
[5] |
The old year was turning brown; the West Wind was calling; Tom caught a beechen leaf in the Forest falling. ‘I’ve caught a happy day blown me by the breezes! Why wait till morrow-year? I’ll take it when me pleases. This day I’ll mend my boat and journey as it chances west down the withy-stream, following my fancies!’ |
L’an vieux virait au brun ; le Vent d’Ouest appelait ; Tom prit un’ feuille de bouleau dans la Forêt. « C’est un jour heureux que les brises m’ont soufflé ! Je le prendrai au plaisir, qu’attendre l’année ! Ce jour je répare ma barque, à l’hasardée, Je descendrai à l’ouest du cours bordé d’osier ! » |
Little Bird sat on twig. ‘Whillo, Tom! I heed you. I’ve a guess, I’ve a guess where your fancies lead you. Shall I go, shall I go, bring him word to meet you?’ |
Petit Oiseau sur sa branche l’avait épié : « Hé Tom ! Je sais, je sais où mènent tes idées ! Irai-je, irai-je lui dire de te croiser ? » |
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[10] | ‘No names, you tell-tale, or I’ll skin and eat you, babbling in every ear things that don’t concern you! If you tell Willow-man where I’ve gone, I’ll burn you, roast you on a willow-spit. That’ll end your prying!’ |
« Tais-toi donc, bavard, ou je te plume au dîner, Pour t’apprendre à jaser sans être concerné ! Si tu vas dire à l’Homme-Saule où j’ai été, Je te rôtis. Fini d’errer en furetant ! » |
[15] | Willow-wren cocked her tail, piped as she went flying: ‘Catch me first, catch me first! No names are needed. I’ll perch on his hither ear: the message will be heeded. “Down by Mithe”, I’ll say, “just as sun is sinking” Hurry up, hurry up! That’s the time for drinking!’ |
Le saulet s’ébroua, s’envola en pépiant : « Prends-moi d’abord, prends-moi d’abord ! Sans te nommer Je me percherai à son oreille : c’est assez. ‘Vers l’Aber’, je dirai, ‘quand le soleil se noie !’ Presse-toi, presse-toi ! Voici l’heure où l’on boit ! » |
[20] | Tom laughed to himself: ‘Maybe then I’ll go there. I might go by other ways, but today I’ll row there.’ |
Tom rit tout bas : « Là-bas ? Peut-être que j’irai. Je sais d’autres chemins, mais là, je ramerai. » |
He shaved oars, patched his boat; from hidden creek he hauled her through reed and sallow-brake, under leaning alder, then down the river went, singing: ‘Silly-sallow, Flow withy-willow-stream over deep and shallow!’ |
Il rapiéça sa toue, ponça ses avirons, La tira de sa crique entre l’aulne et les joncs Et suivit le ruisseau, chantant « Sotte oselière, En clapotis glougloutants coule la rivière ». |
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[25] | ‘Whee! Tom Bombadil! Whither be you going, bobbing in a cockle-boat, down the river rowing?’ |
« Eh ! Tom Bombadil ! Où t’en vas-tu comme ça, En ramant sur l’eau, tout secoué dans ta noix ? » |
[30] |
‘Maybe to Brandywine along the Withywindle; maybe friends of mine fire for me will kindle down by the Hays-end. Little folk I know there, kind at the day’s end. Now and then I go there’. |
« Du Tournesaules au Brandevin, ça se peut ; Des amis à moi pourraient m’allumer un feu Vers Fin-de-Clédal. J’y sais de petites gens, Gentils en fin de jour. J’y vais de temps en temps. » |
‘Take word to my kin, bring me back their tidings! Tell me of diving pools and the fishes’ hidings!’ |
« Passe le bonjour aux miens, dis-m’en quelques mots ! Parle-moi des coins à poissons et des trous d’eau ! » |
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‘Nay then,’ said Bombadil, ‘I am only rowing just to smell the water like, not on errands going’. |
« Que non ! » dit Bombadil. « Je ne fais que ramer Pour sentir l’eau, pas pour jouer au messager ! » |
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[35] | ‘Tee hee! Cocky Tom! Mind your tub don’t founder! Look out for willow-snags! I’d laugh to see you flounder’. |
« Ah ! Tom l’Effronté ! Prends garde à ne pas sombrer Sur ta noix ! Je rirais à te voir barboter ! » |
[40] |
‘Talk less, Fisher Blue! Keep your kindly wishes! Fly off and preen yourself with the bones of fishes! Gay lord on your bough, at home a dirty varlet living in a sloven house, though your breast be scarlet. I’ve heard of fisher-birds beak in air a-dangling to show how the wind is set: that’s an end of angling!’ |
« Tais-toi donc, Martin Bleu ! Garde tes vœux pour toi ! Envole-toi, prend une arête et lisse-toi ! Fier seigneur sur ta branche, mais vaurien au logis, Taudis souillon, même si ta gorge est rubis. On m’a dit que ton bec, on pouvait l’accrocher Pour voir où porte le vent : fini de pêcher ! » |
[45] |
The King’s fisher shut his beak, winked his eye, as singing Tom passed under bough. Flash! then he went winging; dropped down jewel-blue a feather, and Tom caught it gleaming in a sun-ray: a pretty gift he thought it. He stuck it in his tall hat, the old feather casting: ‘Blue now for Tom’, he said, ‘a merry hue and lasting!’ |
Martin ferma son bec, cligna l’œil ; Tom passa Sous sa branche en chantant. Flouff ! Lorsqu’il s’envola, Une plume bleu-joyau tomba ; Tom la prit, Brillante au soleil — c’est un cadeau bien joli ! — La piqua au chapeau, jetant la vieille au loin : « Du bleu pour Tom », dit-il, « un ton gai qui tient bien ! » |
[50] | Rings swirled round his boat, he saw the bubbles quiver. Tom slapped his oar, smack! at a shadow in the river. |
Des bulles roulèrent autour de son bateau. Tom fit claquer sa rame, spach ! sur l’ombre dans l’eau. |
‘Hoosh! Tom Bombadil! ‘Tis long since last I met you. Turned water-boatman, eh? What if I upset you?’ |
« Ouch là ! Tom Bombadil ! Un bail que ça faisait ! Dev’nu marin d’eau douce ? Et si j’te renversais ? » |
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[55] |
‘What? Why, Whisker-lad, I’d ride you down the river. My fingers on your back would set your hide a-shiver.’ ‘Pish, Tom Bombadil! I’ll go and tell my mother; “Call all our kin to come, father, sister, brother! Tom’s gone mad as a coot with wooden legs: he’s paddling down Withywindle stream, an old tub a-straddling!’” |
« Quoi ? Et bien, Moustachu, je te chevaucherais ! Et sous mes doigts le cuir de ton dos frémirait ! » « Pfuit, Tom Bombadil ! J’irai le dire à ma mère ; ‘Fais venir tous les nôtres, père, sœur et frère ! Tom est fou comme une foulque à jambe de bois Il descend le Tournesaules sur une noix !’ » |
[60] | ‘I’ll give your otter-fell to Barrow-wights. They’ll taw you! Then smother you in gold-rings! Your mother if she saw you, she’d never know her son, unless ‘twas by a whisker. Nay, don’t tease old Tom, until you be far brisker!’ |
« Aux Etres des Galgals je donnerai ta peau, Pour qu’ils te tannent et t’étouffent dans des anneaux ! Ta mère ne te reconnaîtra qu’à un tif. N’embête pas vieux Tom, à moins d’être plus vif ! » |
[65] |
‘Whoosh!’ said otter-lad, river-water spraying over Tom’s hat and all; set the boat a-swaying, dived down under it, and by the bank lay peering, till Tom’s merry song faded out of hearing. |
« Vouch ! » fit alors le loutron, faisant gicler l’eau sur Tom et son chapeau, et tanguer le bateau ; Il plongea par dessous et l’épia du talus Jusqu’à ce que son chant gai ne s’entende plus. |
[70] [75] |
Old Swan of Elvet-isle sailed past him proudly, gave Tom a black look, snorted at him loudly. Tom laughed: ‘You old cob, do you miss your feather? Give me a new one then! The old was worn by weather. Could you speak a fair word, I would love you dearer: long neck and dumb throat, but still a haughty sneerer! If one day the King returns, in upping he may take you, brand your yellow bill, and less lordly make you!’ Old Swan huffed his wings, hissed, and paddled faster; in his wake bobbing on Tom went rowing after. |
Vieux Cygne de l’Ile-aux-Elfes passa fiérot Près de Tom, nasilla fort, le lorgna de haut. Tom rit : « Eh, vieux jars, ta plume t’a tant manqué ? Donne-m’en une autre ! La vieille était toute usée. Une parole aimable et je t’aimerais mieux : Long cou, gorge muette, mais toujours dédaigneux ! Si un jour le Roi revient, il t’attrapera, Marquera ton bec jaune et moins fier te fera ! » Vieux Cygne siffla et précipita sa nage ; Tom le suivit, rebondissant dans son sillage. |
[80] |
Tom came to Withy-weir. Down the river rushing foamed into Windle-reach, a-bubbling and a-splashing; bore Tom over stone spinning like a windfall, bobbing like a bottle-cork, to the hythe at Grindwall. |
Tom parvint à Digue-d’osier. Au Bief-en-Claies, La rivière bouillonnait et éclaboussait ; Elle emporta Tom dans ses tourbillons Au môle de Murclaie, dansant comme un bouchon. |
[85] |
‘Hoy! Here’s Woodman Tom with his billу-beard on!’ laughed all the little folk of Hays-end and Breredon. ‘Ware, Tom! We’ll shoot you dead with our bows and arrows! We don’t let Forest-folk nor bogies from the Barrows cross over Brandywine by cockle-boat nor ferry’. |
« Ha ! Voilà Tom l’Homme des Bois, bouc au menton ! » Rirent ceux de Fin-de-Clédal et Breredon. « Gare à toi, Vieux Tom, on te tuera de nos traits ! Fantômes des Galgals ou gens de la Forêt, Nul ne passe le Brandevin, par bac ou noix ». |
[90] |
‘Fie, little fatbellies! Don’t ye make so merry! I’ve seen hobbit-folk digging holes to hide ‘em, frightened if a horny goat or a badger eyed ‘em, afeared of the moony-beams, their own shadows shunning. I’ll call the orks on you: that’ll send you running!’ |
« Fi, petits grassouillets ! Ne soyez pas en joie ! J’ai vu des Hobbits s’enterrer pour se cacher, Par peur d’un blaireau ou d’une chèvre encornée, Pour la lune ou leur propre ombre se mettre à fuir. ‘Vous enverrai les orques, ça vous fera courir ! » |
‘You may call, Woodman Tom. And you can talk your beard off. Three arrows in your hat! You we’re not afeared of! Where would you go to now? If for beer you’re making, the barrels aint deep enough in Breredon for your slaking!’ |
« Va ! Tu peux toujours causer, Tom l’Homme des Bois ! Trois flèches au chapeau, on n’a pas peur de toi ! Où tu vas ? Si c’est la bière qu’tu viens chercher Breredon n’en a pas assez pour t’étancher ! » |
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[95] | ‘Away over Brandywine by Shirebourn I’d be going, but too swift for cockle-boat the river now is flowing. I’d bless little folk that took me in their wherry, wish them evenings fair and many mornings merry’. |
« J’irai bien par la Rivière de la Comté, Mais le Brandevin devient par trop agité. Si les petites gens me faisaient traverser, Je leurs souhaiterais gais matins, belles soirées ! » |
[100] | Red flowed the Brandywine: with flame the river kindled, as sun sank beyond the Shire, and then to grey it dwindled. Mithe Steps empty stood. None was there to greet him. Silent the Causeway lay. Said Tom: ‘A merry meeting!’ |
Rouge coula le Brandevin ; il s’embrasa Comme le soleil sombrait au loin, puis grisa. Vides les Pas de l’Aber ; personne à saluer. « Bel accueil ! » dit Tom ; silence sur la Chaussée. |
[105] |
Tom slumped along the road, as the light was failing. Rushey lamps gleamed ahead. He heard a voice him hailing. ‘Whoa there!’ Ponies stopped, wheels halted sliding. Tom went plodding past, never looked beside him. |
Le soir tombait ; sur la route Tom s’embourba Les feux des Rouches luisaient. Quelqu’un le héla. « Ho ! » Des poneys s’arrêtèrent, des roues glissèrent. Tom alla ballant, sans un regard en arrière. |
[110] |
‘Ho there! beggarman tramping in the Marish! What’s your business here? Hat all stuck with arrows! Someone’s warned you off, caught you at your sneaking? Come here! Tell me now what it is you’re seeking! Shire-ale, I’ll be bound, though you’ve not a penny. I’ll bid them lock their doors, and then you won’t get any!’ |
« Hé là ! Qu’est-ce que tu fiches là, mendigot, Errant dans le Maresque, des flèches au chapeau ! Quelqu’un t’a pris à essayer de chaparder ? Viens ici ! Dis-moi donc ce que tu viens chercher ! La bière de la Comté, sûr, et sans un sou. Je leur dirai de ne rien te donner du tout. » |
[115] [120] |
‘Well, well. Muddy-feet! From one that’s late for meeting away back by the Mithe that’s a surly greeting! You old farmer fat that cannot walk for wheezing, cart-drawn like a sack, ought to be more pleasing. Penny-wise tub-on-legs! A beggar can’t be chooser, or else I’d bid you go, and you would be the loser. Come, Maggot! Help me up! A tankard now you owe me. Even in cockshut light an old friend should know me!’ |
« Bien, Boueux ! Pour un en retard au rendez-vous Au bord de l’Aber, voilà un accueil bien doux ! Tu devrais être plus poli, vieux gros fermier Balloté dans ta charrette et vite essoufflé. Grippe-sou, barrique ! Si je n’étais pas mendiant, Je te f’rais déguerpir et tu serais perdant ! Allez, Maggotte, tu me dois un pot. Hisse-moi ! Même à la brune tu devrais voir que c’est moi ! |
[125] |
Laughing they drove away, in Rushey never halting, though the inn open stood and they could smell the malting. They turned down Maggot’s Lane, rattling and bumping, Tom in the farmer’s cart dancing round and jumping. Stars shone on Bamfurlong, and Maggot’s house was lighted; fire in the kitchen burned to welcome the benighted. |
Riant, ils passèrent les Rouches sans délai, Même si le houblon à l’auberge embaumait, Prirent le Chemin de Maggotte, bringuebalant ; Tom dans la carriole dansait en bondissant. Les étoiles brillaient sur la Haricotière ; Un feu brûlait pour eux près de la cuisinière. |
[130] |
Maggot’s sons bowed at door, his daughters did their curtsy, his wife brought tankards out for those that might be thirsty. Songs they had and merry tales the supping and the dancing; Goodman Maggot there for all his belt was prancing, Tom did a hornpipe when he was not quaffing, daughters did the Springle-ring, goodwife did the laughing. |
Les enfants Maggotte vinrent les saluer, Sa femme apporta des pots pour les assoiffés. Ils eurent chansons, contes gais, souper et danse ; Le vieux Maggotte s’était bien rempli la panse, Tom joua une matelote et but sans répit Les filles dansèrent la gigue, l’épouse rit. |
[135] [140] |
When others went to bed in hay, fern, or feather, close in the inglenook they laid their heads together, old Tom and Muddy-feet, swapping all the tidings from Barrow-downs to Tower Hills: of walkings and of ridings; of wheat-ear and barley-corn, of sowing and of reaping; queer tales from Bree, and talk at smithy, mill, and cheaping; rumours in whispering trees, south-wind in the larches, tall Watchers by the Ford, Shadows on the marches. |
Quand d’autres se couchèrent dans foin ou fougère, Vers l’âtre Vieux Tom et le Boueux échangèrent Toutes les nouvelles, des Collines de la Tour Aux Hauts des Galgals : à pied, cheval, des parcours ; Semailles et moissons, épis de blé, grains d’orge ; Etranges dits de Bree, du moulin, de la forge ; Rumeurs d’arbres, vent du sud dans les mélézins, Grands Guetteurs vers le Gué, Ombres sur les Confins. |
[145] |
Old Maggot slept at last in chair beside the embers. Ere dawn Tom was gone: as dreams one half remembers, some merry, some sad, and some of hidden warning. None heard the door unlocked; a shower of rain at morning his footprints washed away, at Mithe he left no traces, at Hays-end they heard no song nor sound of heavy paces. |
Assis devant les braises, Maggotte s’endormit Tom était parti à l’aube, tel ces rêveries Gaies, tristes, parfois pleines d’un secret présage. Nul n’entendit la porte s’ouvrir ; son passage, Une pluie l’effaça vers l’Aber au matin. A Fin-de-Clédal, ni bruit de pas, ni refrain. |
[150] |
Three days his boat lay by the hythe at Grindwall, and then one morn was gone back up Withywindle. Otter-folk, hobbits said, came by night and loosed her, dragged her over weir, and up stream they pushed her. |
A Murclaie son bateau resta trois jours au môle, Avant de s’en retourner sur le Tournesaules. Selon les Hobbits, les loutres vinrent la nuit Le repousser en l’amont par-delà le duit. |
[155] [160] |
Out from Elvet-isle Old Swan came sailing, in beak took her painter up in the water trailing, drew her proudly on; otters swam beside her round old Willow-man’s crooked roots to guide her; the King’s fisher perched on bow, on thwart the wren was singing, merrily the cockle-boat homeward they were bringing. To Tom’s creek they came at last. Otter-lad said: ‘Whish now! What’s a coot without his legs, or a finless fish now?’ O! silly-sallow-willow-stream! The oars they’d left behind them! Long they lay at Grindwall hythe for Tom to come and find them. |
Sortant de l’Ile-aux-Elfes, Vieux Cygne vint, fiérot, Pris dans son bec l’amarre qui traînait dans l’eau et la tira ; les loutres, qui nageaient derrière Dans les racin’ de l’Homme-Saule le guidèrent ; Martin Pêcheur en proue, Saulet chantant au banc, Ils ramenèrent le rafiot joyeusement A la crique de Tom. Mais le loutron dit : « Heu ? Est-ce un’ foulque sans pattes, ou un poisson sans queue ? » O ! Sotte oselière ! Les avirons ! Oubliés ! Ce fut long avant que Tom vienne les chercher. |
Saulet et clapotis
Avant de m’attacher aux toponymes, je voudrais développer ici trois points de traductions, assez courts mais qui, selon moi, valent d’être présentés.
Tout d’abord, la question du willow wren du vers 14 :
Willow wren cocked her tail, piped as she went flying: |
Le saulet s’ébroua, s’envola en pépiant : |
Voici la définition de willow wren selon le Webster :
Willow warbler (Zool.), a very small European warbler (Phylloscopus trochilus); — called also bee bird, haybird, golden wren, pettychaps, sweet William, Tom Thumb, and willow wren. [1913 Webster]
Le phylloscopus trochilus a pour nom français pouillot fitis, un petit passeridé comme le sont moineaux (sparrow en anglais), roitelets (wren) ou troglodytes (wren). En fait, les noms vernaculaires anglais, tout du moins en ce qui concerne le wren, semblent peu soucieux du classement ornithologique et désigner un peu toute sorte de petit passereau. Seulement, il y avait ici la mention du saule (willow) qui n’était certainement pas innocente. Or, en traduisant willow wren par pouillot fitis, on perd l’idée saulaire, à mes yeux capitale. J’avais utilisé dans mes premières traductions le terme de roitelet des saules, mais la formule est un peu longue. Et puis un jour, je suis tombée sur le terme saulet, dans le Robert historique de la langue française (je souligne) :
SAULE n.m. est issu (v. 1215) du francique °salha (et: allemand Salweide, anglais sallow). Le mot a supplanté sauz (Xie s.), saulx (1420) encore relevé en 1671, issu du latin salix (-> salicaire). Le mot germanique et le mot latin reposent sur la même racine. […]
En dérivent: SAULAIE n. f. (1277), variante soloié (1328) qui a éliminé sauçai, sauçoie (XIIIe s.), dérivé de sauz. SAULET n. m. (1791). régional, est le nom d’un moineau qui vit dans les saules. […]
Dans le Larousse encyclopédique en 10 volumes de 1964, le terme « saulet » est encore connu (ce n’est plus le cas dans les éditions récentes), et il s’agit plus précisément du « nom donné au moineau friquet, parce qu’il se plaît dans les saules ». Voilà qui était tout indiqué ! Sauf qu’il s’agissait d’un moineau, non d’un pouillot. Cependant, ces considérations n’empêchent pas de considérer le saulet comme un « tout petit oiseau dans les saules » selon l’expression de Jérôme Sainton, du fait du diminutif –et. Dès lors, il semble que c’est ce qui a primé dans le choix de l’expression willow wren par l’auteur du poème… et par conséquent, c’est ce qui a primé pour ma traduction.
L’autre point concerne les vers 23 et 24 :
[…] ‘Silly-sallow, Flow withy-willow-stream over deep and shallow!’ |
[…] « Sotte oselière, En clapotis glougloutants coule la rivière » |
Pour ces vers-là, nous avons non tant un non-sens (littéralement, cela signifierait approximativement « Sot saule, coule courant ensaulé méandreux par trous d’eau et bas-fond »), mais un jeu de sonorité très important ; le point capital était donc de rendre non le sens, mais l’effet clapotant d’un cours d’eau méandreux. C’est ce qu’avait tenté de faire Dashiel Hedayat dans la première traduction française (« Elle coule coule lentement, elle glouglo[u?]tte goulûment / La glauque eau gluante de la grande rivière. »), mais son choix de sons en /g/ produit un effet glauque et désagréable en français, qui ne convient guère. Cependant il n’avait pas manqué le fait que c’étaient les sons qui étaient importants, et j’ai moi aussi voulu les mettre en valeur.
Enfin, au vers 132 :
daughters did the Springle-ring, […] |
Les filles dansèrent la gigue […] |
Le Springle-Ring est une danse maintenant inconnue, bondissante et énergique. Il n’existe pas de traduction française terme à terme, mais le terme générique de gigue semble correspondre.
Remarques sur la traduction des toponymes
Ce deuxième poème décrit de nombreux lieux le long du Tournesaules, lieux dont la traduction française varie suivant les sources (la carte de la Comté, Le Seigneur des Anneaux, Les Aventures de Tom Bombadil traduites par Dashiell Hedayat ou par Céline Leroy dans la nouvelle édition). Le but de ma traduction étant le plaisir de manier les mots, je me suis allègrement permise de retraduire à ma façon les noms dont le rendu officiel ne me paraissait pas adéquat — à moins qu’ils n’apparaissent ailleurs que dans les Aventures de Tom Bombadil, auquel cas j’ai laissé la traduction officielle : ces noms étant plus courants, et surtout bien tournés, il ne m’a pas paru nécessaire d’y retoucher, d’autant que cela pouvait égarer le lecteur. Cependant, pour ceux qui ont été recomposés, il ne s’agissait pas de n’obéir qu’à ma fantaisie : là aussi, il fallait traduire au plus près le sens, et l’esprit, de façon à ce que les toponymes soient aussi probables en français qu’ils le sont en anglais. Tolkien, qui a étudié de près la toponymie de la Terre du Milieu , a parfois exprimé ses désirs quant à la traduction de certains noms dans le Guide to the Names (noté GN par la suite), ce dont il fallait aussi tenir compte.
Les excellentes Promenades dans la Comté de Jean-Rodolphe Turlin, arpenteur de sentiers tant que de mots, m’ont été particulièrement utiles, notamment la première dans le Maresque et la septième au Pays-de-Bouc. Les toponymes sont ici classés par ordre alphabétique, les vers dans lequel ils apparaissent sont signalés entre crochets.
Bamfurlong