennes avec les Hommes, mais cela je le ferai quand tu te seras reposé car déjà tes paupières tombent devant tes yeux ».
En effet Clervian était encore un jeune homme et il ne pouvait tenir longtemps éveillé comme le font les Elfes habituellement, de plus pendant leur périple, Indolissë et lui n’avaient dormi que le nécessaire pour se reposer, et repartir le lendemain au lever du soleil. C’est pourquoi Clervian fut accompagné à une chambre où il put se coucher sur un doux lit de draps blanc fins, quand sa tête toucha seulement l’oreiller, Clervian s’endormit d’un sommeil profond sans troubles et des rêves merveilleux vinrent réjouir son esprit ensommeillé. Il ne se réveilla que lorsque le soleil était haut dans le ciel, il sortit de son lit s’habilla de ses vêtements neufs et quitta la chambre. Pendant un certain temps il erra dans les dédales du palais, et finit par trouver un elfe qui le guida avec révérence jusqu’à une salle circulaire, haute de plafond. Là, attendaient Argolas et Indolissë, assis sur de larges et profonds fauteuils en bois ouvragés, des tapisseries pendaient aux murs qui égaillaient encore un peu plus cette salle accueillante.
« Viens t’asseoir, n’aie pas peur Ô Clervian, dit Argolas, car je vais aujourd’hui te raconter toutes sortes de choses pour te faire connaître le monde tel qu’il est et tel qu’il fut. Mais pour le monde tel qu’il sera, seul Es pourrait te le révéler. Je vois à ton air que tu as grande soif de connaissances, mais il faudra m’écouter attentivement car tout ce que je vais te raconter est vérité et il n’y a rien qui y soit légendaire ».
Commença alors un long récit, dans lequel Argolas conta toutes sortes de choses que Clervian désirait connaître depuis longtemps sans le savoir, car il s’agissait d’un profond désir de l’âme. Ce récit portait sur la façon du monde, de l’amour que porte Es pour toutes ses créatures, sauf Malvek père du mal, et toute son engeance qui sont Dragons, Orques, Léviathans et autre créatures maléfiques). Ceux-là sont dangereux tant par leurs méfaits personnels que par l’influence mauvaise de Malvek possède sur eux. Leur simple présence entraîne la zizanie et méfaits chez les Hommes qui ont le cœur faible et chez certains Elfes prédisposés).
Le roi conta encore comment les Elfes et les Hommes eurent des relations oscillantes entre entente et désaccord profond, et ceci jusqu’à la grande scission qui sépara pour longtemps les deux races, car Es aurait fini par s’entredétruire Elfes et Hommes.
Par ce récit Argolas éveilla en Clervian le désir de chasser de l’Orque et de voir des Dragons. Argolas ne fut pas surpris de ce désir, car il entrevoyait la vaillance de Clervian, qui ne connaissait que très peu la peur.
Commença une préparation intense, car les Orques sont des êtres peu intelligents mais doués au maniement des armes (et leur arme préférée est une épée crochue, ayant deux pointes comme la langue d’un serpent)
Après quelques heures de combat avec un Elfe Maître d’armes, Virgal se brisa en deux et Clervian en fut attristé. Il refusa la petite épée elfique que lui tendait le maître d’arme, car Virgal lui avait été offerte par son père pour ses dix-huit ans.
« N’y aura-t-il pas un forgeron qui me rendra ma chère Virgal, car je l’aime depuis que je l’ai en main et elle est encore vierge de toute souillure. »
On lui retira l’épée des mains avec douceur pour que la lame soit reforgée, mais cette fois avec toute la science des Elfes qui sont des forgerons d’une grande finesse, et leurs épées sont souvent un sujet de peur chez les orques – et même pour certaines pour les dragons.
Après trois journées de labeurs, son épée fut lui fut rendue, et elle lui semblait bien plus légère car elle avait été rééquilibrée. La lame était d’un blanc laiteux qui brillait à la lumière de la lune. Et sous le rayon de l’étoile du Nord elle se mettait à renvoyer la douce lumière argentée en un millier de couleurs différentes.
« Cette épée lui, dit-on, fut reforgée par nos meilleurs ouvriers, et tu verras que le sang ne s’y attache pas et qu’elle restera immaculée même au cœur de la bataille la plus sanglante. »
Clervian montra un visage radieux en retrouvant sa chère épée, il l’admirait car elle était bien plus belle qu’avant mais toujours se retrouvait la facture des armes humaines.
Sa préparation recommença, et il apprit toutes sortes de coups à porter dans la bataille, et des bottes raffinées, et dont le secret était jalousement gardé par les Elfes pour les combats singuliers. Il arrive en effet que Malvek prenne en particulier l’un ou l’autre de ses Orques les plus grands (et les plus intelligents) pour les éduquer lui-même et leur apprendre le maniement des armes. Ceux-ci sont redoutables dans la mêlée, car ils portent des coups traîtres, et n’ont aucun souci de l’honneur : ils tuent leur adversaire dans le dos, l’attaquent à 5 voire 10 contre un, et attendent la plupart du temps que leur ennemi soit par terre et sans armes pour le tuer.
Fort de ses nouvelles connaissances, Clervian voulut partir sur le champ pour chasser l’Orque, et exprima ce désir devant Argolas. Ce dernier lui fit cette réponse :
« Je vois que tu as beaucoup appris de nos maîtres d’armes, et que tu sais maintenant utiliser ta grande force avec intelligence, aussi vais-je accueillir ta demande et engager les préparatifs pour ton départ aux frontières où de nombreux orques se heurtent à nos archers. Je te demande au moins d’avoir pour compagnon Indolissë, qui te guidera. Si par infortune tu étais mis en difficulté il t’aidera, car quand tu l’as découvert et l’as aidé, tu as irrémédiablement scellé un pacte d’amitié avec lui, aussi te suivra-t-il. »
S’avancèrent quatre jeunes écuyers Elfes, qui le revêtirent d’une cuirasse qui lui sembla légère à l’extrême : elle n’était pas plus épaisse qu’un bout de soie, et pourtant elle était bien plus solide que les lourdes armures que portent les chevaliers humains pour partir au combat. Un elfe s’avança après les autres qui lui présenta un arc d’une grande beauté, dont le bois était gravé de rune elfiques, et la corde chantait déjà sous le doigt expert de Clervian. Ce dernier s’interrogea soudainement car il ne savait toujours pas pourquoi ces elfes faisaient cela pour lui, mais la réponse lui vint plus tard.
Clervian partit enfin, accompagné d’Indolissë, prenant une route de pierre savamment tracée à travers la forêt, de part et d’autre les arbres drus commençaient à voir leurs feuilles jaunir et tomber. Un vent frais soufflait qui annonçait la fin de l’Eté. Les deux compagnons montaient chacun un cheval, suivaient deux ou trois écuyers qui portaient les armes de rechange, et les écus. Le voyage pris trois jours, couchant sous une tente ou à la belle étoile quand le temps était propice, Indolissë approfondissait les connaissances de Clervian sur le monde. Il lui expliquait les vertus des plantes, les constellations que forment les étoiles du ciel que les Elfes chérissent. Il lui raconta encore de nombreux contes sur l’histoire des Elfes et des Hommes dans leurs longues veillées, et parfois Indolissë prenait une lyre et commençait quelque geste. Clervian se souvenait parfois de quelque nom ou même de certaines histoires que lui racontait Indolissë, comme une légende qui lui avait été racontée dans son enfance pour l’émerveiller et lui donner de doux rêves.
Ils arrivèrent enfin à l’entrée d’une petite ville, située en haut d’une petite colline artificielle (et cela ressemblait plus à un promontoire qu’à une colline), elle était plus petite qu’Albugonth et pourtant lui ressemblait par les bas-reliefs qui décoraient ses murs. Cette ville n’était peuplée que de soldats Elfes, (c’est pourquoi on lui donna le nom de Doltonion), dont le but était de protéger le royaume d’Argolas (car certains disent que si par malheur Albugonth venait à tomber, les Orques déferlerait sans aucune retenue sur les villes des Hommes et sèmeraient la terreur, car c’est en Albugonth que fut placée la force qui empêche les Orques et les Hommes de se voir et de se trouver.)
Les soldats étaient très bien armés et nombreux, car les troupes de Malvek venaient souvent harceler les environs de cette capitainerie. Dans la salle d’armes reposaient nombres d’arcs de belle facture, et quantité de flèches, venaient encore des haches à double tranchant. Chaque jour une patrouille d’Elfes était attaquée et chaque jour le combat devenait plus difficile car les orques prenaient plus de risques.
Le petit groupe gagna le logement du capitaine qui était un proche cousin d’Argolas, du nom de Valandil. Il était vaillant et souvent prenait l’initiative d’attaquer des campements orques, et dans ces attaques jamais il n’était en arrière. Valandil les fit entrer dans une vaste salle richement meublée et où ils purent se reposer quelque peu. Il se fit raconter toute son histoire par Clervian. Puis il leur proposa de se reposer quelques peu avant d’aller en des lieux mal famés, c’est pourquoi les deux compagnons et surtout Clervian visitèrent la petite ville fortifiée (Indolissë la connaissait déjà quelque peu et pu guider son ami dans les petites ruelles étroites et pourtant bien éclairées par les doux rayons du soleil qui se faisait de plus en plus tiède en cette période de l’année.
Il gagnèrent ensuite leur logement richement aménagé et pourtant d’ameublement plus modeste qu’en la demeure d’Argolas (car les plus grands ouvriers Elfes se mettent au service de leur roi et ne restent que les élèves des maîtres ébénistes et joailliers, pour les simples capitaines tels que Valandil).
Le lendemain fut pour Clervian jour de joie, car il put se mettre en route avec Indolissë pour un poste avancé, où les orques ne manquaient pas : ils prolifèrent dès que la garde se fait plus relâchée, c’est pourquoi les elfes mettent des postes de garde de plus en plus loin pour ces créatures sentent sans cesse une pression et hésitent à attaquer. Clervian fit ses remerciements à Valandil pour son hospitalité, bien qu’il était sûr qu’ils repasseraient tous deux par la capitainerie avant de s’en retourner en Albugonth. Ils prirent route avec une patrouille de quatre soldats rompus aux techniques de surveillance. Les premiers jours furent calmes sans aucun murmure sinon celui du vent soufflant entre les branches et qui se faisait de plus en plus froid. Les oiseaux ne chantaient plus que très peu, quand un rayon de lumière passait au travers des nuages gris.
Au bout de deux jours, Clervian commençait à se lasser de ne trouver aucun orque sur son passage à occire, mais son désir fut vite accompli, car une troupe de dix orques qui semblaient perdus dans la forêt leur tombèrent dessus sans crier gare. On voyait à leur œil perdu qu’ils n’avaient plus ni mangé ni bu depuis plusieurs jours déjà et qu’ils attaquaient cette puissante patrouille d’elfes par simple désespoir. Rapidement la patrouille inférieure en nombre fut encerclée par ces orques affamés qui n’avaient plus rien à perdre. Les elfes bandèrent leurs arcs en leur direction et Clervian tira vite son épée du fourreau. Son œil brillait à l’idée de pouvoir enfin attaquer une de ces bêtes maléfiques, et pourtant une moue de dégout se dessinait sur sa bouche, car il pouvait difficilement supporter la vue de ces êtres sans beauté aucune. Il se précipita sur eux sans réfléchir et la surprise fut aux combles parmi les orques de voir un être si téméraire. Il jeta bas deux orques les plus proches de lui, l’un tomba la tête tranchée, l’autre coupé en deux. Aussitôt les elfes suivirent l’exemple de Clervian et lâchèrent leurs fines flèches sur ces bêtes immondes. Toutes tombèrent sauf une qui s’enfuit au milieu du bois.
Clervian, fatigué, s’assit et regarda son épée avec étonnement car elle n’avait pas été salie par le sang des orques et demeurait blanche comme elle l’était quand elle lui fut donnée l’elfe forgeron.
Les elfes décidèrent de rentrer à la capitainerie pour rendre compte de cette attaque subite, car il était rare que des orques fatigués et si peu supérieurs en nombre attaquent des elfes bien armés.
Aussi firent-ils un rapport des plus précis à Valandil décrivant l’allure des créatures, le moment et le lieu où ils avaient été attaqués pour qu’il puisse envoyer des troupes plus nombreuses pour trouver de possibles campements et les détruire. En attendant, Clervian demanda de partir avec une autre patrouille dans une direction autre (non sans s’être quelque peu reposé), pour découvrir d’autres paysages. Cette fois ce ne furent pas des orques qu’ils tuèrent mais des loups énormes qui atteignaient la taille d’un homme. En effet la neige avait commencé à tomber depuis le retour de Clervian, et ces bêtes commençaient à rôder autour de Doltonion et de ses environs proches. Quelques bandes d’orques tout de même se déplaçaient çà et là, attaquant les messagers se déplaçant seuls à travers la forêt, et ils se faisaient vraiment nombreux au Nord de Doltonion. Clervian fit jouer de son épée Virgal de nombreuses fois et il était toujours joyeux de la sortir de son fourreau, à sa vue orques et loups même de grande taille s’enfuyaient à grands cris et hurlements (car les loups sont des amis des orques, toujours prêts à les aider dans leurs méfaits). C’est ainsi que l’épée de Clervian fut connue à travers tout le pays jusqu’en Albugonth. Elle était un sujet de peur pour toute créature voulant du mal aux elfes et à leurs amis.
A son retour d’aventures Clervian trouva Valandil et Indolissê inquiétés par quelque nouvelle venant d’Abugonth, et il leur demanda rapidement ce qu’il se passait en voyant leurs visages sombres. Valandil pris la parole pour lui répondre :
« Argolas vous a fait mander pour une question de la plus haute importance, il a besoin de vous parler au plus vite.
– S’il en est ainsi, répliqua Clervian, partons au plus vite, je suis grandement redevable d’Argolas et ai des devoirs de vassal envers lui ».
Ainsi partirent Indolissë et Clervian au grand galop pour rejoindre Albugonth. Il eurent rejoint la cité bis et rosée au moins d’une journée, après être partis à l’aube. Ils trouvèrent Argolas grandement affairé, il semblait que la ville était en ébullition comme à la veille d’une guerre que personne ne veut. Et c’est en effet ce qui se passait. Aux dires d’Argolas, les orques attaquaient en masse là où personne ne les attendaient : à l’Est. Tous surveillaient le Nord, car le royaume de Malvek était situé en cette direction, et c’était une belle manœuvre de la part de ce dernier que d’attaquer là où la défense était moindre de fait de l’absence de danger direct. Il y avait bien ça et là par moment, quelques bandes d’orques égarées, se faisaient décimer par les patrouilles d’elfes attentives. Mais là les elfes furent submergés. A L’heure actuelle les troupes de Malvek se dirigeaient vers Albugonth tout en pillant et en brûlant la forêt et toutes ses richesses.
Argolas qui tenait Clervian en grande estime le prit à l’écart avec lui, en compagnie d’Indolissë (en qui il avait une particulière confiance), et lui confia qu’il lui donnerait le commandement d’une compagnie importante à lui et à Indolissë (elle serait double de celle que dirigerait Argolas, car les deux compagnons la commanderaient ensemble : chacun avaient une grande valeur et nul ne voulait se séparer de l’autre.
Le roi révéla encore que les meilleurs forgerons travaillaient jours et nuits pour confectionner armes et armures, haches et heaumes, épées et boucliers, pour être prêts au jour de la bataille.
Déjà les armées affluaient, les capitaines les plus proches avaient rapidement rassemblé leurs meilleurs soldats, laissant une petite partie pour la défense des capitaineries. Les sept grands barons et vassaux d’Argolas étaient les sept capitaines des capitaineries, les plus valeureux, et parmi eux était Valandil, qui n’avait pas traîné à rassembler ses hommes.
La ville était remplie d’une multitude de soldats elfes armés de pied en cap, dont les armes brillaient avec les pâles rayons d’un soleil d’hiver, dont les traits jaunes se réverbéraient sur la neige blanche : cela donnait l’impression d’une armée d’esprits se déplaçant sans jamais toucher le sol. La neige formait un léger manteau, et donnait à la ville un aspect d’autant plus blanc. Clervian s’arma avec une armure neuve, œuvre de ce même forgeron qui avait reforgé son épée. Il avait sur la tête un heaume qui recouvrait entièrement son visage (alors que les heaumes des elfes ne recouvrent que le haut du crâne, le nez, et parfois les yeux, mais jamais la tête en entier). Il tenait à son côté son épée dans un fourreau blanc et noir, un écu pendait à son bras gauche. Un léger poignard pendait au côté gauche, tenu par une lanière de cuir ouvragé. Il apparut terrible aux yeux des elfes et tous s’inclinèrent sauf Argolas qui sourit à sa vue. Il l’amena à la terrasse d’où l’on pouvait voir toute la ville et lui montra l’armée, sur pied et prête à partir. Les bannières flottaient, œuvres de doigts experts des damoiselles elfes, les meilleures brodeuses qu’ait jamais porté la Terre. Et voici ceux que l’on pouvait reconnaître : le plus remarquable était celui d’Argolas, car d’une grande simplicité : une bannière divisée en trois bandes en pal. Les deux bandes de droite et de gauche de couleur opale, et celle du milieu d’argent. En son milieu, une branche de chêne, se divisant en trois feuilles. Pour la bannière de Clervian, elle était sur fond sable, en son milieu un blanc glaive, d’où sortaient six rayons formant giron. Pour Valandil une bannière sur fond de gueule, avec en son centre une boule de feux éclatant en une multitude rayons.
Voilà les trois compagnies qui s’illustrèrent le plus dans cette prochaine bataille, car toutes y furent glorieuses.
Certains pourtant ruminaient de sombres pensées, car ils voyaient Clervian, un humain grossier à la tête d’une de leur compagnie. Ils se souvenaient encore des traîtrises anciennes des humains quand ils furent trompés par Malvek, envers les elfes et des douloureuses pertes qu’ils leurs avaient infligés au cours de sombres batailles. Ce sont de douloureux temps que ceux-là mais ils étaient vieux pour les hommes et ne faisait même plus partie de leur mémoire.
Mais aux autres (et c’était la majorité d’entre eux) Clervian apparaissait comme un glorieux chef de guerre et était heureux qu’un homme comme lui combattent avec lui, car ils avaient ouï dire ses hauts faits d’avec Indolissë. Aussi quand il apparut à la terrasse, de nombreux regards se tournèrent lui, admiratifs. Il faut dire que Clervian avait un air noble et puissant ainsi revêtu.
Il y avait là plus de huit cent cinquante soldats, répartis par compagnies de cent. Seules les compagnies de Clervian et Indolissë et celle d’Argolas, en comprenaient plus : celle du roi contenait cent cinquante hommes, et deux cents était le nombre d’elfes qui servaient sous le commandement de Clervian et son compagnon elfe.
Seuls les barons partaient à cheval, tenant un solide bouclier, incurvé pour prendre la forme de leur bras, de plus leur blason était peint sur le revers. Les soldats eux portaient un long bouclier ovale portant en leur centre une pointe d’acier trempé. Voilà l’aspect de l’armée qu’avait réussi à rassembler Argolas à la veille d’une bataille dont on se souviendrait dans le monde caché de nombreux siècles plus tard. Ils étaient bien peu nombreux mais expérimentés : il faut dire que les elfes détestent la guerre car elle les retire de leur douce quiétude, mais ils savent que la guerre est parfois nécessaire pour la préserver. Aussi sont-ils de très agiles guerriers, et les orques n’osent les attaquer que quand ils sont sûrs de gagner. Parfois certains elfes refusent le combat, croyant ainsi se protéger, mais ce sont généralement eux qui subissent le plus de pertes quand le conflit se fait inévitable.
L’armée commença à s’ébranler sur l’ordre des différents capitaines. La compagnie royale se plaça au milieu de la colonne, et celle du blanc glaive de Clervian la suivit directement. La longue colonne s’engagea à la sortie de la cité, sur une route de moyenne largeur qui n’était pas prévue pour qu’une telle masse d’hommes s’y déplaça, aussi les hommes marchaient-ils par trois de front, ce qui allongea encore la colonne. Les bannières flottantes, tous s’en allaient vers une destination qu’ils ne connaissaient pas. Nul ne savait où s’engagerait la bataille. Argolas avait reçu l’aide amicale de deux autres seigneurs qui avaient pu rassembler chacun quatre cents soldats, ce qui menait à mille six cents le nombre des défenseurs. La jonction avec les renforts se fit environ à trois jours de marche à l’est d’Albugonth. Les compagnies nouvelles furent réparties dans la colonne qui s’allongea d’autant. Chacun portait son bouclier à son côté formant ainsi comme un mur de part et d’autre de la route, ce qui fut utile car nombreuses furent les petites embuscades que leur tendirent les orques pour les affaiblir en forêt. Des flèches s’abattaient ainsi soudainement sur la colonne accompagnée de cris rauques, blessant et parfois tuant des soldats.
Les deux seigneurs amis se tenaient auprès de leurs compagnies respectives, et parfois allaient rejoindre Argolas pour savoir la marche à suivre au moment de la bataille : le plan qui fut adopté fut le suivant. L’on avancerait jusqu’à une région se trouvant à cinquante kilomètres de leur point de jonction. Là ils s’établiraient sur une colline dominant une vallée et attendraient que des orques se révèlent. Pendant leur attente des éclaireurs iraient surveiller les alentours pour être sûr que les orques ne passent pas à côté, ce qui serait fort peu probable, car cette vallée est le chemin le plus direct pour atteindre Albugonth. Or le rapport récent de différents messagers disaient que Malvek ordonnait à ses troupes de prendre le plus vite possible la ville et de ne pas s’occuper des petites villes juchées dans les arbres, qui ont moins d’importance pour son plan. Il comptait ainsi mettre un fort coup au peuple Elfe pour le disperser et les empêcher de résister efficacement contre lui. L’armée arriva au point voulu en quatre journées de marches forcées. Et les soldats épuisés durent encore monter des tentes avant de pouvoir se reposer. Ils eurent seulement une journée de repos, où ils purent chanter de doux poèmes et des chansons composées il y a fort longtemps en des lieux où nul ne craignait le pouvoir de Malvek, car ils étaient soumis à un pouvoir plus fort que lui. Ce temps est passé, et les malheurs des elfes se sont succédé depuis des siècles. Ils combattent pour repousser son pouvoir, mais toujours il s’approche plus près des villes les plus fortes.
Les compagnies s’étaient organisées, et se préparaient à l’attaque imminente de Malvek. Les archers avaient été placés sur le flanc de la colline protégés par un mur de leurs hauts boucliers plantés droits en terre. Ils avaient laissé un sentier énorme de plusieurs dizaines de mètres de large pour pouvoir laisser les fantassins charger au moment voulu. La neige n’était pas là pour aider les fantassins car même les légers pieds des elfes glissaient parfois sur le sol. Aussi fallut-il déblayer quelque peu les abords du campement et le versant de la colline pour que la charge ne se transforme pas en un désastre.
Dans un conseil des barons sur la méthode à suivre quant à l’attaque elle-même, Clervian voulu attaquer en première ligne mais cela lui fut refusé. Bien que tous louent son courage, il s’agissait là de témérité. Ce serait une compagnie de nombre moyen qui prendrait la tête, mais ceux-là étaient plus lourdement armés, et avaient l’habitude de telles attaques. Suivraient alors les compagnies de Clervian et de l’un des barons elfes du nom de Telfindë. Les deux compagnies prendraient l’une sur la gauche, l’autre sur la droite afin de prendre l’ennemi par les deux flancs et scinder l’armée en trois.
Les barons elfes et Clervian parlèrent ainsi jusque tard dans la nuit, puis s’en allèrent chacun de leur côté rejoindre le campement de leurs compagnies respectives.
Malvek attaqua le matin, il n’était pas lui-même sur les lieux mais dirigeait ses troupes par la force de son esprit. Ainsi les orques savaient où se déplacer et qui attaquer même en l’absence de leur commandant. Les orques apparurent à l’orée du bois qui se trouvait en contrebas en face de la colline. La position des elfes était particulièrement avantageuse, aussi la victoire apparaissait déjà comme fort possible. Il y eu un premier assaut d’orques qui fut rapidement repoussé par une volée de flèches. Il semblait que Malvek voulait tâter la défense elfique, et son attente ne fut pas déçue. Les quelques orques qui s’en sortirent ne voulurent plus repartir à l’attaque qu’avec de nombreux renforts.
C’est alors que le véritable assaut arriva : mille deux cents orques hurlants et gesticulants attaquèrent de front les fragiles défenses elfes, tandis que d’autres essayaient traîtreusement d’attaquer sur le flanc là où la défense était moindre. Il fallut cette fois plus qu’une volée de flèches pour repousser cette charge. C’est alors que la première compagnie attaqua comme prévu au centre, suivie de Clervian. Quand les orques virent l’étendard au blanc glaive ils commencèrent à hésiter, et ce fut une petite débandade quand Clervian tira Virgal hors du fourreau. Seuls quelques orques plus hardis que les autres tentèrent d’attaquer Clervian mais leurs efforts furent déçus : l’épée taillada, trancha tant et si bien qu’un vide se fit autour de l’homme et de sa garde proche. Le flanc droit de l’ennemi fut brisé, et les orques reculèrent. Indolissë aida bien dans cet assaut : une fois alors qu’un orque plus grand qu’un homme et mesurant environ deux mètres cinquante voulut attaquer Clervian par l’arrière, il l’attaqua courageusement et lui trancha un bras. Ce n’était pas assez et il dut se protéger de son bouclier pour éviter le coup de l’énorme masse d’arme que l’orque portait. Un dernier coup porté au travers du tronc du géant eu raison de lui.
Privé de leur chef les orques reculèrent d’autant plus vite et évitèrent pendant toute la bataille le couple de Clervian et d’Indolissë qui faisaient des ravages dans leurs rangs. Telfindë fut mis en difficulté car le nombre avait mal été évalué et il fut submergé. Sa bannière tomba au grand dam des autres barons. Il fallut qu’Argolas lance sa garde personnelle dans la tourmente pour éviter que le corps de Telfindë soit mutilé. Il fut sauvé de justesse : les orques repoussés hurlèrent de rage voyant la bannière royale et essayèrent une contre-attaque qui fut facilement repoussée par les vaillants soldats d’Argolas.
Mais un autre fait marqua fortement les esprits : depuis le début de la bataille chaque soldat de l’un ou l’autre des camps qui tombait, poussait un gémissement avant de s’écrouler, ce fut le cas pour le premier orque qui tomba puis tous ceux qui le suivirent dans la mort tombèrent en poussant un gémissement sinistre. Tous ces gémissements se tressaient en un seul long gémissement qui dura pendant toute la durée de la bataille depuis le début jusqu’à la fin. C’est pourquoi on a appelé cette bataille : la bataille du long gémissement, ou en langue elfique « Dagor-Yalända ». Cela se traduit mieux en « bataille du grand appel », car il semblait que ceux tombaient là appelaient quelqu’un qu’eux seuls voyaient. On dit aussi que le gémissement que lançaient les orques était un gémissement terrifié, tandis que celui que lançaient les elfes était plein de ravissement bien que douloureux.
Mais ce gémissement plana au-dessus du champ de bataille pendant toute la durée de celle-ci et glaça le sang de ceux qui attendaient pour venir renforcer les troupes. Ils avaient l’impression qu’un esprit terrible se mouvait au-dessus d’eux et prenait avec lui nombre de leurs compagnons.
La bataille dura de nombreuses heures et grands fut le nombre de ceux des elfes qui tombèrent là mais bien plus grand encore celui des orques. De nombreux guerriers elfes de valeur furent tués à la grande douleur de leur peuple.
En plus de Telfindë, trois barons moururent, furent gravement blessés ou emmenés prisonniers : le reste de leurs compagnies se rallièrent à Clervian et Indolissë qui continuaient à se battre vaillamment. Ils semaient la terreur partout où ils allaient.
A la venue du soir les orques furent repoussés et ils s’enfuirent dans la forêt. Mais la victoire fut douloureuse. La moitié de l’armée était tombée là, la fleur du peuple elfe avait été cueillie sur ce triste champ de bataille.
Il fallut encore rentrer à Albugonth et aux villes respectives de ceux qui étaient venus aider Argolas. De leurs troupes de renforts, il ne restait que cinq cents hommes sur huit cents. Tous pleuraient leurs morts, mais restaient dignes et le visage sombre. Les elfes sont d’un naturel joyeux, mais quand vient une douleur celle-ci les prend profondément. Certains disent même que la douleur peut faire mourir ces êtres pourtant immortels.
De nombreuses complaintes furent composées sur le chemin du retour pour faire le deuil de leurs amis. C’étaient de douces complaintes, mais aux sonorités tristes et on ne pouvait les écouter sans avoir le cœur sombre et l’âme en deuil. Dans la musique de l’une (la plus chantée) avait été placée le long gémissement qui avait caractérisé cette bataille et chacun savait en entendant l’air ce que cette complainte racontait, et se souvenait de ce triste jour.
La neige qui avait recommencé à tomber n’aidait pas le retour et il leur fallut le double de temps qu’à l’aller pour regagner Albugonth. Quand ils arrivèrent leurs mines montrèrent, à ceux qui étaient restés, combien cette bataille avait été douloureuse. Les femmes des soldats tombés pleurèrent longtemps leurs époux. Cette bataille ne fut pas la première qui causa tant de pleurs et des conteurs savants avaient fait état d’une autre qui prit place plusieurs millénaires auparavant.
Clervian harassé arriva avec bonheur (quoique sombre) au palais d’Argolas. Il n’avait plus de bouclier, son heaume était fendu et portaient de nombreux coups. Seule son épée ne montrait aucune trace de la bataille, elle demeurait blanche. Le roi l’invita à se reposer comme le firent tous les soldats de l’armée qui étaient revenus, ce qu’il fit. Mais son repos fut de courte durée, car il se leva et montra son désir d’aider à soigner et à réconforter les femmes, car toutes l’écoutaient avec confiance et leur douleur se trouvait apaisée. Il en sauva ainsi plusieurs qui voulaient se jeter du haut du rempart ou se donner un coup de l’épée de leur défunt époux qui leur avait été rapportée. Le gémissement semblait se poursuivre au-delà du combat, et il fallut de nombreux jours pour que toutes se soient apaisées.
Mais au milieu de cette douleur Clervian ne put s’empêcher de penser à son foyer. Voilà cinq mois qu’il n’avait vu ni son père ni sa mère, c’est pourquoi il exprima auprès d’Argolas son désir de partir. Or voilà qu’au moment d’entrer dans la salle du trône il vit une jeune fille elfe qu’il n’avait vu auparavant. Argolas lui fait comprendre qu’il s’agit de sa fille, son seul enfant : elle a des yeux bleus comme tous ceux de son peuple, et ses cheveux se confondaient avec la robe de soie d’or qu’elle porte. Leurs regards se sont croisés et déjà Clervian a oublié ses parents. Il prit la décision de rester encore quelques jours, et prend comme prétexte une blessure qu’a reçu son cheval que le faisait souffrir à la cuisse droite. En vérité Clervian comptait approcher la jeune fille et lui parler, et cela ne passa pas inaperçu aux yeux d’Argolas et d’Indolissë.
Le lendemain Clervian se lève tôt alors que le soleil est encore bas. Il se déplace sur les terrasses du château, son esprit est absent et il marche sans penser à autre chose qu’à la fille d’Argolas. C’est alors qu’il la rencontre là, devant lui, perdue elle aussi dans de profondes pensées. Ils commencent à parler, ce qu’ils n’ont pu faire la veille. Il apprend ainsi que son nom était Armenel. Ils passèrent ainsi pensant ne pas être découverts dix nuits à se retrouver sur les terrasses. Mais depuis le début Argolas savait, ils les avait vu se regarder à leur première rencontre et avait compris à ce moment qu’on ne pourrait les séparer. C’est pourquoi il ne s’opposa pas à leurs rencontres nocturnes, bien qu’il en ait eu vent par les gardes qui surveillaient à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de la ville. Un jour pourtant Argolas appela Clervian et lui rappela son désir de revoir ses parents, voilà onze jours qu’il avait exprimé ce désir devant lui et il n’avait toujours fait aucun préparatif de départ. Son cheval était pourtant bien remis grâce à la science des elfes. Il l’enjoignit de partir car il pressentait au plus profond de son cœur que ses parents se languissaient de leur fils. Puis il le prit avec lui dans un coin retiré de manière que personne n’entende ses dires. Il lui dit :
« Je sais que tu retrouves ma fille Armenel souvent depuis quelques jours et c’est quelque chose que je ne veux et ne peut empêcher. Aussi je te promet une chose, si tu rejoins tes parents pour les rassurer, et pendant quelque temps restes près d’eux, je te donnerais (avec son accord) ma fille pour femme bien que cela ne plaira pas à tout le monde. Il en est de nombreux qui se refuse à l’idée de l’union d’un homme et d’une elfe, mais je sais que ce ne serait pas la première fois. »
Ensuite il fit appeler Armenel et l’une de ses amies ainsi qu’Indolissë. Il fit se promettre l’un à l’autre les deux amants. Tout cela les effrayait tous les deux, car tout leur semblait aller extrêmement vite, mais ils étaient pourtant au comble du bonheur. Ainsi unis dans le plus grand secret, il vécurent un mois ensemble et Clervian dut comme il l’avait promis retourner chez lui.
Les préparatifs se firent sombrement. Indolissë l’aida quelque peu à rassembler ses quelques affaires, lui donna ses armes, et le suivit pour le guider à travers les méandres de la forêt. De plus des patrouilles avaient signalés des bandes démembrées d’orques qui attaquaient les voyageurs seuls. Ils n’étaient donc pas trop de deux pour rejoindre à l’ouest la clairière de la fontaine, puis l’orée du bois. Armenel fit ses adieux à Clervian, lui recommandant d’être prudent comme le ferait toute épouse qui voit partir son mari en un lieu qu’elle ne connaît pas. Elle pleura longuement dans les bras de Clervian qui la réconfortait comme il pouvait, car déjà le souvenir de ses parents se ravivait en lui.
L’on partit enfin, Indolissë monté sur un cheval blanc menait Clervian et lui expliqua le chemin pour qu’il puisse le retrouver au cas où il voudrait revenir en Albugonth par ses propres moyens. De plus Argolas lui avait donné un cor tout incrusté de gemmes, en lui expliquant que si jamais il était perdu ou attaqué dans une forêt, il lui suffirait de souffler pour que des elfes viennent l’aider. Clervian tentant de souffler, ne réussit à n’en faire aucun son à son grand désarroi. Mais Argolas lui expliqua que ce cor ne sonnait que dans les moments de grande détresse, et qu’alors on l’entendait à plusieurs kilomètres.
Le chemin fut doux, déjà des fleurs roses, mauves et jaunes commençaient à pousser sur le bord du chemin, un vent tiède caressaient le visage des deux compagnons. Cela faisait deux jours que la neige avait commencé à fondre et le chemin était maintenant presque totalement dégagé.
Ils traversèrent la clairière à la fontaine, où Clervian avait bu l’eau du petit ru et avait eu les yeux ouverts aux merveilles du monde tel qu’il est en vérité. Ils continuèrent sans s’arrêter, et reprirent en sens inverse le chemin qu’ils avaient pris cinq mois auparavant. A un kilomètre de l’orée du bois pourtant ils obliquent vers le sud. Car au moment d’entrer dans la forêt et d’y découvrir Indolissë, Clervian avait parcouru bien du chemin vers le Nord et il fallait faire ce chemin en sens inverse sou le couvert du bois.
Au bout de vingt jours, ils parvinrent enfin à Losorod, petite ville comparée à Albugonth. Elle avait à peu près la même taille que Doloston. Posée sur une colline, qui en ce moment de l’année commençait à se couvrir de mille fleurs. Cette ville avait, ce que ses habitants avaient oubliés depuis bien longtemps, un nom elfe et qui avait justement pour origine ces fleurs.
Indolissë dut laisser là son ami, non sans tristesse. Clervian s’avança doucement vers la petite cité. Il retrouva facilement son chemin. Quand il entra sous le porche dans la cour de sable, un chien aboya violemment, et il sembla qu’il ne connaissait pas Clervian. Il fut attristé car c’était son propre chien. Il entra plus avant sans faire attention à ces aboiements hargneux, le chien ne se souvenait plus de lui, qu’y pouvait-il ? La maison était silencieuse, et il regarda en arrière se demandant s’il ne devrait pas mieux revenir là où il avait passé déjà plusieurs mois et qui lui semblait être son vrai foyer.
Mais voilà qu’aux aboiements du chien un grand homme s’était approché de la porte de l’imposante maison de pierre de taille. Il avait de larges épaules, des cheveux de la même couleur jais que Clervian et des tresses pendaient près de ses tempes. Il ressemblait fortement à Clervian, le même regard portant au loin, la même démarche et pourtant légèrement plus grand que lui et bien plus vieux. Déjà le poids des années le faisait s’affaisser et ses cheveux noirs laissaient paraître quelques cheveux gris. Des rides sillonnaient son large front. Cet homme était le père de Clervian qui l’avait laissé partir sans s’opposer à son désir. Car lui-même avait eu ce même désir trente ans plus tôt et le grand père de Clervian qui faisait plus grand cas de l’avenir de sa terre que de celui de son fils lui avait ordonné de rester chez lui pour l’aider à cultiver la terre et à défendre la maison. Car bien que de lignée royale, cette famille était humble et n’avait pas de grande richesse sinon les immenses terres arables qui s’étendaient à perte de vue devant la maison. Il leur fallait travailler eux même et engager des paysans pour les aider à cultiver leur terre. Voilà ce qui fit que le père de Clervian dut rester sur place pour aider son propre père. En fait cette terre faisait partie de l’héritage de la grande mère de Clervian, fille unique d’un roi qui fut tué au cours des nombreuses guerres qui opposèrent si souvent les hommes.
Le royaume fut partagé entre les seigneurs qui avaient vaincus cet homme, seule une petite parcelle fut laissée à sa fille pour lui permettre de vivre. Elle dut se marier avec l’un des petits vassaux de son père, homme amoureux de la terre et qui fut heureux de voir l’héritage de sa femme tomber entre ses mains. Mais il ne comprenait pas les désirs de sa femme, qui voulait sans cesse avoir des nouvelles de terres lointaines qu’il ne connaissait pas. Il voyait en cela comme des volontés d’enfant gâtée, et n’y faisait pas attention. Mais sa volonté se fit plus ferme quand son propre fils voulut lui aussi s’enquérir des autres terres, et il lui refusa un voyage qu’il jugeait inutile. De plus il pensait qu’en partant ainsi son fils ne se marierait pas et que sa famille n’aurait plus de descendance. C’est ainsi que quand Clervian lui exprima son désir de partir il ne s’opposa pas, car il ne voulait pas commettre la même erreur que son père, et peut-être lui apporterait-il des histoires de ses voyages au loin.
Clervian s’avança, l’ombre cachait son visage à son père qui sans le reconnaître le regardait sévèrement. Quand ce dernier vit qui était l’étranger qui était entré, il se précipita à lui et le prit dans ses bras. Il le regarda attentivement en silence, une ou deux larmes perlèrent, mais lui les essuya rapidement d’un revers de main. Mais voilà que sa mère apparut dans l’ombre de la porte, et son regard s’illumina quand elle vit son fils. Pourtant elle ne put s’empêcher de se mettre à pleurer et s’approchant de son fils, l’embrassa longuement. Elle devait se hausser pour atteindre la joue Clervian, car il avait grandi depuis son départ. C’était alors un jeune homme, mais il semblait avoir vieilli (il n’avait pas perdu cette joie caractéristique des jeunes gens, mais il avait gagné en sagesse), son regard était profond et nombreux furent ceux qui le virent perdu dans ses pensées le sourire aux lèvres. Ils rentrèrent ensemble dans la maison. Il put leur raconter de nombreuses choses depuis son départ mais son récit s’arrêta aux temps de sa fuite dans la forêt. Pour la suite, son séjour chez le peuple caché des elfes il expliqua qu’il avait rencontré des gens d’une grande hospitalité qui l’avaient accueilli et lui avaient donné du travail au service de leur maison, ce qui finalement n’était pas si faux que cela. Mais son père en voyant l’épée de son fils se douta qu’à ce récit manquaient quelques éléments d’importance. Mais il ne posa aucune question et laissa parler son fils.
La nouvelle se répandit que Clervian fils du roi Ostéor était rentré en son domaine et qu’il avait de nombreux récits à raconter sur les choses merveilleuses qu’il avait vu. Des enfants accoururent dans la maison à la grande joie de ses parents, qui aimaient à accueillir les gens du village paysans et enfants de tous horizons pour leur donner une collation et entretenir une amitié vraie avec ces gens simples. Eux-mêmes ne vivaient pas dans l’opulence, mais ils aimaient d’autant plus offrir le peu qu’ils avaient, ce qui ne leur enlevait en rien leur condition royale.
De jeunes enfants se mirent sur les genoux de Clervian et lui demandèrent cent fois de raconter son voyage, ce qu’il fit avec bonheur au début mais avec quelque peu de lassitude après plusieurs fois. Mais il cacha son agacement derrière son sourire, car les enfants lui demandaient avec tant d’insistance qu’il ne pouvait rien leur refuser. Et plusieurs fois il recommença son récit pour le plus grand bonheur des enfants qui à chaque fois qu’il acceptait, se mettaient à rire et applaudir joyeusement. On resta ainsi jusqu’à une heure avancée de la nuit. Et Clervian commença à montrer des signes de fatigue, aussitôt les hôtes se levèrent et saluèrent Clervian pour le laisser se reposer. Ses parents lui assignèrent sa chambre qui depuis ces quelques mois n’avait changé en rien. Il se coucha et pu rapidement s’endormir.
Au lever du soleil un rayon doré toucha son visage et le réveilla, il se leva vite et en se retrouvant dans sa chambre, cru que tout ce qui s’était passé n’était qu’un obscur rêve. Mais cette impression s’évapora quand son regard tomba sur Virgal, son épée, qui était nonchalamment posée sur le coin de son lit. Le fourreau lui rappela tout ce qu’il avait déjà vécu, et il se souvint d’Armenel. Cela ne pouvait pas être un rêve. En attendant qu’on vienne le chercher pour le repas du matin (comme il est de coutume en ce pays), il songea longtemps à révéler la vérité à son père, il hésita longuement, mais le son d’une main qui frappait à la porte le fit sortir de ses pensées. Les jours s’écoulèrent, puis les mois, et le souvenir d’Armenel se faisait de plus en plus fort en son esprit : il en rêvait, y pensait chaque journée, et parfois on le surprenait dans un champ appuyé contre un arbre, l’esprit plongé dans ses pensées.
Mais voilà que quatre mois jour pour jour après son arrivée, un fait étrange se produisit. Une femme s’était précipitée haletante et pleurant dans sa maison :
« Un démon, disait-elle, un démon, il a tué mon mari et a voulu me trancher la gorge, un démon… ».
Clervian resta perplexe, réfléchissant il alla devant son père et lui parla en ces termes :
« Père, un fait bizarre s’est produit, une femme est entrée chez moi, avant de s’évanouir la pauvre m’a dit qu’un démon avait tué son mari. » Ostéor resta silencieux :
« Que veux-tu mon fils, il arrive que certaines femmes voient des choses qui n’existent pas.
– Justement, répondit Clervian, cette femme dit vrai, j’ai retrouvé chez elle son mari effroyablement mutilé, le visage déchiré, et les mains coupées. »
A cette description, le visage d’Ostéor s’assombrit : il avait déjà entendu dire ce genre de choses dans des domaines voisins où des êtres mystérieux et noirs semaient la terreur. Puis réfléchissant, son visage reprit son aspect normal :
« Clervian, fais ce qui faut pour chasser ces êtres. Tu es jeune et je sais que tu sais beaucoup de choses que j’ignore, des choses que tu préfères garder pour toi. M’est avis que ces choses que tu gardes ne sont pas sans rapport avec ce qu’il se passe aujourd’hui. Aussi, pars et monte une armée pour attaquer ces bêtes, utilise tous les moyens que tu connais pour parvenir à tes fins. »
Dès le lendemain Clervian partit. Il avait avec lui un jeune homme qu’il avait pris en amitié. Il en avait fait son écuyer, car il voyait en lui un air profond de noblesse de cœur, et son dévouement se lisait dans ses yeux profonds.
Au petit matin, les deux compagnons s’en allèrent. Les armes de Clervian étaient portées par son écuyer (son nom est Isnel) : épée, écu et armure (bien qu’il pensât que c’était un simple habit de soie, ayant constaté son poids). Il commencèrent ainsi leur route, vers l’Est. Enfin ils y arrivèrent, là Clervian et Isnel mirent pied à terre. Ils campèrent là jusqu’au lendemain, jour où ils entrèrent dans la forêt. Isnel n’osait poser aucune question, il suivait son maître silencieusement.
Quand ils furent parvenus à un point suffisamment loin de la clairière, Clervian tira d’une besace son précieux cor, le porta à ses lèvres et souffla trois fois. Un son pur, ressemblant à la fois au bruit du vent passant dans les branches, et à celui du cri d’un aigle retentit. Il attendit quelques minutes et voilà que des elfes s’approchèrent de lui sans craintes et parmi eux était Indolissë son compagnon. Ils se saluèrent chaleureusement. Mais Clervian, vit que Indolissë avait un air triste et que son visage était tiré. Il lui demanda après ces retrouvailles pourquoi Indolissê était si triste.
Alors Indolissë soupira longuement et dit ceci à Clervian :
« Mon ami les barrières sont brisées…Malvek a repris son attaque deux mois après ton départ. Il avait des forces bien plus grandes, il y avait là des milliers d’orques, des dragons au nombre de cinq mais surtout – et c’est là une grande perfidie de Malvek – il y a avait un griffon. Nous n’en avions jamais vu auparavant, c’est une bête terrible qui ravage tout ce qui passe auprès d’elle. Les orques ont envahi Albugonth, ils ont souillé la cité blanche de leur bave et de leur sang, car le griffon est entré dans la ville en écrasant les murs de marbre. Cette bête est extrêmement puissante et son aspect est terrible : elle ressemble à un animal à quatre pattes qui serait tout recouvert de plumes noires. Sa tête énorme lance une fumée grise âcre, sa gueule porte une rangée de couteaux tranchants, ses yeux noirs lancent des éclairs et elle rugit. Son cri fait frémir tous les cœurs. Ses pattes avant sont des serres qui étreignent toutes choses et les broient sans difficulté. Nous avons tenté de combattre ce monstre mais il broyait tout même les tours de marbres, nombre de nos soldats ont péris dans ses serres.
Mais nous avons pu quitter Albugonth avant qu’elle ne soit complètement prise. Nous habitons dans la forêt, quelques soldats, mais surtout Argolas et Armenel et… ton fils ».
Clervian, à ce dernier mot, tourna la tête vers Indolissë. Son visage qui était sombre pendant le récit s’illumina. Sans dire un mot il monta à cheval et fit signe à Indolissë de le guider. Ce qu’il fit, à travers les sentiers de la forêt, de plus en plus sombre là où les ombres se font denses et semblent être des êtres vivants qui conversent entre eux. Là les orques n’osent y aller, car il court des récits terribles sur cette forêt parmi les orques.
Après deux heures ils arrivèrent à un point de la forêt où les arbres montent à plusieurs dizaines de mètres au-dessus des têtes. Là, sonnant dans une fine trompe, Indolissë signala sa présence. Et voici qu’une petite plateforme descendit de la cime de l’un des arbres. Les elfes exilés vivaient maintenant dans les arbres, comme de nombreux autres elfes. D’arbres en arbres, de passerelles en passerelles, les compagnons parvinrent dans le palais sylvestre du roi Argolas et de sa fille Armenel. Alors en voyant son épouse, Clervian éclata en sanglots, la serrant dans ses bras sans savoir quoi lui dire. Puis, après avoir chaleureusement salué Argolas, il demanda à voir son fils. Il reposait dans un petit berceau de branchages et de feuilles vertes. Petit enfant de quelques mois seulement, ne se doutant nullement de ce à quoi il avait échappé.
Les heures qui suivirent furent dédiés aux récits : de terribles récits, qui remplirent Clervian de tristesse et de colère.
A ses côtés, Isnel patientait sans rien comprendre à ce qui se passait. Quand il avait vu les elfes paraître il avait eu comme un sursaut soit de surprise, soit de peur. Mais voyant que son maître discutait avec eux comme s’il les connaissait, mais dans une langue que lui ne comprenait pas, il fut rassuré. Il les avait suivis tout en se posant des questions mais, aussi nombreuses soient-elles, il ne parvenait pas à leur donner une explication valable. Pourtant il suivait sans rien dire, faisant totalement confiance à son maître.
Argolas expliqua qu’en prenant Albugonth, les fils qui retenaient les orques hors du monde des humains avaient été brisés. Ils commençaient à déferler sur le monde sans retenue, (et c’est ce qu’avait compris Clervian, quand il avait entendu la malheureuse femme, parler d’un « démon ») causant des dommages énormes aux populations humaines.
Pendant cette nuit, Clervian, Indolissë et Argolas discutèrent longuement. Armenel était là écoutant attentivement ce qui était dit. Il fut enfin décidé que les elfes devaient agir vite, et cela avec l’aide des hommes. Pour cela il fallait l’accord du peuple elfe, car certains n’apprécieraient pas sans doute une telle perspective. Mais l’urgence de la situation l’imposait. Le charme était brisé, il en allait de l’équilibre même du monde. A l’aube, tous les elfes présents furent rassemblés, et on leur soumis le projet. Et voici que la presque totalité des elfes accepta, car les souvenirs anciens avaient moins de valeur à leurs yeux que la situation présente. Seuls quelques-uns refusèrent et s’en allèrent de la cité des arbres.
Quelques soldats se portèrent généreusement volontaires pour le combat proche, un combat qui allait réunir deux peuples depuis des siècles séparés. Humains et elfes allaient se retrouver unis pour lutter contre un ennemi commun. Mais il fallait pour cela que les elfes se révèlent aux hommes, ces êtres qui n’avaient d’eux qu’une mémoire formée de légendes obscures et lointaines. Il fallait que ceux-ci ne soient pas effrayés. Alors quelques-uns, trois, demandèrent à venir avec Clervian et Indolissë pour faire découvrir aux hommes l’existence des elfes et Argolas accepta. Les réfugiés ayants repris confiance s’organisèrent de nouveau en un peuple offensif et non plus en un peuple traqué. Voilà que des gardes et des patrouilles furent mises en place de façon plus resserrée et plus fréquentes afin que l’ennemi non seulement ne découvre pas la place du refuge, mais qu’il sente une résistance forte.
Ensuite Indolisë, Clervian et les trois volontaires se préparèrent pour un départ rapide et le plus discret possible. Car de leur discrétion dépendait le sort d’une grande partie des peuples existants sur la terre. Clervian regarda encore une fois son fils avant de partir, il le confia personnellement à Isnel ainsi qu’Armenel et il rejoignit les autres.
Et le premier Seigneur auquel les six rendirent visite fut le père de Clervian, homme ouvert au cœur grand et généreux. Et son étonnement fut grand en voyant que ce qu’il croyait être des rêves de vieilles grand-mères, des histoires pour faire dormir les petits enfants, n’était que vérité. Pourtant il doutait que tout cela fut vrai, car son cœur tendait comme celui de son fils vers ce peuple magnifique.
Il voulut discuter longuement avec Indolissë, qui savait beaucoup de choses. Mais on lui fit comprendre que le temps pressait. Aussi fit-il rassembler autant d’hommes qu’il le put, des hommes de confiance aguerris et au cœur généreux : il leur confia dans quelle situation était son fils et ses amis, il leur dit aussi que du sort de ces derniers dépendait leur vie propre, aussi acquiescèrent-ils tous, bien que quelque peu sur leur garde quant à la condition d’indolissë.
Quand la nouvelle fut répandue aux alentours que de véritables elfes étaient dans les parages, de nombreux hommes affluèrent ainsi que de nombreux enfants. Certains étaient émerveillés par ceux-ci tandis que d’autres les maudissaient, les accusant de tous leurs récents maux. Mais les elfes restaient silencieux, car parler n’aurait servi à rien. Certains vociféraient quand d’autres s’émerveillaient.
Ostéor rassembla autour de lui de nombreux barons et nobles gens des environs, tous de familles simples mais d’un dévouement sans faille.
Certains eurent trop peur pour s’allier au projet d’Ostéor, mais leur valeur ne fut pas remise en cause par ce refus. Les autres acceptèrent bien que ne sachant nullement ce à quoi ils devaient s’attendre. Et ceux qui acceptèrent le plus vite furent les plus jeunes, c’est-à-dire ceux qui avaient encore en tête les merveilles que leur mère et leur nourrice leur avaient racontées. Bientôt une armée de deux mille hommes fut composée, et on n’avait jamais une telle armée depuis des siècles dans les parages. Aussi cette armée ayant pour tête Ostéor, son fils et Indolissë (ainsi que les trois autres elfes qui le suivaient) fut acclamée. Car les orques avaient depuis le départ de Clervian fait de nombreux dégâts dans la région, et la relation entre les elfes et ces créatures avait vite été faite. C’est pourquoi le peuple était heureux qu’une action fut enfin menée contre les troupes de Malvek qui, qui infestaient les campagnes. Clervian et Indolissê partirent en avant auprès de deux autres rois voisins d’Ostéor, qui serait sans doute d’accord pour aider l’armée déjà mise sur pied.
De seigneurs en seigneurs, de châteaux en châteaux, l’armée enflait de quelques centaines d’hommes. Bientôt ce furent plus de cinq mille hommes qui sillonnaient les routes. Les seigneurs ne refusaient pas leur aide car les orques détruisaient les récoltes, tuaient sans scrupules. Ainsi donc, l’arrivée d’une défense contre ces êtres effrayants fut la bienvenue, d’où qu’elle puisse venir. Mais la nouvelle se répandait bien vite dans le monde que des elfes venaient quérir de l’aide pour chasser les « Kaîlins » comme les hommes les appelaient maintenant. Il y eut bien sûr des seigneurs qui refusèrent leur aide, et il fut certain qu’ils aidaient les orques plutôt que les hommes. Car ces derniers proposaient aux rois cupides des richesses qu’ils n’auraient jamais pu obtenir par eux-mêmes.
Au bout d’un mois, l’armée était grosse d’environ sept milles hommes, bien armés et robustes et d’autres avaient été promis par les seigneurs visités. Et il y avaient là des fantassins légèrement armés d’un simple bouclier de cuir et d’une épée courte, des cavaliers munis d’un pieu long de deux mètres et d’une grande épée à deux mains, et surtout étaient présents des archers aux arcs petits (face aux grands arcs elfes). Sur les petites routes cette armée s’allongeait sur plusieurs kilomètres et était visible de loin. Mais des patrouilles à cheval surveillaient les flancs gauches et droits pour qu’aucune attaque ne soit à redouter.
La troupe s’arrêta quelque temps pour que l’ordre fut rétabli, les vassaux s’étant placés avec leurs hommes à la suite de la colonne sans vraiment d’ordre logique. Et les chevaux demandaient aussi quelque repos. Aussi l’on stoppa dans une clairière verte que Clervian ne connaissait pas. D’ailleurs aucun ne connaissait cette lande à l’aspect accueillant et tous purent s’y reposer à souhait. Les barons demandèrent à Clervian où ils contaient aller, et il leur répondit sur le conseil d’Indolissë qu’ils continueraient encore vers le nord jusqu’à entrer dans la forêt pour y retrouver les forces qu’avait rassemblé Argolas. Ainsi firent-ils.
Après quatre longs jours de repos, ils repartirent. Mais voilà qu’en cours de route ils se trouvèrent à une croisée de chemin : l’un allait vers l’est l’autre à l’ouest mais au nord rien que des champs de blé mûr. Voyant un paysan d’un âge certain ils lui demandèrent où menaient les routes qu’ils voyaient, et lui bien qu’effrayé répondit, en donnant quelques indications. Mais rassuré par l’aspect amène d’Indolissê et Clervian il leur proposa de les accompagner vers le nord. Sa taille était petite car il était depuis longtemps courbé par les âges, ses mains brunies par le soleil montraient sa condition. Il marchait d’un pas bizarre presque sauté, et les hommes avaient l’impression de le voir danser quand il courait de l’avant. Bien qu’agréablement surpris Clervian se méfiait de cet homme dont il ne connaissait pas l’origine. L’homme les guida jusqu’à une forêt noire dont les arbres très serrés ne laissaient presque pas passer la lumière du jour. L’armée campa encore ce jour-là, devant la forêt, et pourtant certains durent y entrer tant la troupe était grande.
Dans la nuit un cri retenti comme un cri de douleur et de rage, et tous les hommes furent effrayés car il ressemblait au sifflement d’un serpent, mais qui aurait la puissance du cri d’un ours. Même les plus courageux n’osèrent se poser de questions sur ce cri, car ils en étaient terrifiés. Le lendemain fut gris. Jusque-là les soldats avaient été gratifiés d’un soleil chaud et amical dont les rayons faisaient rayonner les cottes de mailles. Tous avaient encore en tête les faits de la nuit passée, tous faisaient grise mine sauf les elfes qui sont toujours joyeux même dans la pire des tourmentes, (d’ailleurs si jamais ils perdaient leur joie qui est comme leur âme même, ils mouraient inexorablement, car leur corps ne peut supporter les larmes). Les hommes marchaient maintenant dans la forêt sombre comme accablés par un poids énorme, tête courbée, mains pendantes : écrasés par le ciel bas menaçant, et commencèrent les éclairs. Alors leur guide ricana d’une voix grinçante et il déclara :
« Clervian fils d’Ostéor tu veux me combattre, mais tu n’es pas plus fort qu’un enfant, j’aurai ta tête sous mes pieds avant la fin de cette année ».
Tous reconnurent la même voix qu’ils avaient entendu le soir, et la colonne s’arrêta apeurée. Clervian autant qu’eux frémissait en écoutant cette voix, et même Indolissë n’était plus aussi sûr de lui, mais son visage montra un étonnement. Clervian attendit d’être calmé, puis déclara :
« Si tu ne veux me servir, ôte-toi de mon chemin, et je te laissera la vie sauve », de nouveau l’homme ricana puis il sembla qu’il devenait de plus en plus grand et sombre, puis comme une fumée s’échappa du corps, qui tomba sans vie. Une voix dans les airs déclara encore :
« Je te le déclare Clervian fils d’Ostéor tu n’es déjà plus en vie, et j’aurai la joie de boire ton sang dans quelques jours ».
Puis le silence se fit. L’on s’approcha du corps allongé de l’homme et il leur sembla qu’il vivait encore, mais d’une vie comme enchaînée. Puis il se réveilla comme sortit d’un rêve, et montra un visage rassuré en voyant Indolissë. Mais celui-ci dit à Clervian :
« Ce qui a parlé tout à l’heure était plus fort que toute cette armée réunie, bien plus fort que moi et que tous les elfes, c’était je le crains Malvek qui a pris l’apparence de cet homme ».
L’on prit alors de plus en plus de précaution, car le guide leur avait dit que Malvek les avait conduits dans une forêt dont il ne connaissait pas les détours. Aussi le suivirent-ils avec prudence, surveillant plus encore les côtés et leurs arrières. Au bout de quelques heures, des mouvements se firent entendre de part et d’autre du sentier qu’ils avaient emprunté. Presque aussitôt une volée de flèches noires s’abattit sur eux, tuant ou blessant des dizaines de soldats. Mais déjà leurs longs boucliers levés, les fantassins protégeaient les archers, pour qu’ils puissent riposter. Et voilà qu’une centaine de flèches partit de la colonne et l’on entendit dans les proches fourrés des cris de douleur. Mais les barons interdirent aux chevaliers de se jeter sur les côtés pour attaquer leurs assaillants, car ils ne connaissaient pas ce qu’il y avait plus loin. Aussi l’armée continua sa marche à petit pas, boucliers levés, quelques flèches ripostant. Bientôt l’attaque se fit plus diffuse, mais que l’on ne croit pas que ce fut fini, car Malvek concoctait encore quelque trahison de sa sorte.
En fin de journée, l’armée arriva dans une clairière vaste et plus éclairée que le reste de la forêt où ils purent s’arrêter à leur aise, non sans se tenir sur leurs gardes. Et l’armée n’eut qu’un repas frugal et froid car dans leur situation le feu n’était pas de mise. Il n’y eut pas d’attaque cette nuit-là, au grand soulagement des soldats, mais à la grande crainte des barons, des elfes, d’Ostéor et son fils car ils savaient que cela laissait présager : les orques se rassemblaient pour frapper plus fort. Aussi partirent ils en grande hâte le matin. En montant dans les arbres, Indolissë avait observé le ciel pour connaître leur emplacement. Il parla avec leur guide et leur indiqua de le suivre. Quelque temps ils gardèrent la route, puis la forêt se fit plus clairsemée, çà et là des rayons de soleil perçaient les branches des arbres. Mais ce fut là que de nouveau les orques attaquèrent, plus fort encore que la veille. Un millier de flèches s’abattirent sur la colonne, en tuant un grand nombre d’hommes. Certains orques se risquèrent à attaquer la colonne en sortant de leurs caches, mais ils furent vaillamment repoussés par les fantassins qui frappaient de leur épée légère.
Alors Clervian hurla dans l’air :
« Malvek, Malvek il n’est pas venu le temps où tu boiras mon sang, maudis sois tu ».
Mais d’autres orques jaillissaient de tous côtés et déjà les soldats étaient assaillis de toutes parts et commençaient à faiblir, alors prenant son cor elfique Clervian souffla fort et longtemps, et un son clair comme le vent et doux le bruit de la mer en sortit. Entendant cela, les orques hésitèrent, et certains des plus faibles quittèrent le champ de bataille. Clervian souffla encore et encore. Puis criant d’une voix forte il demanda aux fantassins de courir aussi vite qu’ils le pourraient et aux chevaliers de piquer des deux. Car la situation était devenue critique. L’on vit alors une ruée, sans but autre que la conservation de la vie. Mais Indolissë, n’était pas inquiet. Il écoutait calmement tout en courant d’un pas leste, puis un sourire pointa et il dit d’une voix douce.
« Ne crains plus Clervian, voilà le secours que j’attendais ».
En effet après quelques minutes, parurent cinquante archers elfiques entourés de soldats, ils arrivaient en courant car ils avaient entendu l’appel de Clervian. Ils se postèrent sans mot dire et apprêtant leurs flèches, une laissait partir une volée, puis une autre et une autre et encore… enfin l’attaque s’éteignit et les orques abandonnèrent tous le champ de bataille.
De plus en plus les hommes pouvaient admirer la prestance des elfes, et mirer leurs armures blanches et légères. Mais il en fut pour être jaloux de leur beauté, et ceux-là furent une graine de discorde dans l’armée.
Leur guide était émerveillé de voir de telles créatures en si grand nombre, pourtant parfois passait dans ses yeux un reflet verdâtre comme de pourriture, à ces moments il promenait des regards méchant sur Clervian, Ostéor ou encore Indolissë. Ces derniers l’avaient depuis longtemps remarqués mais n’en soufflaient mot. La colonne repartit ayant pour escorte la petite troupe d’elfes qui les avaient épaulés et qui leur servirent de guide.
Ils durent continuer trois jours, avant d’arriver enfin à la ville silvestre d’Argolas. Il salua le roi, puis avec une douceur extrême Armenel et son fils ainsi que son écuyer Isnel. Tous les hommes regardèrent avec émerveillement la cité qu’ils avaient sous les yeux, ainsi que les elfes que se déplaçaient avec légèreté dans les arbres. Aussi étonné était Ostéor de voir son fils parler avec celui qu’il savait être le roi, et le voir embrasser avec tant de délicatesse Armenel et son fils. Et il est important que l’on sache comment Armenel appela son fils en l’absence de Clervian, et son nom est Heren. Nul ne sait quel est le destin qui l’attend.
Dans la cité d’Argolas, les hommes étaient en sécurité car par sa magie ce dernier avait tissé des protections et nulle personne mal intentionnée ne pouvait tenter d’entrer sans être pris d’un sommeil sans réveil. Ainsi l’armée pu se reposer, et l’on organisa la protection de la cité entre hommes et elfes. C’est ainsi que la guerre ne se fit pas dans un champ de bataille comme toutes les guerres mais au milieu de la forêt, et la victoire ne se joua pas sur une journée mais sur plusieurs années, vingt exactement. Durant ces années les hommes vieillissaient, mais sans cesse il en venait d’innombrables qui ayant entendus les hauts faitd de Clervian fils d’Ostéor et d’Indolissë son ami, voulaient aider les elfes.
Mais il advint qu’au cours d’un combat Ostéor le père de Clervian fut percé d’une flèche et succomba au poison qui enduit ces traits orques. Mais il avait déjà quatre fois vingt ans et commençait à se sentir fatiguer de batailler, aussi s’en alla-t-il en paix.
Heren fils de Clervian grandissait en taille et il apprenait toute la science des elfes, leur amour des arts, et des hommes il apprenait à monter à cheval, et à manier les lourdes épées qu’ils portaient. Tous les hommes et elfes l’aimaient. Il aimait à se promener parmi eux et leur parler avec sa voix fluette, montant sur des troncs posés à terre il comptait se mesurer aux grands hommes, où marchant le plus discrètement possible il essayait de se faire aussi silencieux que les elfes. Et à ces deux jeux il réussissait très bien, car il avait le pied léger comme le sont ceux des elfes, et déjà à sept ans il mesurait la moitié de la taille du plus grand des guerriers de Clervian. Tous le prenaient comme leur propre fils, les hommes comme les femmes le chérissaient car il était toujours de bonne humeur apportant joie et réconfort aux soldats humains et sujets de chansons et poèmes aux femmes elfes.
Il était déjà grand, avait un regard franc que peu pouvaient soutenir sinon ses parents et le roi Argolas qui seul réussissait à le faire baisser les yeux. Ses cheveux étaient aussi blonds que ceux de sa mère, ses bras robustes pour son âge montraient ses origines humaines, et son front haut et clair montrait sa grande noblesse.
A quatorze ans, Heren montait à cheval, la tête droite, les pieds enfoncés dans les étriers, rêvant de courses folles contre les orques que son père et ses soldats continuaient à chasser.
Les deux races s’étaient depuis longtemps rapprochés : les hommes appréciaient la grande douceur et la connaissance des elfes, les elfes reconnaissaient la robustesse et la témérité des hommes au combat. L’on composait des chansons sur la réunification des hommes et des elfes, des tribus entières se massaient dans l’enceinte qu’Argolas protégeait. Bien que les temps fussent difficiles tous étaient heureux dans leur adversité car tous unis dans un même but et ne cherchaient que les biens de ceux qu’ils côtoyaient. Tous échangeaient leurs connaissances, plus ou moins rudimentaires, tous s’enseignaient avec joie. Tout cela se passa alors que Malvek économisait ses forces, depuis ses essais infructueux, il cherchait à perdre cet homme qui lui tenait tête, cet homme qui, il en était sûr, avait du sang elfe pour lui résister ainsi.
Mais les hommes en profitaient ne se souciant pas du lendemain, préférant s’amuser que de penser aux horribles choses qu’ils avaient vécus dans les temps anciens.
Mais une chose préoccupait Clervian et Argolas, leur guide semblait de plus en plus instable. Il se recroquevillait comme chargé d’un poids énorme, ses mains se repliaient et il semblait qu’il ne faisait plus attention à son apparence, laissant des traces de boue traîner sur son corps et ses habits. Parfois on le voyait revenir de longs voyages dans la forêt, le visage tâché de sang, les lèvres encore dégoulinantes d’un repas de chair crue. Mais nul n’osait lui demander où il se rendait, ou ce qu’il faisait si longtemps dans la forêt. De plus en plus son attitude se fit sauvage comme celle d’un chien qui n’aurait jamais été éduqué, il manifestait ses sentiments plus par des grognements que par des paroles claires. Alors Clervian, Argolas et Indolissë (car il était depuis longtemps membre du conseil du roi Argolas et son ami intime), se réunirent pour échanger leurs impressions.
Et Argolas déclara ceci :
« Il y bien longtemps, alors que toi-même Indolissë n’était pas né, un homme fils d’un roi de nos alliés fut possédé par Malvek lui-même pour semer la mésentente parmi les hommes. Le démon rentra en lui, jeta quelques paroles mauvaises qui causèrent de grands dégâts dans nos amitiés, puis il s’en alla comme il était venu, mais le pauvre homme fut marqué à jamais de ce passage et il devint progressivement comme les orques de Malvek, indiscipliné, sauvage. Finalement il attira de nombreux hommes à lui car sa langue acérée et fourchue comme celle d’un serpent savait attirer à lui les plus faibles pour défendre sa cause. Il rassembla autour de lui une armée qu’il mit au service de Malvek pour ravager le pays. Alors le peuple uni que nous étions se divisa en deux : les uns défendaient cet homme parce qu’il était fils de roi, les autres plus perspicaces voyaient au travers de lui l’action de Malvek. Il y avait parmi eux l’un des tes ancêtres, Clervian, un homme plein de sagesse et de douceur. Il vint me voir et me demanda mon aide. Là à Albugonth il tomba amoureux de ma cousine qu’il épousa avec bonheur. Il l’a rencontré au même endroit que toi, dans les mêmes circonstances où toi tu rencontras ma fille. C’est pourquoi je n’ai pu m’opposer à votre union. Ils eurent un fils aussi beau que Heren aujourd’hui, qui fut tué dans une embuscade orque, laissant sa femme seule avec trois enfants. Ainsi ta famille continua longtemps jusqu’à ce que ta mère te donne vie. Mais quand ton aïeul se fut confié à moi, je lui offrais mon aide immédiatement, mais la victoire alla au possédé. Il avait rassemblé tant d’hommes de tous les milieux, leur racontant des mensonges mêlés de vérité. Ils eurent le dessus. Mais quand la destruction fut presque achevée, lors d’une bataille dont tout elfe né à cette époque se souvient, un grand brouillard se fit plus présent. On ne voyait son ennemi, l’on entendait des cris de tous côtés sans savoir où l’on allait, croyant voir des ombres de soldats quand on ne voyait que des arbres. Le lendemain tous les elfes vivants se retrouvèrent là, les orques nous le savions rôdaient aux alentours, mais aucune trace des hommes mauvais ou bons. Tous avaient disparus sans laisser de traces. Tamporal, celui qu’Es charge des saisons de la terre, avait caché à notre vue le moment où ce dernier avait tissé les liens qui empêchaient les yeux des orques et des hommes de se voir mutuellement. La grande scission avait été installée dans le monde. Les elfes se cachèrent, de peur de trouver quelques hommes mauvais, mais ils ne cherchèrent pas à retrouver leurs alliés.
Les conclusions des trois amis fut qu’il fallait se débarrasser du vieillard coûte que coûte, pour préserver cette paix nouvelle entre les hommes. Alors Clervian proposa de s’en occuper, et le lendemain il appela l’homme à lui. Il lui proposa de s’en aller avec lui dans la forêt pour se détendre, et il accepta avec joie (car il avait des moments de lucidité), et ils partirent donc, Clervian à cheval l’autre à pied comme à son habitude. Arrivés près d’un ravin d’où coulait un ruisseau s’enfuyant en cascade du haut de la falaise abrupte. Pendant que l’homme observait l’eau en silence, Clervian tira son épée blanche, mais l’autre se retournant lui jeta un regard froid, et une lueur verte passa dans ses yeux. Puis se ravisant sur ce qu’il s’apprêtait à faire, il se retourna face à la cascade, et courut se jeter dans le vide sans un seul mot. Son corps émis un bruit mat sur la pierre, Clervian s’approcha toujours sur son cheval, pour voir du haut de la falaise le corps allongé sur la pierre, arrosé par l’eau froide. Mais alors qu’il faisait volte-face le corps avait disparu.
Alors qu’il revenait vers la ville, il sentit que son cheval tremblait de tout son corps, et lui-même sentait en lui quelques frissons. Il se dépêcha de s’en retourner, mais un bruit sourd parvint à ses oreilles et une seconde après la terre trembla sous les sabots de son cheval, et il en fut presque désarçonné. Il regarda en arrière et vit à plusieurs kilomètres et dans le ciel, un groupe d’oiseaux effrayés par quelque chose dans la forêt qu’il ne voyait pas. Alors il lança son cheval au galop pour prévenir Argolas. Arrivé au camp il les trouva tous tremblants, elfes et hommes sans exception car ils savaient ce que suggéraient ces bruits et ces tremblements. Le griffon, cet abominable animal s’approchait de la cité.
Malvek était au courant de leur existence, il avait refait ses forces et il les cherchait. Dès que Clervian fut arrivé, l’on s’organisa au mieux, mais il voulut prendre avec lui seulement quelques hommes, les plus vaillants ainsi qu’Indolissë. Et ils partirent vers le monstre au corps de plumes. Lui ne savait à quoi s’attendre bien que la description des elfes lui en donnât une idée suffisamment précise, et bien que décidé il avait un frisson qui lui courait le long de la moelle épinière rien que de penser à affronter cet animal. Mais il menaçait son peuple et il ne pouvait permettre qu’ils restent à découvert ne serait-ce que le temps d’une bataille. Ils arrivèrent le soir près d’un campement orques qu’ils purent observer du haut d’un talus qui les dissimulait tout en leur permettant de les observer. Accroché à un piquet de la taille d’un chêne centenaire, une bête de plusieurs mètres de haut bien qu’allongé dormait lançant à chaque expiration des jets de fumée grise qui remplissait l’air du camp d’un brouillard acre, mais ceci ne semblait pas déranger les orques. Au loin, ils pouvaient apercevoir le campement de bataille de Malvek qui dirigeait lui-même les opérations. Ils décidèrent de rester inactif jusqu’au lendemain et de les surprendre au réveil (ils étaient tout de même cent cinquante hommes que Clervian avait lui-même choisi parmi les plus téméraires).
Le soleil se leva clair et chaud alors qu’ils étaient couchés à même le sol tandis que quelques sentinelles gardaient la place avec vigilance. Ils entendirent au loin le mouvement et les cris rauques des orques qui se levaient. Un léger tremblement secoua la terre sous leurs pieds et ils comprirent que le griffon était réveillé. Alors ils se préparèrent et s’armèrent de pied en cap. Ce qu’ils allaient faire, personne n’oseraient jamais plus le faire. Leurs épées accrochées à leurs ceintures de cuir ils s’avancèrent pour observer de nouveau les orques qui s’activaient.
Puis tous se cachèrent dans les arbres, utilisant le manteau des feuilles. Ils devraient être extrêmement rapides et faire le plus de dégâts possibles, et surtout tuer le griffon ! Quelques minutes passèrent, puis une heure, et enfin ils entendirent le lourd martèlement des quatre pieds du griffon sur la terre et les cris jetés par les orques dans leur langue noire. Ils virent enfin l’immense monstre, comme l’avait décrit Indolissë. Recouvert de plumes noires (il ressemblait par là à un corbeau énorme de la taille d’un éléphant), des pieds lourds comme du plomb, des pattes grosses comme des troncs d’arbre. Sa tête ressemblait à celle d’un lion noir, les yeux rouges, et des crocs sortants presque de sa gueule rouge. Ses pieds se terminaient chacun par quatre énorme griffes grises, et ses pattes étaient parsemées de griffes depuis le bas jusqu’aux épaules. Malheur à celui qui s’approchait de lui sans faire attention à ces couteaux meurtriers, il finirait ensanglanté sur le bord du chemin et les orques le laisseraient là pourrir sans plus de cérémonie.
Clervian se demanda comment tuer ce monstre pendant que ses hommes s’occupaient des orques. Il observa l’animal, le dévisagea, mais ne vit aucune partie de son corps qui fut vulnérable. Il regarda encore et encore et fini par voir que seul le haut de sa tête était accessible sans trop de mal. Il lui suffirait de plonger sa blanche épée dans la gueule béante du griffon au risque d’y laisser le poignet. Et Clervian entendit le griffon approcher, donnant des ordres à ses hommes. Bien que la troupe ennemie fut à quatre cents mètres il voyait et observait tous les mouvements des orques. Bientôt le griffon fut sur eux, il renifla comme un chien, puis grogna, il avait senti leur présence. Mais Clervian le voyant arriver, bondit sur sa tête, et se fut un combat comme personne n’en a jamais vu. La monstrueuse bête voulu se débarrasser de Clervian en vain, secouant la tête et grognant, lâchant des gémissements sourds et soufflant des traits de fumée grise de ses naseaux. Mais Clervian s’épuisant rapidement du se décider à vite en finir, et il s’approcha des yeux de la bête, bien au milieu du front. Et alors que le griffon s’arrêtait pour se reposer, il se leva sur ses deux pieds leva Virgal au-dessus de sa tête et l’enfonça dans le crâne du griffon exactement au milieu des deux yeux.
Et ce fut un hurlement de douleur. Le monstre se convulsa, se secoua de tous côtés, c’est alors que perdant l’équilibre Clervian tomba et fit une chute qui l’assomma. Mais personne n’avait vu que le griffon dans ses convulsions avait levé le pied au-dessus de Clervian. Le membre s’abattit comme une masse tuant du coup le père de Heren.
Ce fut là une terrible épreuve quand les hommes qui se battaient contre les orques et les repoussaient vaillamment, virent leur chef étendu dans un creux du sol, le griffon couché près de lui, les yeux levés vers le ciel, comme s’il voulait voir plus loin que les étoiles un royaume que nul autre ne voyait maintenant que lui. Les orques, eux, voyant leur monstre mort perdirent toute assurance et se débandèrent, poursuivis par les hommes. Mais un groupe d’une dizaine d’orques s’était approché du corps dont un gigantesque aux bras et au tronc énorme. Il s’approcha et s’abreuva goulument du sang qui coulait des blessures de Clervian. Mais à ce moment approcha Heren qui pris d’un soudain sentiment de peur avait pris un cheval pour rejoindre son père au plus vite : un pressentiment. Il mit en fuite les orques sauf le géant qui le regarda s’approcher, le sang coulant encore de ses lèvres comme pour lui jeter un défi, puis il s’évanouit dans un nuage noir qui s’approcha de Heren, et voici qu’il entendit ces mots comme sortis d’un tombeau :
« Je l’avais dit à ton père, c’est maintenant fait, son sang coule en moi. Regarde la défaite des tiens en celle de ton père. Bientôt ton tour viendra, ne soit pas impatient. »
Ces mots le firent frissonner mais avant qu’il ait pu répliquer l’ombre avait disparu.
Et voilà qu’il s’approcha le visage sombre du corps et marmonna pour lui un vieux chant funèbre. Au retour des hommes de Clervian, son corps fut transporté dans les pleurs un lit de branchage accroché à un cheval.
Ils arrivèrent en la cité d’Argolas, et ce furent là des larmes qui ne tarissaient pas. Armenel ne pouvait retenir des sanglots spasmodiques, voyant là son mari étendu le visage froid et sans vie. On l’enterra sous un tertre royal avec son épée Virgal que Heren avait enlevé du crâne du griffon. Et voilà que la lame en était tachée de sang, qui ne voulut s’enlever même avec toute la bonne volonté du monde.
Maintenant, il ne restait à Heren que sa mère et son grand-père Argolas. Fils et petit-fils de roi, il se comporta comme tel. Bien qu’ayant seulement seize ans son visage sombre lui donnait cinq ans de plus. Il décida de lever parmi le peuple des elfes et des hommes rassemblés, une armée la plus grande possible et d’attaquer Malvek quand il ne s’y attendrait pas, au moment et à l’endroit les plus inopportuns. Là ils frapperaient l’ennemi effrayé mais lui se donnait un objectif plus grand que de chasser de l’orque. Il voulait tuer Malvek ou se faire tuer par lui, de l’issue du combat résulterait la survie ou non des peuples libres de la forêt.
Il réussit à rassembler trois milles hommes, tous de vaillants soldats, tous courageux et dévoués, elfes ou hommes, nobles ou non. Ils s’équipèrent des épées les plus solides et des plus légères cuirasses. Certains allaient à cheval, portant un pieu à la pointe duquel flottait le fanion de Heren qu’il avait imaginé avant de partir : une couronne d’or incrustée d’émeraude, au centre duquel se tenait une épée pointe vers le haut, et au-dessus de cette pointe un lys blanc. En effet Heren, alors qu’il se promenait avec sa mère, voulu lui offrir une fleur pour la réconforter, et se penchant il ne vit qu’un lys au milieu d’un champ de marguerites. Un seul lys et lui seul l’avait vu, il décida de le rajouter à sa bannière pour se donner confiance au creux de la bataille.
Ils partirent en août alors que le soleil scintillait sur leurs armes et armures, et les faisaient resplendir comme des étoiles vivantes descendues du ciel. L’armée partit vers le royaume de Malvek, à l’Est. Ils allèrent vite ne s’arrêtant que le minimum nécessaire. Et les hommes ne se plaignaient pas. En cinq jours les remparts noirs de la cité de Malvek furent en vue, sinistres monument d’où émanait sans cesse une fumée noire comme celle d’un charnier, et plus on avançait plus la puanteur se faisait sentir. L’on se mit à couvert pour se reposer quelque peu. Le lendemain, (et ce fut très difficile de savoir si l’on était vraiment le matin tant la lumière était faible), Heren s’avança le plus proche possible des murailles, sans pour autant s’exposer aux flèches des orques, mais suffisamment proche pour qu’on puisse l’entendre.
Et voilà ce qu’il déclama :
« Malvek, toi qui engendra le Mal,
Toi qui ne vis que pour toi,
Et soumets les hommes à un destin funeste,
Toi source de tout mal sur terre,
Viens te mesurer à moi,
Malvek je te défie. »
Et cette menace avait été prononcée avec rage, comme le ferait un homme désespéré ou fou de douleur. Alors il sortit de son fourreau une épée rouge d’un côté, blanche de l’autre. Il la fit briller aux quelques rayons qui passaient :
« Voilà en signe, d’un côté le sang de mon père, de l’autre ce sera le tien ».
Cette épée, Heren l’avait fait forger par ce même forgeron, qui refit l’épée de Clervian. L’une des faces fut faites avec du rubis, l’autre avec de l’or blanc comme la pureté elle-même. Les deux faces étaient reliées entre elles par un très fort enchantement, et qui ne permettait qu’à Heren de porter sans défaillir cette épée.
Le cri de Heren fut accueilli par des sarcasmes et une volée de flèches. Mais il attendit patiemment, tous ses soldats attendaient près devant les portes, immenses et sombres de la forteresse de Malvek. Puis comme tenues par deux mains gigantesques, les portes pivotèrent, et laissèrent apparaître un flot d’orques que la forteresse vomissait sur la plaine où les soldats les attendaient calmement. Dans un seul geste tous les cavaliers avaient abaissé leur lance, si bien que la première ligne d’orques fut stoppée nette dans sa course et déjà la deuxième fuyait. Mais comme rappelés à l’ordre ils revinrent à l’attaque : cette fois ce furent les archers elfes qui les arrêtèrent de leurs fines flèches. Encore un troisième assaut fut repoussé, puis un quatrième. Les orques n’en finissaient pas de sortir, mais déjà les hommes faiblissaient. Enfin, l’assaut devint moins agressif, le nombre d’orques se réduisait : Malvek avait lâcher le gros de ses forces.
Mais la bataille n’était pas gagnée pour autant. Sortant entre les portes un ouragan se dirigea vers les troupes de Heren, déstabilisant ses troupes, le vent noir tourbillonnait autour des chevaux terrorisés et Heren entendait un rire rauque au travers de ce vent. Il appela Malvek, car c’était lui :
« Malvek, toi être si puissant capable de prendre n’importe quelle forme, de la plus grande beauté à la plus franche laideur, montre-toi à un homme démuni qui ne sait plus comment se battre ».
Séduit par ces mots, Malvek décida de lui accorder ce qu’il voulait, le vent noir se tassa et prit une forme comme humaine, mais d’une taille gigantesque, là où était la tête brillaient deux boules incandescentes qui le fixaient. Et Malvek lui dit :
« Tu es bien téméraire Heren, fils de Clervian. Crois-tu pouvoir faire mieux que ton père, lui qui fut lamentablement écrasé par l’un de mes animaux ? ».
Mais Heren ne l’écoutait pas, monté sur son cheval il abaissa sa lance et visa la cuisse de Malvek, et avant même que ce dernier ait pu faire un geste il avait la jambe transpercée. Il mit un genou à terre dans un cri de douleur. C’était ce qu’attendait Heren qui lui sectionna la jambe de son épée au niveau du genou plié. Le sang gicla noir et visqueux. Malvek dans un cri de rage tenta d’attraper Heren, mais celui-ci se déplaçait trop vite alors qu’il était mutilé. Son poing s’abattait dès qu’il voyait une ombre. Et Heren de sa lance le piquait soit dans le dos, soit dans la jambe, le fatiguant encore plus. Finalement, alors que Malvek fatigué par l’effort et la perte de sang ne faisait plus un geste, il monta sur son corps, puis se mettant en équilibre sur ses épaules, il lui trancha la tête d’un geste précis et sûr.
Avant que le corps ne s’affaisse, il avait sauté à terre. Mais voilà, la tête parla, et voici ce qu’elle dit dans ses derniers moments :
« Tu m’as tué, il est vrai, mais ne crois que je disparaîtrais aussi facilement. Partout où tu seras je serai, dès à présent je hante le corps des hommes, je les ronge de l’intérieur. Tu m’as tué mais je vis de votre vie, tout acte mauvais que je leur inspirerais sera pour moi une nourriture. Toi je ne pourrais t’avoir mais ta descendance dans mille, deux milles, trois milles ans fera sans s’en rendre compte selon ma volonté. Ton royaume et ta force s’affaisseront d’eux-mêmes. Tu m’as tué Heren, mais je vis encore. » Et la tête se tut.
Heren se releva, monta sur son cheval et rejoignit ses hommes qui avaient tous contemplé le combat. Tous levèrent leurs épées et poussèrent un cri de victoire, puis s’agenouillèrent en signe d’allégeance. Ils levèrent leur camp dans les chants de joie, et la route leur fut moins dure semble-t-il qu’à l’aller.
Heren n’avait perdu ce jour-là que quatre cents hommes, tués lors des assauts des orques. Ils arrivèrent dans la forêt d’Argolas où tous savaient car au moment de la mort de Malvek, ils avaient tous senti qu’un poids qu’ils avaient depuis longtemps sur leur cœur, comme une oppression les avaient quittés. La joie illuminait tous les visages, les enfants couraient près des chevaux, et même les femmes de ceux qui étaient tombés riaient avec les autres, car elles étaient heureuses de savoir que leur compagnon avait donné leur vie pour cette bataille, cette victoire retentissante. Quand Heren arriva dans la demeure d’Argolas, celui-ci le prit avec lui et l’amena à une terrasse visible de tous : il prit sa couronne sertie de feuilles de chêne d’émeraude, et la lui posa sur la tête. Puis il dit à Heren :
« Longtemps j’ai voulu donner cette couronne à ton père, mais voilà que je vois que tu es aussi digne que lui de la porter. Son esprit survit en toi. Heren vainqueur de Malvek, je te fais roi du domaine de la forêt de chênes ».
Heren s’était agenouillé et il reçut la couronne ainsi. Puis un long chant sortit de la bouche des elfes et des hommes, comme s’ils l’avaient composé à cette occasion.
Maintenant, Heren régna longtemps avec Argolas son grand père, mais des dissensions apparaissaient parmi les hommes. Certains voulaient quitter la forêt, et ceux-là étaient les descendants des hommes qui n’avaient pas connu la victoire de Heren. Ils s’en allèrent donc dans les plaines, et oublièrent peu à peu la haute civilisation qu’ils avaient connu. Ils devenaient de plus en plus sauvages et n’entretenaient plus de relations avec les elfes et les hommes sujets de Heren. Un jour même ils s’armèrent et voulurent combattre les elfes mais ils ne trouvèrent jamais le domaine d’Argolas.
Quand ils virent cela, les elfes décidèrent de se disperser et de ne pas rester les uns avec les autres pour trouver des terres plus propices. Ainsi, Argolas partit dans une forêt au Nord-Ouest, Armenel le suivit puis continua plus loin. Elle fit construire un bateau car devant elle s’étendait une mer bleue. Elle traversa donc et se retrouva dans une terre quasiment déserte. Heren, lui partit à l’Est, vers le royaume de Malvek, fit détruire la forteresse, et ordonna qu’on fit construire la plus belle Cité qu’on ait jamais vu, mais que cette cité ne soit pas visible aux yeux des hommes mauvais. C’est ce qui fut fait, et Heren régna en roi sur les anciennes terres de Malvek, qui étaient devenues luxuriantes.
Cela faisait mille ans que Malvek avait succombé, quand apparurent des hommes venus du Sud aux cheveux noir comme le jais, portant des armes courtes, qui conquirent sous les yeux impassibles de Heren toutes les terres qui l’environnaient, du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest, mais jamais les elfes ne furent inquiétés car ils étaient protégés par leurs enchantements. Cinq cents ans plus tard parvinrent d’autres peuples, ceux-là venants de l’Est, ils semblaient sauvages, sans lois, brûlant et pillant. Mais se voyait dans leurs yeux comme une peur toujours présentes, cause de leur venue dans le pays. Ils venaient de l’autre rive d’un fleuve large et profond qui limitait le royaume de Heren. Heren au cours de ses visites en dehors de sa forteresse, convia des chefs de cette peuplade à venir visiter chez lui, et eux, craintifs, acceptèrent l’invitation. Ils vinrent avec leur famille, étant environ une cinquantaine. Ils furent émerveillés par le château que Heren avait fait construire, tout en marbre blanc et rose.
Heren leur demanda alors en échange de terres de s’établir et de ne plus piller le pays comme ils le faisaient jusque-là. Il leur demanda encore de coopérer avec les hommes aux cheveux noirs pour maintenir la paix dans le pays. Dans cette entrevue, il remarqua la fille d’un chef barbare qui semblait sortie de la maison d’Es lui-même tant ses cheveux d’or brillaient, et son visage blanc rayonnait à la douce lumière du soleil.
Pendant de longues années il observa la jeune fille, car il avait fait de son père un ami en l’acceptant souvent chez lui. Il appréciait sa compagnie qui était beaucoup plus agréable qu’on aurait pu le penser au premier abord. Un jour enfin, il demanda la main de la jeune fille, et l’homme enchanté et honoré d’une telle demande, la lui accorda sans plus attendre. Heren appris enfin le nom de cette jeune fille qu’il entrevoyait seulement, et son nom était Wallayne cheveux d’or. Elle avait sans cesse le sourire aux lèvres, même quand tout était au plus mal.
Le mariage eu lieu quelle semaine plus tard après que Wallayne eu donné son accord plein et entier à cette union. La cérémonie se fit selon deux rites différents : celui courant chez les elfes, et celui du peuple de Wallayne. Heren et Wallayne vécurent ainsi heureux, dans le palais blanc, et eurent un fils, qu’il nommèrent Mérowe, qui devint un jeune homme plein de vigueur, ayant à la fois les qualités de son père et ceux de sa mère. L’on voyait en son visage et à ses airs nobles qu’il était destiné à un avenir glorieux. Il était autant attaché au peuple de son père qu’à celui de sa mère, mais son penchant allait vers son peuple maternel, car il était si simple, et si peu belliqueux depuis qu’ils s’étaient installés chez Heren, qu’il décida qu’il serait un jour leur roi.
Mais ici finit l’histoire de Clervian et son héritier Heren, et commence une Histoire bien différente.
Jean Baptiste Balleyguier,
alias Cynewulf,
mai 2003.