Flambe d'eau et ne-m'oublie-pas

 

 

[5] The old year was turning brown; the West Wind was calling;
Tom caught a beechen leaf in the Forest falling.
‘I’ve caught a happy day blown me by the breezes!
Why wait till morrow-year? I’ll take it when me pleases.
This day I’ll mend my boat and journey as it chances
west down the withy-stream, following my fancies!’
L’an vieux virait au brun ; le Vent d’Ouest appelait ;
Tom prit un’ feuille de bouleau dans la Forêt.
« C’est un jour heureux que les brises m’ont soufflé !
Je le prendrai au plaisir, qu’attendre l’année !
Ce jour je répare ma barque, à l’hasardée,
Je descendrai à l’ouest du cours bordé d’osier ! »
     
  Little Bird sat on twig. ‘Whillo, Tom! I heed you.
I’ve a guess, I’ve a guess where your fancies lead you.
Shall I go, shall I go, bring him word to meet you?’
Petit Oiseau sur sa branche l’avait épié :
« Hé Tom ! Je sais, je sais où mènent tes idées !
Irai-je, irai-je lui dire de te croiser ? »
     
[10] ‘No names, you tell-tale, or I’ll skin and eat you,
babbling in every ear things that don’t concern you!
If you tell Willow-man where I’ve gone, I’ll burn you,
roast you on a willow-spit. That’ll end your prying!’
« Tais-toi donc, bavard, ou je te plume au dîner,
Pour t’apprendre à jaser sans être concerné !
Si tu vas dire à l’Homme-Saule où j’ai été,
Je te rôtis. Fini d’errer en furetant ! »
     
[15] Willow-wren cocked her tail, piped as she went flying:
‘Catch me first, catch me first! No names are needed.
I’ll perch on his hither ear: the message will be heeded.
“Down by Mithe”, I’ll say, “just as sun is sinking”
Hurry up, hurry up! That’s the time for drinking!’
Le saulet s’ébroua, s’envola en pépiant :
« Prends-moi d’abord, prends-moi d’abord ! Sans te nommer
Je me percherai à son oreille : c’est assez.
‘Vers l’Aber’, je dirai, ‘quand le soleil se noie !’
Presse-toi, presse-toi ! Voici l’heure où l’on boit ! »
     
[20] Tom laughed to himself: ‘Maybe then I’ll go there.
I might go by other ways, but today I’ll row there.’
Tom rit tout bas : « Là-bas ? Peut-être que j’irai.
Je sais d’autres chemins, mais là, je ramerai. »
     
  He shaved oars, patched his boat; from hidden creek he hauled her
through reed and sallow-brake, under leaning alder,
then down the river went, singing: ‘Silly-sallow,
Flow withy-willow-stream over deep and shallow!’
Il rapiéça sa toue, ponça ses avirons,
La tira de sa crique entre l’aulne et les joncs
Et suivit le ruisseau, chantant « Sotte oselière,
En clapotis glougloutants coule la rivière ».
     
[25] ‘Whee! Tom Bombadil! Whither be you going,
bobbing in a cockle-boat, down the river rowing?’
« Eh ! Tom Bombadil ! Où t’en vas-tu comme ça,
En ramant sur l’eau, tout secoué dans ta noix ? »
     
[30] ‘Maybe to Brandywine along the Withywindle;
maybe friends of mine fire for me will kindle
down by the Hays-end. Little folk I know there,
kind at the day’s end. Now and then I go there’.
« Du Tournesaules au Brandevin, ça se peut ;
Des amis à moi pourraient m’allumer un feu
Vers Fin-de-Clédal. J’y sais de petites gens,
Gentils en fin de jour. J’y vais de temps en temps. »
     
  ‘Take word to my kin, bring me back their tidings!
Tell me of diving pools and the fishes’ hidings!’
« Passe le bonjour aux miens, dis-m’en quelques mots !
Parle-moi des coins à poissons et des trous d’eau ! »
     
  ‘Nay then,’ said Bombadil, ‘I am only rowing
just to smell the water like, not on errands going’.
« Que non ! » dit Bombadil. « Je ne fais que ramer
Pour sentir l’eau, pas pour jouer au messager ! »
     
[35] ‘Tee hee! Cocky Tom! Mind your tub don’t founder!
Look out for willow-snags! I’d laugh to see you flounder’.
« Ah ! Tom l’Effronté ! Prends garde à ne pas sombrer
Sur ta noix ! Je rirais à te voir barboter ! »
     
[40] ‘Talk less, Fisher Blue! Keep your kindly wishes!
Fly off and preen yourself with the bones of fishes!
Gay lord on your bough, at home a dirty varlet
living in a sloven house, though your breast be scarlet.
I’ve heard of fisher-birds beak in air a-dangling
to show how the wind is set: that’s an end of angling!’
« Tais-toi donc, Martin Bleu ! Garde tes vœux pour toi !
Envole-toi, prend une arête et lisse-toi !
Fier seigneur sur ta branche, mais vaurien au logis,
Taudis souillon, même si ta gorge est rubis.
On m’a dit que ton bec, on pouvait l’accrocher
Pour voir où porte le vent : fini de pêcher ! »
     
[45] The King’s fisher shut his beak, winked his eye, as singing
Tom passed under bough. Flash! then he went winging;
dropped down jewel-blue a feather, and Tom caught it
gleaming in a sun-ray: a pretty gift he thought it.
He stuck it in his tall hat, the old feather casting:
‘Blue now for Tom’, he said, ‘a merry hue and lasting!’
Martin ferma son bec, cligna l’œil ; Tom passa
Sous sa branche en chantant. Flouff ! Lorsqu’il s’envola,
Une plume bleu-joyau tomba ; Tom la prit,
Brillante au soleil — c’est un cadeau bien joli ! —
La piqua au chapeau, jetant la vieille au loin :
« Du bleu pour Tom », dit-il, « un ton gai qui tient bien ! »
     
[50] Rings swirled round his boat, he saw the bubbles quiver.
Tom slapped his oar, smack! at a shadow in the river.
Des bulles roulèrent autour de son bateau.
Tom fit claquer sa rame, spach ! sur l’ombre dans l’eau.
     
  ‘Hoosh! Tom Bombadil! ‘Tis long since last I met you.
Turned water-boatman, eh? What if I upset you?’
« Ouch là ! Tom Bombadil ! Un bail que ça faisait !
Dev’nu marin d’eau douce ? Et si j’te renversais ? »
     
[55] ‘What? Why, Whisker-lad, I’d ride you down the river.
My fingers on your back would set your hide a-shiver.’
‘Pish, Tom Bombadil! I’ll go and tell my mother;
“Call all our kin to come, father, sister, brother!
Tom’s gone mad as a coot with wooden legs: he’s paddling
down Withywindle stream, an old tub a-straddling!’”
« Quoi ? Et bien, Moustachu,  je te chevaucherais !
Et sous mes doigts le cuir de ton dos frémirait ! »
« Pfuit, Tom Bombadil ! J’irai le dire à ma mère ;
‘Fais venir tous les nôtres, père, sœur et frère !
Tom est fou comme une foulque à jambe de bois
Il descend le Tournesaules sur une noix !’ »
     
[60] ‘I’ll give your otter-fell to Barrow-wights. They’ll taw you!
Then smother you in gold-rings! Your mother if she saw you,
she’d never know her son, unless ‘twas by a whisker.
Nay, don’t tease old Tom, until you be far brisker!’
« Aux Etres des Galgals je donnerai ta peau,
Pour qu’ils te tannent et t’étouffent dans des anneaux !
Ta mère ne te reconnaîtra qu’à un tif.
N’embête pas vieux Tom, à moins d’être plus vif ! »
     
[65] ‘Whoosh!’ said otter-lad, river-water spraying
over Tom’s hat and all; set the boat a-swaying,
dived down under it, and by the bank lay peering,
till Tom’s merry song faded out of hearing.
« Vouch ! » fit alors le loutron, faisant gicler l’eau
sur Tom et son chapeau, et tanguer le bateau ;
Il plongea par dessous et l’épia du talus
Jusqu’à ce que son chant gai ne s’entende plus.
     

[70]

[75]

Old Swan of Elvet-isle sailed past him proudly,
gave Tom a black look, snorted at him loudly.
Tom laughed: ‘You old cob, do you miss your feather?
Give me a new one then! The old was worn by weather.
Could you speak a fair word, I would love you dearer:
long neck and dumb throat, but still a haughty sneerer!
If one day the King returns, in upping he may take you,
brand your yellow bill, and less lordly make you!’
Old Swan huffed his wings, hissed, and paddled faster;
in his wake bobbing on Tom went rowing after.
Vieux Cygne de l’Ile-aux-Elfes passa fiérot
Près de Tom, nasilla fort, le lorgna de haut.
Tom rit : « Eh, vieux jars, ta plume t’a tant manqué ?
Donne-m’en une autre ! La vieille était toute usée.
Une parole aimable et je t’aimerais mieux :
Long cou, gorge muette, mais toujours dédaigneux !
Si un jour le Roi revient, il t’attrapera,
Marquera ton bec jaune et moins fier te fera ! »
Vieux Cygne siffla et précipita sa nage ;
Tom le suivit, rebondissant dans son sillage.
     
[80] Tom came to Withy-weir. Down the river rushing
foamed into Windle-reach, a-bubbling and a-splashing;
bore Tom over stone spinning like a windfall,
bobbing like a bottle-cork, to the hythe at Grindwall.
Tom parvint à Digue-d’osier. Au Bief-en-Claies,
La rivière bouillonnait et éclaboussait ;
Elle emporta Tom dans ses tourbillons
Au môle de Murclaie, dansant comme un bouchon.
     
[85] ‘Hoy! Here’s Woodman Tom with his billу-beard on!’
laughed all the little folk of Hays-end and Breredon.
‘Ware, Tom! We’ll shoot you dead with our bows and arrows!
We don’t let Forest-folk nor bogies from the Barrows
cross over Brandywine by cockle-boat nor ferry’.
« Ha ! Voilà Tom l’Homme des Bois, bouc au menton ! »
Rirent ceux de Fin-de-Clédal et Breredon.
« Gare à toi, Vieux Tom, on te tuera de nos traits !
Fantômes des Galgals ou gens de la Forêt,
Nul ne passe le Brandevin, par bac ou noix ».
     
[90] ‘Fie, little fatbellies! Don’t ye make so merry!
I’ve seen hobbit-folk digging holes to hide ‘em,
frightened if a horny goat or a badger eyed ‘em,
afeared of the moony-beams, their own shadows shunning.
I’ll call the orks on you: that’ll send you running!’
« Fi, petits grassouillets ! Ne soyez pas en joie !
J’ai vu des Hobbits s’enterrer pour se cacher,
Par peur d’un blaireau ou d’une chèvre encornée,
Pour la lune ou leur propre ombre se mettre à fuir.
‘Vous enverrai les orques, ça vous fera courir ! »
     
  ‘You may call, Woodman Tom. And you can talk your beard off.
Three arrows in your hat! You we’re not afeared of!
Where would you go to now? If for beer you’re making,
the barrels aint deep enough in Breredon for your slaking!’
« Va ! Tu peux toujours causer, Tom l’Homme des Bois !
Trois flèches au chapeau, on n’a pas peur de toi !
Où tu vas ? Si c’est la bière qu’tu viens chercher
Breredon n’en a pas assez pour t’étancher ! »
     
[95] ‘Away over Brandywine by Shirebourn I’d be going,
but too swift for cockle-boat the river now is flowing.
I’d bless little folk that took me in their wherry,
wish them evenings fair and many mornings merry’.
« J’irai bien par la Rivière de la Comté,
Mais le Brandevin devient par trop agité.
Si les petites gens me faisaient traverser,
Je leurs souhaiterais gais matins, belles soirées ! »
     
[100] Red flowed the Brandywine: with flame the river kindled,
as sun sank beyond the Shire, and then to grey it dwindled.
Mithe Steps empty stood. None was there to greet him.
Silent the Causeway lay. Said Tom: ‘A merry meeting!’
Rouge coula le Brandevin ; il s’embrasa
Comme le soleil sombrait au loin, puis grisa.
Vides les Pas de l’Aber ; personne à saluer.
« Bel accueil ! » dit Tom ; silence sur la Chaussée.
     
[105] Tom slumped along the road, as the light was failing.
Rushey lamps gleamed ahead. He heard a voice him hailing.
‘Whoa there!’ Ponies stopped, wheels halted sliding.
Tom went plodding past, never looked beside him.
Le soir tombait ; sur la route Tom s’embourba
Les feux des Rouches luisaient. Quelqu’un le héla.
« Ho ! » Des poneys s’arrêtèrent, des roues glissèrent.
Tom alla ballant, sans un regard en arrière.
     
[110] ‘Ho there! beggarman tramping in the Marish!
What’s your business here? Hat all stuck with arrows!
Someone’s warned you off, caught you at your sneaking?
Come here! Tell me now what it is you’re seeking!
Shire-ale, I’ll be bound, though you’ve not a penny.
I’ll bid them lock their doors, and then you won’t get any!’
« Hé là ! Qu’est-ce que tu fiches là, mendigot,
Errant dans le Maresque, des flèches au chapeau !
Quelqu’un t’a pris à essayer de chaparder ?
Viens ici ! Dis-moi donc ce que tu viens chercher !
La bière de la Comté, sûr, et sans un sou.
Je leur dirai de ne rien te donner du tout. »
     

[115]

[120]

‘Well, well. Muddy-feet! From one that’s late for meeting
away back by the Mithe that’s a surly greeting!
You old farmer fat that cannot walk for wheezing,
cart-drawn like a sack, ought to be more pleasing.
Penny-wise tub-on-legs! A beggar can’t be chooser,
or else I’d bid you go, and you would be the loser.
Come, Maggot! Help me up! A tankard now you owe me.
Even in cockshut light an old friend should know me!’
« Bien, Boueux ! Pour un en retard au rendez-vous
Au bord de l’Aber, voilà un accueil bien doux !
Tu devrais être plus poli, vieux gros fermier
Balloté dans ta charrette et vite essoufflé.
Grippe-sou, barrique ! Si je n’étais pas mendiant,
Je te f’rais déguerpir et tu serais perdant !
Allez, Maggotte, tu me dois un pot. Hisse-moi !
Même à la brune tu devrais voir que c’est moi !
     
[125] Laughing they drove away, in Rushey never halting,
though the inn open stood and they could smell the malting.
They turned down Maggot’s Lane, rattling and bumping,
Tom in the farmer’s cart dancing round and jumping.
Stars shone on Bamfurlong, and Maggot’s house was lighted;
fire in the kitchen burned to welcome the benighted.
Riant, ils passèrent les Rouches sans délai,
Même si le houblon à l’auberge embaumait,
Prirent le Chemin de Maggotte, bringuebalant ;
Tom dans la carriole dansait en bondissant.
Les étoiles brillaient sur la Haricotière ;
Un feu brûlait pour eux près de la cuisinière.
     
[130] Maggot’s sons bowed at door, his daughters did their curtsy,
his wife brought tankards out for those that might be thirsty.
Songs they had and merry tales the supping and the dancing;
Goodman Maggot there for all his belt was prancing,
Tom did a hornpipe when he was not quaffing,
daughters did the Springle-ring, goodwife did the laughing.
Les enfants Maggotte vinrent les saluer,
Sa femme apporta des pots pour les assoiffés.
Ils eurent chansons, contes gais, souper et danse ;
Le vieux Maggotte s’était bien rempli la panse,
Tom joua une matelote et but sans répit
Les filles dansèrent la gigue, l’épouse rit.
     

[135]

[140]

When others went to bed in hay, fern, or feather,
close in the inglenook they laid their heads together,
old Tom and Muddy-feet, swapping all the tidings
from Barrow-downs to Tower Hills: of walkings and of ridings;
of wheat-ear and barley-corn, of sowing and of reaping;
queer tales from Bree, and talk at smithy, mill, and cheaping;
rumours in whispering trees, south-wind in the larches,
tall Watchers by the Ford, Shadows on the marches.
Quand d’autres se couchèrent dans foin ou fougère,
Vers l’âtre Vieux Tom et le Boueux échangèrent
Toutes les nouvelles, des Collines de la Tour
Aux Hauts des Galgals : à pied, cheval, des parcours ;
Semailles et moissons, épis de blé, grains d’orge ;
Etranges dits de Bree, du moulin, de la forge ;
Rumeurs d’arbres, vent du sud dans les mélézins,
Grands Guetteurs vers le Gué, Ombres sur les Confins.
     
[145] Old Maggot slept at last in chair beside the embers.
Ere dawn Tom was gone: as dreams one half remembers,
some merry, some sad, and some of hidden warning.
None heard the door unlocked; a shower of rain at morning
his footprints washed away, at Mithe he left no traces,
at Hays-end they heard no song nor sound of heavy paces.
Assis devant les braises, Maggotte s’endormit
Tom était parti à l’aube, tel ces rêveries
Gaies, tristes, parfois pleines d’un secret présage.
Nul n’entendit la porte s’ouvrir ; son passage,
Une pluie l’effaça vers l’Aber au matin.
A Fin-de-Clédal, ni bruit de pas, ni refrain.
     
[150] Three days his boat lay by the hythe at Grindwall,
and then one morn was gone back up Withywindle.
Otter-folk, hobbits said, came by night and loosed her,
dragged her over weir, and up stream they pushed her.
A Murclaie son bateau resta trois jours au môle,
Avant de s’en retourner sur le Tournesaules.
Selon les Hobbits, les loutres vinrent la nuit
Le repousser en l’amont par-delà le duit.
     

[155]

[160]

Out from Elvet-isle Old Swan came sailing,
in beak took her painter up in the water trailing,
drew her proudly on; otters swam beside her
round old Willow-man’s crooked roots to guide her;
the King’s fisher perched on bow, on thwart the wren was singing,
merrily the cockle-boat homeward they were bringing.
To Tom’s creek they came at last. Otter-lad said: ‘Whish now!
What’s a coot without his legs, or a finless fish now?’
O! silly-sallow-willow-stream! The oars they’d left behind them!
Long they lay at Grindwall hythe for Tom to come and find them.
Sortant de l’Ile-aux-Elfes, Vieux Cygne vint, fiérot,
Pris dans son bec l’amarre qui traînait dans l’eau
et la tira ; les loutres, qui nageaient derrière
Dans les racin’ de l’Homme-Saule le guidèrent ;
Martin Pêcheur en proue, Saulet chantant au banc,
Ils ramenèrent le rafiot joyeusement
A la crique de Tom. Mais le loutron dit : « Heu ?
Est-ce un’ foulque sans pattes, ou un poisson sans queue ? »
O ! Sotte oselière ! Les avirons ! Oubliés !
Ce fut long avant que Tom vienne les chercher.

 

Saulet et clapotis

Avant de m’attacher aux toponymes, je voudrais développer ici trois points de traductions, assez courts mais qui, selon moi, valent d’être présentés.

Tout d’abord, la question du willow wren du vers 14 :

Willow wren cocked her tail, piped as she went flying:

Le saulet s’ébroua, s’envola en pépiant :

Saulet (moineau friquet, passer montanus, Eurasian Tree Sparrow) M
Voici la définition de willow wren selon le Webster :

Willow warbler (Zool.), a very small European warbler (Phylloscopus trochilus); — called also bee bird, haybird, golden wren, pettychaps, sweet William, Tom Thumb, and willow wren. [1913 Webster]

Le phylloscopus trochilus a pour nom français pouillot fitis, un petit passeridé comme le sont moineaux (sparrow en anglais), roitelets (wren) ou troglodytes (wren). En fait, les noms vernaculaires anglais, tout du moins en ce qui concerne le wren, semblent peu soucieux du classement ornithologique et désigner un peu toute sorte de petit passereau. Seulement, il y avait ici la mention du saule (willow) qui n’était certainement pas innocente. Or, en traduisant willow wren par pouillot fitis, on perd l’idée saulaire, à mes yeux capitale. J’avais utilisé dans mes premières traductions le terme de roitelet des saules, mais la formule est un peu longue. Et puis un jour, je suis tombée sur le terme saulet, dans le Robert historique de la langue française (je souligne) :

SAULE n.m. est issu (v. 1215) du francique °salha (et: allemand Salweide, anglais sallow). Le mot a supplanté sauz (Xie s.), saulx (1420) encore relevé en 1671, issu du latin salix (-> salicaire). Le mot germanique et le mot latin reposent sur la même racine. […]

En dérivent: SAULAIE n. f. (1277), variante soloié (1328) qui a éliminé sauçai, sauçoie (XIIIe s.), dérivé de sauz. SAULET n. m. (1791). régional, est le nom d’un moineau qui vit dans les saules. […]

Dans le Larousse encyclopédique en 10 volumes de 1964, le terme « saulet » est encore connu (ce n’est plus le cas dans les éditions récentes), et il s’agit plus précisément du « nom donné au moineau friquet, parce qu’il se plaît dans les saules ». Voilà qui était tout indiqué ! Sauf qu’il s’agissait d’un moineau, non d’un pouillot. Cependant, ces considérations n’empêchent pas de considérer le saulet comme un « tout petit oiseau dans les saules » selon l’expression de Jérôme Sainton, du fait du diminutif –et. Dès lors, il semble que c’est ce qui a primé dans le choix de l’expression willow wren par l’auteur du poème… et par conséquent, c’est ce qui a primé pour ma traduction.

L’autre point concerne les vers 23 et 24 :

[…] ‘Silly-sallow,
Flow withy-willow-stream over deep and shallow!’
[…] « Sotte oselière,
En clapotis glougloutants coule la rivière »

Pour ces vers-là, nous avons non tant un non-sens (littéralement, cela signifierait approximativement « Sot saule, coule courant ensaulé méandreux par trous d’eau et bas-fond »), mais un jeu de sonorité très important ; le point capital était donc de rendre non le sens, mais l’effet clapotant d’un cours d’eau méandreux. C’est ce qu’avait tenté de faire Dashiel Hedayat dans la première traduction française (« Elle coule coule lentement, elle glouglo[u?]tte goulûment / La glauque eau gluante de la grande rivière. »), mais son choix de sons en /g/ produit un effet glauque et désagréable en français, qui ne convient guère. Cependant il n’avait pas manqué le fait que c’étaient les sons qui étaient importants, et j’ai moi aussi voulu les mettre en valeur.

Enfin, au vers 132 :

daughters did the Springle-ring, […]

Les filles dansèrent la gigue […]

Le Springle-Ring est une danse maintenant inconnue, bondissante et énergique. Il n’existe pas de traduction française  terme à terme, mais le terme générique de gigue semble correspondre.

Remarques sur la traduction des toponymes

    Ce deuxième poème décrit de nombreux lieux le long du Tournesaules, lieux dont la traduction française varie suivant les sources (la carte de la Comté, Le Seigneur des Anneaux, Les Aventures de Tom Bombadil traduites par Dashiell Hedayat ou par Céline Leroy dans la nouvelle édition). Le but de ma traduction étant le plaisir de manier les mots, je me suis allègrement permise de retraduire à ma façon les noms dont le rendu officiel ne me paraissait pas adéquat — à moins qu’ils n’apparaissent ailleurs que dans les Aventures de Tom Bombadil, auquel cas j’ai laissé la traduction officielle : ces noms étant plus courants, et surtout bien tournés, il ne m’a pas paru nécessaire d’y retoucher, d’autant que cela pouvait égarer le lecteur. Cependant, pour ceux qui ont été recomposés, il ne s’agissait pas de n’obéir qu’à ma fantaisie : là aussi, il fallait traduire au plus près le sens, et l’esprit, de façon à ce que les toponymes soient aussi probables en français qu’ils le sont en anglais. Tolkien, qui a étudié de près la toponymie de la Terre du Milieu , a parfois exprimé ses désirs quant à la traduction de certains noms dans le Guide to the Names (noté GN par la suite), ce dont il fallait aussi tenir compte.

    Les excellentes Promenades dans la Comté de Jean-Rodolphe Turlin, arpenteur de sentiers tant que de mots, m’ont été particulièrement utiles, notamment la première dans le Maresque et la septième au Pays-de-Bouc. Les toponymes sont ici classés par ordre alphabétique, les vers dans lequel ils apparaissent sont signalés entre crochets.

Bamfurlong [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 125][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    D’après le GN, le toponyme vient probablement « de bean, haricot, et furlong (au sens d’une division d’un champ commun), le nom étant donnée pour une bande de terre réservée d’habitude pour les haricots. Le nom est maintenant, et il est à supposer qu’il était à ce moment dans la Comté, sans sens clair. C’est le nom de la ferme du fermier Maggotte. A traduire comme il semble opportun, mais il est souhaitable que le mot contienne quelque composé pour “haricot” et “champ, terre cultivée”. »[1]

    Dans sa première promenade, Jean-Rodolphe Turlin approfondit l’étude du nom Bamfurlong : « La seconde partie du mot ne présente pas de difficulté particulière. Un furlong est une mesure de distance correspondant à 201,16 de nos mètres. Il vient du moyen-anglais furlang “longueur” qui était lui même issu de furrow “sillon, ligne”+ lang “longueur”. » Il avance aussi une autre piste quant à Bam : « Tolkien connaissait la langue gotique sur le bout des doigts, et en goth, il existe le mot bagms qui veut dire “poutre, potence”. Peut-on en déduire que le nom de Bamfurlong pourrait évoquer les puissantes poutres sur lesquelles les anciens installaient la charpente des toits de leurs fermes ? Doit-on y voir une connivence avec l’idée que Stock était un village de charpentiers ? »

    Francis Ledoux a inventé Haricotière, adjoignant au végétal le suffixe –ière employé pour exprimer l’idée de “terre cultivée” — le français dispose de deux suffixes pour désigner un lieu où croît un végétal : -aie­ et –ière. Mais si –aie est le plus courrant, ­-ière­ insiste sur le caractère artificiel du groupement végétal.

 

Barrow-downs [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v.136][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text] :

    Ce nom a été traduit Haut des Galgals par Francis Ledoux, ce qui convient tout à fait. En effet, barrow signifie « tumulus » (comme il l’a déjà été remarqué, le nom a une tournure trop latine, et du fait de la description du lieu, une levée encerclée de pierres, le choix de Galgal est tout à fait pertinent), et down « colline dénudée » (ici donc, en aucun cas « bas »). Une colline étant une hauteur, le choix de Francis Ledoux se défend.

 

Brandywine [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 27, 85, 95, 99][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text] :

    D’après le GN, le nom Brandevin est « une altération  des Hobbits de l’elfique (sindarin) Baránduin (accentué sur la syllabe médiane). Puisque cela est censé avoir été intelligible à un certain moment, le sens doit être traduit ; mais là est la difficulté, puisqu’il est souhaitable que la traduction puisse être aussi une corruption possible de Baránduin. La traduction hollandaise utilise Brandewijn ; la suédoise perd l’effet, en utilisant Vinfluden, bien que Brännavin eût pu convenir. Le Brendevin danois ou le Branntwein allemand font aussi l’affaire. »[2]

    Le Brandevin de Ledoux cadre très bien avec les objectifs fixés, d’autant plus que le sens du nom original, Baránduin, est aussi bien rendu qu’avec l’anglais Brandywine. En effet, barán signifie « brun, bistré, brun foncé, brun doré, brun-jaune » (cf. Dragon flame), et duin « rivière (longue et large) » (id.). Brandy en anglais signifie cognac, dont la couleur est brun doré, et vient du hollandais brandewijn, « vin brûlé, vin distillé ». Le français Brandevin à un sens un peu différent, du moins en regardant le sens actuel des termes utilisés. Brande en effet désigne une sorte de bruyère poussant sur un sol infertile, et par métonymie ce sol même. La couleur de la brande de bruyère, en tout cas, est dans les teintes du brun. Un vin de brande pourrait être de l’eau ayant été filtré par de la brande : imbuvable, mais de couleur correspondant à celle d’un baránduin. Cependant, brande est étymologiquement lié à une racine germanique, *brant, brand*, « tison » (que l’on retrouve dans le hollandais brandewijn), qui dériva en brander en ancien français, « flamboyer, s’embraser ». Le lien entre « brûler » et « bruyère » n’est pas évident, mais la bruyère est facilement inflammable, et l’on en brûlait les champs au Moyen Age pour les fertiliser… Ainsi donc, Brandywine, Brandewijn et Brandevin sont trois déclinaisons récentes d’une racine commune.

 

Bree [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 138][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    D’après le GN, Bree est un nom d’origine celtique (brae), signifiant « colline ». Tolkien demanda donc de le garder inchangé, « puisque le sens de [ce nom] n’est plus connu en anglais »[3].

 

Breredon [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 82, 94][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Le GN n’est guère prolixe quant à la façon de traduire ce toponyme. Une information capitale se trouve dans l’avant-propos des ATB : « Breredon (la Colline du Buisson de Ronces) était un petit village érigé sur un tertre derrière le débarcadère sur l’étroite langue de terre entre la fin de la Haie et le Brandevin. »[4] La septième promenade creuse un peu plus la formation de ce nom : « Nous sommes toujours au milieu de la lande, et l’étymologie de Breredon l’atteste bien. Le mot brere est une déclinaison du moyen anglais brēr “bruyère”, d’origine celtique. Le mot don vient du vieil anglais dūn “colline, hauteur” qui a donné l’anglais down “colline”. »

    Ce nom n’a jamais été transposé en français, et l’on peut se demander pourquoi. Briar signifie bien « bruyère », mais aussi « ronce » ou « églantier » (les explications précédentes sont donc toutes les deux plausibles). Comme il faudrait quelque chose d’archaïsant, il est nécessaire de plonger plus loin dans l’étymologie. « Eglantier » vient de l’ancien français (emprunté au provençal) aiglant ; on pouvait aussi faire un composé avec spina, « épine » (il existe Epinac). Pour bruyère, nous avons deux racines : bruscia et brucaria (la première, semble-t-il, du gaulois, qui a donné le latin)… qui, dans les toponymes, deviennent Bruère ou Bresseu. Le terme actuel se trouve fortement changé, et rien n’indique que le dérivé brere soit impossible en français. De plus, le -­­­don se retrouve dans les toponymes français, puisque le dūn vieil anglais vient de –duno, colline fortifiée, suffixe qui entraîna les mêmes dérivés en France. Breredon est donc aussi probable en français qu’en anglais, et éveille probablement la même interrogation quant à son sens dans les deux langues.

Causeway [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 102][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Le terme anglais est en fait emprunté au vieux français caucie, du latin populaire *calceata “chemin chaussé”, (c’est-à-dire butté, tassé ; le terme désigna d’abord les voies romaines, d’après leur substructure), du latin calx, calcis, f., “talon”, “petite pierre”, ou encore “chaux” (matériau aussi employé pour les routes). Traduire par Chaussée s’impose donc.

 

Elvet-isle [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 67, 151][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    La traduction française ne rend pas le double sens de ce nom ; la septième promenade nous apprend que « JRR Tolkien a inventé le nom de cette île mystérieuse et marécageuse sur un jeu de mots combinant le terme désuet elfet “petit elfe, elfounet” et le vieil anglais elfet ou ilfet “cygne”. » Il eût fallu disposer d’un terme équivalent en français, mais hélas ! il n’existe pas, ou encore d’un terme archaïque traduisant soit elfe, soit cygne. Pour elfe, il n’y a guère autre chose, à moins d’enlever le ‘e’ final, ou de faire appel à des Petites Gens locaux — ce qui aurait le défaut de n’être que régional, et non général, et surtout de ne guère être applicable à la Terre du Milieu. Pour cygne, on a cisne, cycne ou cine, mais ils ne sont pas très heureux… Il n’y a guère d’autre choix que de traduire par Île-aux-Elfes.

Grindwall [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 80, 147, 160][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    D’après la préface aux ATB, Grindwall est « un petit débarcadère sur la rive nord du Tournesaules ; il se situait en dehors de la Haie, et était donc bien gardé et protégé par une grille ou barrière qui se poursuivait dans l’eau. »[5] La traduction française de Murmoulu n’est pas très heureuse ; si son allitération est agréable, son sens apparent — le seul, d’ailleurs — reste illogique. Le premier sens de grind est certes “moudre, concasser, grincer” — ce qui fait sans doute référence à la mauvaise volonté des arbres de la Vieille Forêt, qui se pressaient contre la haie pour l’avaler, jusqu’à ce que les Hobbits en fasse un feu de joie. Cependant, la septième promenade nous guide vers une autre interprétation, plus profonde, de Grindwall : « Le mot grind signifie “clôture à barreaux” en vieux norois. A ce mot s’ajoute comme une redondance le mot anglais wall “mur”.». C’est cette redondance que j’ai choisi de mettre en avant, en composant Murclaie, claie désignant un treillis d’osier — matériau facile à trouver le long du Tournesaules — à claire-voie, c’est-à-dire faite d’un entrecroisement de lattes laissant passer la lumière.

Hays-end [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 29, 82, 146][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Il est orthographié différemment… ainsi dans les ATB, mais Haysend dans le GN et sur la carte de la Comté. Si le sens semble évident, il convient cependant de ne pas se laisser prendre à sa simplicité apparente — pour le lecteur français, tout du moins. Car « le mot anglais hay “barrière” (qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme hay “foin, herbe sèche”) est aujourd’hui fort peu employé. Il vient du moyen anglais hai ou hei qui est lui-même issu du vieil anglais hegge “barrière”. Hegge est aussi à l’origine du mot hedge tout comme son équivalent francique hagja est à l’origine de notre haie. » (septième promenade).

    Au regard de l’archaïsme, j’ai préféré éviter des composés de barrière ou haie, dont le sens est trop évident — c’est pour cette raison que je n’ai pas repris le Fin-de-Barrière  présent sur la carte de la Comté. Le terme hay au sens de « haie » étant absent des dictionnaires unilingues récents, il fallait trouver un terme français qui subisse le même sort… Et l’on a donc le clédal, ranimé de l’ancien français, emprunté au patois savoyard clia, clédala, « claie en osier; panneau à claire-voie fait avec des panneaux de bois pour parquer les chèvres, les moutons, les cochons, etc. » Terme qui viendrait lui-même du  gaulois cleta, « claie, grille, treillis », racine indo-européenne *klei-, « appuyer ». Le matériau utilisé pour fabriquer un clédal est en tout cas tout indiqué, et Fin-de-clédal me semble une bonne traduction pour Haysend.

Maggot’s Lane [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 123][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Dashiell Hedayat a traduit l’Allée d’Asticot (sic!), Céline Leroy le Chemin de Maggotte. C’est évidemment la deuxième traduction qui est la meilleure, lane désignant un chemin, une petite route.

Marish [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 107][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Ce terme est d’après Tolkien « une vieille forme du “marsh” [marais] anglais ». Il conseillait de traduire en « utilisant, si possible, un mot ou une forme compréhensible, mais régional ou vieilli. »[6] (G.N.). Dans sa première promenade, Jean-Rodolphe Turlin explicite le (très bon) choix de Francis Ledoux : « [marish et marsh] viennent du moyen-anglais mareis. Ce mot d’origine germanique est un cousin du mot francique marisk, qui a donné le mot dialectal normand maresc, qui a inspiré à Ledoux le nom Maresque. Tous signifient “marais, marécage”. »

Mithe [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 18, 101, 114, 145][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Ce toponyme est un véritable casse-tête à traduire en français. La complexité du terme anglais à été démontrée dans la septième promenade : « Le mot anglais mite “petit coin” qui est dérivé du verbe vieil anglais miðan “cacher, dissimuler, passer inaperçu” nous indique que l’appontement est probablement caché derrière un épais bosquet d’aulnes et de saules pleureurs. Une autre étymologie pourrait également décrire plus largement le lieu et ses environs. En effet, si on se réfère à un autre verbe vieil anglais metan “rencontrer, se jeter dans” qui a donné le verbe anglais to meet “rencontrer”, mithe pourrait également signifier “endroit où deux jets se rencontrent, confluent”. »

    Il n’existe pas de traduction française officielle de ce terme, ni même de mot en français rendant la complexité de l’anglais. Deux termes auraient pu cependant convenir : celui de Condé, et celui d’Aber. Condé, abondamment attesté en français sous diverses variantes, vient du gaulois condate, “confluent”. Le terme aber (s.m.), désigne en breton un estuaire d’une petite rivière en forme de crique ou anse, qui sert de lieu de relâche pour les bateau de pêche. En ancien breton, et c’est là ce qui est intéressant, aber désignait l’endroit où un ruisseau chutait dans une rivière. La toponymie du Pays-de-Bouc utilisant beaucoup de termes apparentés au gallois, langue où le terme d’Aber est régulièrement présent, il a paru tout indiqué d’utiliser ce terme. Certes, il est tout aussi inconnu au lecteur moderne français que Mithe pour l’anglais. Cependant, ce dernier posait un problème dans notre langue : la prononciation à la française est différente que celle à l’anglaise, à cause du th. Un lecteur anglophone aura tendance à prononcer à l’anglaise, ce qui est justement l’opposé de mon objectif. Aber résout le problème.

 

Mithe Steps [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 101][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Ayant choisit de remplacer Mithe par Aber, ne restait que le problème de steps, qui normalement se traduit par « marches ». La place manquant, j’ai traduit par Pas de l’Aber.

 

Rushey [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v.104, 121][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    D’après le GN, Rushey, c’est-à-dire “l’île des joncs” est « un “solide” au milieu des marécages du Maresque. L’élément –ey, -y  au sens de “petite île” (= suédois ö, danois ø, vieux norois ey) est très fréquent dans les noms de lieu anglais. »[7]

    La première promenade nous renseigne sur le premier composant du nom : « L’origine de ce nom vient du mot rush “jonc” qui vient lui-même du vieil anglais rysc “jonc, paille” et qui est voisin du vieux français ros “roseau” et du mot dialectal rouche qui désigne la massette, une plante des marais. »

    En mettant en parallèle ces deux explications, on comprend que le choix de Soldur se défend… Cependant, ce terme n’est pas très joli, et ne traduit que le suffixe du toponyme original. Il aurait fallu une traduction des deux éléments, mais le français n’a guère de suffixe pour traduire “petite île” — ceux, fréquents en France, en -ay, , -et sont des suffixes collectifs se rapportant à la flore, et ne conviennent donc pas. Il n’y a guère que le mot scandinave holm, “île”, (dans Le Houlme, Home-Varaville), qui devient -hou en terminaison (Nehou, Quettehou), utilisé dans le Calvados et la Manche, mais l’effet m’a parut assez étrange — sans doute pour être du sud. Soldur est la traduction officielle de Francis Ledoux (visible sur la carte de la Comté, étonnamment pas dans le SdA, où Rushey est laissé tel quel au chapitre 5), mais ce toponyme n’apparaissant que rarement, j’ai pris la liberté de traduire Rushey par Les Rouches, qui permet de garder une sonorité semblable et traduit l’essentiel du nom.

Shirebourn [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 95][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    D’après la première promenade, « le mot bourn signifie ruisseau et vient du vieil-anglais brunna. Dans la langue gotique, ce même brunna signifie “saut, bond” et permet donc d’imaginer un ruisseau turbulent en amont, tout comme la Rivière de Stock que nous avions croisé plus au nord. Mais le mot bourne qui dérive du normand borne veut aussi dire “limite, frontière”. Et ce ruisseau est effectivement la limite sud-est de la Comté. »

    Hedayat traduit Borne du Comté, Céline Leroy Rivière-de-la-Comté, comme le nom est traduit dans la carte de la Comté. Pour les mêmes raisons que précédemment, j’ai conservé ce terme — sans les tirets, qui n’ont guère d’utilité.

 

Tower Hills [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 136][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Il n’y a pas de problème de traduction : tout simplement Collines de la tour.

 

Withy-weir et Windle-reach [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 77 et 78][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    La septième promenade décrit les lieux : « Il s’agit d’un barrage en claies d’osier (withy-weir) destiné à endiguer les eaux du Tournesaules et à les rediriger vers un canal aussi tortueux que le lit de la rivière, le bief-du-biais (windle-reach). Peut-être pourrait-on, à la lumière des remarques précédentes, traduire le nom du canal par bief-en-claies, avec windle “panier” et reach “bief”. Le nom anglais du barrage, weir, vient quant à lui du vieil anglais wer “barrage, digue”. La racine germanique wer, war avait le sens de “garder, protéger”. »

    Dashiell Hedayat traduit ces noms par Barrage d’osier et Bief-du-Biais, Céline Leroy par Barrage du Saule et  Bief du Tour (sic !). Tenant compte de l’allitération originale de Withy-weir, je l’ai traduit par Digue d’osier. Quant à Windle-reach, la proposition de Jean-Rodolphe Turlin convient tout à fait.

Withywindle [/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text][v. 27, 58, 148][/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_column_text]

    Ce toponyme est tout à fait plaisant, et les liens qu’il lance vers toutes sortes de significations indiquent assez le soin qu’à pris Tolkien à le composer. D’après lui, « withy- est courant dans les noms de lieu anglais, mais –windle n’apparaît à vrai dire jamais (Withywindle fut modelé sur withywind, autre nom du volubilis ou liseron). Il est souhaitable de faire un néologisme avec les éléments convenant dans le langage de la traduction. » [8]

    La septième promenade approfondit l’analyse : « Le mot withy vient du vieil anglais wiðig “branche de saule, osier” et dans cette même langue, le saule se dit wilig (ce qui donne willow en anglais moderne). On trouve cependant en anglais dialectal le terme withywind “liseron, plante tortueuse” qui évoque la course étrange de la rivière, faite de continuels virages et méandres, typique des terrains à faible pentes et propices aux eaux stagnantes et aux marécages. Et si le verbe to wind signifie “tourner, serpenter, faire des détours”, le mot dialectal windle “panier” nous rappelle que l’osier est omniprésent le long du cours de cette cours d’eau. »

    Pour cette raison, le Tournesaule de Francis Ledoux convient tout à fait.

Itinéraire en bateau

    Nous ne disposons pas de carte retraçant l’itinéraire de Tom dans ce poème, ce qui rend difficile de visualiser ses déplacements. J’ai pensé qu’en faire une pouvait être utile, mais me suis heurtée à quelques problèmes : la carte de la Comté donnée dans le SdA n’est pas très détaillée pour la région qui m’intéresse, et l’atlas de Karen Fonstad a le même défaut. Cela m’a conduit à demander de l’aide à Jean-Rodolphe Turlin, et nous avons fini par nous entendre sur cette disposition ci-dessous. Mais les cartes officielles manquant, il s’ensuit donc que certains lieux sont placés un peu arbitrairement, même si le même souci de vraisemblance que pour la traduction m’a habité lors de son tracé. Ainsi, l’Île aux Elfes : les Hobbits l’ayant nommée, j’ai supposé qu’elle ne devait pas être située trop loin des limites de la Comté, pour qu’ils aient osé s’aventurer jusque là. De même, Digue d’osier, Murclaie et hameaux environnants. Je ne pense toutefois pas m’être fourvoyée dans leur placement, la seule inconnue restant la distance exacte les séparant.

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[1] “Bamfurlong. An English place-name, probably from bean ‘bean’ and furlong (in the sense of a division of a common field), the name being given to a strip of land usually reserved for beans. The name is now, and so is supposed to have been at that time in the Shire, without clear meaning. It is the name of Farmer Maggot’s farm. Translate as seems suitable, but some compound containing the word for ‘bean’ and that for ‘field, cultivated ground’ would seem desirable.”

[2] “This is represented as a hobbit alteration of the Elvish (Sindarin) Baránduin (stressed on the middle syllable). Since this is meant to have been intelligible at that time it should be translated by sense; but a difficulty arises, since it would be desirable that the translation should also be a possible corruption of Baránduin. The Dutch translation used Brandewijn; the Swedish missed the point, using Vinfluden, though Brännavin would have served. Danish Brendevin or German Branntwein would also do.”

[3]“See also Bree, an English place-name from a Celtic word for ‘hill’. Therefore retain Archet and Bree unaltered, since these names no longer have a recognized meaning in English. Chetwood is a compound of Celtic and English, both elements meaning ‘wood’; compare Brill, in Oxfordshire, derived from bree + híll.”

[4]“Breredon (Briar Hill) was a little village on rising ground behind the hythe, in the narrow tongue between the end of the High Hay and the Brandywine.” (ATB)

[5] Préface aux ATB, “Grindwall was a small hythe on the north bank of the Withywindle; it was outside the Hay, and was so well watched and protected by a grind or fence extended into the water.”

[6] “An old form of English marsh. Translate (using if possible a word or form that is understood but local or out of date).”

[7] “‘Rush-isle’; in origin a ‘hard’ among the fens of the Marish. The element -ey, -y in the sense ‘small island’ (= Swedish ö, Danish ø, OId Norse ey) is very frequent in English place-names.”

[8] “Withy- is not uncommon in English place-names, but -windle does not actually occur (Withywindle was modelled on withywind, a name of the convolvulus or bindweed). An invention of suitable elements in the language of translation would be desirable.” (GN)

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