Compte-rendu de : J. R. R. Tolkien, Farmer Giles of Ham : The Rise and Wonderful Adventures of Farmer Giles, Lord of Tame, Count of Worminghall, and King of the Little Kingdom (50th Anniversary edition), edited by Christina Scull and Wayne G. Hammond, London, HarperCollinsPublishers, 1999, xiii-128 p ; traduit de l’anglais par F. Ledoux, Paris, Christian Bourgois éditeur, 1974, xiii-127 p.

Il y a cinquante ans paraissait Farmer Giles of Ham. Pour fêter cet événement, Hammond & Scull ont publié courant 1999 une nouvelle édition (en langue anglaise) de ce conte, dite « 50th Anniversary Edition ». Celle-ci, convenons-en de suite, s’annonce comme l’édition de référence où l’on trouve bon nombre d’ajouts aux trois éditions antérieures.
Sur la forme tout d’abord, l’ouvrage est de belle facture. Une jaquette, assortie d’une fort belle illustration (voir ci-dessus), recouvre un format « hardback » où la qualité d’impression est très satisfaisante.
Sur le fond maintenant, de même qu’Hammond & Scull avaient pu le faire pour Roverandom1, nous découvrons au cours d’une longue introduction la manière dont ce conte a été imaginé par Tolkien, ses évolutions et finalement comment celui-ci fut publié. Débuté dans la seconde moitié des années 1930, l’histoire d’abord sommaire gagnera en richesse et en complexité jusqu’en 1949, date de sa publication. La première version comptait seulement 26 pages mais fut suivie de 4 tapuscrits où déferleront divers ajouts et modifications. Farmer Giles of Ham se déroule dans un monde médiéval et, tout comme il le fera par la suite pour The Lord of the Rings, Tolkien se dit l’éditeur et le traducteur d’un texte ancien. Si l’histoire ne se déroule par sur la Terre du Milieu, le point commun avec le Hobbit est sans discussion possible le thème du héros entraîné malgré lui dans une série d’aventures dont il se serait bien passé. C’est à l’origine un conte pour enfants (en l’occurrence ceux de Tolkien) qui au fur et à mesure de ses développements sera plutôt destiné aux adultes. Car il faut l’être pour en saisir les subtilités.

Ce conte, Rayner Unwin (fils de l’éditeur Stanley Unwin) le résumera à peu près en ces mots : « Un jour, un géant se perd sur les terres du fermier Gilles de Ham, causant bien des dommages. Gilles parviendra à le faire fuir et le Roi, entendant parler de cet exploit, lui offrira une épée qui se révélera être magique. Plus tard, c’est au tour d’un dragon de dévaster les terres alentour et tous presseront alors le fermier Gilles de le combattre, ce qu’il accepte à contrecour. Effrayé par l’épée de Gilles (qui n’est autre que Mordqueues, la tueuse de dragon) le dragon s’avouera vaincu et promettra, en échange de sa vie, de ramener à Gilles de grandes richesses, ce qu’il accepte. Mais bien évidemment, le dragon ne donnera signe de vie et c’est aux chevaliers du Roi (car celui-ci a bien entrevu son intérêt à la chose) et à Gilles qu’incombent la tâche d’aller chercher le trésor dans l’antre du dragon. La rencontre tournera à l’affrontement et le dragon tuera les chevaliers du Roi mais, une nouvelle fois, l’épée de Gilles aura raison de ses velléités et c’est un dragon soumis, portant trésor sur son dos, qui rejoindra Ham avec Gilles. Le Roi viendra bien réclamer sa part du butin mais Gilles n’aura que faire de ses prétentions et avec l’aide du dragon le fera fuir. Gilles deviendra alors Roi en son pays. »
Stanley Unwin refusa dans un premier temps ce conte car d’après lui sa faible longueur ne permettait pas une publication et préférait surtout une suite au Hobbit. Tolkien entreprit alors The Lord of the Rings mais ne pouvant l’achever dans les délais qu’espérait Unwin, il reprit et modifia Giles of Ham et le proposa à nouveau en 1938. Puis la guerre survint et Tolkien relança Unwin une ultime fois en 1946. Le conte ayant atteint une longueur plus conséquente, Unwin décidera finalement de sa publication, et par l’ajout d’illustrations de le rendre plus imposant et justifier ainsi son prix. Elles seront réalisées par Pauline Baynes dont le style avait plu à Tolkien (qui a par ailleurs illustré The Hobbit) et que l’on retrouvent dans cette « 50th Anniversary ». La carte du Petit Royaume est quant à elle inédite. Ce sont donc un peu moins de quarante illustrations dont deux en couleurs qui figurent dans cette nouvelle édition.
Autre ajout, une centaine de notes qui « décortiquent » nombre des raffinements qui émaillent Giles of Ham. Que ce soient des références au monde médiéval, latin ou romain ; de la situation du village de Ham par rapport à notre propre monde ou encore des éclaircissements sur un vocabulaire archaïque parfois utilisé par Tolkien, nous trouvons dans cette section matière à commentaires et étude plus approfondie.
Dernières exclusivités, la présentation de la première version du conte, condensée de la version publiée. Et comme tout n’est que recommencement chez Tolkien, Hammond & Scull nous délivrent les ébauches de suite à Farmer Giles of Ham qu’avait esquissé Tolkien. Mais de l’aveu de ce dernier, cette suite était fort compromise car il n’a jamais su retrouver le caractère et l’atmosphère du Petit Royaume.
En cette fin de compte-rendu, nous réitérons nos compliments à Hammond & Scull qui démontrent une nouvelle fois que leur travail est de qualité et que chaque sortie en librairie de leurs travaux reste un événement pour le cercle des fans de Tolkien. Nous espérons que Les éditions Christian Bourgois auront la riche idée de donner eux-aussi naissance à une nouvelle édition du Fermier Gilles de Ham.

 

Cédric Fockeu,
© La Compagnie de la Comté, janvier 2001.

Notes

1. Voir le compte-rendu de Roverandom paru dans le cadre de La Feuille de la compagnie, N°1, les éditions de l’Œil du Sphinx (c) 2001.